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الموقع : منسقة و رئيسة القسم الفرتسي بالمدونات تاريخ التسجيل : 10/04/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 4
| | Du conflit structurant au conflit déstructurant A propos de la rationalité du conflit | |
A propos de la rationalité du conflit | | Texte écrit pour l'université de Tours en Mai 2009
[size] Aborder la question de la rationalité des conflits implique de constater que les conflits sont partout et innombrables. Essayer de classer ces conflits aboutit à se demander quel ordonnancement conceptuel est pertinent. La modélisation a un côté un peu arbitraire et schématique. Mais, cette étape de la pensée est nécessaire pour comprendre ce qui est à l’œuvre et les enjeux. Nous devons admettre que nos conclusions peuvent se lire en termes de tendances, puisque tout ne correspond pas exactement au schéma proposé. Malgré ces difficultés, proposer des hypothèses est nécessaire et c’est l’objet de notre philosophie comme théorie du général. La validité des arguments et du raisonnement est située dans l’espace temps, le notre, celui d’une époque troublée, où nous acceptons de nous poser la question de ce qu’être humain veut dire. Notre crise de civilisation est inédite, de facto la recherche, la réflexion et l’invention sont convoquées. Notre hypothèse se confronte donc à l’irrationalité apparente du temps présent. Notre vie est confrontée à de nombreux conflits, conflit dans notre rapport à notre environnement naturel, conflits entre divers groupes sociaux et au sein même de ces ensembles humains, conflits encore en nous-mêmes. D’autre part, les mutations s’inscrivent dans un contexte, où pour essayer de comprendre ces bouleversements, nous nous proposons d’examiner les rapports entre la modernité et la postmodernité. Ce choix méthodologique permet de lier le côté descriptif de notre démarche aux approches systémiques, analytiques. Notre perspective essaie de soutenir un désir, celui de croiser les approches sociologiques, psychologiques, politiques, économiques et écologiques, en acceptant le cadre limité de cet espace de travail. Nous commencerons par examiner le rapport avec la nature et comment il a pu devenir structurant pour la vie humaine, puis destructeur et porteur de danger. Ensuite, nous aborderons la question du conflit interne à la société. Son évolution et sa dynamique ont permis à la société de se réformer. Les transformations contemporaines semblent beaucoup plus inquiétantes. Nous terminerons par le conflit qui existe au sein de chaque être humain. Il concernait principalement le rapport à l’autorité et était basé sur l’interdit. Aujourd’hui, l’injonction de jouissance est un facteur déstabilisant. Le devenir humain est devenu problématique et c’est l’objet de débats. 1 / Le conflit avec la nature Étudier le rapport contemporain avec la nature et les changements avec la période antérieure passe par Descartes. « Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ». [[1]] Ce philosophe est typique des débuts de la modernité. Il énonce clairement le programme pour l’avenir. Descartes se situe à la fois en continuité et en rupture avec la pensée antérieure. Pour les grecs, Prométhée a voulu aider les hommes trop faibles pour assumer leur destin. La nature est marquée par l’Ubris, l’homme est à la merci des caprices des dieux et a peu de prise sur son environnement naturel. Le travail est réservé des esclaves. Du côté chrétien, les humains sont condamnés à travailler, l’homme doit peiner en raison du péché originel. Le travail est comme une malédiction. L’homme doit gagner son pain à la sueur de son front. Il faudra attendre la fin du moyen âge pour que les idées évoluent au sein de la chrétienté et que l’on commence à concevoir le travail dans le monde comme la continuité de la création. Il est alors concevable de penser que Dieu a travaillé en créant la terre et ses habitants. D’ailleurs, son œuvre s’est faite en sept jours, une semaine de travail créatif. La position de Thomas d’Aquin témoigne de ce glissement progressif vers une revalorisation du travail. La morale chrétienne classique condamne toujours le désir d’enrichissement, le travail manuel est toujours considéré comme une souffrance pour l'humanité. Ce que déplace Thomas d’Aquin c’est le lien entre la foi et la raison. Ces deux composantes humaines sont alors vues comme complémentaires. Cette étape sera importante pour l’évolution ultérieure. La raison reste subordonnée à