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 Certitudes, incertitudes et enjeux de la philosophie des sciences contemporaine

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04122010
مُساهمةCertitudes, incertitudes et enjeux de la philosophie des sciences contemporaine

L’histoire et la philosophie des sciences du xxe siècle ont conduit à ébranler l’idée commune de la science comme ensemble de vérités bien fondées. Nous voudrions ici présenter les principaux coups portés à cette idée, puis en discuter les conséquences. Nous nous demanderons en particulier s’il y a lieu, comme le pensent certains, de conclure au relativisme extrême : de soutenir qu’il n’y a pas de progrès scientifique, ou que les théories scientifiques sont à mettre sur le même plan que, par exemple, les mythes ou les religions – bref, que « tout se vaut » 1. L’idée commune de science comme ensemble
de propositions vérifiées par l’expérience



2Une théorie scientifique, la physique par exemple, est constituée d’un ensemble d’énoncés (en un sens large du terme « énoncé », comprenant notamment les formules mathématiques). Ces énoncés, d’une part sont pourvus de signification (ils « veulent dire » quelque chose) ; d’autre part sont censés, pour certains tout au moins, posséder une « référence », c’est-à-dire renvoyer à des états de choses existant indépendamment de l’homme (à des objets, à des relations ou à des processus réels). Ils sont dits « vrais » lorsque les états de choses décrits (signifiés) « correspondent » aux états de choses réels, « faux » dans le cas contraire. La question est la suivante : comment déterminer la valeur de vérité (vrai ou faux) d’un énoncé ? Dispose-t-on d’une méthode fiable pour décider qu’une hypothèse donnée doit, en l’état de l’investigation, être acceptée ou rejetée ?
3Au premier abord, la situation paraît simple. Les hypothèses théoriques seront retenues et dites « vraies » (en l’état des connaissances), si les conséquences observables qui peuvent être déduites d’elles sont effectivement observées. Elles seront abandonnées et dites « fausses », dès lors qu’elles prédisent la survenue de phénomènes qui, expérience faite, ne se produisent en fait pas.

  • 2 . Antonia Soulez (éd.), Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, PUF, 1985.

4Cette conception, conforme à l’idée commune de science et de démarche scientifique, fut développée et précisée autour des années trente par un courant de la philosophie des sciences que l’on appelle le positivisme (ou l’empirisme) logique 2. Désireux de fonder la science et d’indiquer des critères opérants permettant de démarquer nettement science et non science, les positivistes logiques, R. Carnap notamment, entreprirent de montrer que la science authentique s’oppose à la non science ou aux pseudo-sciences comme le vérifiable et le non vérifiable. Ils cherchèrent alors à spécifier une méthode qui permette d’une part de reconnaître les énoncés vérifiables, d’autre part de décider si un énoncé vérifiable est effectivement vérifié ou au contraire réfuté.

5Ils distinguèrent dans ce but trois types d’énoncés. Premièrement, les « énoncés d’observation », supposés immédiatement vérifiables et donc scientifiques. Les énoncés d’observation s’identifient aux énoncés constitués de « termes d’observation », c’est-à-dire de termes se rapportant directement à des états de choses perceptibles : des couleurs, des formes, des objets de la vie quotidienne, etc. Par exemple : « bleu au point x et à l’instant t » ; ou encore : « il y a un ours blanc dans tel bassin du zoo de Vincennes ». Pour le Carnap des années trente, la vérification des énoncés d’observation est immédiate, non problématique, et déterminée par les seules observations : un énoncé d’observation est vérifié, si l’état de chose observable qu’il décrit est effectivement observé par tout observateur placé dans les conditions empiriques requises.
6Deuxièmement, les « énoncés théoriques », vérifiables quoique médiatement, et dans cette mesure également scientifiques. Les énoncés théoriques sont ceux qui contiennent des termes renvoyant à des états de choses non observables, tels que « atomes » ou « électricité », mais qui peuvent néanmoins être mis en rapport indirect avec des faits immédiatement observables. Par exemple : « ce cristal possède une structure atomique cubique ». La structure atomique cubique n’est certes pas directement observable, mais l’énoncé théorique qui la mentionne peut être coordonné à des énoncés d’observation, tel que « si l’on examine ce cristal avec tel type de microscope, l’on visualisera tel type de figure régulière ». D’après le Carnap des années trente, une hypothèse théorique donnée : est vérifiée si tous les énoncés d’observation qui se laissent déduire d’elle sont effectivement vérifiés ; est réfutée dès lors qu’au moins une de ses conséquences observables n’est pas observée.
7Troisièmement, les « énoncés métaphysiques », quant à eux invérifiables et donc non scientifiques. Les énoncés métaphysiques sont ceux desquels ne peut être déduit aucun fait observable bien déterminé. Par exemple : « Dieu est omniscient ». Ils sont invérifiables, justement parce qu’ils ne peuvent être ni directement ni indirectement mis en rapport avec l’expérience sensible. Ils doivent être, estiment les positivistes logiques, systématiquement identifiés et bannis du domaine de la science.
8Au fondement d’une telle conception de la science, on trouve l’idée, caractéristique de l’orientation empiriste en général et conforme à la manière dont le sens commun se représente la science, que toute la dimension théorique de la science peut être ramenée à du pur observationnel et, qu’ainsi, les théories humaines, au départ toujours douteuses, peuvent être soustraites au doute du fait de leur arrimage à ce qu’on a appelé une « base empirique » (l’ensemble des énoncés d’observation vérifiés) quant à elle absolument certaine et invariante, étant supposée telle quelle donnée à tous indépendamment de toute théorie.
9Malheureusement cette idée séduisante, qui est aussi un idéal, s’est vue attaquée sur plusieurs front par la philosophie des sciences du xxe siècle. Répertorions les principaux problèmes mis en évidence. Le « problème de l’induction »


