فدوى فريق العمـــــل *****
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الموقع : رئيسة ومنسقة القسم الانكليزي تاريخ التسجيل : 07/12/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 7
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Selon qu'on met l'accent sur la force, sur le droit ou sur la légitimité, l'étude de l'État est susceptible d'être conduite suivant trois approches très différentes : sociologique, juridique, ou philosophique. Y aurait-il donc autant d'États qu'il y a de manières de l'observer ? Le juriste Georges Burdeau le constatait déjà dans la notice qu'il consacra à ce sujet dans la première édition de cette encyclopédie. Mais aujourd'hui, c'est probablement moins la diversité des définitions de l'État qui est problématique que sa possible disparition. À l'heure de la mondialisation et de la construction européenne, on ne compte plus les livres ou les articles qui évoquent la fin prochaine de l'État. Celui-ci serait une forme du pouvoir politique dépassée, parce qu'adossée à la nation, elle-même devenue obsolète en raison de l'influence croissante des puissances économiques et financières. La thèse n'est cependant pas entièrement nouvelle. En 1941, le juriste allemand Carl Schmittdiagnostiquait déjà la mort de l'État, considérant que celui-ci avait perdu le monopole du politique à l'intérieur de ses frontières et n'était plus le pilier de l'ordre international. Plus récemment, une sociologue américaine, Sasskia Sassen, a interprété la mondialisation et ses ravages comme la manifestation tangible de l'effacement de l'État : celui qui avait réussi à produire « l'assemblage du national », serait menacé par son « désassemblage », résultat des formes modernes du capitalisme. Il serait devenu une puissance impuissante face aux nouvelles formes de pouvoir prises par l'économie mondiale. On ne compte plus, par ailleurs, les essais dans lesquels est annoncé le dépérissement « par en bas » de l'État, c'est-à-dire par les processus de décentralisation et de régionalisation, même si l'on parle, non sans paradoxe, d'un « État régional ».Malgré tous ces pronostics pessimistes, l'État, ce « monstre froid », selon le mot de Nietzsche, n'est pas encore mort, même s'il n'est plus triomphant. Il n'y a pour l'instant pas d'autre institution qui soit propre à le remplacer. Le Jacques Chevallier peut affirmer, non sans raison, que l'État « demeure aujourd'hui le principe fondamental d'intégration des sociétés et le lieu privilégié de formation des identités collectives ». D'ailleurs, une preuve empirique récente de cette persistance du fait étatique ne réside-t-elle pas dans le nombre d'États qui se sont formés après l'éclatement de l'Union soviétique et de la fédération yougoslave ? N'est-il pas en outre significatif que les trois petites nations baltes aient choisi la forme de l'État unitaire plutôt que la forme fédérale ?Il reste que le concept d'État doit être analysé correctement. Il sera abordé ici à partir du droit. Rappelons que, en tout cas depuis les travaux de Max Weber (1864-1920), unesociologie de l'État existe aussi. Les progrès de cette discipline ont montré, notamment en France à partir des travaux de Pierre Birnbaum et de Bertrand Badie, que le fait étatique est une variable indépendante qui peut expliquer quantité d'autres faits sociaux (importance de l'anarchisme dans les sociétés à État fort, importance des grands corps administratifs, etc.). Mais nous nous attacherons à une explicitation de ce concept dans son seul aspect juridique, avec la conviction qu'elle peut servir aux autres sciences sociales. En effet, on ne peut pas simplement définir l'État comme une entité géopolitique délimitée par des frontières territoriales, à l'intérieur desquelles des lois s'appliquent et des institutionsexercent l'autorité. Nous tenterons donc de montrer que la notion d'État, spécifiquement juridique, est à la fois plus riche et plus complexe. Au préalable, il convient de souligner que l'État est aussi et d'abord un produit historique.1. Un concept né en EuropeMême s'il s'est universalisé, l'État est un concept profondément européen ; de très nombreux travaux ont démontré qu'il est le produit d'une histoire particulière. Les recherches d'historiens tels que Joseph Strayer (1904-1987) ont révélé les origines médiévales de l'État (expansion du commerce, de la guerre et de l'impôt, etc.). Elles ont permis également d'étudier les différents acteurs qui ont contribué à sa genèse (dynasties royales, juristes de cour, bourgeoisie patricienne, etc.). L'État est, au premier chef, une construction juridique, une invention de juristes. Autrement dit, les origines intellectuelles de l'État se trouvent dans le droit. Carl Schmitt a su exprimer en termes imagés cette naissance de l'État. « Nous sommes conscient, écrit-il, que la science juridique est un phénomène spécifiquement européen. Elle n'est pas seulement de l'intelligence pratique ou de l'artisanat. Elle est profondément enfouie dans l'aventure du rationalisme occidental. Elle prend sa source dans l'esprit de deux vieux parents. Son père est le droit romain ressuscité, sa mère l'Église romaine. La séparation d'avec la mère a été, après plusieurs siècles de durs affrontements, finalement accomplie lors des guerres civiles confessionnelles. L'enfant s'accrocha à son père, le droit romain, et abandonna la maison de la mère. Il chercha un nouveau foyer et le trouva dans l'État. La nouvelle maison était princière, un palais de la renaissance ou du baroque. Les juristes se sentaient fiers et de loin supérieurs aux théologiens. » L'État vient ici remplacer l'Église comme lieu d'identification collective et se situe, depuis lors, toujours en concurrence avec le pouvoir spirituel qu'il a voulu, en tant que pouvoir temporel, supplanter.Une courte enquête sémantique n'est pas inutile pour mieux comprendre les origines du mot. État vient du mot latin status, ce qui explique son homogénéité étymologique dans l'espace européen qui a connu la domination du christianisme latin (alors qu'il est désigné sous l'antique nom de kratos chez les Grecs). Au Moyen Âge, le terme status n'est jamais employé seul pour désigner une entité politique : il est toujours accompagné d'un attribut, par exemple status civitatum, status nobilitatis, status reipublicae. Les usages médiévaux du terme ou de ses multiples dérivés en langue vulgaire (estat, estado, stato) renvoient ainsi à d'autres réalités, à des différences de condition fondées sur la distinction des fonctions spirituelles et temporelles, sur le rang social, le rôle politique (les estats généraux), etc. Comment est-on alors passé, en quelques siècles, de ces multiples formes composées de status à l'expression et à l'idée moderne d'État, avec en outre le privilège de la majuscule qui le singularise ? Il est probable que Nicolas Machiavel a donné au mot ses lettres de noblesse – ou d'infamie ? – en attribuant une signification générique au mot italien stato. Dès la première phrase de son fameux essai, Le Prince, il semble définir le stato comme étant l'unité politique moderne : « Tous les états, toutes les seigneuries qui ont eu ou ont commandement sur les hommes, ont été ou sont soit des républiques soit des principautés. »L'implantation du mot a d'abord été assez lente et a pris des voies diverses suivant les pays. En France, le mot État demeure largement inconnu au XVIe siècle : c'est le mot deRespublica qui est d'usage. C'est ce dernier terme que le juriste Jean Bodin utilise pour intituler sa somme politique, Les Six Livres de la République (1576), que l'on considère souvent comme le premier véritable traité sur l'État. La situation est donc paradoxale : si Machiavel use le premier du terme dans son sens moderne (forme impersonnelle du pouvoir organisé sur un territoire), Bodin, inventeur de la notion de souveraineté qui est la marque caractéristique de l'État, ignore le mot. Dans la doctrine savante française, le mérite d'avoir associé les deux termes souveraineté et État revient, semble-t-il, au juriste Charles Loyseau, dans son Traité des Seigneuries publié en 1608. Dès lors, le terme État est officiellement reconnu en France.L'étude des progrès de l'implantation géographique du mot révèle des zones de