la foi, mais il n’y a plus de conflit entre les deux domaines. La foi chrétienne n'est plus incompatible, ni contradictoire avec l'usage de la raison. Les vérités de la foi et celles de la raison appartiennent à deux ordres différents. La foi est supérieure à la raison, parce que rien ne peut contredire les vérités révélées, selon la théologie thomiste. Cette œuvre se développe selon une optique théologique, mais elle est marquée par le respect épistémologique de l'ordre rationnel. Il est alors possible de rester croyant et bon chrétien tout utilisant la raison, en développant la science et en domestiquant la nature. Dès le 13ème siècle, la pensée occidentale peut permettre la reprise et le déploiement progressif du mythe prométhéen dans un développement qui aboutira à la modernité. Depuis l’antiquité, dans le contexte humain, le travail a pour fonction première la satisfaction des besoins. L’homme est obligé de travailler, il est différent de l’animal. L’humain arrive sur terre à sa naissance nu et sans défense, il doit produire par lui-même ce qui est nécessaire à sa vie et à sa conservation. Le mythe de Prométhée, nous a été transmis notamment par Platon dans Le Protagoras. [[2]] Il décrit cette impuissance initiale de l’homme. Contrairement aux autres êtres vivant sur terre, il n’a ni plume, ni bec, ni fourrure, ni griffe… L’homme est dépourvu des moyens nécessaires à sa survie. Mais, en compensation de cette faiblesse, il reçoit de Prométhée le feu, volé aux Dieux, ce feu qui est indispensable à la fabrication d’outils et symbole de l’activité technique. Il est possible d’interpréter la signification de ce mythe en remarquant qu’il montre la nécessité dans laquelle se trouve l’homme d’avoir à inventer lui-même par le travail son mode d’existence. L’humain n’est pas immédiatement adapté à la nature comme l’est l’animal. Avec le feu, il peut désormais transformer la nature en fonction de ses besoins. Le mythe est l'expression d’un sentiment humain. Nous sommes des êtres faibles et marqués par un manque originaire. Nous ne devons notre survie qu’à nous-mêmes. Comme Prométhée, nous devons utiliser notre intelligence et la ruse. Le mythe contient la possibilité de la perfection technique et de la maîtrise du monde. Notre manque d'adaptabilité précise est notre spécificité, l’autre versant de ce manque contient la possibilité d'une perfectibilité humaine et par voie de conséquence notre une maîtrise sur le monde. L'homme est démuni et inadapté dans la nature, il est néanmoins apte à transformer le monde, il est capable par ses propres forces physiques et intellectuelles de se perfectionner, il semble indéfiniment perfectible. Cet aspect de l’humanité sera repris par les Lumières pour encourager l’éducation, première étape de la construction de l’homme rationnel et démocratique. L’homme est conduit, à cause de sa faiblesse primitive, à développer ses facultés et à devenir technicien. Le feu transmis par Prométhée, devient le premier maillon de la chaîne du développement technique de l'homme. Cette perfectibilité est une condition de possibilité pour se rendre « comme maître et possesseur de la nature ». C'est par cette perfectibilité indéfinie que l'homme peut prétendre à une maîtrise de son environnement. Cette contrainte originaire du manque absolu d'adaptabilité nous rend, de façon paradoxale, le seul être capable de dominer la nature, une nature hostile au départ. Nous pouvons grâce à notre capacité de développement technique, tout à fait spécifique, comprendre ce que permet notre perfectibilité. Prométhée peut être vu comme un visionnaire de la liberté humaine et comme condition de possibilité du progrès dans l'histoire Au contraire, l'animal qui a tout reçu en cadeau de la nature est totalement adapté et homogène à son milieu d'origine. L’animal est motivé totalement par l'instinct et n'est capable d'aucun progrès, puisque qu'il est naturellement parfait, selon la place que la nature lui destine. Il est donc possible de considérer que Descartes reprend le mythe de Prométhée en l’installant dans la perspective moderne. Sa rupture et sa continuité seront le fondement pour la recherche de l’abondance et la transformation du monde. On peut également remarquer que la fin du géocentrisme, à partir du 17ème siècle, a changé considérablement la vision que l’homme avait de la nature, qui devient alors un espace désacralisé, « désenchanté », connaissable et maîtrisable dans lequel nous pouvons désormais agir grâce