10Dans les années trente, le problème de l’induction est en fait déjà connu, et depuis longtemps – le philosophe empiriste David Hume y ayant consacré au xviiie siècle des réflexions aussi approfondies que célèbres. Le projet des positivistes logiques réactive seulement le problème, qui est en substance le suivant.
11Beaucoup d’énoncés théoriques constitutifs de la science sont des lois, c’est à dire des énoncés de la forme « tous les A sont B » (par exemple : tous les métaux se dilatent sous l’effet de la chaleur). Supposons que l’on veuille appliquer les critères de scientificité stipulés par les empiristes logiques à un tel énoncé. Il faudrait s’assurer que tous les énoncés d’observation déductibles de la loi sont vrais, c’est-à-dire correspondent bien à ce qui est observé. Seulement, une infinité d’énoncés d’observation sont déductibles d’une loi universelle. Pour vérifier la loi « tous les métaux se dilatent sous l’effet de la chaleur », il faudrait en toute rigueur avoir examiné la réaction au chauffage de tous les échantillons métalliques qui ont existé, existent et existeront.
12Une telle tâche est évidemment en pratique humainement irréalisable. L’homme, être fini, peut seulement constater qu’un nombre fini d’échantillons – tous les métaux examinés jusqu’ici – subissent un certain allongement lorsqu’ils sont chauffés. S’il conclut de là que « tous les métaux chauffés se dilatent », il procède à une induction. Il postule autrement dit que ce qui vaut dans un nombre fini de cas vaut nécessairement dans tous les cas. Or un tel raisonnement inductif n’est évidemment pas valide d’un point de vue logique. La conclusion contient plus que les prémisses, et rien ne garantit qu’un contre-exemple ne sera pas observé dans le futur ou a existé dans le passé sans être observé.

  • 3 . Hans Reichenbach, Experience and Prediction, The university of Chicago Press, 1938, p. 50.

13L’expérience et la logique ne suffisent donc jamais à garantir qu’un énoncé du type « tous les A sont B » est authentiquement vérifié. La procédure de vérification des énoncés théoriques mise en avant par Carnap se révèle en toute rigueur concrètement inapplicable. La plupart des énoncés théoriques constitutifs de la science contiennent plus qu’un ensemble d’observations effectives. Comme le reconnaît l’empiriste logique Reichenbach : « l’idée que tout ce que la physique établit ne serait qu’un simple résumé des propositions d’observation, ne saurait survivre à une critique rigoureuse » 3.
Substituer à la vérification la confirmation ou la réfutation ?


14Sur quoi fonder la science, si ce n’est sur la vérification ? Pour quelles raisons la science peut-elle être considérée comme un savoir fiable, si ce n’est pas, comme le croit le sens commun, pour la raison qu’elle prouve effectivement la vérité de ses hypothèses ? Quels critères conduisent donc en pratique les hommes de science à accepter ou à rejeter une conjecture émise à un moment donné ?

  • 4 . Voir par exemple C. Glymour, Theory and Evidence, Princeton University Press, 1988.

