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  Décrire la dynamique des modèles neurobiocognitifs

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04122010
مُساهمة Décrire la dynamique des modèles neurobiocognitifs

Pour résoudre ce paradoxe de la modélisation procédurale et de la dynamique réelle des réseaux neuronaux, il ne suffit plus d’en rester à une théorie de la conversion informationnelle telle qu’elle s’était formulée dans la neurophilosophie churchlandienne autour de la théorie des tenseurs. La naturalisation du cerveau dans le connexionisme pose le problème 18 de l’interaction entre l’épistémologie de la physique et celle de la biologie : le défaut de la première n’est pas tant de maintenir le cerveau dans une description mécanique et fixiste 19 que d’isoler les processus mentaux dans des procédures logiques et informatiques. Il n’y a pas de mouvement des modèles dans les neurosciences, non seulement en raison de l’importation et de l’exportation des modèles, mais en raison aussi de l’objet même : le cerveau en lui-même est en mouvement et en recomposition dynamique au fur et à mesure des interactions avec le monde. Il convient donc de définir les modèles du mouvement cérébral.

  • 18 . W. Bechtel, « What Should a Connectionist Philosophy of Science Look Like ? », Ed. R. N. McCauley,(...)
  • 19 . M. Bitbol, Physique et Philosophie de l’esprit, Paris, Flammarion, 2000, p. 167.


  • 20 . G. Canguilhem, G. Lapassade, J. Piquemal, J. Ulmann, Du développement à l’évolution au xixe siècle(...)
  • 21 . S. F. Gilbert Ed, A Conceptual History of modern Embryology, New York, Plenum Press, 1991.
  • 22 . A. Prochiantz, La Construction du cerveau, Paris, Hachette, 1989.
  • 23 . D. Lecourt, « Introduction », à A. Prochiantz, La Construction du cerveau, Paris, Hachette, 1989,(...)

34Le mouvement des modèles en neurosciences aura été introduit par l’intermédiaire du concept de développement au xixe 20 mais surtout au début du xxe siècle sous l’impulsion de l’embryologie expérimentale 21. Mais les modèles du mouvement cérébral ne se réduisent pas au seul concept de développement mais ont pu trouver dans les concepts de plasticité, d’individuation, d’induction neurale, de construction du cerveau 22, d’épigenèse, et de neurogenèse les moyens d’une modélisation dynamique du cerveau. Une nouvelle convergence de disciplines a pu se constituer au cours du xxe siècle entre la chimie, la biologie moléculaire, la neurophysiologie et l’embryologie au point que l’on puisse parler non plus de révolution épistémologique mais de « révolution neurologique » 23 : la révolution neurologique indique les mouvements internes et interactifs du cerveau tant dans sa morphogenèse, son épigenèse que sa neurogenèse.


  • 24 . M. Peschanski, Le Cerveau en quatre dimensions, Paris, Hachette, 1993, p. 25-39.
  • 25 . J.-P. Changeux, Molécule et mémoire, Éd. D. Bedou, 1988, p. 79.
  • 26 . M. Jeannerod, Le Cerveau machine, Physiologie de la volonté, Paris, Fayard, 1983.

35Ces modèles du mouvement en neurosciences étudie, par exemple, le monde mouvant du cortex cérébral 24 autorise la description de la temporalité, le rythme et la morphogenèse non plus d’un point de vue externe au cerveau mais à l’intérieur même de l’organisation et de la régulation de l’activité des structures et des réseaux. L’apprentissage et la mémoire d’une part, et la perception d’autre part sont devenus les objets même de ces modèles du mouvement remplaçant ainsi la géométrie phrénologique par une topologie de réseaux 25. Mais cette topologie n’est pas mécanique au sens cartésien du terme, elle est motrice : l’action est une force d’auto-organisation du cerveau ; ce modèle du cerveau-machine 26 aura été compris dans un premier temps comme un mode de fonctionnement réflexe avant que la réaffirmation dans les années 1950 de l’autonomie physiologique ne modélise la motricité spontanée comme celle d’un cerveau en interaction structurante avec son environnement.
5. La philosophie des modèles du mouvement cérébral


36Le cerveau vivant est donc en action. Les images du développement cérébral 27 démontrent une évolution du traitement sensoriel avec l’âge et donc la nécessité d’une modélisation dynamique de la plasticité et de la régulation des réseaux neuronaux. Pour autant cette modélisation prend des formes différentes dès lors que l’on étudie plutôt l’individuation temporelle dans la neurophilosophie du rêve 28, l’énaction de la neurophénoménologie 29 ou le mouvement neurocognitif 30.