à la technique. La nature n’est plus un objet de contemplation, un espace cosmique rempli de forces énigmatiques et spirituelles, un ordre que l’homme se doit de respecter sous peine d’avoir le sentiment d’opérer une transgression. La nature devient un espace neutre que la science peut transformer par l’action. Le monde devenant un pur espace matériel manipulable, domesticable, l’homme peut réaliser l’objectif de Descartes. Plus tard, Max Weber, en étudiant notre histoire mentale et le rapport qui a pu exister entre l’économie et la religion, a montré qu’il était possible de comprendre la naissance du capitalisme à partir des modifications culturelles que le protestantisme a introduit en occident. Contrairement à la culture catholique traditionnelle, le principe de l’enrichissement personnel n’est plus dévalorisé. [[3]] La question était de savoir pourquoi certaines sociétés se sont développées et d'autres pas. Avec l'éthique protestante, Max Weber nous propose une explication : Ce sont les mentalités, les valeurs et les croyances qui ont influencé les comportements économiques. Son livre avance l'idée que l'éthique liée à la religion des différentes sensibilités protestantes calvinistes a des « affinités électives » avec le développement du capitalisme. L'analyse de Max Weber établit une corrélation entre le protestantisme et la révolution industrielle, il essaie de comprendre également le mécanisme au travers duquel se fait cette relation. Pour Weber, le comportement des protestants s'explique par la prédestination. Selon Calvin, le salut éternel dépend d'une décision arbitraire de Dieu et non des actions bonnes ou mauvaises entreprises durant la vie, comme c'est le cas dans la religion catholique. Cette prédestination ne mène pas au fatalisme, car l'angoisse liée au calvinisme « Suis-je destiné à aller au paradis ? » peut être dissipée par la réussite économique, qui est un signe d'élection divine. Cette réussite ne peut résulter que d'actions morales et d'une vie ascétique et austère. Les calvinistes sont donc incités à réussir, et non pas à consommer les fruits de leur labeur. Cette injonction est favorable à l'accumulation capitaliste, ce que Marx appela l’accumulation primitive. Si on le compare à la religion catholique, le protestantisme encourage le libre arbitre. C'est une religion qui s'éloigne de la pensée magique et d’une certaine idolâtrie. Le protestantisme favorise une forme particulière de rationalité, la rationalité instrumentale, ce qui explique le développement ultérieur du pragmatisme et de l’utilitarisme. Celle-ci se caractérise par des comportements utilisant les moyens et les ressources disponibles pour parvenir rationnellement à des fins propres, mûrement réfléchies, qu'on souhaite atteindre. L'action humaine est toute tournée vers son objectif, elle s'éloigne des impératifs ou des exigences que la morale ou la religion imposent dans certaines sociétés. Elle s'abstrait des affects, des émotions, des coutumes et des traditions. Le calvinisme favoriserait donc le développement d'une certaine forme de capitalisme, durable et organisé, car reposant sur des choix méthodiques en matière de gestion et de méthodes de production. Le taylorisme ultérieur en serait une excellente illustration. La thèse de Weber met en oeuvre une méthode de raisonnement particulière, elle est fondée sur la notion « d'idéal-type », situation simplifiée qui permet le raisonnement abstrait. Max Weber met l'accent sur un caractère essentiel du capitalisme occidental : la rationalisation instrumentale des activités. Qu'il s'agisse de la tenue des comptes, de la recherche scientifique ou de la course aux gains de productivité, à chaque fois la rationalisation des activités marque le capitalisme occidental. Weber a montré que la relation existant entre l'émergence progressive de cette forme particulière de rationalité et le façonnage des mentalités par la religion. L’étude de Weber sur l’axe rhénan montre que la promesse d’un monde meilleur au travers du développement du capitalisme, de la science et de la raison démocratique est inscrite dans l’histoire des idées en Occident. Aujourd’hui, Prométhée semble s’être retourner contre les hommes. Les promesses du progrès se sont dissoutes dans le capitalisme postmoderne. L'urgence écologique ne peut plus être niée. L’expression « non assistance à planète en danger » résume bien la situation. Des messages alarmants se font entendre depuis plusieurs années sur l’état de la planète