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| | La neutralité de l’apparition | |
Emre Şan – Maître de Conférences à l’Université de 29 Mayis, Istanbul RésuméComment penser la neutralité d’un point de vue phénoménologique ? Nous tenterons de mettre en évidence les positions de Merleau-Ponty et de Patočka sur cette question et d’établir en quoi elles sont novatrices et fécondes. Si les deux auteurs mettent une épochè en oeuvre, il faut néanmoins préciser que l’accent est mis, chez Patočka, sur la neutralisation du vécu – la conscience doit être intégrée dans la parenthèse de l’épochè – alors que Merleau-Ponty s’attache plutôt à libérer la phénoménalité de l’objectité en neutralisant la position préalable du néant qui sous-tend toujours la détermination de l’être comme objet. Le résultat en est, de part et d’autre, la libération du champ phénoménal (le degré zéro de visibilité), en son autonomie, c’est-à-dire en tant qu’irréductible à l’objet et, par là-même, non reconductible à la conscience. Avec ce champ phénoménal se découvre le sens originaire du subjectif, qui n’est plus prédicat de la conscience mais synonyme de la phénoménalité même en tant qu’elle est tributaire de notre vie. Cependant, cette indétermination radicale du champ phénomenal est-elle un défaut de détermination ? La question se pose d’autant plus que son caractère d’apparition est neutre et ne peut pas être référé à une objectité. Par contre, si l’absence de détermination peut être comprise comme une présence différée, d’où vient le principe d’indétermination de la thématisation phénoménologique du neutre ? Dans une lettre à Hofmannsthal datée du 12 janvier 1907, Husserl établit un parallèle entre la méthode phénoménologique – qui écarte toute prise de position naturelle à l’égard de l’objet qu’elle étudie – et l’attitude esthétique. L’artiste se comporte comme le phénoménologue dans la mesure où tous les deux neutralisent les « positions d’existence » : - اقتباس :
L’intuition d’une œuvre d’art esthétique pure s’accomplit au sein d’une stricte mise hors circuit de toute prise de position existentielle par l’intellect, ainsi que de toute prise de position par le sentiment et le vouloir, laquelle présuppose une telle prise de position existentielle. Bien mieux : l’œuvre d’art nous transporte (quasiment nous y contraint) dans l’état d’une intuition esthétique pure qui exclut de telles prises de position[1]. En fait, l’existence du monde est indifférente à l’artiste comme au philosophe. Au § 111 desIdéen I Husserl approfondit son analyse et il montre comment l’œuvre d’art (la gravure de Dürer « Le Chevalier, la Mort et le Diable ») suppose une « modification de neutralité » de la conscience[2]. L’objet d’art, neutralisé dans l’attitude esthétique, « ne s’offre ni comme étant, ni comme n’étant pas ni sous aucune autre modalité positionelle », on ne peut le poser dans l’existence[3]. La conscience esthétique, telle que la caractérise Husserl, se définit – comme le point de vue phénoménologique – par l’absence de question à l’égard de l’être ou du non-être (de la représentation artistique). Husserl distingue la « modification de neutralité » (ou neutralisation) de la négation qui garde, dit-il, une « action positive (Leistung) dans le negatum[4] ». La neutralisation supprime complètement toute « modalité doxique » (c’est-à-dire toute forme de croyance, tout jugement quant à la possibilité, à la vraisemblance de l’objet) et même toute action : l’agir est mis « en-suspens », « entre parenthèses ». À aucun point de vue la conscience neutre ne joue, vis-à-vis de ce dont elle est conscience, le rôle d’une « croyance ». Cette modification de neutralité propre à l’expérience esthétique est donc proche de la méthode phénoménologique et de l’épochè. L’épochè et la modification de neutralité (la neutralisation propre à l’expérience esthétique) participent donc d’un même mouvement : dans les deux cas, il s’agit de faire abstraction de l’existence ou de l’inexistence de l’objet, qui sont de l’ordre du fait et non de l’essence – le but de Husserl est en effet de dégager des essences et de s’élever au dessus des opinions communes. L’opération consiste, non pas à nier l’existence