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Perçu souvent dans les médias comme une nébuleuse dirigée par Ray Kurzweil, le transhumanisme est un mouvement d'idées beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Le philosophe suisse Gabriel Dorthe revient pour nous sur ce point.
Doctorant en philosophie, Gabriel Dorthe écrit actuellement une thèse sur les mouvements transhumanistes. Il pratique la « philosophie embarquée ». C’est-à-dire qu’il prend part à ce qu’il étudie. Pour cela, il est devenu membre de l’association française transhumaniste Technoprog. Il interviendra au colloque international Transvision 2014 qui se tiendra à Paris du 20 au 22 novembre.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le colloque Transvision 2014 qui va s’ouvrir ce 20 novembre ?
C’est la première fois qu’un événement d’une telle ampleur va avoir lieu en France avec autant d’intervenants anglo-saxons. Le but, c’est de réunir les participations les plus diverses possibles sur la question de la justice sociale. Car c’est une critique souvent formulée à l’encontre du transhumanisme : le danger d’accroître les inégalités sociales. Mais contrairement à ce que pensent leurs détracteurs, le débat est très fort à ce sujet parmi les transhumanistes. Ce qui n'enlève rien à la pertinence de certaines critiques « externes» bien sûr. Cela promet d’être passionnant.
Populaire aux Etats-Unis, le transhumanisme est critiqué en France. Qu’en pensez-vous ?
Il y a effectivement un paysage critique très vif en France face au transhumanisme. Et un contexte qui pousse à choisir son camp. Est-on transhumaniste ou pas ? Mais j’ai découvert premièrement qu’il y a beaucoup de gens qui disent la même chose que les transhumanistes tout en s’en démarquant et même en les accusant d’être de dangereux sectaires. Ensuite, que le débat reste très ouvert au sein même de ceux qui se revendiquent transhumanistes et qui se posent la question de ce qui va arriver à l’être humain biologique avec l’apport des nouvelles technologies. Il y a une ouverture des possibles qu’ils jugent tous positive. Maintenant, ils ne sont pas d’accord sur ce qu’on peut en faire : s’améliorer, s’augmenter, allonger la durée de vie, devenir immortel, etc. Ce n’est pas une secte !
Ray Kurzweil est aussi présenté fréquemment comme le chef de file des transhumanistes. Etes-vous d'accord ?
C’est comme s’il y avait un besoin de personnifier ce mouvement. Sauf que les livres de Ray Kurzweil ne forment absolument pas un corpus complet de ce qu’est le transhumanisme. Je connais beaucoup de transhumanistes qui ne sont pas du tout en accord avec sa théorie de la singularité, par exemple. Il décrit très bien les éléments techniques et scientifiques susceptibles selon lui de faire évoluer l'humanité, mais il reste très discret sur la question des valeurs. Ce n’est pas là un discours de gourou.
Par Amélie Charnay