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  “ Une guerre de retard ” Conversation avec Alain Finkielkraut

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سمية
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الموقع : سرير الحبيب
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04122010
مُساهمة “ Une guerre de retard ” Conversation avec Alain Finkielkraut

Sans aucun doute. Mais je crois simplement qu’il faut éviter toute confusion. Il ne peut pas y avoir une œuvre d’art qui ne ferait que répéter les œuvres anciennes, qu’appliquer des recettes, que se conformer à des modèles. Elle n’aurait pas, alors, droit au titre d’œuvre d’art. Une œuvre d’art ne vaut qu’autant qu’elle est création, c’est-à-dire qu’elle invente ou qu’elle découvre un monde. Il peut y avoir une discussion d’ordre esthétique sur la question de savoir s’il faut mettre l’accent sur l’invention ou sur la découverte. Il me semble qu’on a un peu perdu de vue l’aspect de dévoilement, de mise-à-jour dans l’œuvre d’art, mais, en l’occurrence, c’est un autre débat. Invention ou découverte, il faut que l’œuvre d’art soit création et je pense à cette phrase de Merleau-Ponty : “ L’être est ce qui exige de nous création pour que nous en fassions l’expérience. ” Cette création, c’est l’art. Nous avons besoin de l’art pour faire l’expérience de l’être dont il n’y a pas d’expérience directe. Mais en même temps cela veut bien dire que l’art ne peut pas se répéter parce que ce ne peut pas être toujours la même expérience. À cet égard, je suis catégorique, le conservatisme au sens d’une espèce d’immobilisation des modèles canoniques, c’est la mort.
32Mais, cela étant, le nouveau en art ce n’est pas la même chose que le nouveau au sens que l’époque moderne, disons la science moderne, l’histoire moderne ou l’historicisme ont donné à ce mot. Autrement dit, le nouveau en art c’est ce qui augmente et le nouveau en science c’est plutôt ce qui périme. C’est-à-dire qu’une nouveauté périme les choses anciennes, d’où ce grand développement de Victor Hugo sur le thème de l’absence de progrès en art : Shakespeare n’a frappé de désuétude ni Dante ni Virgile. Et il faut rappeler que Baudelaire, l’inventeur du concept de modernité, définissait le progrès comme “ cette idée grotesque qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne ”. Certaines avant-gardes ont obscurci cette distinction capitale du progrès et de la modernité : elles ont aligné l’art sur le modèle de la science.
33Pourtant ce qu’on appelle les avant-gardes se sont très peu rendu coupables de cette confusion, mis à part, peut-être, les futuristes italiens. Les avant-gardes du début du siècle ont le plus souvent été en rapport, en écho, avec une tradition...
34Il y a eu une tentation de la table rase et aujourd’hui une autre tentation se fait jour, me semble-t-il, celle de présenter, en guise d’art, la critique de l’art. Je crois que tout ce que l’on donne sous le titre d’art contemporain peut être placé sous cette rubrique. Je ne le dis pas de manière vindicative parce que c’est une description qui se trouve dans le livre d’Anne Cauquelin qui est très favorable à l’art contemporain. Elle dit que toutes ces formes, ready-made, art minimal, art conceptuel, Land art, etc. peuvent, par-delà même leur diversité, être comprises au moyen de la même notion, celle de “ décept ”. Il s’agit de dissiper une illusion, de décevoir une attente. On va à l’art avec une doxa – la croyance qu’il y a de l’art – et voici que les artistes, au lieu de jouer le jeu et de produire des œuvres, exhibent des “ objets déceptifs ” dont l’unique message consiste à remettre en cause l’art tel qu’on y croit. “ La provocation, constate justement Anne Cauquelin, ne vise plus le public mais l’art lui-même dans ses aspects établis. ”

  • 1 . Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Minuit, p. 197.