du monde, mais à mettre cette existence hors-jeu. Par contre, le dépassement de l’attitude naturelle, par la modification epochale de neutralité ou bien la conversion des étants en leur sens, se paie du prix de penser l’être du sens comme essence c’est-à-dire comme une plénitude de détermination. Autrement dit, la phénoménologie de Husserl détermine le sens d’être de ce qui est comme être positif, c’est-à-dire comme essence. Loin de caractériser le sens à partir de sa structure propre dégagée par l’épochè, elle subordonne la description de l’apparaître à une conception préalable du sens qui l’appréhende comme être positif. Cette décision de Husserl a deux dimensions capitales pour nous. D’une part, la subjectivité transcendantale est liée à une telle approche eidétique de l’Être. D’autre part, cette caractérisation de la présence comme présentation appelle, à titre de corrélat nécessaire, la position d’un sujet comme le lieu où se recuille l’élément présenté. Cette entreprise constitutive, qui confère à la conscience le statut d’un absolu, milieu dans lequel repose l’être de tout être, renvoie au privilège conféré par Husserl à l’être du vécu, étant entendu que, pour Husserl, c’est toujours le mode d’apparaître qui mesure le mode d’être. Autrement dit, ce privilège eidétique du vécu ou sa position d’existence permet de circonscrire une sphère d’immanence, celle des contenus réels, qui est négativement mise en évidence par l’hypothèse de l’anéantissement du monde. Cet anéantissement affecterait sans doute le cours de vécus mais non pas leur être: ceux-ci n’ont besoin d’aucune chose pour exister. En effet, la conséquence de ce privilège accordé au vécu est ce qu’on pourrait nommer la scission entre la présence et la transcendance. Husserl pense la transcendance comme objectivité reconductible à la sphere d’immanence, à titre de corrélat de la noèse : le subjectivisme est bien l’envers de l’objectivisme. Une telle perspective repose sur les confusions d’une part, de la transcendance et de l’objectivité, et d’autre part, de l’existence et de l’immanence (des vécus), celles-ci renvoyant à une confusion entre l’apparaître et un certain apparaissant. Dans ce cas-là, il faut déjouer le paradigme et sortir en même temps de l’objectivisme et du subjectivisme en libérant la transcendance vis-à-vis de l’objectivité et l’existence vis-à-vis de l’immanence. La condition de la sortie de cette aporie est donc la mise en oeuvre d’une épochè ou uneneutralisation radicalisée, qui reconduise à l’apparaître comme tel, sans le faire subrepticement reposer sur un apparaissant. Tandis que la réduction husserlienne correspond à la mise entre parenthèse de l’existence des objets mondains, et que l’épochè, dès lors, neutralise la thèse de l’existence du monde et met en suspend sa validité, l’épochèradicalisée prend la forme d’une critique de ce qu’on nomme le « positivisme phénoménologique », critique qui appelle une neutralisation conjointe de la figure de l’objet et de celle du vécu. Le point de départ n’est plus l’ego, alors même que c’est la croyance du moi au monde qui est prise en vue, mais c’est la structure de l’apparaître qui est reçu, pour la réflexion philosophique, dans son originarité, et c’est par rapport à lui que l’épochè et la croyance du moi qui fait ultimement l’expérience du monde se situent. Et de la sorte, encore, l’épochè radicalisée peut avoir lieu, dans la mesure où il faut d’abord avoir appréhendé la structure de l’apparaître comme fondement de la réflexion pour pouvoir ensuite en faire l’expérience phénoménologique, en un sens, il est vrai, complètement renouvelé. Nous tenterons de mettre en évidence les positions de Merleau-Ponty et de Patočka sur cette question fondamentale pour toute la tradition phénoménologique et d’établir en quoi elles sont novatrices et fécondes. Si les deux auteurs mettent cette épochè en oeuvre, il faut néanmoins préciser que l’accent est mis, chez Patočka, sur la neutralisation du vécu – la conscience doit être intégrée dans la parenthèse de l’épochè – alors que Merleau-Ponty s’attache plutôt à libérer la phénoménalité de l’objectité en neutralisant la position préalable du néant qui sous-tend toujours