[size=32]L'attachement comme système motivationnel : J. Bowlby[/size]
[size=undefined]Morgane Vrai, Psychisme, 2012[/size]
Bowlby a théorisé les conduites du jeune enfant comme résultant de quatre systèmes motivationnels (système exploratoire, système affiliatif, système peur-angoisse). La postérité a surtout retenu celui de l'attachement car il apporte une vision originale du lien mère-enfant.
L'attachement est défini par Bowlby comme « un équilibre entre les comportements d’attachement envers les figures parentales et les comportements d’exploration du milieu.» (Bowlby J., Attachement et perte, Paris, PUF, 1978). Ce lien précoce repose sur des fondements biologiques et des propriétés motivationnelles comparables à la satisfaction des besoins primaires, mais indépendant de ceux-ci.
1. L'attachement
L'origine du concept d'attachement
A la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), J. Bowlby réalisa des observations sur la santé mentale des enfants sans foyer au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il en conclut l’importance capitale d’un besoin d’une relation chaleureuse, intime et continue entre l’enfant et sa figure maternelle. Ses études mettent en évidence plusieurs conséquences psychologiques chez l’enfant victime de carences de soins maternels tels qu’une absence de concentration intellectuelle, une inaccessibilité à l’autre ou encore une absence de réactivité émotionnelle. En 1946, en collaboration avec Robertson, Bowlby précisa ses observations à travers une recherche faite sur les conséquences d’une séparation d’avec la figure maternelle durant la petite enfance sur le développement ultérieur de l’enfant.
Ces auteurs ont observé que les jeunes enfants, privés de leur mère et séjournant dans un hôpital ou dans une pouponnière, vivaient une profonde détresse qui s’accentuait au fur et à mesure que le séjour se prolongeait. Plus précisément, leurs observations cliniques ont permis de mettre en lumière trois phases de réactions visibles et immédiates chez l’enfant entre six mois et quatre ans face à une séparation: la phase de protestation, qui débute dès la séparation et peut se prolonger de quelques heures à plusieurs semaine. C’est une période où l’enfant manifeste une profonde détresse et où il tente d’utiliser ses ressources disponibles pour retrouver sa figure d’attachement. La seconde phase, celle du désespoir, rend compte d’une perte d’espoir de retrouver sa figure maternelle. La troisième phase se révèle par un détachement de l’enfant où celui-ci semble réinvestir l’entourage. Cependant, au retour de la
mère, l’enfant ne témoigne d’aucun comportement caractéristique de l’attachement comme si le maternage et le contact humain n’avait plus de sens pour lui.
Ces observations, sources d’inspiration pour Bowlby, l’ont conduit à réfuter la théorie de l’étayage de la pulsion libidinale par la satisfaction orale élaborée par Freud pour reconsidérer la notion d’attachement à la mère. D. Anzieu (1996) se réfère à l’article de 1958 de J. Bowlby, The nature of the child ties to his mother , et parle « d’une pulsion d’attachement, indépendante de la pulsion orale et qui serait une pulsions primaire non sexuelle80 ». Cette théorie s’est donc développée suite aux préoccupations relatives aux manques et aux carences du nourrisson ayant subi des séparations précoces et des pertes parentales après la seconde guerre mondiale.
Le système d’attachement : une théorie de la relation.
Le système motivationnel d’attachement décrits par J. Bowlby a pour principal objectif d’établir une proximité physique et un réconfort avec la figure d’attachement. C’est en s’inspirant du modèle de la théorie du contrôle, née en mécanique qui définit la conduite en termes de « buts fixés à atteindre, de processus conduisant à ces buts et de signaux activant ou inhibant ces processus» (Op. cit p192) plutôt qu’en termes de tension et de réductions des tensions, que Bowlby élabore le concept d’attachement.
