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 L’argent des couples : un management quotidien en évolution ?

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كاتب الموضوعرسالة
بن عبد الله
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الموقع : في قلب الامة
تعاليق : الحكمة ضالة الشيخ ، بعد عمر طويل ماذا يتبقى سوى الاعداد للخروج حيث الباب مشرعا
تاريخ التسجيل : 05/10/2009
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20102010
مُساهمةL’argent des couples : un management quotidien en évolution ?

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L’argent des couples : un management quotidien en évolution ?


1Les travaux de Viviana A. Zelizer sur le marquage de l’argent (de la monnaie) 1 et sur la monétisation de la vie sociale (voir son article dans ce numéro), poursuivis par des tra­vaux plus ciblés 2, ont permis un renouveau de la réflexion sociologique sur l’argent. Est-il possible de faire le point sur les relations moné­taires au sein de la famille ? Le mari pédagogue, qui, au siècle pré­cédent, orientait les dépenses de la famille mais laissait à sa femme le soin d’en assurer la gestion, a-t-il fait place au mari promoteur, qui inciterait son épouse à s’autoriser une dépense sans tenir compte de sa contribution au revenu du ménage ? 3 Voire : à l’époque des familles recomposées, allons-nous vers des budgets séparés ?

  • 1 . Viviana A. Zelizer, The Social Meaning of Money, Princeton, Princeton University Press, 1997 (La S(...)
  • 2 . Viviana A. Zelizer, « Intimité et économie », Terrain 45, 2005.
  • 3 . François de de Singly, Le Soi, le Couple et la Famille, Paris, Nathan, 1996.



  • 4 . À noter la parution récente d’un ouvrage de synthèse très au fait de cette litté­rature : Damien d(...)

2Nous proposons, pour commencer quelques éléments de ré­ponse à partir de données essentiellement issues de la sociologie anglophone, largement dominante dans ce secteur 4.
Une mesure difficile du management quotidien


3Les recherches menées au Royaume-Uni sur des couples ma­riés 5 convergent vers un constat : quand le fait de payer est une corvée plutôt qu’un pouvoir (c’est plutôt le cas des bas revenus), c’est l’épouse qui tend à l’assurer. D’où une hypothèse, formulée par Carolyn Vogler : la délégation de paiement à l’épouse évite à l’homme de se confronter au réel d’un revenu insuffisant pour le ménage (l’accusation de mauvaise gestion devient possible). L’enquête menée auprès de 1200 couples dans six villes de Grande-Bretagne en 1994 6, conduit à distinguer entre contrôle stratégique et management quotidien de l’argent. Selon ces auteurs, classe et genre sont intriqués, mais la variable idéologique joue aussi un rôle : l’attitude par rapport au rôle de l’« homme gagne-pain » (mise en évidence par Parsons 7) de l’époux est médiatrice entre ressources économiques et comportements de gestion. Un autre constat fréquent est celui d’une tension entre égalité (répartition des ressources indépendamment des contributions) et équité (tenir compte des contributions, y compris non-monétaires, de cha­cun) 8.

  • 5 . Voir Vivienne Elizabeth, « Managing Money, Managing Coupledom : a critici­zal examination of cohab(...)
  • 6 . Carolyn Vogler, « Money in the household… », op. cit., 1998.
  • 7 . Talcott Parsons, Sociétés : essai sur leur évolution comparée, Paris, Dunod, 1973.
  • 8 . Un article récent (Carolyn B. Burgoyne, Victoria Clarke, Janet Reib­stein, Anne Edmunds, « “All my(...)



  • 9 . Judith Treas, Eric Widmer, « A multi-level analysis of financial management in marriage for 23 cou(...)
  • 10 . Supriya Singh, J. Lindsay, « Money in heterosexual relationships », Australian and New-Zealand Jou(...)
  • 11 . Même une pratique du « à chacun selon ses besoins » entre contributeurs très inégaux, peut entraîn(...)