et sur son avenir. Les médias nous informent régulièrement des catastrophes écologiques ou de nouveaux dégâts faits à la nature. Une simple comparaison entre l’état antérieur de la planète et aujourd’hui illustre la vitesse croissante avec laquelle la situation se dégrade. Les spécialistes se demandent sérieusement : si les choses continuent à ce rythme, combien de temps encore la planète restera-t-elle habitable. Notre planète est donc bien malade. Des commissions d’experts, à l’échelle mondiale, se sont réunies à plusieurs reprises. Une instrumentation sophistiquée a été mise au service de leurs enquêtes. Dans l’ensemble, les rapports concordent, tous les indicateurs vont dans le même sens. Nous ne pouvons pas sous-estimer la gravité de la situation. Les données de plus en plus précises sur la diminution de la couche d’ozone, sur l’accroissement du gaz carbonique dans l’atmosphère et sur la quantité de produits toxiques déversés dans la biosphère sont très préoccupantes. Même si nous ne connaissons pas avec certitude l’effet de ces modifications, nous savons pourtant déjà qu’elles seront très importantes et auront des conséquences dramatiques. Pour la première fois depuis l'origine de vie sur terre, il y a trois milliards d'années, une espèce dispose de la possibilité d'en anéantir des milliers d'autres, et de s'anéantir elle même. Cette espèce, c’est notre espèce, l’humanité. Le constat est assez effrayant. Mais, il ne fait aucun doute que c’est la méga-machine que l'être humain a lui-même créé et que l'on a nommé "civilisation", qui produit inéluctablement ce résultat. Si l'humanité a pu pendant des milliers d'années prospérer sans mettre en danger son propre environnement, il n'en n'est plus de même depuis un siècle. Le développement capitaliste a provoqué une exploitation sans précédent des ressources limitées de notre terre. Le point de non retour semble déjà dépassé dans de nombreux domaines. L'activité humaine met la planète en danger, et par voie de conséquence l'humanité est en danger. L’écologie politique devient centrale dans les préoccupations humaines. L’irresponsabilité écologique des humains est tellement massive que le conflit avec la nature est devenu destructeur. Lors du développement historique, nous pouvons distinguer deux tendances : - Une, qui dans la modification de notre environnement, visait une sorte d’harmonie. Elle créait et valorisait le paysage. L’agriculture pouvait se lire comme un grand jardin, une réorganisation de l’organisation naturelle. La ville était dessinée comme une oeuvre d’art. La culture nous apprenait à apprécier la beauté de la nature et des bâtiments, le résultat du travail humain était admirable. - L’autre tendance est celle qui prélève, qui utilise sans se soucier des conséquences, celle qui exploite sans retour. C’est cette seconde attitude qui nous a conduit à la situation actuelle. Le caractère irréversible des destructions est maintenant admis. La discussion porte maintenant sur le temps qui nous sépare des catastrophes écologiques. Le conflit avec la nature s’est donc transformé en conflit déstructurant et cela est indissolublement lié au développement du capitalisme. Le mythe prométhéen accouche de l’horreur et ce sont les hommes et non les dieux qui en sont responsables. Face à tous ces dangers, Serge Latouche propose de parier sur la décroissance. [[4]] Il explique qu’il utilise le concept de décroissance est utilisé à défaut d’en avoir un plus adéquat. Il nous dit qu’il préférerait parler de « acroissance ». La notion de décroissance a un avantage, elle frappe les esprits. De plus, elle pointe d’emblée l’origine de nos difficultés : la recherche de la croissance à tout prix. Latouche estime que le développement, qui ne prend pas en compte notre responsabilité écologique, a colonisé l’imaginaire occidental. Les conséquences de notre usage du monde, notre façon de produire, de consommer, détruisent notre planète. Il s’appuie sur la notion « d’empreinte écologique ». L’empreinte écologique a pour but de traduire de manière facilement compréhensible l’impact des activités humaines sur les écosystèmes de la planète. [[5]] En fonction de nos activités, nous pouvons connaître l’impact de notre empreinte écologique. Les humains sensibles à l’écologie peuvent ainsi adopter un mode de vie ayant une empreinte écologique plus faible et plus respectueuse de la nature. Cette approche permet de prendre conscience du grand gaspillage qui existe dans les pays