15Certains, et assez vite Carnap lui-même, ont recherché l’issue du côté de la confirmation, exigence moins forte que la vérification. L’idée est en substance la suivante : à défaut de pouvoir prouver la vérité, ne peut-on réussir à chiffrer précisément le « degré de confirmation » d’une hypothèse, c’est-à-dire la probabilité pour que cette hypothèse soit vraie étant admis un certain ensemble de données d’observation connues ? La science ne tient-elle pas sa valeur particulière de sa capacité à justifier la plus ou moins grande probabilité des hypothèses rivales en présence à un moment donné, et de sa décision de retenir les hypothèses les plus probables ? Les tentatives pour répondre à de telles questions se poursuivent encore aujourd’hui dans ce que l’on appelle l’approche néo-bayésianniste. Mais elles continuent de se heurter à d’importantes difficultés. Les procédures proposées pour évaluer les probabilités restent en particulier problématiques et âprement discutées 4.


  • 5 . Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique [1934], Payot, 1973.

16D’autres philosophes des sciences, Karl Popper par exemple 5, ont emprunté des chemins différents. La science tient d’après eux sa dignité, non de la confirmation toujours accrue de ses hypothèses par un nombre toujours plus grand d’observations conformes, mais bien plutôt de la réfutation par l’expérience d’un nombre toujours plus grand d’hypothèses fausses. L’idée est que l’expérience, interrogée à propos d’une hypothèse, peut seulement dire « non » : peut seulement prouver la fausseté (et non la vérité) d’une proposition universelle du type « tous les A sont B » (en présentant un contre-exemple, au moins un A qui ne soit pas B).

17Dans une telle conception, dite « falsificationniste » ou « faillibiliste », une hypothèse n’est de type scientifique que si elle est falsifiable, c’est-à-dire susceptible d’être réfutée par l’expérience. La méthode scientifique consiste à proposer des hypothèses réfutables, à concevoir et réaliser des expériences potentiellement réfutatrices, et à retenir jusqu’à nouvel ordre les hypothèses qui résistent à la réfutation. Celles-ci sont dites « corroborées », et d’autant plus corroborées (mais non pas « vraies », ni même « d’autant plus probables ») qu’elles résistent au cours du temps à des tests toujours plus sévères. Elles ne sont néanmoins jamais corroborées que jusqu’à nouvel ordre. La science progresse en fin de compte non pas, comme on pourrait le croire, en indiquant toujours plus complètement et précisément ce qu’est le monde, mais en déterminant toujours plus complètement et précisément ce qu’il n’est pas.

  • 6 . Imre Lakatos, Histoire et méthodologie des sciences [1974], PUF, 1994.

18Le problème est, comme l’ont souligné certains critiques de Popper – Lakatos 6 notamment – que la condition « rejeter les hypothèses qui présentent au moins une conséquence observable erronée », ne suffit pas pour déterminer, parmi un ensemble d’hypothèses disponibles rivales, lesquelles doivent être complètement abandonnées et lesquelles doivent être affinées. Ceci, car toutes les hypothèses disponibles prédisent presque toujours en pratique quelques événements empiriques à l’examen non observés. En toute rigueur il faudrait donc toutes les rejeter, et la science ne pourrait pas commencer à naître. La condition spécifiée n’est donc pas, ou en tout cas pas seule, celle qui préside concrètement au choix des hypothèses concurrentes et garantit le progrès scientifique.
Le problème de la base empirique


19Même si l’on réussissait à résoudre les difficultés liées à la confirmation ou à surmonter les insuffisances de la réfutation, d’autres problèmes, plus graves, continueraient d’atteindre l’image de la science comme ensemble de propositions imposées par et fondées sur l’observation.

  • 7 . Nous nous contenterons ici de développer le second point. Pour une présentation du premier, et sur(...)

20En effet, quel que soit le but poursuivi (vérifier, confirmer ou réfuter), confronter une hypothèse à l’expérience suppose de disposer de données d’observation irrécusables et indépendantes de toute théorie, susceptibles, selon les cas, de renforcer ou d’affaiblir la crédibilité de l’hypothèse testée. Or les énoncés d’observation immédiatement vérifiés, sensés, dans l’esprit du Carnap des années trente, jouer ce rôle – c’est-à-dire constituer une base empirique absolument fiable et invariante qui ait valeur de test pour les énoncés théoriques –, à l’examen, ni ne peuvent être authentiquement justifiés par les perceptions, ni ne sont complètement indépendants des théories en vigueur 7. Tel est en substance le problème de la base empirique.