la détermination de l’être comme objet car selon lui, à l’arrière-plan de la détermination de l’Être comme pur objet se tient l’opinion de la pensée objectiviste qui profile l’Être sur fond de néant et le détermine en le confrontant à la possibilité du non-être. Le résultat en est, de part et d’autre, la libération du champ phénoménal (le degré zéro de visibilité), en son autonomie, c’est-à-dire en tant qu’irréductible à l’objet et, par là-même, non reconductible à la conscience. Avec ce champ phénoménal se découvre le sens originaire du subjectif, qui n’est plus prédicat de la conscience mais synonyme de la phénoménalité même en tant qu’elle est tributaire de notre vie. La question sera la suivante : cette indétermination radicale du champ phénomenal est-elle un défaut de détermination ? La question se pose d’autant plus que son caractère d’apparition est neutre et ne peut pas être référé à une objectité. Par contre, si l’absence de détermination peut être comprise comme une présence différée, d’où vient le principe d’indétermination de la thématisation phénoménologique du neutre ? En fait, Merleau-Ponty et Patočka reconnaissent l’unité originaire de ce que Husserl avait voulu disjoindre, à savoir le moment hylétique et le moment noématique, l’immanence et l’objectivité. La distinction entre moment hylétique et moment noématique n’a pas de sens. La vraie distinction se situe entre le moment de la chose comme moment phénoménal (qui exprime notre relation à la chose) et le moment médiateur objectif[5] qui est susceptible d’une définition partageable universellement et qui est le moment de l’unité. Merleau-Ponty montre que la sensation est par elle-même ostensive, se dépasse elle-même vers le transcendant, bref elle est le lieu même d’une transcendance active, de sorte que plus aucune effectuation subjective n’est nécessaire. Pour cela, dans Le visible et l’invisible, Merleau-Ponty donne l’exemple de la perception d’une robe rouge. Il note en ce sens que le rouge qui m’apparaît n’est ce qu’il est qu’en se reliant à d’autres rouges ou d’autres couleurs avec lesquels il fait constellation. En vérité, ce qui se dessine ainsi, ce n’est pas seulement que le rouge se précise en fonction des associations qu’il provoque et se transforme en fonction de son entourage, mais que, de sa place il fait signe vers d’autres places et d’autres événements proches ou lointains, et qu’il en porte la marque. En somme, il n’est ce qu’il est que si, le plus souvent à notre insu, il nous oriente ou nous l’orientons dans l’être-rouge. C’est en effet la notion de « rayon du monde » qui permet de comprendre que cette couleur est perçue, non pas du tout commeune qualité déterminée d’un objet bien déterminé et bien différencié des autres objets, mais plutôt selon une certaine dimension, ou une certaine épaisseur de sens qui renvoie beaucoup moins à une chose et à ses qualités objectives qu’à une certaine modulation de ce monde et à une cristallisation momentanée de l’être coloré et de la visibilité. Tout visible contient ainsi en lui une dimension d’invisible, c’est-à-dire une richesse et une ressource infinies de sens qui sont précisément ce que Merleau-Ponty appelle « le sens du monde à l’état naissant », ou encore la « chair des choses ». Cela va incontestablement beaucoup plus loin que l’attribution, par un sujet, à un objet déterminé d’une qualité sensible déterminée. Ainsi, le rouge de cet objet est un moment d’apparition qui s’efface devant la chose qu’il fait paraître et, en cela, n’est pas perçu ; mais cela ne veut pas dire qu’il soit « subjectif » au sens où l’entend Husserl. Il est bien plutôt un médiateur, un moment d’apparition. C’est là une tout autre description de l’intentionnalité qui se réalise dans le moment médiateur et non pas dans l’immanence. C’est en ce sens que Merleau-Ponty parlera d’« intentionnalité intérieure à l’être » et que Patočka affirmera que le monde est le véritable sujet de la manifestation, en quoi réside la signification véritable d’une phénoménologie a-subjective. Les renvois entre ce qui apparaît et la façon dont cela apparaît ont lieu dans le monde; il s’agit d’une correspondance phénoménale des renvois entre les