riches. La recherche de croissance actuelle contient une part importante de surconsommation. Ce gâchis est scandaleux, parce qu’il détruit des ressources non renouvelables et va de pair avec une répartition des richesses inégale et injuste. Nos rêves d’égalité et de justice rencontrent le rapport à la nature, ce qui intéresse la philosophie politique. Les excès des humains sont politiques, ils sont le signe d’un déséquilibre scandaleux entre les pays dits du « Nord » et les pays du « Sud ». Pour Serge Latouche, il faut chercher à mettre en œuvre des alternatives au développement capitaliste contemporain. Il remet en cause le productivisme pour promouvoir une économie locale et des rapports humains non marchands. Il insiste sur la perte humaine qu’induit la marchandisation du monde et le développement des transports au niveau mondial. Il prend l’exemple du yaourt qui a nécessité environ 4 000 km de transports routier pour arriver dans notre assiette. Il propose de revenir à un mode de vie plus convivial, orienté sur la culture et les échanges humains non marchands. Il valorise également la lenteur. La vitesse et la performance sont liées au désir d’avoir toujours plus. Ses livres ont le mérite de nous faire prendre conscience du danger qui menace notre planète et de montrer que nous pouvons essayer d’arrêter le cycle infernal. Il essaie d’inverser la tendance qui promeut le quantitatif avant tout, il souhaite mettre l’accent sur le qualitatif. Ses travaux questionnent la rationalité instrumentale de l’Occident. De ce point de vue, il remet en cause Descartes, parce que c’est le calcul et le désir de dominer la nature qui nous ont conduit dans cette impasse. La promesse du progrès a échouée, elle s’est transformée en son contraire et les humains hésitent ou semblent impuissants à agir d’une façon moins irresponsable. L’écologie politique étend son questionnement au-delà du rapport à la nature, cette approche montre que notre usage du monde est un pillage, pillage de la nature et pillage des richesses des pays du tiers monde. Le prélèvement occidental concerne les minerais, les matières premières, mais aussi les produits agricoles, les ressources alimentaires. Cette analyse de l’activité mondiale, qui fonctionne à notre profit et au détriment d’autres peuples, montre que nous ne pouvons pas séparer le rapport à la nature des rapports sociaux des humains entre eux. Ce qui est en cause c’est notre organisation collective locale et mondiale. Cette conclusion est un élément de notre philosophie politique. 2 / Le conflit dans la société Le conflit majeur dans la société a été identifié au XIXème siècle, c’est la lutte des classes. Il existe beaucoup d’autres conflits au sein de la société, mais celui-ci semble être le plus important. Les sciences humaines, en particulier les sociologues, mais aussi les syndicalistes et les partis politiques qui défendent les classes populaires, ont largement contribué à ce que ce conflit soit considéré comme le conflit principal au sein de nos sociétés. Des théoriciens politiques avaient même envisagé que ce serait la base d’un possible changement radical dans l’organisation des sociétés humaines. Ils pensaient possible qu’un jour une société sans classe existe. La réconciliation entre les hommes étant le processus final de la lutte de classe dans l’histoire. Cette dernière étape était nommée le « communisme », une société où chaque être humain pourrait recevoir ce qu’il a besoin pour vivre. Auparavant, la période socialiste était conçue comme un moment, où chaque personne recevrait une rétribution en fonction de sont travail. Les patrons, les banquiers, les propriétaires, qui sont considérés comme des personnes qui ne travaillent pas au sens productif du terme, ne toucheraient rien, ce qui mettrait fin à l’appropriation privée du sur-travail. L’usage collectif de la plus value, qui ne disparaît pas avec le changement de société, étant décidé par la discussion démocratique. La sociologie a observé que cette lutte sociale et politique avait un effet structurant. En effet, elle est à la base du rassemblement syndical et politique pour les ouvriers et les employés. La place des personnes dans la société se déterminait selon sa classe d’appartenance. Cette polarisation rendait l’identification assez facile. Les repères politiques et culturels étaient clairs. C’était encore plus visible en cas de mouvement de lutte. Lors des grèves, des campagnes politiques les deux camps s’opposaient, les