4Qu’apportent les nouvelles formes de conjugalité (cohabitation, remariage) par rapport à ces résultats qui montrent une situation plutôt figée ? La plupart des études transnationales 9 montrent que, toutes choses égales d’ailleurs, les co-habitants ont plus ten­dance que les mariés à des gestions séparées de l’argent et qu’on passe 10 de la « cohabitation money » à un « marriage money » lorsqu’augmente le temps passé ensemble. La gestion en partena­riat, semble con­tester la prééminence du pourvoyeur, mais n’empêche pas l’auto-limitation (le sentiment d’équité peut primer sur l’égalité et le conjoint qui contribue le moins peut s’interdire des dépenses 11). De nombreuses questions, selon Vivienne Eliza­beth (qui a étudié plus récemment des co-habitants néo-zélandais), entourent l’appa­rente évolution que représente le partenariat : est-ce une forme de soumission au diktat du partage ; manifeste-t-il une croyance dans la longévité du couple ; n’est-il pas la réaction à la perte d’un sa­laire, à l’arrivée d’enfants ? Quant à la gestion sépa­rée, elle n’est pas plus transparente : favorise-t-elle des relations de genre plus égalitaires ou est-ce une modification qui rend l’inégalité plus sup­portable ?
Une enquête empirique en France


5Les commentaires qui suivent et qui ne sauraient répondre à toutes ces interrogations, s’appuient sur une enquête réalisée en deux temps auprès de 75 couples français (Lorraine, Haute-Normandie et Rhône-Alpes) 12. La première phase nous permettait d’entrer dans l’univers monétaire, financier, voire fiduciaire de 45 couples, interrogés par entretiens semi-directifs, en prenant en compte l’organisation des dépenses, les moyens de paiement utili­sés, la gestion des revenus, mais aussi, les représentations des rela­tions d’argent 13. Mais, en général, ces situations, parce qu’elles sont routinisées, sont présentées sur un mode un peu sec et on a rarement accès aux principes organisateurs de ces choix. C’est le rôle que la deuxième phase (des entretiens par scénarios auprès de 30 couples 14) est censée jouer, qui met les personnes interrogées en situation de sortir de dilemmes ou en tout cas de justifier des solutions qui leur paraissent s’imposer ou qui, selon eux, sont lar­gement préférables à d’autres. Les réponses aux scénarios, même lorsqu’elles sont brèves, mobilisent des principes supposés gouver­ner des situations et des comportements. Rien ne dit évidemment que c’est ce que feraient ces gens s’ils étaient inopinément confron­tés à ces difficultés, mais du moins peut-on savoir ce qu’ils feraient s’ils avaient le temps de s’y préparer.

  • 12 . L’enquête collective a été réalisée en 2005-2006 par 15 étudiants en Mas­ter 1 de sociologie à l’U(...)
  • 13 . Les situations d’entretien n’ont pas été rigoureusement identiques : le plus souvent, c’est la fem(...)
  • 14 . Voir les scénarios en annexe. Sur la méthode, voir Estelle Bonnet, « L’ana­lyse de situations à l’(...)



  • 15 . L’échantillon comprenait 17 couples mariés et 13 non-mariés. Pour les 60 per­sonnes les PCS étaien(...)

6Nous nous sommes limités ici à quelques aspects des marquages conjugaux de l’argent en milieu populaire : nous avons retenu 30 entretiens qui avaient été effectués auprès de couples déclarant moins de 2500 € mensuels de revenu total et c’est aussi cette tranche de revenus qui a servi de base à la phase d’enquête par scénarios (nous avons également validé les 30 scénarios). Certes, la notion de « milieu populaire », caractérisée par le revenu, n’est pas complètement satisfaisante, puisqu’elle agglomère, ici, à une majo­rité d’ouvriers et d’employés, une minorité de membres des couches moyennes en situation de recherche d’emploi, voire large­ment précarisée 15. Néanmoins, ni les différences internes de revenus (6 interviewés déclaraient avoir moins de 1500 € de reve­nus mensuels), ni les niveaux d’emplois occupés, n’ont pu être cor­rélés avec des types de réponse contrastés au sein de l’échantillon. Nous avons donc considéré notre groupe de 56 couples (et non 60, car quatre couples ont participé aux deux phases de l’enquête) comme relativement homogène, sous réserve d’une enquête plus extensive et nous en proposons ici une vue d’ensemble.
L’ordinaire de la dépense


7Quatre regroupements un peu arbitraires 16 peuvent être effec­tués en réponse à quatre questions : quelle organisation de la dé­pense, quels moyens de paiement, quelle gestion financière et quelles représentations de tous ces phénomènes ? Les réponses à ces questions dessinent un mode de vie des couches populaires nettement marqué par les hésitations et les espoirs de la « moder­nité réflexive » 17.