35“ Et que cela soit Chardin, Braque ou Vermeer que vous les nommiez / Il en revient toujours poursuivre la même longue étude ”, écrivait naguère Aragon. Avec cette fraction de l’art d’aujourd’hui qu’on regroupe sous le label d’art contemporain, il ne s’agit plus de poursuivre la même longue étude, mais de démystifier ou de ridiculiser cette poursuite elle-même. Car le duchampisme a eu raison de la longue étude. D’où l’adhésion enthousiaste de Bourdieu aux nouvelles avant-gardes. Il se réjouit de voir les artistes se retourner contre l’art et rejoindre les sociologues, “ ces trouble-fêtes qui viennent détruire les communions magiques ” 1. L’art critique de l’art, c’est le seul art qui soit acceptable pour Bourdieu, car l’art qui se veut tel, nous dit-il, a partie liée avec l’ordre établi. La haute culture c’est comme la haute couture : un fétiche, et la sociologie, désormais épaulée par l’avant-garde, a pour fonction de nous guérir de notre crédulité. Et puis il y a bien sûr le ventre inépuisablement fécond d’où est sorti la bête immonde. Le raisonnement est le suivant : Hitler détestait l’art moderne, donc tout ceux qui émettent des réserves sur l’art contemporain font le jeu du Front National. Tout l’art de l’art contemporain est de combiner la subversion avec la subvention, ou encore le prestige de la résistance avec le confort de l’institutionnalisation muséale.

36Cela nous emmènerait loin d’entrer dans ce débat actuel sur l’art contemporain. Il est vrai qu’une grande part de l’art contemporain est une critique, non pas au sens de dénigrement mais de remise en question, de déconstruction, sinon de l’art, du moins de l’installation classique de l’art – je pense au travail de Daniel Buren. Il n’en reste pas moins que s’il y un domaine où il n’y a pas de limites, c’est bien celui de l’art. Là tout est permis, pour le dire naïvement, parce que tout est “ faux ”, jeu, illusion. Il n’y a donc pas à instaurer une censure de quoi que ce soit dans le domaine de l’art.
37Il faut pouvoir poser la question de la valeur pour que l’art subsiste et poursuive son histoire. Or, on empêche ce questionnement, on soustrait l’art contemporain à toute approche critique en faisant planer l’ombre de Hitler sur tous ceux qui ne se prosternent pas devant ses réalisations. La vraie censure est là et elle met l’art en péril.
38Pour reprendre notre référence à Arendt qui disait que dans des champs comme l’éducation seules les œuvres du passé pouvaient être présentées comme modèle – mais c’est ce que pensait déjà Kant – ce qu’il y aurait de très pernicieux à notre époque c’est que l’on fasse de ces œuvres contemporaines dont nous ne savons pas encore grand chose et qui sont effectivement, souvent, déceptives, ou pour le moins problématiques, des moyens d’éveil au monde alors qu’elles sont souvent, et volontairement, pourrait-on dire, d’une pauvreté totale. Il faut, comme vous le disiez, éviter les confusions. Mais comment entendez-vous le fameux amor mundi d’Hannah Arendt ? Que signifie aujourd’hui l’amour du monde ? De quel monde s’agit-il ? Peut-il être défini ?
39J’aurais du mal à donner à cette expression une définition substantielle ou une présentation philosophique cohérente. C’est peut-être même en l’absence de fondement que surgit une notion comme l’amour du monde. Et je peux donner l’exemple des discussions que suscite aujourd’hui le clonage. Je ne veux pas personnellement sombrer dans un pessimisme facile, je ne veux pas avoir l’apocalypse complaisante et dire : voilà, maintenant qu’on sait cloner, on va cloner tout le monde. Cela restera quoi qu’il arrive une activité marginale dans le commerce des hommes entre eux. Il n’empêche que tout d’un coup la question se pose : on peut produire à l’identique deux êtres humains. Doit-on le faire ? Oui, répondent déjà certains au nom de la liberté. Voilà notre difficulté, à nous autres modernes. Certes, c’est à nous-mêmes de nous poser des limites, mais la question des limites est sans cesse rabattue sur la pratique de la censure et de l’interdit et tous ceux qui parlent de limites sont sarcastiquement traités d’inquisiteurs. On a toujours affaire au procès de Galilée. La problématique dans laquelle nous nous trouvons est tout à fait nouvelle et on a tendance à l’aborder dans les termes anciens et très confortables du combat du progrès contre l’obscurantisme religieux. Alors même qu’on fonce sans savoir où, la peur de l’inconnu est dénoncée comme une réaction archaïque, superstitieuse, irrationnelle. Et ce n’est pas tout : faisant flèche de tout bois afin d’échapper au