organes collectifs étaient chargés de faire la médiation entre les protagonistes et d’aider à trouver un compromis. Nous pouvons considérer que l’apogée de ce fonctionnement a été le « fordisme ». Le fordisme est un mode de développement de l’entreprise et de l'organisation du travail. Il a été inventé par Ford [[6]], qui a créé un établissement industriel qui porte son nom, une fabrique d’automobile qui existe encore. Il s’est appuyé sur l’organisation du travail mise au point par Taylor [[7]], organisation nommée également Organisation Scientifique du Travail. Cette nouvelle organisation du travail a permis d'accroître la productivité et la quantité produite tout en augmentant les salaires. La division du travail mise en œuvre est une division à la fois verticale et horizontale : * Division verticale parce qu’elle est basée sur la séparation entre la conception des produits et la réalisation pratique. Le savoir technicien des ouvriers qualifiés ou des artisans a été transféré aux bureaux d’études ; * Division horizontale du travail parce qu’elle est basée sur le découpage des tâches, une parcellisation du travail manuel assisté par des machines qui a permis la mise en place des lignes de montage, nommée aussi « travail à la chaîne ». Une autre composante est à relever dans cette organisation rationnelle du travail chez Taylor : la standardisation. Elle permet de produire de grandes séries de produits, qui sont des pièces interchangeables. Le dernier élément important du fordisme est l'augmentation des salaires des ouvriers. La diminution des coûts de production et l’augmentation des revenus des ouvriers déqualifiés ont permis que la consommation de masse se développe. Le succès de la Ford T est typique de cette évolution. [[8]] Les ouvriers travaillant chez Ford pouvaient acheter la voiture qu’ils fabriquaient. Le fordisme est l’alliance efficace du taylorisme et de l’encouragement de la consommation. Le rôle régulateur de l’État accompagne ce mode de développement du capitalisme. Le fordisme a pris naissance aux USA, il s’est développé en Europe massivement après la seconde guerre mondiale. Il est souvent associé à la notion « d’État providence ». La tension entre les classes sociales aux intérêts opposés était encadrée par l’institution étatique. Ce conflit a permis la mise en place de réformes favorables aux ouvriers et employés ainsi qu’à tout le peuple. Ce fonctionnement avait un impact structurant important dans la société. L’institutionnalisation des acquis des luttes sociales et politiques a permis que le conflit de classe puisse avoir un rôle positif. Cette évolution peut se voir comme une tendance générale qui a marqué notre histoire. Ce fonctionnement induisait une certaine confiance dans la démocratie, parce qu’elle pouvait se réformer et intégrer des mesures sociales. C’était une des bases de l’État interventionniste. Aujourd’hui, la lutte de classe semble plutôt menée par les forces opposées aux employés et ouvriers et à la régulation de l’État. La puissance économique et financière des multinationales s’est beaucoup développée. Le capital financier domine la scène du capitalisme contemporain. Cette puissance a permis aux grands groupes capitalistes, qui opèrent à l’échelle mondiale, de lutter contre ce qu’ils considèrent être des entraves à leur désir de gagner de l’argent facilement. Ceci a été nommé « globalisation » ou « mondialisation ». La mondialisation désigne une nouvelle phase du capitalisme contemporain. Plus aucune zone de notre planète n’échappe à l’emprise du capitalisme. On peut comprendre cette nouvelle étape comme l’intégration planétaire des phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels. Ce phénomène prend des formes différentes suivant les domaines et les zones géographiques. Le terme globalisation rend compte du processus qui transforme les marchés, les diverses politiques et les systèmes locaux en marchés, en politiques favorables au capitalisme ultra libéral et en systèmes internationaux qui permettent la fluidité de la circulation d’argent ou de produits. La mondialisation et la globalisation témoignent du fait que plus rien sur la planète terre n’échappe à la marchandise et au spectacle. Au niveau des technologies de l'information et de la communication, la globalisation-mondialisation c’est la fusion de différentes technologies : l’informatique, les réseaux téléphoniques, la couverture médiatique et le développement d’internet. Le phénomène s’accentue depuis