  • 27 . G. Dehaehe-Lambertz, « Images du développement cérébral », dans Éd. S. Dehaene, Le Cerveau en acti(...)
  • 28 . C. Debru, 1990, p. 153.
  • 29 . F. J. Varela, « Neurophenomenology A Methodological Remedy for the Hard Problem », J. Cons. Studie(...)
  • 30 . A. Berthoz, Le Sens du mouvement, Paris, Odile Jacob, 1997 ; M. Jeannerod, The cognitive neuroscie(...)


37Le modèle de l’individuation est le premier en neurophilosophie à s’éloigner de la version éliminativiste en démontrant la question du temps cérébral dans ses dimensions ontogénétique et epigénétique.
38Trois thèses s’affrontent à propos de la fonction du sommeil paradoxal :

  • 31 . F. Crick et G. Mitchison, 1983.

39– Le sommeil paradoxal joue un rôle dans les processus d’oubli ou de désapprentissage 31.


  • 32 . F. Roffwarg, J. N. Muzio et W.C. Dement, 1966.

40– Sommeil paradoxal et ontogenèse. Hypothèse sur les fonctions du sommeil paradoxal dans le développement ontogénétique 32.


  • 33 . M. Jouvet, 1967.

41– Le rêve constitue le moment privilégié de l’interaction entre les événements épigénétiques et des schèmes génétiquement programmés de comportements instinctuels. Programmation itérative génétique 33.


  • 34 . M. Jouvet, 1992, p. 171.

42La thèse privilégiée ici est celle du sommeil paradoxal comme gardien de l’individuation psychologique 34. Le sommeil paradoxal fut découvert par Michel Jouvet en 1959, et vint ainsi s’opposer à la conception de l’école de Chicago qui assimilait le rêve à un demi-sommeil intermédiaire entre le sommeil profond et l’éveil. Ayant commencé ses premiers travaux par l’étude de la plasticité cérébrale, des phénomènes de conditionnement et d’attention, M. Jouvet séjourne un an, en 1955, dans le laboratoire du Professeur Horace Magoun à Los Angeles qui étudiait le déterminisme des divers états électroencéphalographiques de vigilance et d’attention. En 1956, il fait paraître Étude électroencéphalographique de l’établissement des liaisons temporaires dans le système nerveux central (Lons-le-Saunier, imprimerie Maurice Declume). En 1962, M. Jouvet remarqua que ses chats, lorsqu’ils s’ennuyaient et tombaient dans le sommeil, perdaient leur tonus musculaire. Cette atonie musculaire, causée par l’inhibition spontanée du pont du tronc cérébral que, en 1962, M. Jouvet reconnu comme étant le centre cérébral du sommeil cérébral. En travaillant sur le conditionnement, M. Jouvet démontre comment l’étape d’attention correspond à la transmission facilitée des signaux et à la réaction l’éveil cortical (activation de l’EEG).


  • 35 . J. A. Hobson, Le Cerveau rêvant, [1988], Paris, Gallimard, 1992, p. 185.

43Le caractère paradoxal provient donc, dans cette phase, de la coexistence d’une activité cérébrale rapide et de la disparition totale du tonus musculaire. Selon M. Jouvet, l’augmentation du sommeil paradoxal est en relation avec la maturation du cerveau. Ainsi plus un mammifère nouveau-né est immature, plus le temps occupé par le sommeil paradoxal est important : 50 % à 60 % de la durée du sommeil pour un nouveau-né humain. Les périodes de sommeil paradoxal ont une durée de 6 minutes et surviennent toutes les 25 minutes au cours du sommeil. J. A. Hobson précise la modification de paradigme effectuée par Michel Jouvet : « En lisant l’article de Dement, écrit en 1958, sur le sommeil paradoxal des chats, Jouvet saisit immédiatement la signification de ce que Michel et lui avaient observé. Dans cet exemple classique de changement de paradigme (changement dans la manière dont un chercheur envisage ses résultats), Jouvet fut capable de passer du point de vue de l’apprentissage (transformations suscitées par des stimuli expérimentaux) à celui du changement d’état endogène et cyclique qui décide de la facilité de l’animal à lui répondre. Autrement dit, il est passé du paradigme du réflexe (stimulus-réponse) au paradigme de l’état » 35.