caractères de donation objectifs et la chose apparaissante. La phénoménalité s’organise désormais à l’intérieur même du monde, à même la « subjectivité objective » du champ d’apparition. À dire vrai, la découverte de ce sens originaire de l’apparaître conduit à contester les concepts à l’aide desquels il est d’abord inévitablement approché. Si la sensation est par elle-même ostensive, si elle se dépasse vers le monde, elle se dépasse aussi comme sensation et cela n’a alors plus de sens de maintenir la distinction entre sensation et objet. Ce qu’il y a, ce n’est pas un contenu sensible ni un objet mais la co-appartenance d’une actualité et d’un monde qui est par principe imprésentable comme tel. Ainsi, la présence sensible glisse dans la non-présence du monde ou, ce qui revient au même, l’absence du monde vient contaminer la présence sensible, de telle sorte que nous avons affaire à un nouveau type d’être, appelé par la description rigoureuse du champ phénoménal et « neutre » par rapport à la différence de la présence et de l’absence. C’est ce nouveau type d’être que recueille le concept d’horizon, auquel les deux auteurs confèrent une place centrale. La prise en considération de ce concept, issu lui-même de Husserl, conduit Merleau-Ponty et Patočka à renoncer à attribuer à la temporalité le rôle constitutif ultime que Husserl lui conférait. La temporalité est elle-même dérivée par rapport à cet être d’horizon, qui prend le nom de Chair chez Merleau-Ponty et, entre autres, de Totalité chez Patočka. La description husserlienne de l’expérience perceptive semble avoir un caractère contradictoire; d’un côté, elle fait ressortir les horizons accompagnant nécessairement la donation de l’objet sensible et met ainsi en lumière la dimension de passivité apparemment irréductible qui s’oppose au projet d’explication exhaustive du regard objectivant ; d’un autre côté, l’analyse husserlienne montre que l’horizon perceptif n’échappe pas radicalement au sujet constituant dans la mesure où cet horizon relève d’une certaine modalité de la conscience, implicite, inactuelle, ou encore latente. C’est pourquoi la perspective husserlienne accorde à l’horizon le statut d’une potentialité de la conscience et le caractérise, à partir du temps, comme être ultime de la conscience. Autrement dit, chez Husserl, l’horizon « appartient », pour ainsi dire, au vécu présent ; il est ce qui accompagne chaque état de conscience, et même, ce qui est « possédé » par lui. Au paragraphe 19 de sesMéditations cartésiennes (intitulé : « actualité et potentialité de la vie intentionnelle ») Husserl montre que « chaque actualité implique ses potentialités propres » ; car « [C]elles-ci, loin d’être des possibilités absolument indéterminées, sont, quant à leur contenu, intentionnellement pré-tracées dans l’état actuel lui-même »[6]. C’est ainsi qu’il met en évidence un « nouveau trait essentiel de l’intentionnalité » par lequel chaque état de conscience possède un « horizon intentionnel dont le propre est de renvoyer à des potentialités de la conscience qui appartiennent à cet horizon même »[7]. Autrement dit, les « halos » ou les « horizons » sont des potentialités « pré-tracées » qui confèrent au « tracé », malgré son indétermination fondamentale une « certaine structure de détermination »[8]. Toute la théorie husserlienne de l’horizon procède de cette décision initiale selon laquelle la structure d’horizon, qui caractérise toute intentionnalité comme telle, ne se résout pas en une véritable « absence » de telle ou telle détermination, pour l’instant encore inaperçue, car « l’absence » de cette aperception vaut pour une présence différée, si l’on peut dire, qui peut même ne jamais avoir lieu, mais qui, en tout cas, « appartient » de plein droit à l’état de conscience actuel comme sa possibilité la plus propre, toujours déjà inscrite dans le déroulement possible de la perception au titre des « potentialités » de la conscience. Or, c’est par une modification de la teneur de sens de l’absence que Merleau-Ponty et Patočka ont été conduits à dépasser Husserl. Déjà, chez Husserl, l’usage du concept d’horizon a sa propre logique, qui est une logique du surplus, de l’excès. Nous pensons