le début des années 1990 du XXème siècle. Le capital financier est globalisé, mondialisé. La crise financière le confirme tous les jours. La puissance des grands groupes au niveau mondial a tendance à s’émanciper des contraintes politiques locales. Les États, hormis celui qui gère l’Empire, les USA, semblent de plus en plus faibles. Il leur reste la gestion de la sécurité, la gestion des populations. En France, malgré l’agitation médiatique, il est notable que l’État s‘appuie principalement sur deux axes : - le développement du capitalisme ultralibéral. L’État encourage les entreprises par diverses aides et en devenant lui-même un opérateur du marché ; - la mise pratique d’un ordre sécuritaire, qui gère les pauvres et la contestation contre le système : une gestion des populations par le contrôle social et la répression. Ce qui signifie clairement que l’époque de la distribution est révolue et la gestion différentielle des humains est ouvertement inégalitaire et violente. Certaines analyses qualifient cela « d’apartheid social », d’autres parlent des « quartiers de relégation ». [[9]] Nous abordons ces domaines liés à la pratique politique réelle pour essayer de comprendre les enjeux de notre condition actuelle. La recherche de la vérité de la situation nous impose de se pencher sur la trivialité capitaliste et ses évolutions. Nous avons choisi de vérifier si les concepts résistent au réel. La conceptualisation en philosophie politique ne peut pas se construire hors de la société. C’est elle qui nous indique que nous avons des problèmes à résoudre. Pour éviter une spéculation abstraite, nous essayons de voir si nos modèles sont valides. Nous pensons que ce qui est en jeu c’est l’humanité elle-même et ce qu’être humain veut dire. Si l’humanité est en question, c’est à cause du rapport entre les groupes humains, ici les concepts ne sont pas premiers. Les idées, les mots servent si souvent de couverture à l’inégalité et à l’injustice que beaucoup d’humains n’attendent plus rien d’eux. La notion même d’humanisme devient ridicule devant la brutalité de l’oppression. La culture et l’éducation s’effacent devant le droit des plus forts. L’économie, l’humanitaire et les militaires marchent si souvent ensemble, que cela nourrit la haine envers l’universalisme occidental. S’il est exact que la puissance des multinationales s’est détachée de la politique des États Nations, la philosophie doit intégrer cette nouvelle donnée. C’est la thèse de Bauman. [[10]] L’observation sociologique et politique tend à confirmer cette analyse. Ce théoricien intègre cette nouvelle donnée dans son propos sur la postmodernité avec ce que cela suppose de changements par rapport à la modernité. Un autre auteur va dans le même sens : Jean Ziegler. [[11]] Celui-ci est révolté par la misère du monde. Il est indigné par ses profondes inégalités, par la destruction de la planète et par le culte du profit issu de l'idéologie capitaliste néolibérale. Il refuse le relativisme et prend position pour l’humanité contre l’argent et les pouvoirs en place. Il identifie clairement d’où viennent les nuisances. L’objet de son livre sur « Les nouveaux maîtres du monde » est de démontrer l’efficacité des prédateurs capitalistes. Il critique durement les cadres des institutions telles que le FMI ou l’OMC, car en terme de démantèlement des sociétés traditionnelles et des services publics dans la plupart des pays du monde, ce sont eux les décideurs. Il met en évidence les travers de ces organismes non contrôlés démocratiquement. Jean Ziegler montre les conséquences désastreuses des mesures prises par ces organismes sur les écosystèmes et les sociétés de nombreux pays du tiers monde qui sont en faillite. Ce sont majoritairement des pays pauvres ou sous développés, des régions très peuplées, comme le Niger, l’Argentine, Guinée, Mauritanie, Zambie, etc. Jean Ziegler cite des exemples concrets qu’il connaît bien de part ses anciennes fonctions de Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Le résultat de l’intervention du FMI est toujours le même et se reconnaît en quelques années par la ruine programmée de populations entières par l’imposition de solutions financières complètement inadaptées. Aujourd’hui dans le monde, toutes les sept secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Le plus souvent victime d’un impératif et d’un seul, celui des maîtres du monde : le profit sans borne. Ziegler dit qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité, puisque