21Considérons un énoncé d’observation aussi élémentaire que « il y a un ours blanc dans tel bassin du zoo de Vincennes ». Cet énoncé peut parfaitement être un temps considéré vrai, puis se trouver rejeté comme faux, suite à une évolution des théories en vigueur. On arguera par exemple, sur la base de tests génétiques dont on ne disposait pas auparavant, que cet animal blanc qui fut observé au lieu x et à l’instant t et qui présentait extérieurement toutes les apparences de l’ours blanc, n’en était en fait pas un.
22La décision d’accepter ou de rejeter un énoncé d’observation quelconque ne dépend donc pas seulement du lien intime que cet énoncé est supposé entretenir avec certaines perceptions (correspondance ou non correspondance). Elle dépend aussi des connaissances théoriques et techniques disponibles. Dans l’exemple discuté, Elle dépend du contenu des théories zoologiques et biologiques – lesquelles spécifient ce qu’est un ours et comment reconnaître un ours –, de la mise au point de tests génétiques fiables, etc. Et puisque les théories évoluent, la base empirique apparaît elle-même susceptible d’évoluer.
23On sera peut-être tenté de répliquer que dans l’exemple choisi, les locuteurs parviennent tout de même sans problème à s’accorder sur un certain nombre de descriptions de perceptions : sur le fait qu’il y a bien, dans le bassin considéré du zoo de Vincennes, un animal, de couleur blanche, etc. On en conclura peut-être que la discussion précédente est biaisée par cette circonstance que l’on a choisi un énoncé d’observation qui n’est « pas assez observationnel », qui est déjà « un peu théorique ». Mais le problème est que l’on ne peut indiquer aucune frontière nette qui séparerait d’un côté du « pur observationnel », imposé une fois pour toute à tous les hommes par les stimuli sensoriels et faisant fonction de base empirique irrécusable, et de l’autre du « déjà un peu théorique ».
24D’où ce risque, que tous les éléments observationnels qui interviennent dans une description de perceptions, fussent-ils les plus élémentaires que l’on puisse imaginer, puissent être remis en cause sous l’effet de l’évolution des théories. Serait alors récusée l’idée d’un socle observationnel inattaquable supposé s’identifier au fondement de la science, c’est-à-dire supposé en constituer à la fois le point de départ (le donné irrécusable qu’il y a à expliquer) et le point d’arrivée (le donné irrécusable qui permet de s’assurer que l’on ne s’est pas trompé dans l’explication). Le problème du holisme


25L’interdépendance entre énoncés théoriques et énoncés observationnels n’est en fait qu’une manifestation particulière d’une caractéristique plus générale et absolument fondamentale des théories scientifiques : à savoir, que ces théories sont des systèmes d’énoncés, c’est-à-dire des réseaux d’énoncés interdépendants de toutes sortes (observationnels et théoriques notamment). Les énoncés constitutifs du système de la connaissance sont interdépendants, et quant à la signification, et quant à la valeur de vérité (vrai, faux, plus ou moins probable).
26Prenons pour le comprendre quelques exemples simples. Supposons que nous ayons dans un premier temps défini les cygnes comme des oiseaux palmipèdes présentant un plumage blanc et un long cou flexible (théorie T1), puis que nous en venions, l’investigation avançant, à les redéfinir à partir de la spécification d’un génotype précis (théorie T2). Ce changement de la signification du mot « cygne » induit, de T1 à T2, un changement des critères d’identification de ce qui est un cygne ou de ce qui ne l’est pas. D’où il peut résulter des modifications de la valeur de vérité de tous les énoncés de T1 mentionnant des cygnes (passage du vrai au faux ou du faux au vrai). Il pourrait par exemple s’avérer que l’énoncé « il y a des cygnes au zoo de Vincennes », considéré vrai durant des années sur la base de T1, finisse par être jugé faux à partir de T2, les animaux du zoo de Vincennes correspondant au phénotype stipulé par T1 s’avérant ne pas posséder le génotype requis par T2.
27Supposons maintenant que l’on en vienne à remettre en question la loi, longtemps admise, « tous les cygnes pondent des œufs ». Ici, la valeur de vérité de l’énoncé change : elle passe de « vrai » à « faux ». Admettons de plus que l’on continue à reconnaître comme vrai l’énoncé « tous les cygnes sont des oiseaux ». Il faudra alors, sous peine de contradiction, modifier la signification du mot « oiseau », rectifier la définition des oiseaux comme animaux ovipares.
28D’un point de vue général, tous les cas de figure sont envisageables. Un changement de signification, introduit en un point du système, peut induire en d’autres points aussi bien des changements de valeur de vérité que des changements de signification. De même, une modification de valeur de vérité peut entraîner des modifications et de signification, et de valeur de vérité.
29En fait les choses sont plus compliquées encore, car rien n’oblige jamais absolument à identifier un changement donné, soit à un changement de définition (pensé comme résultant d’une décision humaine conventionnelle), soit à un changement de valeur de vérité (pensé comme imposé par les faits empiriques connus en l’état de l’investigation). Pour le comprendre, reconsidérons la situation présentée à l’avant dernier paragraphe. Faut-il conclure, comme nous l’avons fait plus haut sans discussion, que cette situation exige de modifier la définition du mot « oiseau » (la propriété « être ovipare » devant être éliminée de la nouvelle définition) ? Ou bien faut-il plutôt reconnaître que la loi universelle « tous les oiseaux sont ovipares », jusqu’ici tenue pour vraie, est en fait fausse (c’est-à-dire reconnaître qu’« en réalité » il y a, parmi les êtres jusqu’ici appelé « oiseaux », certaines variétés qui ne pondent pas d’œufs) ? Aucune de ces deux descriptions ne s’impose nécessairement.