  • 16 . Le cadre restreint de cet article ne permet pas l’incorporation de fragments d’entretiens.
  • 17 . Anthony Giddens, Les Conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1996.

Budgets et fléchages


8Budget subi 18 ou budget ajusté au rythme des échéances ban­caires, pour la grande majorité des couples il faut au moins distin­guer – une minorité précise que c’est en début de mois – les dépenses fixes (prélèvements et/ou règlement de factures récur­rentes), les achats réguliers de produits alimentaires et les achats circonstanciels ou saisonniers. C’est ce qu’on pourrait appeler un budget par défaut, qui dégage parfois un « reste », comme une heu­reuse surprise à thésauriser (l’épargne, connue pour la moitié de l’effectif, est généralement « pour les enfants, pour plus tard ») ou à convertir en biens. Sollicités de parler de leur manière de faire face aux imprévus dans ce domaine, nos interviewés se partagent en deux sous-groupes égaux : pour une moitié, il ne saurait y avoir à proprement parler de gros imprévus qui déstabiliseraient leur orga­nisation (ils ont en quelque sorte prévu les imprévus, comme le déclarent quatre de nos couples qui y ont affecté une part de leur budget). Pour l’autre moitié, c’est le moment venu que l’on y fera face, principalement par une ponction sur l’épargne ou par le re­cours aux parents.

  • 18 . On sait que les milieux populaires ont été l’objet d’une vigilance de la part des classes supérieu(...)



  • 19 . Sur les 30 interviewés, 18 ont déclaré avoir toujours de l’argent liquide chez eux, mais ils n’ont(...)

9La modernisation des moyens de paiement a-t-elle atteint notre échantillon ? En fait, un seul couple déclare n’effectuer ses règle­ments qu’en espèces et encore est-ce lié à une situation antérieure traumatisante d’interdiction de chéquier 19. Pour autant, la situa­tion opposée (la monnaie électronique exclusivement) reste minori­taire. L’essentiel est donc la pratique de deux, voire trois ou plus (en y ajoutant les prélèvements) moyens de paiement combinés, soit à peu près également : cartes-chèques et cartes-espèces. Ajou­tons à ces données de base, la place très ambivalente réservée aux cartes de fidélité (notamment électroniques) : la moitié de notre effectif déclare en posséder au moins une (souvent trois ou quatre), mais manifeste une distance critique quant à leur utilisation (assi­milée à des formes de fidélisation abusive).

10Une analyse de l’affectation de ces moyens de paiement aux principaux postes de dépense montre la prépondérance du rè­gle­ment des courses par carte bancaire et du règlement des fac­tures et crédits par prélèvement. S’agit-il de fléchages stables ? Dans une minorité de cas, on peut le dire : à côté des hantises ou des con­duites d’évitement (des paiements par carte pour ne pas voir qu’on vit au-dessus de ses moyens), on trouve ces heuris­tiques raison­nables souvent liées aux « petits budgets » (des chèques pour pou­voir suivre au jour le jour la dépense, grâce au talon).

  • 20 . La différence avec la situation analysée par Marion Lepresle en 1992 est assez nette (Marion Lepre(...)

11Cette exploration de la manipulation domestique des monnaies en milieu populaire reste un peu décevante, malgré les tendances qui s’y esquissent 20. La banalité de la circulation de la monnaie semble faire obstacle à la représentation des fléchages effectués et changements qui sont en cours.
Gestion financière et comptabilités


12L’un des objectifs de l’enquête étant de saisir les équilibres in­ternes de la gestion de l’argent des couples, plusieurs indicateurs avaient été retenus.

  • 21 . Pour une vue plus large du financement de dépendants, voir : Évelyne Ribert, « Dire la dette à tra(...)
  • 22 . Un sondage SOFRES pour la banque LCL nous apprend que 41% des ménages déclarent gérer ensemble l’a(...)

