فدوى فريق العمـــــل *****
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الموقع : رئيسة ومنسقة القسم الانكليزي تاريخ التسجيل : 07/12/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 7
| | 2. Histoire et structure de la science | |
La science, les sciences ont une histoire ; et même force nous est de reconnaître que, lorsque nous parlons d'elles, nous ne visons jamais que ce qu'elles étaient hier, ou avant-hier. À le bien prendre, un état proprement actuel de la science est impossible à définir. Mais rétrospectivement il est permis sans doute de décrire des figures successives de la science. Quelle est la nature de ces états dont on croit pouvoir fixer le contour, quel est le sens de leur succession, quel espoir leur disparité nous laisse-t-elle de quelque connaissance objective assurée ? • Qu'est-ce qu'un « état de la science » à un moment donné ?Il semble tout d'abord qu'un état de la science consiste en la somme, à une époque donnée, de certains savoirs. Cette notion purement additive ne peut guère satisfaire l'observateur de la science aux époques modernes. Elle pouvait être retenue sans doute pour les époques plus anciennes de l'histoire de la connaissance. Et n'est-ce pas précisément le Moyen Âge qui, en Europe, a inventé les Sommes, recensement de tout ce que l'on savait ou croyait savoir ? Mais la possibilité de décrire ainsi un état de connaissance ne suscite-t-elle pas quelque doute sur son caractère proprement scientifique ? Les états de la connaissance qui peuvent être convenablement décrits par un tel inventaire sont précisément antérieurs à l'avènement d'un mode de savoir spécifique, qui est manifestement distinct de tous les autres et auquel l'épistémologie veut réserver le nom de science. Nul ne pourrait songer aujourd'hui à définir l'état de la physique, par exemple, en recensant les propriétés mécaniques, électromagnétiques, thermodynamiques, nucléaires connues des physiciens contemporains, même réduites à leurs éléments principaux. La raison n'en est pas seulement dans l'énormité, mais aussi dans l'arbitraire de cet inventaire, qui aurait à cet égard le mérite de faire apparaître en contrepartie l'immensité des faits « physiques » sur lesquels le physicien n'a rien à dire, ou dont il ne peut expliquer le détail. Quoi qu'il en soit, on le voit bien, ce n'est pas un tel inventaire qui constitue un état de la science. En donner une détermination plus satisfaisante, telle est l'une des questions apparemment préalables, mais tout à fait fondamentales, qui sont posées à l'épistémologue.Il semble qu'on puisse reconnaître deux grandes orientations de cette définition d'un cadre pour la description d'un état de la science. L'une d'elles insiste sur l'importance d'idées très générales, de nature métaphysique, c'est-à-dire inaccessibles comme telles à l'expérience, qui serviraient de trame à l'organisation de la pensée scientifique à une époque donnée, et lui donneraient une certaine unité. Michel Foucault à Paris, G. Holton à Harvard en sont les représentants les plus en vue, quoi qu'en des sens bien différents. La notion d'épistémé, pour le premier, est une sorte de soubassement « archéologique » du savoir scientifique d'une époque. Elle consisterait en un parti pris très général relativement à la question : qu'est-ce que connaître ? Une telle unification de l'esprit du temps, dont l'inspiration rappelle la conception hégélienne des figures de la conscience dans laPhénoménologie de l'esprit, ne peut manquer de séduire au premier abord. Cependant, le caractère de généralité excessive des traits qui fonderaient une épistémé, en rendant trop facilement praticable à une pensée agile et habile à choisir ses exemples une interprétation apparemment cohérente de l'état de la science, risque fort de n'en saisir que des aspects extérieurs. D'autre part, dès qu'un examen détaillé des faits épistémologiques est poursuivi sans parti pris de sélection orientée, on s'aperçoit que le bel édifice se délabre, et l'on en vient à suspecter l'artifice de l'entreprise, même si l'on demeure convaincu de l'existence d'un jeu entre les concepts de la science et la métaphysique plus ou moins implicite des hommes