Cet article est une synthèse de l’article original de 1974 de Didier Anzieu.
Didier Anzieu va s’inspirer de plusieurs sources de données pour élaborer le concept de Moi-Peau.
Premièrement il puisera dans les données de l’étologie issues des travaux de Lorenz sur l’empreinte et surtout des expériences de Harlow sur les petis singes concernant la nécessité de contact avec d’autres êtres de la même espèce.
Deuxièmement il s’inspirera des travaux de pédiatres comme Bowlby, Spitz etWinnicott. Bowlby va postuler l’existence d’une pulsion d’attachement, pulsion primaire indépendante de la séxualité. Le but de l’attachement est une forme d’homéostasie, l’objectif étant pour l’enfant de maintenir une distance à la mère qui la laisse acessible. Winnicott développe lui le concept de phénomène transitionnel ainsi que l’importance du contact avec la mère au travers du holding, du handling et de l’object presenting pour l’intégration du moi. Spitz travaille à son tour sur le phénomène de l’hospitalisme, syndrôme dû à des carences de soins affectifs.
Enfin, les données issues des tests projectifs, notament les travaux de Cleveland et Fisher qui isolent deux variables nouvelles dans le Rorschach, celles d’Enveloppe et celle de Pénétration, vont également contribuer à la naissance du concept de Moi-Peau. 1.Origine du Moi-Peau
Anzieu va introduire le corps comme dimension vitale de la réalité humaine, comme ce sur quoi s’étayent les fonctions psychiques. Ainsi, le moi s’étaye sur un moi-corporel, le Moi-peau.
Le tout petit reçoit les gestes maternels tout d’abord comme excitation puis comme communication (“le massage devient un message”). C’est à travers les soins corporels et les communications préverbales précoces que l’enfant va commencer à différencier une surface comportant une face interne et une face externe, permettant la distinction entre le dedans et le dehors et un volume ambiant dans lequel il se sent baigné, surface et volume qui lui apportent l’expérience d’un contenant. Ce qui relie toutes les parties du corps est un tout unificateur, la peau = container théorisé par Bion.
2.Le concept et les fonctions du Moi-Peau
Le Moi-Peau désigne une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme moi à partir de son expérience de la surface du corps. L’instauration du moi-peau répond à un besoin d’une enveloppe narcissique et assure à l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien être de base.
Le moi-peau trouve son étayage sur trois fonctions de la peau:
– c’est le sac qui retient à l’intérieur le bon et le plein de l’allaitement
– c’est la surface qui marque la limite avec le dehors et contient celui-ci à l’extérieur
– c’est un lieu et un moyen d’échange primaire avec autrui.
Le moi hérite de cette origine épidermique et proprioceptive la double possibilité d’établir des barrières et de filtrer les échanges.
Ce concept de Moi-Peau sera accueilli avec enthousiasme à cette époque, et il s’est avéré comme une des notions les plus fertiles en psychanalyse pendant plusieurs années après sa création.
Duarte Rolo