13Tout d’abord, on peut se demander comment est réparti le re­venu et, plus précisément, selon combien d’entités bancaires il est ventilé. La majorité des membres des couples de notre échantillon possède des comptes séparés, plutôt que des comptes joints, un certain nombre (sans doute en augmentation) ayant adopté une formule mixte : un compte joint pour régler les dépenses fixes ou assez régulières et des comptes séparés pour honorer les engage­ments (pensions alimentaires ou prise en charge d’enfants) et les besoins individuels, voire pour constituer des épargnes spécifiques. Existe-t-il, pour autant, une circulation interne d’argent au sein de la famille ? Apparemment, cette circulation, peut prendre la forme du prêt entre partenaires ou du financement séparé des dépendants (presque exclusivement les enfants dans notre échantillon 21) : sur 16 réponses exploitables, l’argent de poche donné régulièrement est minoritaire, par rapport aux autres formes comme l’attribution « à la demande » ou l’achat de biens voulus par les enfants (pour une partie de notre échantillon, cette rubrique était sans objet). La question décisive est néanmoins celle de l’articulation entre la ré­partition des revenus et le contrôle de leur gestion. Normalement, à la tendance à l’individualisation des comptes devrait corres­pondre progressivement une tendance à l’individualisation de la gestion. Comme l’ont suggéré les recherches britanniques men­tionnées plus haut, il y a ici un écart entre les dires et les faires. Les couples déclarent majoritairement gérer l’argent en commun, plu­tôt que séparément. Mais, s’agissant des comptes, ils reviennent plutôt aux femmes qu’aux deux partenaires ensemble ou à l’homme (à noter que 5 couples déclarent ne jamais « faire les comptes »). On constate donc, dans ces milieux populaires, une persistance d’anciens modes de gestion couplés avec de nouveaux dispositifs : il s’agit d’une situation susceptible d’évoluer 22.
Plaisirs et sérénité


14Quelle est la philosophie de l’argent qui anime ou contraint ces pratiques ordinaires de gestion des finances domestiques ? Ainsi posée, la question paraît hors de portée des ressources mobilisées par cette première phase de l’enquête. Tout au plus en trouve-t-on quelques indices.
15La moitié des couples interrogés sépare la « dépense person­nelle », jugée positivement comme « un plaisir » et le paiement des courses et des factures considérée comme « une corvée ». Cepen­dant, une forte minorité ressent toute dépense, quelle qu’elle soit, comme avant tout un plaisir, tandis qu’ils sont finalement très peu à y voir toujours une corvée. Cette première approche est assez significative de la transformation progressive des rapports de genre quant à l’argent : sachant que les personnes ayant répondu au nom du couple sont principalement des femmes, qui par ailleurs sont majoritairement ici chargées de la tenue des comptes, cette impor­tance d’un plaisir de la dépense personnelle (en tout 20 répondants, finalement), voire lié à toute dépense, est peut-être l’indice d’une certaine émancipation par rapport aux autocensures évoquées par Hochschild.

  • 23 . C’est pourquoi, parler comme J. Mossuz-Lavau de « bricolage des plus jeunes » ne convient pas à l’(...)

16Illusions de couples en phase d’installation, victimes d’une eu­phorie romantique qui précèderait les révisions douloureuses de la maturité ? Il ne nous semble pas que cette objection soit fondée 23. Le groupe de personnes interrogées est, certes très partagé, mais dans tous les cas, cela paraît aller dans le sens d’une gestion moins conflictuelle : la moitié des interviewés déclare avoir vu évoluer sa gestion dans le temps (surtout vers une moins grande improvisa­tion et surtout après une courte période de vie en commun), tandis que l’autre moitié semble ne voir, dans les péripéties du cycle de vie, rien qui doive remettre en cause son management.

17Enfin, on a cherché aussi à savoir dans quelle mesure les com­portements de leurs parents en matière de rapport à l’argent pou­vaient avoir marqué, au moins dans leurs représentations les plus explicites, les personnes interrogées. Ceux qui se souviennent des modes de gestion parentaux ont plutôt tendance à affirmer que ces composantes de leur socialisation initiale n’ont pas eu d’influence sur eux et pour certains, qu’il s’agit même d’un contre-modèle. Lorsque cette influence est revendiquée ou reconnue, elle l’est ra­rement comme le résultat d’une transmission explicite : il s’agit plutôt, comme pour l’ensemble de ceux qui s’en souviennent, d’une image forgée par l’enfant et l’adolescent regardant vivre ses parents et non d’un apprentissage concerté.
18Mais qu’en est-il, dès lors que cette présentation lissée des événements financiers domestiques est confrontée à des situa­tions de choix difficiles ? L’heure des dilemmes


