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 L'idéologie néolibérale

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حياة
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18022016
مُساهمةL'idéologie néolibérale

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L'idéologie néolibérale
 
Le libéralisme est une doctrine philosophique portant à la fois sur le domaine du politique, de l’économique et du social, dont John Locke (1632-1704) fut l’un des premier représentant. Cette doctrine attribue à l’individu des droits inaliénables, comme la propriété et la liberté, et en fait le centre des relations sociales. Nous allons nous intéresser dans cet article uniquement aux aspects idéologiques de la doctrine et à son évolution vers le néolibéralisme.
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 JUIGNET Patrick. L'idéologie néolibérale. Philosophie, science et société, 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
 
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  • PLAN

    • Une idée du libéralisme
    • Vers le néolibéralisme
    • La doctrine néolibérale
    • La dénonciation par Michéa et Dufour
    • Une attaque de l’ordre symbolique
    • Conclusion






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Une idée du libéralisme

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Né vers le milieu du XVIIe siècle, le libéralisme est une manière de sortir du despotisme et de l’emprise de la religion, dont les élites ont ressenti les effets désastreux : arbitraire, guerres de religion, limitation du développement économique. Le libéralisme veut imposer des limites à l’emprise de l’État, des Églises et de la tradition, afin de protéger l’individu. Cette nouvelle idéologie met en avant la liberté individuelle et son corollaire la neutralité du pouvoir politique. L’état doit être « axiologiquement neutre », il n’a plus à imposer de religion, d’esthétique, de croyance, de mœurs particulières. Il s’agit de permettre à chacun de vivre selon ses convictions sans être persécuté.

Sur le plan politique, il se définit par le fait d’être ni démocratique, ni despotique ce qui, par défaut, laisse le pouvoir à une élite bourgeoise. Dans la pratique, cette doctrine conduit à défendre une société  sécularisée dans laquelle chacun pourrait vivre selon ses principes, sous réserve de ne pas nuire à autrui (la liberté d’entreprendre et le libre-échange n’étant que l’application de ce principe général à la sphère économique). Effectivement, on a assisté à un développement économique sans précédent.

La doctrine libérale s’est poursuivie et développée aux siècles suivants. Elle conduit à défendre une société laïque, dans laquelle chacun pourrait vivre comme il l’entend. Elle a permis une organisation sociale qui a pu fonctionner, car elle s’appuyait sur un certain nombre de valeurs et de traditions préexistantes, qui n’étaient pas remises en cause (sur des «gisements culturels», disait Cornélius Castoriadis). C’est un acquis politique essentiel qui a permis en occident la pacification sociale, la liberté individuelle et le développement économique.
L'Enquête sur la richesse des nations (1776), d'Adam Smith constitue la référence de ce courant de pensée. Contrairement aux idées reçues, Smith n'est pas partisan du laisser faire dans le domaine socio-économique. Il soutient que l'État doit se soucier du bien public, que l'économie ne saurait fonctionner sans vertu et que le marché produit des effets pervers qu'il faut corriger. Le libéralisme économique de Smith est porteur d'un idéal moral et politique.
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Vers le néolibéralisme