Le système d’attachement rend compte du maintien de la proximité avec sa figure d’attachement et de son corollaire interne : le sentiment de sécurité. Ce n’est que lorsque les besoins d’attachements sont satisfaits que le jeune enfant peut s’éloigner en toute sécurité de sa figure d’attachement pour explorer le monde qui l’entoure. Ce concept est novateur et repose sur une théorie comportementale instinctive. Bowlby (1978) postule que « le lien de l’enfant à sa mère est le produit de l’activité d’un certain nombre de systèmes comportementaux qui ont pour résultat prévisible la proximité de l’enfant par rapport à sa mère.» Ce système d’attachement vise la protection et donc la survie de l’individu dans une perspective évolutionniste d’adaptation. L’attachement représente ainsi un lien affectif et durable entre l’enfant et sa figure d’attachement et est caractérisé par la tendance du jeune enfant à rechercher la sécurité et le réconfort auprès de cette figure en période de détresse.
En ce sens, plus qu’une théorie du fonctionnement psychique de l’individu, la théorie de l’attachement représente un cadre conceptuel décrivant les aspects relationnels et le besoin de sécurité. Selon Bowlby, ce lien d’attachement, une fois intériorisé, servirait par la suite de modèle à toutes les relations intimes et sociales du sujet. Dans une perspective plus connexionniste, Guedeney et Guedeney (2002) définissent ce lien social et affectif comme étant « des connexions émotionnelles entre les personnes lorsqu’elles sont en relation d’intimité avec les autres83. » La théorie de l’attachement peut être considérée comme une véritable théorie de la relation où l’intériorisation du lien d’attachement primaire représente un modèle à toutes les relations de l’individu.
Les comportements et les étapes du développement de l’attachement.
Selon A. Guedeney et N. Guedeney (2002), ces comportements sont de nature innée et ont pour fonction de favoriser la proximité du jeune enfant envers sa figure maternelle ainsi que réciproquement de maintenir l’attachement de la figure significative à l’enfant. De multiples séparations initiées par la figure maternelle ou par l’enfant sont observables dans la vie quotidienne sans qu’aucune d’elles n’engendre des réactions pathologiques. Ces séparations semblent normales et même essentielles au développement de l’enfant en particulier pour son autonomie et sa sociabilité. Ainsi Bowlby (1978) a décrit cinq schèmes de comportement favorisant l’attachement :
- Les pleurs témoignent d’un comportement d’appel et les sourires contribuent à interpeller la figure d’attachement pour qu’elle vienne près de l’enfant ;
- Le comportement de poursuite et d’agrippement (« grasping ») permet à l’enfant
d’être proche de sa mère et de favoriser le lien d’attachement ;
- La succion non nutritionnelle ;
- L’appel par des petits cris puis par le nom, généralement « maman ».
Ces comportements d’attachement ont une double fonction : celle de promouvoir la proximité et celle d’activer le système motivationnel de caregiving (manière de prendre soin d’un plus petit que soi ou de plus vulnérable) du parent. Au cours du développement, l’enfant multiplie ses comportements d’attachement comme tendre les bras, le langage ou tous les comportements liés au développement psychomoteur.
Ces comportements visent à informer la figure maternelle de l’intérêt de son enfant pour l’interaction et donc de favoriser l’attachement réciproque de la figure maternelle à l’enfant. Ce n’est pas tant la spécificité du comportement en lui-même qui est important mais la manière dont il est fait et sa finalité. Si l’objectif est de promouvoir la proximité, alors ce comportement fonctionne comme un comportement d’attachement. En ce sens, la violence peut être comprise comme un comportement d’attachement dans le sens où l’enfant a appris à l’utiliser pour avoir de l’interaction.
Le développement de l’attachement a été conçu par Ainsworth, Blehar, Waters et Wall (1978) en quatre étapes. La phase de pré-attachement entre zéro et trois mois est la phase où le nourrisson va activer ses comportements d’attachement sans discrimination d’une figure d’attachement particulière, l’objectif étant avant tout la proximité avec l’adulte et l’activation de son système de caregiving. L’émergence de l’attachement comme seconde phase s’effectue entre trois et six mois. Les comportements d’attachements, diversifiés par un meilleur contrôle psychomoteur, sont ici dirigés vers une figure d’attachement discriminée. L’attachement franc et sélectif à une figure d’attachement non substituable commence à l’âge de six mois et perdure jusqu’à l’âge de 24/ 36 mois et c’est à partir de deux ou trois ans que les attachements multiples se mettent en place.
الجمعة فبراير 19, 2016 9:08 am من طرف سوسية