  • 36 . M. Jouvet, 1992, p. 201.
  • 37 . C. Debru, « Cerveau et temporalité », Revue Internationale de Philosophie 3, 1999, p. 289.
  • 38 . C. Poirel, Le Cerveau et la Pensée. Critique des fondements de la neurophilosophie, Paris, L’Harma(...)

44Ce changement de paradigme, ou selon l’expression même de M. Jouvet « l’effondrement des paradigmes » 36, indique combien l’électrophysiologie du rêve constitue une rupture par rapport à la notion mécanique de réflexe. Les différences de niveaux décrivent les variations d’intensités des états successifs. Rêver devient une activité physiquement diagnosticable par le moyen de l’enregistrement de la correspondance entre onde et état. En mettant l’accent sur le concept de temporalité 37, ces recherches renouvellent la modélisation du cerveau en action : la conscience est temporelle car modifiée sans cesse dans son organisation et dans sa forme. Sans forcément adhérer à une rythmologie psychologique 38, le décours temporel de l’activité physiologique et psychologique produit des modèles plutôt qu’à des allégories.


  • 39 . F. J. Varela, « Neurophenomenology A Methodological Remedy for the Hard Problem », J. Cons. Studie(...)
  • 40 . F. J. Varela, E. Thompson, E. Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit. Sciences cognitives et(...)
  • 41 . F. Varela, ibid., p. 235.

45Dans un deuxième courant, la neurophénoménologie 39 propose une voie moyenne : elle étudie la cognition non comme une reconstitution d’un monde extérieur prédonné (réalisme) ou une projection d’un monde intérieur prédonné (idéalisme). La cognition est pour lui une action incarnée : « Par le mot incarnée, nous voulons souligner deux points : tout d’abord, la cognition dépend des types d’expériences qui découlent du fait d’avoir un corps doté de diverses capacités sensori-motrices, en second lieu, ces capacités individuelles sensori-motrices s’inscrivent elles-mêmes dans un contexte biologique, psychologique et culturel plus large » 40. Trouvant le lien, si recherché par Maurice Merleau-Ponty entre biologie et phénoménologie, l’enaction démontre comment les structures cognitives émergent des schèmes sensori-moteurs récurrents qui guident l’action par la perception. La séparation entre motricité et perception conduit à une description des mécanismes cérébraux et à une interprétation, nous l’avons vu, neurocomportementale. Ainsi le point de référence de la perception n’est plus un monde prédonné mais « la structure sensori-motrice du sujet (la manière dont le système nerveux relie les surfaces sensorielles et motrices). C’est cette structure – la façon dont le sujet percevant est inscrit dans un corps –, plutôt qu’un monde préétabli, qui détermine comment le sujet peut agir et être modulé par les événements de l’environnement » 41. L’organisme devient tout entier perceptif sans que cela produire une connaissance fausse ou une illusion.


  • 42 . F. J. Varela, Autonomie et Connaissance. Essai sur le Vivant [1980], Paris, Seuil, 1989, p. 62.
  • 43 . F. J. Varela, « The Specicus Present A Neurophenomenology of Time Consciousness », J. Petitot, F.(...)
  • 44 . B. Pachoud, « The Teleogical Dimension of Perceptual and Motor Intentionality”, dans J. Petitot, F(...)
  • 45 . J.-L. Petit, 1997, p. 449.

46L’inscription corporelle de l’esprit doit non seulement prendre en compte l’enaction, mais aussi l’individuation de la chair. L’individu se construit par son individuation. La différence entre l’enaction (action incarnée) et l’individuation de la chair est de point de vue : comment les structures cognitives permettent-elles ou non au sujet de percevoir ses incorporations constitutives ? L’individu, dans la phénoménologie biologique, est autopoiétique ou du moins est sous l’influence des conséquences de l’autopoièse 42. L’étude phénoménologique 43 est aussi énactive : ainsi la perception relève d’un neurodynamisme dont l’intensité définit les contenus subjectifs. La perception des mouvements visuels pose le problème 44 de la détermination des sensations cinétiques. Car la pertinence neurophysiologique de la phénoménologie 45 ne conduit pas exclusivement à une neurophénoménologie mais à une relecture de Husserl sur les bases d’une description cognitive de la phénoménologie de la conscience.


  • 46 . C. Pociello, La Science en mouvements. Étienne Marey et Georges Demeny (1870-1920), Paris, PUF, 19(...)
  • 47 . A. Berthoz, Le Sens du mouvement, op. cit., p. 57.
  • 48 . J. D. Vincent, « Fabrique de l’homme », dans L. Ferry, J. D. Vincent, Qu’est ce que l’homme ? Sur(...)
  • 49 . P. Buser, Cerveau de soi, cerveau de l’autre. Neurobiologie, Conscience et Inconscient, Paris, Odi(...)