questionnement, les biologistes eux-mêmes nous expliquent que la part de l’inné dans le développement de l’individu est nulle et que tout dépend du milieu ! Nous vivons ce moment cocasse où les sciences dures font appel aux axiomes des sciences sociales pour qu’on ne les dérange pas dans leurs manipulations. Ceux qui voudront se faire redupliquer ont le fantasme de l’immortalité, le fantasme de la répétition, le fantasme du même, mais la société se chargera de guérir ce fantasme et ces êtres, que l’on aura voulu parfaitement identiques, seront pour finir des êtres tout à fait différents... Et puis, autre argument et peut être le plus intéressant, qui va nous mener tout droit à l’amour du monde, un argument qui ressortit au relativisme culturel. Le relativisme culturel a surgi pour protester contre l’arrogance de la technique et d’un Occident qui est fier de ses prouesses mécaniques et qui se croyait en droit de coloniser la planète tout entière. Alors il y a eu des voix pour dire que, même chez les peuples sans écriture, il y a de la pensée. Il y a de la pensée sauvage. La rationalité occidentale n’a pas le monopole de la culture ni même de la pensée. C’était un mouvement généreux et c’était une tentative pour guérir justement l’Occident de son narcissisme technique. Aujourd’hui c’est tout l’inverse, c’est la technique qui s’empare du relativisme culturel et qui dit : “ Il ne faut pas avoir peur, nous savons qu’il n’y a pas de nature humaine, mais une plasticité humaine infinie, que l’humanité a été capable de créer toutes sortes de formes, toutes sortes de combinaisons ; pourquoi, alors, s’attacher de façon aussi fétichiste à une certaine idée de la famille ? ” Et si on réplique que la nature fabrique certes des jumeaux, mais que deux êtres clonés ne sont pas même des jumeaux vrais, puisque le clone sera à la fois le frère et l’enfant de l’être cloné ; si on ajoute que cette situation sans équivalent peut nous précipiter dans une crise symbolique mortelle, les nouveaux culturalistes répondent avec un sourire espiègle : “ pourquoi ne pas tenter cette nouvelle aventure culturelle ? ”
40C’est face à un argument pareil que surgit ce qui n’est pas un argument, ce qui est plutôt un sentiment, l’amour du monde. Oui, c’est vrai, il y a eu de la famille, un enfant est né de deux êtres, et nous sommes dépositaires de cet héritage-là, et cet héritage nous avons à le cultiver, rien ne nous autorise à le dilapider pour précipiter l’humanité dans un tout autre univers. Mais, bien sûr, ce serait plus facile si on avait des fondements absolument naturels, si on avait à notre disposition une idée de Nature, celle-là-même que les Straussiens essaient de raviver sans pouvoir le faire. Bien sûr, nous ne l’avons pas. Nous n’avons que l’amour du monde. Et je suis très inquiet de voir cette espèce de convergence entre le discours de la techno-science pour laquelle tout le réel est indéfiniment opérable ou machinable et le discours culturaliste, historiciste, qui parie sur la plasticité indéfinie du genre humain. Il y a là une sorte de télescopage effrayant. Si à ce télescopage j’oppose l’amour du monde, j’ai l’air un peu con. Mais je crois qu’il faut être un peu con.
41Mais n’est-il pas très important de souligner davantage cette différence que vous venez de signaler par rapport aux conservateurs classiques : le monde, ce monde, qui est l’objet de notre amour, nous ne savons pas très bien ce qu’il est, ce qui le définit, ce qu’il signifie et ce qu’il nous prescrit ? Nous aimons le monde, mais cela ne nous assure de rien. Il y a là une inquiétude, non pas une foi. Ainsi cela ne veut pas dire, tout simplement et “ bêtement ” que nous aimons la famille. On aime quelque chose de la famille qui n’est pas une idée simple de la famille. On aime en elle, si je vous suis bien, quelque chose qui est de l’ordre de l’envoi d’un nouveau à qui l’on donne quelque chose d’ancien qu’on aime. Cela ne signifie pas que nous soyons purement et simplement des défenseurs de la famille. Et c’est cela qu’il faut préciser car cela n’est pas sans étrangeté. Nous serions à la fois des conservateurs, puisque nous aimons un monde ancien, mais il y a quelque chose dans ce monde, de ce monde, qui nous vient de la modernité. Ce monde-là, c’est la modernité qui nous l’a donné. Les anciens savaient où ils étaient. Nous ne le savons pas très bien. Et nous aimons cette incertitude, cette ignorance, pourrait-on dire, en paraphrasant Nietzsche. Cela signifierait que nous sommes des novateurs, et que cette posture conservatrice, qui est la nôtre, est totalement nouvelle...