du temps.Quant à la thèse de G. Holton, elle n'est pas ordonnée à une périodisation de la science. Elle participe néanmoins du même principe que celle de M. Foucault et elle attribue un rôle déterminant, pour le développement de la science, à de grands « thèmes » philosophiques, d'abord posés en des termes qui les soustraient à toute confirmation expérimentale, mais qui animeraient pour ainsi dire les hypothèses scientifiques, reformulées alors de façon à permettre d'en contrôler la cohérence et l'adéquation aux phénomènes observés. Ce sont ces « thèmes » qui fourniraient impulsion et forme aux essais de construction proprement scientifiques, et dont les mises en œuvre successives donneraient par conséquent naissance aux différents âges d'une science. Holton distingue ainsi ce qu'il nomme le « plan de la contingence », dans lequel « un concept ou une proposition scientifiques ont un sens à la fois empirique et analytique » (c'est-à-dire : qui peut être soumis à l'expérience et est logiquement cohérent), et la « dimension des thèmes, de ces préconceptions de nature stable et largement diffusée, qui ne peuvent être ramenées à des raisonnements analytiques ou à l'observation, ni ne peuvent en être dérivées » (Thematic Origins of Scientific Thought, Kepler to Einstein, 1973, pp. 22-24). Telle serait, par exemple, la notion vague d'une structure atomique de la matière, qui se trouve incarnée dans les théories chimiques du XVIIIe siècle, puis dans les hypothèses électromagnétiques de Bohr, puis dans la mécanique quantique... Les conceptions de Holton s'appuient, certes, sur des études historiques détaillées, et il nous convainc aisément de l'importance de l'« élément de contradiction et d'irrationalité dans la découverte scientifique, de la disconvenance entre la précision des concepts physiques et la flexibilité du langage, du conflit entre la tendance qui motive et les règles de l'objectivité » (ibid., p. 383). Faut-il en conclure, pour autant, qu'un état de la science est essentiellement défini par la manière dont se cristallisent et prennent forme à un moment donné des idées-forces assez vagues, prises pour les seuls moteurs du devenir scientifique ? D'une part, ce serait oublier que, parmi tous les « thèmes » exprimés ou latents de la pensée philosophique ou de la pensée « sauvage », quelques-uns seulement ont eu un avenir scientifique (et de cette sélection, certainement significative, la thèse holtonienne ne nous donne pas le pourquoi). D'autre part, ce serait refuser de voir dans la science l'œuvre d'un travail interne fondamental, dont nous aurons à montrer la présence et l'allure.La seconde orientation concernant la définition d'un état de la science ou des sciences, au lieu de mettre en vedette le jeu de thèmes généraux, consiste à insister sur sa spécificité et sur le caractère déterminant des techniques de pensée qu'elle institue. L'œuvre de Gaston Bachelard est à cet égard exemplaire. Elle fait, certes, leur part aux « thèmes » – avec quasiment un demi-siècle d'avance sur Holton – en déployant pour chaque concept scientifique le « spectre épistémologique » de ses motivations philosophiques, considérées alors dans leur aspect d'obstacle, et comme opposant des résistances qui obligent la pensée objective à vaincre ses préjugés. Mais elle insiste surtout sur le caractère de système « régional » qui serait celui de chaque état développé d'une connaissance scientifique. Se dégageant à la fois des découpages du monde immédiatement suggérés par l'expérience commune et du désir abstrait d'universalité qu'une première réflexion philosophique cultive, le rationalisme scientifique accepte de démultiplier ses domaines en des systèmes provisoirement autonomes. Bachelard décrit un « rationalisme électrique » et un « rationalisme mécanique ». Chaque région ainsi délimitée à un moment donné de l'histoire des sciences se définit en constituant ses objets par une techniqueexpérimentale, en formulant ses principes et ses modes de raisonnement spécifiques. Tel est le sens d'un « rationalisme appliqué », pour lequel « la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet » (Le Nouvel Esprit scientifique, 1934, p. 