47Dans un dernier courant, celui du mouvement neurocognitif proprement dit prouve combien le mouvement des modèles est bien la conséquence épistémologique de l’élaboration de modèles du mouvement 46. La biomécanique, inventée par Étienne Marey et Georges Demeny, est remplacée aujourd’hui par la simulation neurobiologique : critiquant la neurophilosophie, A. Berthoz rappelle que le cerveau n’est pas un tenseur soulignant ainsi l’échec du neurocomputationnisme trop attaché aux modèles géométriques et non dynamique du mouvement cérébral. En supposant une chaîne continue de transformation de la sensation à la commande motrice par le moyen des systèmes sensori-moteurs ou des réflexes, la neurophilosophie, bien qu’elle prenne en compte les concepts de modèle interne comme celui du mécanisme d’anticipation, « ne fait aucune place à l’influence de l’action sur le traitement sensoriel » 47. Le modèle interne suppose que le cerveau construit, bien plus que des représentations 48, des stratégies en feed-back et des intentions-protensions d’action. Le principe de conservation renouvelle la perception 49, jusqu’à la mise en action.


  • 50 . J. Proust, « Indexes for action », Revue Internationale de Philosophie, 3/1999, n° 209, 1999, p. 3(...)
  • 51 . J. Proust, Comment l’esprit vient aux bêtes. Essai sur la représentation, Paris, Gallimard, 1997,(...)
  • 52 . B. Andrieu, « L’Esprit du schizophrène : théorie ou subjection », in M. Musiol, A. Trognon éd., Él(...)
  • 53 . G. Northoff, « Psychomotor Phenomena, Functional Brain Organization, and The Mind-Body Relationshi(...)
  • 54 . M. Jeannerod, The cognitive neuroscience of action, Oxford Blackwell, 1997.
  • 55 . S. de Schonen, M.-O. Livet, « Neurosciences du développement cognitif », Ed. J.A. Rondal, E. Esper(...)

48Les processus de sélection des programmes d’action 50 maintiennent le naturalisme cognitiviste dans la recherche d’une logique du mouvement interne du cerveau, comme celle de la recalibration 51 ; ou les monitoring d’action décrits par la psychiatrie neurocognitive de la schizophrénie 52 définissent la subjectivité moins à partir d’une théorie de l’esprit que dans une élaboration discontinue de soi. Toute la difficulté est de décrire le cerveau, l’esprit et le monde ensemble non pas en termes déficitaires par rapport à une norme fonctionnelle mais à partir d’une description des états mentaux, à partir d’une « First-Person Brain Perspective » qui ne peut, selon Georg Northoff, jamais être réduite à une « Third-Person Brain Perspective » : «... the development of a “philosophy of the brain”, would thus be necessary to further advance a neurophilosophical account of the mind-brain relationship » 53. Comment le cerveau peut-il être décrit de manière personnelle sans redéfinir le sens même de la phénoménologie ? Les statuts ontologique et épistémologique du cerveau dans la philosophie des neurosciences dépendent désormais de disciplines nouvelles : les neurosciences cognitives de l’action 54 ou les neurosciences du développement cognitif 55.


  • 56 . N. George, « Bases cérébrales et aspects computationnels de la reconnaissance du visage. Apport de(...)

49Ainsi les modèles dynamiques du cerveau vivant échappent ainsi aux méthodes soustractives du PET ou de l’IRM fonctionnelle 56. En appliquant sur le cortex l’étude des bandes de fréquences, la temporalité et l’enchaînement des alertes des zones cérébrales, par exemple dans la reconnaissance des visages, trois aspects du cerveau vivant pourront être pris en compte : – La dynamique cérébrale dans la résolution temporale de l’activité cognitive ; – La localisation dynamique du trajet de l’activité cognitive ; et le développement différenciée de l’activité cognitive selon le degré de maturation cérébrale.
Conclusion et perspectives