forte résistance comme en Angleterre et dans les pays de langue anglaise, où l'on préférera pendant très longtemps user du mot ancien Commonwealth, où le mot État (state) n'a non seulement jamais pris de majuscule mais n'a jamais réussi à s'imposer exclusivement, restant aujourd'hui encore souvent concurrencé par d'autres mots (government, Crown, etc.). En terres germaniques, le mot État fut longtemps vide de sens dans ce vaste espace où continuaient à dominer en s'imbriquant les concepts médiévaux d'empire (Reich), de fédération (Bund), de principauté (Fürstentum) et de ville libre (Freistadt). Ces mots servirent à désigner ce que, en France, on appelait déjà l'État. Au cours du XXe siècle, avec la décolonisation, l'introduction du concept d'État dans les pays nouvellement devenus indépendants est comparable à une greffe qui a plus ou moins réussi, selon les cas.Dans une perspective historique, l'avènement de l'ère de l'État, à partir du XVIIe siècle, signifie que ce nouvel ordre politique se substitue à l'ordre féodal qui disparaît, qu'il succède également aux cités, au sens antique, ou villes, au sens moderne (Venise, Gênes, Bruges, Hambourg...). Sa domination insolente témoigne d'un processus d'extension territoriale et de concentration du pouvoir qui réduit à la portion congrue les formes concurrentes que sont, d'une part, la fédération, et, de l'autre, l'empire territorial. Il désigne désormais, comme l'a joliment écrit le juriste allemand Herbert Krüger, « une réponse historique à un problème intemporel ». Ce problème est celui de la conciliation à opérer entre l'autorité et la liberté. Le propre de l'État est de constituer un nouveau mode d'agencement du pouvoir caractérisé par une très forte abstraction et par une grande souplesse d'adaptation dans la mesure où il est compatible avec de multiples formes degouvernement.2. Théorie de l'ÉtatL'État apparaît non seulement comme un pouvoir souverain et institutionnalisé, mais aussi comme une organisation qui permet aux individus de vivre ensemble, qui les soude dans une collectivité politique. C'est ce triptyque qu'il convient maintenant de décrire. • Un pouvoir souverainSi l'on peut définir l'État comme un « mode particulier d'organisation politique », c'est par sa souveraineté, qui lui confère, en même temps que son critère, son principe d'unité d'action. La souveraineté exprime l'idée d'un pouvoir de commander que détient un État et qu'il détient seul. En tant que pouvoir spécifique, elle évoque la qualité d'un pouvoir suprême à l'intérieur de son ressort (souveraineté interne) et ne connaissant que des égaux hors de son ressort (souveraineté internationale). Inventée par Jean Bodin dans sesSix Livres de la République, elle constitue une théorie juridique du pouvoir. Ce pouvoir souverain se distingue des autres pouvoirs – publics ou privés – par le fait que la souveraineté est définie juridiquement comme le pouvoir de « donner et casser la loy », c'est-à-dire de créer et recréer un droit écrit désormais contrôlé par le souverain et imputé à cet être abstrait qu'on appelle l'État. Il en résulte que le pouvoir politique peut réagir aux circonstances ou anticiper l'avenir grâce à la technique de la loi qui ordonne, interdit ou permet, et qui par là même guide le comportement des acteurs. À l'origine, la souveraineté législative des Temps modernes repose sur l'idée que l'État va pouvoir imposer sa volonté à la « société civile » qu'il contribue à faire naître. Du point de vue de la technique institutionnelle, le grand apport de la souveraineté consiste à penser l'indivisibilité du pouvoir. Imputé d'abord à une seule autorité – le Prince (ou ses subordonnés) – le pouvoir devient un faisceau indivisible de compétences ou encore un ensemble indivis des droits de puissance publique. La souveraineté devient synonyme de puissance publique. Bien qu'il semble diviser la souveraineté en énumérant dix « marques de souveraineté », Bodin a réussi à unifier les compétences étatiques en les subsumant sous la catégorie de la puissance de donner la loi. Au moyen d'un acte juridique – la loi entendue au sens large