  • 8 . Comme y a notamment insisté Willard van Orman Quine, (« Les deux dogmes de l’empirisme » [1951], D(...)

30Il est en d’autres termes impossible de tracer une frontière nette et définitive entre ce qui relève des pures conventions linguistiques ou des anodines « questions de mots », et ce qui a trait aux authentiques « questions de faits », aux changements de contenus théoriques imposés par la nature même de la réalité étudiée 8. La connaissance apparaît en fin de compte comme un réseau complexe d’énoncés (plus ou moins) interconnectés, susceptibles d’entretenir entre eux un certain nombre de liens linguistiques (interdépendance de la définition des termes) et logiques (implications entre propositions), de telle sorte que les significations et les valeurs de vérité d’un élément ne peuvent jamais être discutées sans prendre en considération les significations et les valeurs de vérité d’un certain nombre d’autres éléments du système total de la connaissance.


  • 9 . L’exemple est développé par Pierre Duhem, dans La Théorie physique, son objet, sa structure [1906](...)

31Tel est, présenté dans toute sa généralité, le problème du holisme, qui est peut-être le problème le plus aiguë de l’épistémologie contemporaine (« holisme » vient du grec « holos », qui signifie « le tout »). Si l’on se concentre sur la question, la plus cruciale, de la détermination de la valeur de vérité au détriment des autres aspects, l’on parle de holisme épistémologique ou de « problème Duhem-Quine ». Illustrons ce problème sur l’exemple d’une théorie physique 9.

32Au siècle dernier, les physiciens cherchèrent à tester l’hypothèse H, d’inspiration newtonienne, selon laquelle un rayon de lumière est constitué de minuscules particules. Ils prédirent que si la lumière était bien corpusculaire, elle devait se propager plus vite dans l’eau que dans l’air. Une expérience permettant de comparer la vitesse relative de la lumière dans les deux milieux considérés – connue sous le nom d’expérience de Foucault – fut alors conçue et réalisée. D’où l’on conclut historiquement, au vu des résultats obtenus, que la lumière, étant plus rapide dans l’air que dans l’eau, n’était en fait pas constituée de corpuscules.
33Cette conclusion, qui au premier abord peut sembler découler d’une sorte de confrontation directe entre l’hypothèse H et l’expérience sensible, présuppose en fait l’acceptation d’un très grand nombre d’autres hypothèses théoriques que H. Par exemple, pour prédire que la lumière doit se propager plus vite dans l’eau que dans l’air au cas où elle est corpusculaire, il faut admettre, entre autres, que les rayons lumineux subissent, lors de la traversée de divers milieux tels que l’eau ou l’air, des forces attractives ou répulsives obéissant à certaines lois déterminées. Ensuite, pour considérer que le résultat de l’expérience de Foucault – à savoir, très concrètement, l’apparition de deux tâches lumineuses, l’une verdâtre et l’autre incolore, placées d’une certaine manière l’une par rapport à l’autre – nous renseigne bien sur la vitesse relative de la lumière dans l’eau et dans l’air, il faut admettre l’exactitude d’un très grand nombre d’hypothèses impliquées dans la conception de l’appareil de mesure utilisé dans l’expérience de Foucault.
34D’un point de vue historique, l’expérience de Foucault, réalisée, conduisit à l’énoncé d’observation « la tache verdâtre est à droite de l’incolore » ; d’où l’on remonta, via une dérivation faisant intervenir de nombreuses propositions relatives au comportement de la lumière et au fonctionnement de l’appareil de Foucault, à l’énoncé « la lumière marche plus vite dans l’air que dans l’eau » ; et d’où l’on conclut à la fausseté de l’hypothèse d’une lumière corpusculaire. Mais d’un point de vue logique, rien n’impose nécessairement cette dernière conclusion. La logique oblige seulement à conclure que l’une au moins des hypothèses utilisées dans l’ensemble du raisonnement est fausse, sans toutefois indiquer laquelle.

