Galilée et sa rétractation L'image ci-dessous montre Galilée (de son nom Galiléo Galiléi) se rétractant lors de son procès. Il est placé au centre, coincé entre l'homme-d'arme et l'homme-d'église, on peut aussi dire entre la violence et l'autorité religieuse. C'est une figure allégorique peinte par Joseph-Nicolas Robert-Fleury (XIXe siècle), basée sur le procès qui a eu lieu en 1633.
L'affaire Galilée
Le procès de Galilée a eu lieu pendant la période troublée du début du XVIIe siècle. Les guerres de religion sévissent et diverses révoltes se produisent en Europe. Galilée vit en Italie, protégé par le pape Urbain VIII et le grand-duc de Toscane. Il fait paraître à Florence son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, où il raille le géocentrisme de Ptolémée. Cet ouvrage est publié après "imprimatur", c'est-à-dire l'approbation de l'Église. Le style du Dialogue fait scandale. Ce livre décrit les échanges entre Filoppo Salviati, un défenseur du système de Copernic, Simplicio le défenseur de Ptolémée et de la physique aristotélicienne. Sagrado, Vénitien éclairé, est en place d'arbitre. Non seulement Simplicio est traité avec ironie et la théorie ptolémaïque récusée, mais de plus Salviati prétend s'affranchir de l'autorité et du dogmatisme. Selon lui, la connaissance de la nature devrait s'appuyer sur l'observation, le raisonnement, les calculs mathématiques.
Avec le succès du livre, Galilée devient un personnage connu et l'Église se doit de réagir. Galilée est convoqué par le Saint-office. Il se rend à Rome en 1633 où il y est interrogé et une menace de torture est évoquée sur ordre du pape ; Galilée cède. Le 22 juin 1633, au couvent dominicain de Santa-Maria, la sentence est rendue :
« Il est paru à Florence un livre intitulé Dialogue des deux systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic dans lequel tu défends l'opinion de Copernic. Par sentence, nous déclarons que toi, Galilée, t'es rendu fort suspect d'hérésie, pour avoir tenu cette fausse doctrine du mouvement de la Terre et repos du Soleil. Conséquemment, avec un cœur sincère, il faut que tu abjures et maudisses devant nous ces erreurs et ces hérésies contraires à l’Église. Et afin que ta grande faute ne demeure impunie, nous ordonnons que ce Dialogue soit interdit par édit public, et que tu sois emprisonné dans les prisons du Saint-office. »
Il prononce également la formule d'abjuration que le Saint-office avait préparée :
« Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église catholique et apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j'avais été condamné par injonction du Saint-office d'abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit; et après avoir été averti que cette doctrine n'est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j'ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière; ce pour quoi j'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut. J'abjure et maudis d'un cœur sincère et d'une foi non feinte mes erreurs. […] »
Les interprétations philosophiques
Pierre Duhem (physicien et épistémologue) prétend que le cardinal Robert Bellarmin avait raison contre Galilée, puisque la science ne doit que sauver les apparences, sans prétendre décrire la réalité ultime. Sur le plan épistémologique c'est exact, car la position instrumentaliste, selon laquelle les théories scientifiques ne se réfèrent qu'aux phénomènes (aux apparences factuelles), est suffisante en science. Suffisante ne veut pas dire satisfaisante, mais le problème n'est pas là. Il n'est en effet pas seulement d'ordre épistémologique, mais d'abord d'ordre moral : il est inadmissible de menacer de prison à vie un homme qui cherche à promouvoir la connaissance, si par malheur elle contrevient à l'idéologie religieuse.
Paul Feyerabend (philosophe) reproche à Galilée son intransigeance, car défendant sa théorie comme vérité, il empiétait sur le domaine de la foi (la métaphysique), ce qui n'était pas nécessaire. Sur le plan épistémologique c'est aussi exact. Les vérités en science sont relatives et sujettes à révision. Elles ne doivent pas être proposées comme des absolus, mais elles sont différentes des croyances religieuses ou autres. Elle n'ont pas le même statut eu égard aux critères de vérification. Contre Feyerabend, nous dirons qu'il ne convient pas de brouiller les critères et de tout mettre sur le même plan. Indépendamment de cet argument, nous ajouterons que, de toutes les façons, l'avance vers plus de vérité se serait probablement faite, car d'autres que Galilée seraient venus, qui auraient refait la démonstration. Toutefois, là encore, le problème est aussi d'ordre moral, celui de la menace et de la contrainte.
Une affaire d'épistémologie et d'éthique
Il y a une différence entre la science et la croyance. L'une tente de savoir de marnière rationnelle en s'appuyant sur des faits et l'autre sait déjà en s'appuyant sur un mythe révélé et des intuition intimes. La validité potentielle de l'une et de l'autre ne sont pas identiques. Sur le plan de la conduite personnelle et collective, est-il admissible de remplacer la démonstration par la contrainte, le raisonnement par le dogme imposé ? Cela varie selon le point de vue.
C'est inadmissible selon une éthique humaniste et laïque qui défend la liberté de penser et de connaître scientifiquement. La contrainte individuelle pour limiter la connaissance et empêcher la transmission du savoir est immorale à condition d'avoir une éthique de promotion de l'homme. Par contre c'est admissible selon une éthique religieuse de promotion de Dieu. Dans ce dernier cas l'homme est fait pour servir et adorer Dieu (et son clergé) et répéter la Vérité révélée.
La question principale de l'éthique est celle du souverain bien, celui que l'on place au dessus des autres. Il en découle une morale indiquant ce que l'on doit faire ou ne pas faire. Si le souverain bien est le service de Dieu, alors on peut sacrifier les hommes à ce service. On est en droit d'envoyer Galilée en prison, ou au bûcher s'il est relaps. Si le souverain bien est l'homme, ou la promotion de l'humanité, c'est alors absolument proscrit.
On dira que cette affaire Galilée, qui date du XVIIe siècle est apaisée. Elle le fut un moment en Europe, mais les menaces religieuses réapparaissent en plein XXIe siècle.