chez Bodin –, l'État peut décider de la guerre ou de la paix, de lever et requérir des impôts, etc. Progressivement, ce pouvoir suprême de décision ne sera plus imputé à une ou des personnes physiques, monarque ou conseil souverain, mais à une personne abstraite, l'État, dont le souverain n'est que le représentant.Telle est la face dite « interne » de la souveraineté. Mais l'État est aussi tourné vers l'extérieur : il est considéré comme une puissance indépendante des autres États parce qu'il est souverain. Selon cette logique de la souveraineté « externe », il obéit non plus à un principe de commandement, mais au principe de consentement ou de coopération. Les relations entre les États ne relèvent pas d'une logique relevant du rapport commandement-obéissance, mais d'une logique d'égalité. L'antique ius gentium des Romains (droit applicable aux étrangers dans l'Empire) s'est ainsi transformé en droit international public, dominé par les deux catégories du traité ou de la coutume. Ce bref aperçu indique la profonde différence séparant la souveraineté interne et la souveraineté externe. Alors que la première se manifeste par des actes unilatéraux traduisant un rapport de subordination entre le souverain et les sujets, la seconde consiste positivement en actes juridiques bilatéraux ou plurilatéraux (traités, coutumes) requérant le consentement des puissances souveraines concernées par ces actes et négativement en une prohibition de toute intervention en territoire souverain étranger. La notion de souveraineté est donc caractérisée par une dissymétrie : elle est absolue dans sa sphère interne, et relative dans sa sphère externe, où elle rencontre son alter ego, la souveraineté de l'autre État. La souveraineté interne et la souveraineté internationale forment donc un seul et même système. L'État est donc une sorte de Janus institutionnel : tourné vers l'intérieur, il est une puissance de domination irrésistible, mais tourné vers l'extérieur, c'est-à-dire vers les autres États, il est certes une puissance qui peut le cas échéant recourir à la force, ce moyen ultime étant par ailleurs de plus en plus limité par le droit international.Grâce à la souveraineté, le pouvoir d'État a pu être défini par le juriste allemand Hermann Heller comme « unité de décision et d'action ». Bien que contestée, cette idée structure encore la perception de l'État, et tous les auteurs qui ont voulu nier l'idée de souveraineté ont été contraints de la réintroduire sous d'autres vocables. Par exemple, quand Max Weber définit l'État comme le groupement qui a « le monopole de la violence physique légitime », il use d'une périphrase dont le grand succès ne doit pas cacher que c'est un autre moyen de décrire la souveraineté de l'État et sa capacité à exproprier les puissances privées de leur ancien droit de domination. En effet, le philosophe du droit Alexandre Passerin d'Entrèves l'a souligné, il existe une « logique de la souveraineté ». Cette logique implique non seulement la concentration du pouvoir comme on l'a vu plus haut, mais aussi la démultiplication du pouvoir étatique grâce à laquelle le monopole de commandement au profit des instances étatiques est conservé. Cette logique est celle du principe hiérarchique et suppose un rapport de subordination entre le souverain (commandant suprême), et ses « magistrats », ses agents chargés de l'appliquer. L'État est donc composé non seulement des gouvernants, mais aussi des fonctionnaires et agents publics qui exécutent les décisions politiques. Autrement dit, l'État, lorsqu'il se présente aux yeux des individus, apparaît le plus souvent sous l'aspect d'une administration. C'est grâce à celle-ci qu'il peut agir, le plus concrètement, à l'égard des individus rassemblés sur son territoire. L'historien du droit Paolo Napoli a souligné qu'on ne peut comprendre l'État si l'on ignore que la souveraineté serait ineffective sans la police qui, au sens large, rassemble toutes les manières dont l'État particularise et concrétise son action interne. | |
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السبت فبراير 13, 2016 2:12 pm من طرف فدوى