que Merleau-Ponty et Patočka approfondissent particulièrement cette structure d’excès du concept d’horizon pour comprendre en quoi l’horizon cesse d’être ce qui est « possédé » par un état de conscience actuel et devient l’être même de l’indétermination, c’est-à-dire la transcendance qui habite et anime l’être des lointains. Tandis que chez Husserl l’horizon reste le corrélat d’une intentionnalité horizontale qui, aussi « passive » soit-elle, le reconduit en dernière analyse à une « effectuation » de la conscience, Patočka essaie de souligner la dimension autonome et asubjective du monde comme horizon de l’apparition et, partant, sa transcendance vis-à-vis de la subjectivité. Cette dimension « asubjective » du monde en totalité a été d’abord élaborée par Patočka à partir d’une critique de la conception subjectiviste de la temporalité husserlienne. Chez Husserl il y a au fondement de la perception une temporalité qui ne peut être reconduite à une temporalité objective. Cette temporalité est un horizon temporel, plus précisément un « champ temporel originaire[9] ». Patočka reformule cette structure comme « champ de présence[10] » et ce « champ de présence », constitue l’horizon fondateur de la perception. Mais le philosophe tchèque ne reformule le champ de présence que pour mieux critiquer la conception subjectiviste de la temporalité chez Husserl. En effet, le champ de présence se compose d’un présent actuel et de deux horizons inactuels ; il est le lieu où l’actualité et l’inactualité passent continuellement l’une dans l’autre, s’entrelacent indéfiniment. Les rétentions me présentent le passé en son absence, en son être passé ; elles sont bien plutôt l’acte par lequel je suis encore au passé alors qu’il est passé, de même que les protentions me rapportent à l’avenir. Donc, bien que Husserl ne le dise pas expressément, le champ de présence est un champ d’absence. C’est en effet la rétention du passé dans le présent telle qu’elle est décrite dans la perspective de Husserl qui nourrit la méditation de Patočka. Selon Patočka, le paradoxe de la rétention « réside en ceci qu’étant automatique et, en ce sens pour ainsi dire donnée, elle est néanmoins un accomplissement subjectif, et qu’en étant vide, non remplie, elle est néanmoins une conscience originaire – la conscience originaire du non-actuel, la présence du non-présent[11] ». Si on se concentre sur ce qui fait à ses yeux l’essentiel de l’analyse de la rétention, on s’aperçoit alors que, pour Patočka, le champ de présence comporte une absence (« vide », « non rempli ») et qu’il est originaire. En fait, il s’agit de tirer de cette notion tout ce qu’elle peut donner, par-delà la thématisation husserlienne, qui demeure en retrait sur ce qu’elle découvre. De fait, Patočka indique clairement que le subjectivisme excessif de la phénoménologie husserlienne empêche Husserl de décrire proprement l’horizontalité du monde et que ses efforts en vue de l’immanentisation de l’étant semblent culminer précisément dans la réduction non seulement de tout l’étant objectif au flux constitutif de la subjectivité transcendantale, mais encore de la vie transcendantale fluente à l’ego préalable du nunc stans « absolu ». Dès lors, la réduction au nunc stans absolu montre que la temporalité est en quelque sorte pour Husserl l’ouverture intentionnelle de l’ego à lui-même dans l’horizon téléologique de la pure coïncidence de soi à soi. Or, comment peut-on parler d’une ouverture temporelle « originaire » si l’ego ne s’ouvre au temps que pour retourner à soi ? Au fond, l’idée du nunc stans est aussi paradoxale que celle de l’autodonation des vécus. Pour qu’une telle proposition soit possible, le présent et l’ego ne doivent pas être compris comme présence à soi, immédiateté, coïncidence à soi, mais comme différence avec soi. L’ouverture temporelle doit être comprise comme une rupture originaire de l’immanence à soi, et un semblable changement radical suppose une nouvelle conception du temps, en deçà d’une vue sérielle et linéaire d’un présent venant exclure le présent précédent pour un sujet qui demeurait substantiel. | |
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السبت فبراير 13, 2016 12:42 pm من طرف فدوى