19L’analyse des décisions (faute de place, on ne peut exposer ici l’analyse des ressources argumentatives et des récits privés) de l’enquête par scénarios nous semble confirmer largement et préci­ser ces indications.
20À l’heure du maintien à domicile des personnes âgées et de l’importation progressive d’un modèle de care, nos répondants sont plutôt soucieux de dégager le ménage du poids de la présence phy­sique d’un ascendant dans la maison : s’il n’y a d’alternative (scé­nario 1) qu’entre le placement et l’accueil à domicile du parent âgé impotent, la majorité des répondants choisit la solution du place­ment en maison de retraite (n=18). Les discussions portant surtout sur les capacités d’accueil, on peut voir que ce n’est ni l’argent, ni la charge ménagère, ni l’affirmation du lien social qui sont princi­palement en jeu, mais la préservation de l’autonomie du foyer par rapport aux ascendants (la présence du parent semble d’ailleurs être conçue comme moins intrusive que celle du beau-parent). Dès lors que le ménage aurait la capacité spatiale d’accueillir l’ascendant, il semblerait disposé à le faire.

  • 24 . Sur les problèmes soulevés par les scénarios 1 et 2, voir la mise au point dans : Séverine Gojard,(...)

21S’agissant cette fois des descendants (scénario 2), nos répon­dants tiennent à séparer nettement le statut financier (protégé) – puisque même s’ils gagnent de l’argent, les enfants ne doivent pas être des contributeurs au revenu de la famille : ils sont 22 sur 30 à refuser la demande de participation aux frais – et le statut domes­tique (non protégé) : ils sont 21 sur 30 à considérer que la jeune étudiante doit participer aux tâches ménagères (« il faut leur ap­prendre des valeurs ») 24.


  • 25 . Cette dimension est aussi abordée, en hypothèse inverse du cas du scénario, par Jeanine Mossuz-Lav(...)

22Si l’on s’en tient au dilemme posé par le scénario 3, le principe d’égalité prend nettement le dessus sur le principe d’équité, contrairement à la situation que semblaient dessiner les enquêtes en pays anglophones. L’idée qu’une décision d’achat puisse être tributaire d’une inégalité dans la contribution au revenu soulève l’indignation d’un grand nombre d’enquêté(e)s et en tout cas la réprobation de la très grande majorité (n=26), que résume cette secrétaire de 42 ans : « ce n’est pas parce qu’on gagne plus qu’on ne doit rien faire à la maison » 25. Mais, dès lors que ce principe est affirmé avec force, les répondants se sentent tout à fait le droit de discuter la rationalité économique du choix : ils sont tout de même près de la moitié à proposer l’achat du lave-vaisselle.

23D’une certaine manière, cette distinction entre égalité et ratio­nalité est prolongée dans la réponse au scénario 4, par une distinc­tion entre propriété et rationalité : une fois affirmé le droit imprescriptible de l’individu sur son héritage (comme le dit cet étudiant d’origine populaire : « [...] parce que c’est quand même son argent »), les répondants soutiennent assez massivement qu’il est plus rationnel économiquement de donner la priorité à l’épargne en vue des frais futurs entraînés par la naissance, soit intégralement (n=14) soit par l’élaboration d’un compromis (en gardant une faible part de la somme pour des vacances à proximité). Le dia­logue est revendiqué comme un moyen de faire évoluer le partenaire « panier percé ».

  • 26 . Jean-Yves Trépos, La Construction sociale des conflits de consummation, Thèse pour le doctorat d’É(...)

24Des recherches antérieures 26 avaient souligné la faible propen­sion à considérer qu’un dol puisse exister en matière de biens culturels. Les réponses au scénario 5 (qui, à en juger par les récits recueillis, semble rencontrer l’expérience directe des ré­pondants) montrent pourtant que, dans notre échantillon tout au moins, une forte minorité (n=13) estime qu’une réclamation dans ce domaine est légitime et qu’elle peut être mise en œuvre, même si ces protestataires sont plutôt sans illusion quant aux chances d’aboutir (une femme au foyer de 54 ans résume une tendance des réponses : « je prendrais contact à tout hasard avec une association de con­som­mateurs »). Il y a d’ailleurs peut-être plus de convaincus de la légiti­mité de la protestation qu’il n’y paraît à s’en tenir aux seules décisions ultimes, puisqu’une grande partie des 16 répondants qui refusent la réclamation ne s’y engage pas parce qu’ils ont le senti­ment de l’inutilité de toute action dans cette situation. Cependant, l’argument de la qualité ne laisse pratiquement personne insen­sible, surtout s’il peut être converti en termes domestiques. Comme le dit ce demandeur d’emploi de 35 ans : « [...] l’essentiel est le plaisir et pour ne pas le gâcher, je ne dirais rien, par amour pour mon fils. L’important c’est de partager une passion, ça me suffit ».
Finances domestiques : une recomposition des rationalités populaires ?