50Le cerveau ne peut plus être étudié seulement à partir des neurosciences et par les neuroscientifiques. Bon nombre de travaux historiques étudient le cerveau à partir de la formation neuroscientifique de chaque discipline : ainsi l’ouvrage de Jean-Pierre Changeux 57, L’Homme neuronal, aura été emblématique de ce désir épistémologique des neuroscientifiques d’être à la fois partie prenante et partie prise de l’écriture de l’histoire des neurosciences. La neurophilosophie 58 veut unifier les sciences humaines en les éliminant et en les remplaçant par des sciences du cerveau : la neuropsychologie, la neuropsychiatrie... En retrouvant les racines de la dispersion des modèles au xxe siècle 59, cette tentative éliminativiste voudrait aussi refuser à la psychanalyse et à la phénoménologie toute légitimité pour décrire les relations entre le corps et l’esprit. Or à partir de Freud et de Husserl ont pu se développer deux conceptions non naturalistes du corps vécu : le sujet trouvait dans l’inconscient et dans l’intentionnalité des dimensions spécifiques et irréductibles à l’analyse neurologique. La naturalisation de l’homme 60 aura débuté au xviiie siècle avec le transformisme, la phrénologie, la biologie mais se poursuit aujourd’hui par l’intermédiaire des neurosciences et de la génétique : la notion de comportement, qui avait pu trouver dans le béhaviorisme ses principes, constitue désormais la base scientifique de neurosciences et de génétique du comportement.

  • 57 . J.-P. Changeux, L’Homme neuronal, Paris, Fayard, 1983.
  • 58 . B. Andrieu, La Neurophilosophie, op. cit.
  • 59 . B. Andrieu, Le Corps dispersé. Une histoire du corps au xxe siècle, Paris, L’Harmattan, 1993.
  • 60 . B. Andrieu, L’homme naturel. De la fin promise des sciences humaines, Presses Universitaires de Ly(...)



  • 61 . B. Andrieu, Le Cerveau. Essai sur le corps pensant, Paris, Hâtier, coll. « Optiques », 2000.

51Mais au-delà de l’analyse critique de ces réductionnismes, il convient d’engager un programme de recherches plus approfondies afin d’établir les sources du débat cerveau-esprit à l’intérieur même des pratiques médicales et psychologiques. En effet la formation en sciences cognitives de la plupart des chercheurs actuels trouve sa genèse dans les institutions hospitalières (Port-Royal, Baudelocque, La Salpetrière, Villejuif, Robert Debré...), dans les stages de recherche aux États-Unis (Hôpitaux universitaires, Centre de recherches...), dans les laboratoires de psychologie, de psychiatrie, de physiologie, dans les instituts spécialisés dans le handicap psychomoteur (surdité, aveugle, déformation néo-natales, déficit mental...). Une étude approfondie des archives prouve déjà combien les relations entre la médecine, la psychiatrie, les neurosciences et la psychologie ont été depuis, au moins 1942 en France, envisagées et institutionnalisées sous un point de vue interdisciplinaire ; la notion de développement est centrale car elle opposa longtemps les partisans de l’innéité et ceux de l’acquis, or ces travaux, que l’on pourra étudier à travers les rapports d’activité des laboratoires, les archives des institutions hospitalières, les publications des chercheurs..., ouvrent une conception dynamique du développement humain. Le corps et l’esprit ne sont plus séparables mais décrits dans les modèles de l’émergence, de l’individuation ou du matérialisme biophénoménologique 61. Il faut bien distinguer l’évaluation du développement neuronal de la mesure des capacités neurocognitives. Le développement neuronal étudie les conditions psychophysiologiques de la maturation et de la croissance du cerveau de l’enfant. L’enfant n’est plus étudié après sa naissance mais dans sa continuité psycho-physiologique de sa conception à sa naissance. Le cerveau se construit au cours du développement comme l’avait démontré, dès la fin du xixe siècle, l’embryologie. La clinique gynécologique est alors au centre des recherches : observations des enfants nés, mesure des prématurés, fœtologie.

52Il faudra aussi développer une étude précise, non seulement des archives, mais des textes tant du xixe que du xxe siècles, afin de démontrer combien le cerveau a occupé bien des disciplines dans le but d’expliquer et d’interpréter la folie, la crime, la sexualité, la création... L’histoire des neurosciences est elle aussi une discipline à développer tant dans la recherche des sources que dans la mise en place d’un enseignement universitaire susceptible de faire se rencontrer, au sein d’un futur laboratoire, des praticiens et des théoriciens de plusieurs disciplines. En effet, un des enjeux de l’épistémologie sera plus précisément de décomposer les modèles pour en retrouver l’origine et les mouvements par lesquels ils apparaissent aujourd’hui aussi unifiés que dans des disciplines comme la neuropsychologie, la neuropédagogie, la neuropsychiatrie, la neuroendocrinologie ou encore la neurophilosophie.
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