  • 10 . Ibid., p. 284.

35En généralisant et dans les termes de Duhem : « le physicien ne peut jamais soumettre au contrôle de l’expérience une hypothèse isolée, mais seulement tout un ensemble d’hypothèses ; lorsque l’expérience est en désaccord avec ses prévisions, elle lui apprend que l’une au moins des hypothèses qui constituent cet ensemble est inacceptable et doit être modifiée ; mais elle ne [...] désigne pas celle qui doit être changée » 10. Quine, considérant que les hypothèses physiques sont non seulement liées entre elles, mais aussi connectées à des propositions non physiques, a radicalisé cette conclusion : c’est d’après lui le tout de la connaissance, et non pas l’une ou l’autre de ses parties bien désignées, qui se trouve soumis en bloc au tribunal de l’expérience. Quand des contradictions ou des tensions surviennent entre les anciens acquis et de nouvelles hypothèses, la logique ne désigne jamais la ou les croyances erronées : l’on sait seulement que « quelque chose ne va pas » dans le système total de nos connaissances.
Sous-détermination des théories par l’expérience et théories empiriquement équivalentes


36Rien n’indique donc en pratique à l’homme de science quelles hypothèses abandonner, rectifier ou proposer en cas de problème. Concrètement, les spécialistes d’un même domaine tentent en général des solutions différentes, et les contradictions ou les tensions indésirables repérées au sein du système de la connaissance s’avèrent toujours pouvoir être résorbées de plusieurs manières. Les épistémologues parlent de « sous-détermination de la théorie par l’expérience » : les stimuli sensoriels, supposés être identiques pour tous les êtres humains, n’imposent pasabsolument un seul et unique système d’énoncés vrais ; ils restent compatibles avec plusieurs systèmes distincts d’énoncés.

  • 11 . Quine, op. cit., p. 109.

37Cette thèse se laisse spécifier en une version forte et une version faible, selon que l’on juge plus ou moins grave le problème de la base empirique. Dans sa version forte, la thèse s’applique sans exception à tous les types d’énoncés du système de la science, énoncés d’observation inclus. L’on est alors conduit avec Quine à cette conséquence radicale que l’« on peut toujours préserver la vérité de n’importe quel énoncé, quelles que soient les circonstances. Il suffit d’effectuer des réajustements énergiques dans d’autres régions du système. [...] Réciproquement, aucun énoncé n’est tout à fait à l’abri de la révision » 11. L’on peut, dans une telle perspective, toujours choisir de sauver un énoncé théorique en récusant certains énoncés d’observation liés à des expériences apparemment contradictoires.

38Dans sa version faible, la thèse épargne certains énoncés d’observation. L’on admet alors – question très débattue – que les stimuli sensoriels imposent de la même manière à tout homme, quel que soit son langage, ses théories, son environnement social, etc., certains énoncés d’observation extrêmement élémentaires (mentionnant par exemple des tâches sur des écrans, des déviations d’aiguille, etc.). L’on estime tenir là un noyau observationnel irrécusable, un noyau auquel l’homme de science ne peut toucher au cas où « quelque chose ne va pas » dans le système de la connaissance – bref, une base empirique solide et invariante. Le problème est que la sous-détermination de la théorie par l’expérience n’est pas éliminée pour autant. En effet, un même ensemble fini d’énoncés d’observation spécifiés peut toujours être dérivé de théories très différentes, voire incompatibles. De telles théories sont dites « empiriquement équivalentes » en ce qu’elles prédisent les mêmes données empiriques. Seulement, elles prédisent ces données via des scénarios théoriques distincts apparemment irréconciliables.
39Conclusion : quoi qu’il en soit de la question de la base empirique, l’expérience et la logique ne contraignent jamais absolument à elles seules à accepter une seule et unique théorie scientifique. Les décisions prises en pratique par les hommes de science auraient donc en droit toujours pu être autres.
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