  • 2 . Hannah Arendt, “ La crise de l’éducation ”, in La Crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, pou(...)

42Nous sommes des novateurs : c’est l’idée arendtienne par excellence. Hannah Arendt ne cesse de citer cette phrase de Saint Augustin : “ Avant l’homme il n’y avait pas de commencement, c’est pour qu’il y eût un commencement que fut créé l’homme ”. Au fond Saint Augustin n’est pas un moderne, stricto sensu, mais c’est la phrase-même de la modernité. La question que se pose Arendt, notamment dans son article si extraordinaire sur l’éducation 2, c’est : à quelles conditions un commencement est-il possible ? Et sa réponse est conforme en tout point à l’humanisme de la Renaissance : on ne pense pas par soi-même, à partir de soi-même. Nous autres modernes, nous sommes dépositaires de plusieurs héritages. Il y a l’héritage moderne au sens strict, celui du progrès et de la confiance dans le temps, cette idée que le passé est dépassé. Mais il y a aussi cet autre héritage moderne que nous a légué la Renaissance : l’idée que les textes anciens auront toujours quelque chose à nous dire. Au Moyen Âge, on vivait encore dans un monde non-historique ; il n’y avait pas, entre les Anciens et ceux qui les lisaient, de rupture. Or, tout d’un coup, avec la Renaissance, les Anciens se découvrent comme autres. Et comme ces autres par lesquels il faut passer pour comprendre quelque chose à soi. Quand Arendt s’interroge sur l’éducation elle ravive cet héritage.

43Rien n’est plus grave, pour les Modernes que nous sommes, que de faire le procès du classicisme et de dire que pour être moderne, il faut à tout prix cesser d’être classique. Cette absurdité existe et elle fait tous les dégâts possibles dans le domaine de l’éducation. Comme le montre Arendt, le rôle de l’éducation, c’est d’intégrer les enfants dans un monde plus vieux qu’eux et l’éducation doit être conservatrice pour développer chez les enfants leur capacité révolutionnaire. Arendt était une lectrice de Tocqueville qui est celui qui a bien montré qu’une société moderne entièrement livrée à elle-même, unilatérale, unidimensionnelle, risque de produire le pire conformisme qui soit. L’individu tout seul pense comme la masse. Et de cela nous avons quand même certains signes...
44Mais le Tocqueville d’aujourd’hui n’est-ce pas justement Guy Debord ? La société du spectacle est une société où il n’y plus ni passé ni avenir, il n’y plus qu’un présent perpétuel qui interdit toute pensée et toute sensation. Cette société est spectaculaire parce qu’il n’y a plus rien à voir et que, dans cette ligne, ce que nous pouvons reprocher à notre temps, c’est de ne pas être moderne au sens d’Hannah Arendt, d’être incapable de tout classicisme, de tout rapport à une Antiquité et à un avenir... Vous êtes peut-être un peu trop sévère avec Debord qui écrit dans son Panégyrique : “ Quand “être absolument moderne” est devenu une loi spéciale proclamée par le tyran, ce que l’honnête esclave craint plus que tout, c’est que l’on puisse le soupçonner d’être passéiste ”. D’autre part quand on lit ce situationniste, il est troublant d’entendre l’écho du grec et du latin, ce qui n’est pas sans rapport avec ce que vous disiez à l’instant.
45Pour ne pas être trop sévère avec Debord, je dirai que je souscris entièrement à cette analyse, mais que je lui préfère des formulations moins directement politique (“ le Tyran ”), comme celle de Roland Barthes ou d’Octavio Paz : “ Tout d’un coup, écrit Barthes en 1977, il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne ”, et Paz : “ L’imitation des modernes a stérilisé plus de talents que ne l’a fait l’imitation des anciens ”. Autrement dit, il y a un conformisme moderne auquel la tradition a trop longtemps servi de faire-valoir. L’imposture est de présenter la soumission à l’air du temps comme un combat glorieux contre les préjugés et le conservatisme.