nous avons les moyens pour nourrir ces enfants. L’obstacle ce sont les acteurs du capitalisme contemporain. Les nouveaux maîtres du monde, dont il parle, ce sont les seigneurs du capital financier mondialisé [[12]]. Au coeur du marché globalisé se situent des prédateurs : les banquiers, les hauts dirigeants des sociétés internationales, les opérateurs du commerce mondial. Ils accumulent l’argent, passent au dessus des États, affaiblissent ces États et quand ils le peuvent détruisent ces États. Ils dévastent la nature et ne s’occupent pas des conséquences de leurs actes sur les autres humains. Il existe donc des mercenaires dévoués servent l’ordre des prédateurs au sein de l’Organisation mondiale du commerce, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international. Ce livre suit à la trace les membres de ces institutions officiellement au-dessus de tout soupçon, il déconstruit à sa façon l’idéologie qui les inspire et jette une lumière crue sur le rôle joué en coulisses par l’empire américain. Nous constatons que deux socialistes français sont à la tête de ces organismes, Monsieur Strauss Khan et Monsieur Lamy. Jean Ziegler est lui-même socialiste. Ceci témoigne des conflits au sein de la partie de la classe dirigeante, qui, officiellement, est sensible aux douleurs du monde. Ziegler y porte une position très minoritaire. Cet état de fait montre que l’ancien socialisme s’est bien intégré au capitalisme et s’est bien adapté aux mutations postmodernes. Lui aussi s’est transformé en son contraire. Ce faisant ce socialisme a perdu sa crédibilité. Cet élément est un facteur de désenchantement vis-à-vis de la sphère politique, qui accroît la détresse de beaucoup de personnes. Le Nouvel Ordre Mondial semble s’être installé au début des années 90 du XXème siècle, suite à la première Guerre du Golfe et la fin de l’URSS. Pour sa sécurité, le capital financier s’appuie sur la surpuissance américaine. Le droit s’incline devant la force, la diplomatie cède le pas à la guerre. Le cartel des Maîtres du monde se sert des USA pour réaliser leurs intérêts privés, ils se servent donc de la force de frappe militaire et policière américaine. Le dogme ultra-libéral de Washington est un formidable égoïsme, un refus presque total de toute solidarité internationale, une volonté absolue de proposer sa seule vision du monde. Les USA sont opposés au principe même de la justice internationale. Ils refusent la Cour Pénale Internationale comme la Russie, la Chine et Israël. La possibilité de l’universalité est remise en cause au nom d’intérêts particuliers. En ce qui concerne la Commission des Droits de l’homme des Nations Unies, les USA votent contre toute mesure pour les droits économiques, culturels, contre le droit à l’alimentation, à l’habitat, à l’éducation, à la santé, à l’eau potable. Notre travail est situé dans l’espace temps, celui d’un changement de personne au poste de président des USA. Pour symbolique qu’il soit, ce changement n’a pas, pour l’instant, changé l’orientation générale de la politique mondiale des USA. L’analyse de l’évolution de notre société montre que la soif de pouvoir et le désir de profit conduisent à ce qu’il existe maintenant des « humains en trop ! », des « humains au rebut ». Ce constat est réalisé par Bauman, il aborde cette question dans un article intitulé : Une planète pleine et sans espace. [[13]] Ce type d’analyse est également utilisé par un professeur de philosophie des Antilles. [[14]] Celui-ci explique la révolte récente aux Antilles françaises de cette manière. Une grande partie de la population antillaise refuse le statut proposé aux populations de ces départements ou territoires d’outre mer, un statut de sous-hommes presque au rebut. Leurs cris ont essayé d’interpeller les dirigeants actuels, mais il n’a pas beaucoup été question de cette lutte pour la dignité dans les comptes rendus rapportés en métropole. Ce blocage politique engendre la violence à terme : violence aux Antilles, violence dans les banlieues, où le feu destructeur en 2005 a remplacé les pétitions, les manifestations et le dialogue politique. Pour compléter ces exemples français, il est possible de se référer aux travaux de Mike Davis sur les bidonvilles. Il décrit l’explosion des bidonvilles dans les pays pauvres. Il a donne le titre suivant à son livre « Le pire des mondes possibles ». Il estime que :[/size] |
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الخميس فبراير 25, 2016 9:21 am من طرف جنون