11). De telle sorte qu'une époque de la science ne saurait être décrite à proprement parler comme un fait, mais comme un ensemble d'« idées s'inscrivant dans un système de pensée », se manifestant par des techniques précises et complexes tant dans la matérialité des expériences que dans la construction des concepts. Du succès de ce travail interne de rationalisation d'un domaine résulte une unité de conception qui s'impose si fortement aux esprits que toute tentative pour le rompre au profit d'un projet nouveau qui en élargisse et en approfondisse le champ se heurte à des résistances apparemment tout à fait fondées, et qui ne sont surmontées qu'au prix d'un renouvellement. « Par les révolutions spirituelles que nécessite l'invention scientifique, l'homme devient une espèce mutante, ou pour mieux dire encore une espèce qui a besoin de muter... » (La Formation de l'esprit scientifique, 1938, p. 16).Ce sont justement ces résistances et ces inerties qui servent de point de départ à la thèse de Thomas Kuhn sur les « révolutions scientifiques » et sa conception des états stables de la science. La science, selon Kuhn, se stabilise à de certaines époques en se conformant à un « paradigme », qui en délimite le champ et les procédures d'investigation. Dans un tel cadre de « science normale », la formulation des problèmes et le type de solution attendu s'imposent à la communauté scientifique. Plus que de la domination de telle ou telle théorie dans un certain domaine, il s'agirait alors d'un accord général sur les voies et les moyens de la connaissance scientifique. Deux traits essentiels semblent caractériser un « paradigme » au sens kuhnien : en premier lieu, l'importance des institutions dans lesquelles s'incarne son inertie (Kuhn insiste sur l'aspect déterminant des contraintes exercées par les groupes de savants socialement dominants à travers la transmission scolaire du savoir, la distribution des moyens de recherche, la reconnaissance collective des compétences ; le passage d'un paradigme à un autre constituerait donc une « révolution », qui exige une mise en question non seulement des idées mais aussi des pouvoirs) ; en second lieu, l'incommunicabilité supposée des savoirs acquis conformément à des paradigmes différents. Chaque époque « normale » de la science constituerait donc une sorte d'isolat. La révolution qui abolit les normes aboutirait à une reformulation si radicale des problèmes et à un renouvellement si profond des méthodes que les concepts d'une sphère à une autre seraient à la rigueur intraduisibles : la masse newtonienne et la masse relativiste, par exemple, correspondraient à des visées si différentes des phénomènes de mouvement qu'il serait impossible et vain de vouloir exprimer l'une par rapport à l'autre. On a pu contester l'idée d'un état « normal » de la science, en insistant sur les controverses et les fluctuations incessantes qui agitent à toute époque le monde scientifique. Il est cependant difficile de ne pas reconnaître la présence, à certaines époques, d'une unité d'ensemble de la pensée quant à la manière de poser et de résoudre des problèmes dans des domaines déterminés de la science. Mais il est certainement permis de discuter, dans la conception de Kuhn, la majoration du poids accordé aux facteurs exogènes, essentiellement institutionnels, de ce consensus. Car la vertu stabilisatrice du paradigme, si elle est assurément maintenue par des contraintes économiques et sociales, dépend aussi – et peut-être surtout – de la cohérence et de la dynamique interne d'une organisation conceptuelle. D'autre part, la thèse de l'incommunicabilité des paradigmes rend tout à fait incompréhensible l'effet manifeste d'accumulation de la connaissance scientifique. Une histoire de la science doit sans doute rendre compte des mutations et des ruptures, mais il lui faut aussi expliquer comment et jusqu'à quel point les novations les plus spectaculaires assimilent le passé de la science, et en quel sens il est assuré, malgré Kuhn, que la mécanique einsteinienne et celle deNewton se répondent en un dialogue qu'il nous est parfaitement possible d'interpr | |
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