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De nos jours le libéralisme a pris une forme différente que l’on peut nommer néolibéralisme. Sur le plan politique, il prône une réduction maximale du rôle de l’État ce qui, mécaniquement, accentue le pouvoir de l’oligarchie. Sur le plan économique, il veut le développement du marché dans tous les domaines et la mondialisation du commerce. Sur le plan socioculturel, c’est une idéologie individualiste et hédoniste, que nous allons tenter de décrire dans le présent article (laissant partiellement de côté les aspects politiques et économiques). L’idéologie néolibérale n’est pas clairement définie, ni fixée. Elle est en évolution constante.
Le néolibéralisme vise l’augmentation des droits individuels et la libéralisation permanente des mœurs. Il accentue les droits individuels et prône l’intérêt égoïste au détriment du devoir collectif et des valeurs communes. Ceci a pour conséquence une dissolution des valeurs traditionnelles, une transformation des mœurs et du lien social.  Nous qualifions cette nouvelle forme de néo ou ultralibérale, pour indiquer la nouveauté et l’excès de ce libéralisme, et pour le différencier du libéralisme classique, qui lui restait assis sur les valeurs traditionnelles.
Comment l'évolution vers le néolibéralisme a-t-elle été possible ? Michaël Biziou, (dans Le concept de système dans la tradition anglo-écossaise des sentiments moraux, Lille, A.N.R.T., 2000) montre que Lord Shaftesbury, Francis Hutcheson, David Hume et Adam Smith,  philosophes anglo-écossais du XVIIIe siècle ont développé "une philosophie morale et politique fondée sur les sentiments (bienveillance, amitié, sympathie, etc.) plutôt que sur la raison". Sa systématisation a aboutit à une économie libérale affirmant le primat de la recherche de l'intérêt privé. Le débat oppose les partisans de la finalité (Shaftesbury et Hutcheson) aux penseurs non finalistes (Hume et Smith) aurait aboutit au libéralisme économique de Smith. Mais c'est ultérieurement, un siècle plus tard,  que l'idéologie libérale a franchi un seuil et changé de nature et qu'elle est devenu de néo-libérale. 
Parmi les représentants connus du néolibéralisme on trouve Milton Friedman et Friedrich Hayek. Leur projet n’est pas seulement économique, mais aussi politique et social. Ces auteurs n’adhèrent pas au projet de société des libéraux classiques. Ils accordent un domaine extrêmement large à la liberté de l’individu et des entreprises, mais par contre assignent un rôle minime à l’action collective et aux règles communes. Ils tendent à refuser presque tout rôle à l’autorité publique, non seulement dans l’économie proprement dite, mais encore dans l’éducation, la santé et même dans les infrastructures collectives. Ces auteurs s’opposent à tous ceux qui élaborent des « projets de société » à partir de constructions intellectuelles qu'ils jugent pseudo-scientifiques. On ne peut modeler la société conformément à un idéal, car nul ne peut appréhender le monde dans sa complexité, notamment les gouvernants. Leurs thèses on trouvé un écho à partir des années 1970.
Certains philosophes ont participé indirectement au développement de l’idéologie néolibérale. Citons l’entreprise de “déconstruction” proposée par Jacques Derrrida, qui met en question la plupart des contenus de la philosophie. Cette déconstruction laisse derrière elle un vide, une incertitude, une relativisation de toute thèse morale et philosophique qui caractérise ce que l'on a appelé la postmodernité. Le relativisme culturel est lui-aussi aussi destructeur car les formes communes de la sociabilité sont désignées comme des constructions arbitraires et illusoires. Les grands repères, les valeurs universelles s’évanouissent . 
Citons également ce que Jean-François Lyotard a pu décrire comme « la condition post-moderne » au tournant des années 1980. Les grands récits fondés sur un discours unitaire et sur un haut niveau d’universalité, comme la dialectique de l’esprit, l’émancipation de l’humanité ou même la lutte des classes tombent en désuétude. Pour J.-F. Lyotard, ces grands récits n’ont plus cours et chacun se retrouve pris dans de multiples nœuds de communication, tissés par de petites histoires.

La voie est alors libre pour l'idéologie néolibérale qui se propage massivement dans les médias. Il est promu par la publicité, les journalistes, les politiques, les intellectuels, les vedettes de cinéma et artistes de tous ordres. Depuis les années 1980, c’est un véritable raz-de-marée idéologique. Même les chanteurs de rap affirment la suprématie de l'argent. La philosophie libérale, qui était marquée à ses débuts par les notions de charité, providence, pitié, bien commun, etc.,  en a été progressivement dépouillée pour aller vers une idéologie adaptée au capitalisme concurrentiel et consumériste.
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La doctrine néolibérale

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L'idéologie néolibérale dépasse largement ce que les théoriciens comme Friedman ou Hayek ont pu dire. C'est une opinion de masse qui se déverse dans les médias et imprègne la pensée commune. A côté des propos des philosophes, il est important de s'intéresser à l'idéologie, car c'est elle qui est agissante dans la masure ou elle imprègne le corps social. De manière frontale, la doctrine néolibérale affirme la suprématie de l’économie et du marché sur les valeurs humaines. Compétitivité, rentabilité, sont les maître mots du discours actuel. Il faut aller vite, « travailler plus pour gagner plus », être un « gagnant ». On affirmera que les inégalités sociales sont naturelles, conséquence darwinienne de la liberté individuelle. 
Le néolibéralisme instaure et valorise l’individualisme, la compétition entre tous et l’on méprisera l’action collective et l’autorité publique puisqu’elles servent à instaurer des règles et un ordre contraires à la sacro-sainte liberté. L’économie n’a nul besoin de règles, car elle s’auto régule grâce à la main invisible d’Adam Smith. Les interventions humaines sont inefficaces. Non seulement elles n’entraînent pas les effets voulus, mais elles ont des effets pervers néfastes. L’intérêt particulier produit le bien général et la somme des égoïsmes, le bien commun. La formule “les vices privés font la vertu publique”, que l’on doit à Bernard Mandeville, a été reprise par les néolibéraux.
Avec cette idéologie, les valeurs morales, assez spontanées, qui existent dans la majorité de la population, consistant à ne pas nuire à autrui, à s’entraider, à rendre quand on a reçu, à vouloir la justice, sont délaissées et déconsidérées par la nouvelle la nouvelle idéologie qui valorise l’égoïsme contre altruisme, le profit contre l’honnêteté, l’individualisme contre la vie collective, la compétition contre la collectivité, la liberté contre toute régulation.
L'application politique de la doctrine fait que l’état perd sa neutralité. Il ne se contente plus de garantir les droits individuels il en vient à imposer la libéralisation, ce qui est paradoxal. Ne plus garantir la liberté mais en imposer certaines, c’est en vérité une contrainte. L’état n’est plus axiologiquement neutre, il pousse vers la dérégulation des mœurs, ce qui n’est pas sans faire resurgir des tensions sociales. L’évolution historique récente donne un exemple de cette transformation. Autant 1968 a permis une heureuse libération des mœurs, autant ensuite les revendications de libertés sont devenues un dogme et un marqueur politique. Les revendications spontanées et généreuses, de mai 68, ont été institutionnalisées et transformées en sources de tensions culturelles et sociales. L’exemple type est la transformation de la libération sexuelle en loi sur le mariage homosexuel. La liberté se transforme en un droit qui dérègle le modèle familial et le choix du genre. Les études sur le genre sexué, qui en montrent la construction culturelle, se renversent en instrument politique de transformation des mœurs. L’étude sur le genre devient une norme officielle de déconstruction du genre !