25Cette enquête nous livre une première estimation de la saillance des questions financières dans les couples des nouvelles généra­tions de milieu populaire 27.

  • 27 . Les témoignages réunis et analysés par Jeanine Mossuz-Lavau (qui com­portent une bonne proportion(...)



  • 28 . La très grande majorité déclare « en parler » (n=24) et ne pas connaître de tensions à ce propos ((...)

26On y voit, sur un premier plan, une organisation plutôt mini­male des dépenses (en postes budgétaires assez grossiers permet­tant de dégager une certaine épargne), réglées par deux ou trois moyens de paiement principaux (parmi lesquels la monnaie électronique est bien représentée, notamment lorsqu’il s’agit des courses, alors que l’argent liquide est presque résiduel et lié à l’achat de pain). Ces dépenses sont assurées selon une répartition qui semble être explicite (les comptes séparés et les formes mixtes sont très largement dominants), même si elle est surtout surveillée sinon contrôlée par les femmes (c’est en fait le couple qui assure la direction financière et la femme la comptabilité). Sur un fond de morosité économique se traduisant par un chômage endémique au sein tout particulièrement de ces catégories, il est assez intéressant de noter que les questions d’argent ne sont pas de l’ordre du non-dit et ne sont pas source de tensions 28, ce qui semble autoriser la présence d’un sentiment de plaisir de la dépense, au moins en ce qui concerne sa dimension somptuaire, voire altruiste. Cette re­vendication d’une maîtrise de la dépense comme relation sociale plutôt que comme compulsion d’objet est sans doute confortée par l’impression d’avoir soi-même construit un rapport pertinent à l’argent, plutôt que d’en avoir hérité.


  • 29 . Zygmunt Bauman, La Société assiégée, Rodez, Chambon, 2005.
  • 30 . Bibliographie complémentaire : H. Glezer, E. Mills, « Controlling the Purse Strings », Family Matt(...)

27Les éléments projectifs mis en évidence par les réponses aux scénarios montrent que ces comportements revendiqués reposent sur un triple fondement d’attitudes : autonomie de la personne (préparée par leur égale dignité) et du couple (qui se voit libéré des ascendants, au prix du respect et libérateur des descendants, au prix de l’implication personnelle) ; rationalisation concertée des choix domestiques (où l’anticipation semble être moins l’effet de l’économie de pénurie que le souci du bien vivre) et prudence consumériste (la protestation dans les limites de la simple passion). On peut imaginer que ces potentialités sont à un tournant de la modernité : dès lors qu’augmenterait la précarisation des classes populaires, elles peuvent donner lieu à des des hybridations fra­giles, à des relations « liquides » 29 (Bauman, 2005) ; dès lors que se préciserait sa « moyennisation », elles préfigureraient peut-être une nouvelle culture populaire 30.
Annexe : les scénarios d’enquête


28Il s’agit d’une enquête sociologique collective réalisée dans le cadre d’un mémoire universitaire. Nous vous demandons de vous mettre quelques instants dans les situations qui sont décrites ci-des­sous et de chercher une issue aux problèmes qu’elles posent ou, éventuellement, de dire pourquoi il n’y en a pas. Vous pouvez dé­velopper votre réponse autant que vous voulez.
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L’argent des couples : un management quotidien en évolution ? :: تعاليق

هشام مزيان
رد: L’argent des couples : un management quotidien en évolution ?
مُساهمة السبت أكتوبر 30, 2010 1:13 pm من طرف هشام مزيان
t, orientait les dépenses de la famille mais laissait à sa femme le soin d’en assurer la gestion, a-t-il fait place au mari promoteur, qui inciterait son épouse à s’autoriser une dépense sans tenir compte de sa contribution au revenu du ménage ? 3 Voire : à l’époque des familles recomposées, allons-nous vers des budgets séparés ?

  • 1 . Viviana A. Zelizer, The Social Meaning of Money, Princeton, Princeton University Press, 1997 (La S(...)
  • 2 . Viviana A. Zelizer, « Intimité et économie », Terrain 45, 2005.
  • 3 . François de de Singly, Le Soi, l
 

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