L’idéologie néolibérale sape un certain nombre de bases culturelles des communautés traditionnelles comme les principes d’honnêteté et de réciprocité qui sont remplacés par l’égoïsme, l’utilitarisme, la cupidité, la réussite individuelle. De l’histoire, des traditions, des ancrages sociaux, on fait table rase. Il faut du neuf, du moderne, du « clean », du techno-efficace. Aux nouvelles générations populaires, on évitera le fastidieux apprentissage d’une vaste culture et on les orientera au plus vite vers des connaissances purement utilitaires et utilisables par l’économie. On leur offrira en compensation de la consommation facile, des jeux vidéos, des films à grand spectacle. Cette idéologie déclinée sous diverses formes, est mise en œuvre au niveau politique dans tous les états occidentaux sans exception.

Cette idéologie est en opposition avec l'humanisme. À la pensée elle oppose la vitesse et l’action, à la civilité la rentabilité, à l’égalité la domination, à la coopération la compétition, à la règle la liberté sans limite, à la culture la nouveauté perpétuelle. Courir, s’agiter, faire à la hâte, travailler sans but, réagir sans distance, répondre aux sollicitations incessantes, gagner toujours d'argents, capitaliser, consommer un maximum, être inculte, errant, sans racine, sans histoire, être un agent de la machine productive, ce n’est pas être humain ! L’humanisme régresse dans nos sociétés guidées par la marchandisation généralisée et le profit, posés comme valeurs suprêmes.

Nous laisserons de côté, dans cet article, les aspects économiques, mais tout est lié. Il apparaît, de manière assez évidente, que la déconstruction culturelle produite par l’idéologie néolibérale laisse les individus isolés et démunis devant le système économique en place. Il est en effet de l'intérêt d'une économie de marché dérégulée que de défaire les liens moraux et affectifs des communautés humaines. Cette désagrégation permet un libre jeu du marché du travail qui est faussé par les solidarités et les résistances culturelles. Des individus isolés, sans identité, sans repère, expatriés, mis en concurrence les uns avec les autres, sont totalement impuissants face à l’oligarchie politico-économique et face aux systèmes hiérarchisés des entreprises. En desserrant les liens communautaires et les solidarités, on parcellise la société, transformant les populations en travailleurs-consommateurs au service de la machinerie économique mondialisée et de l’oligarchie qui la contrôle.

Si le sacré est ce qu’on doit respecter et qui ne peut être ni détruit, ni vendu, on voit bien que dans l’idéologie néolibérale, l’humain n’est pas sacré. On peut le vendre et l’acheter au travers de sa force du travail qui est mise sur le marché (du travail). Certes l’esclavage a été aboli par les normes modernes, mais celle-ci créent une situation sociale dans laquelle les individus n’ont pas d’autre choix pour survivre que de vendre leur travail et par là de vendre leur vie et parfois leur santé. Or ceci n’est pas une fatalité. Le travail pourrait être échangé selon une juste rémunération établie par la communauté. Il y a une volonté néolibérale de désocialiser l’économie, de traiter l’homme comme une marchandise, alors qu’il n’en est pas une (voir : Polanyi K., La grande transformation, Paris, Gallimard, 1983). 


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