46Il faut peut-être alors distinguer l’actualité, qui délivre ordres et mots d’ordre, de la modernité, celle en particulier des avant-gardes du début du siècle qui n’ont pas cessé d’être en rapport avec le passé le plus ancien – je prendrais l’exemple de Le Corbusier allant chercher son invention au Parthénon et dans les petits villages de Turquie. Ce que l’actualité d’aujourd’hui recouvre c’est donc non seulement le passé, mais aussi cette modernité-là. Il y a des modernités, et des modernités à sauver, à sauvegarder, parce qu’elles risquent d’être enterrées au même titre que le latin, le grec, les bonnes manières et la politesse.
47Le mot d’ordre de tous ceux qui fustigent le passéisme, c’est l’adaptation. Ainsi veut-on aujourd’hui que l’éducation forme une humanité nouvelle pour un monde nouveau : celui des machines intelligentes. Ce qu’on rejette ainsi, avec le passé, ce sont toutes les modernités dont ce passé est porteur.
48Le maître-mot du temps, au sens de l’actualité, que je distingue de la modernité, c’est en effet : adapter...
49C’est un mot fort peu libérateur...
50Que pensez-vous alors de ce qu’on appelle de manière très ambiguë et plurivoque la “ postmodernité ” ?
51J’ai du mal personnellement à comprendre en quoi la postmodernité n’est pas, en fait, moderne, l’accomplissement-même de la modernité. Je ne veux pas parler du projet philosophique de Lyotard mais plutôt de la postmodernité telle qu’elle se donne, telle qu’elle s’exprime notamment dans l’architecture. C’est quand même la constitution de l’Histoire, pour reprendre une image que l’on trouve à la fois chez Nietzsche et chez Péguy, en exposition universelle. Tout est offert, tout est disponible, on déambule et anything goes. C’est cette grande loi du anything goes et là nous sommes précisément dans le monde de la technique au sens de Heidegger... Lorsque Heidegger affirme que la technique n’est en elle-même rien de technique, il veut dire que la technique n’est pas simplement un immense dispositif d’engins et de machines, mais la façon dont la réalité aujourd’hui se révèle, qu’elle est, en d’autres termes, l’ouverture d’un monde sur le mode de l’échangeabilité et de la disponibilité permanente de toutes choses. C’est l’univers de la promiscuité généralisée, pour parler comme Baudrillard. Cet univers, la postmodernité le célébre dans la mesure même où elle substitue la figure du Touriste à celle classiquement moderne de Sujet.
52C’est là que Heidegger peut nous être précieux, car il inscrit sa critique de la société industrielle dans la grande tradition romantique ; mais, en même temps, il va au delà de la critique romantique. Le romantisme est inspiré par une nostalgie de l’enracinement que l’on retrouve chez Heidegger, mais ce que Heidegger décrit très bien, c’est que nous sommes enracinés dans la technique et que le “ village global ” est notre village. Il invite au déracinement véritable mais malheureusement on a toujours dans la pensée et dans l’action une guerre de retard. On a mené un combat anti-fasciste quand le totalitarisme soviétique était au maximum de son pouvoir, et, aujourd’hui encore, on conduit de grandes batailles contre toute nostalgie des racines et du terroir, alors qu’on est enraciné dans la technique.
53Ce problème rejoint la question difficile de l’amour du monde. Est-ce qu’aimer le monde c’est retrouver quelque chose comme un chez-soi, une terre, un pays ou un sol ? Ce que vous venez de dire permet d’avancer tout de suite. En aucun cas, cette possibilité ne peut plus nous être offerte simplement, car il nous faudrait d’abord savoir “ creuser ” plus bas que l’installation technique, qui est notre “ chez soi ”. Cette traversée est-elle même envisageable ? Y-a-t’il des chances qu’elle nous mène “ quelque part ” ? et est-ce que ce “ quelque part ” là ne serait pas encore très nouveau par rapport à tout ce que l’humanité a connu comme lieu, comme paysage et même comme nation ? Peut-on imaginer un amour de la nation qui n’aurait plus grand chose à voir avec les anciens nationalismes en déliquescence ? La nation à venir, si tant est qu’il y en ait, ne pourra pas avoir grand chose à voir avec la nation des États-nations, et avec la nation des dix-neuvième et vingtième siècles. Cela sera la nation “ dans ” l’Europe, ou même “ dans ” le monde, et cette inclusion ne peut pas ne pas changer la nature de ce qu’elle inclut. Ce sera une autre nation. Il faut éviter la naïveté du retour aux anciens modes d’appartenance, ainsi que le fantasme souvent abject d’un être-là soi-disant débarrassé de tout lien à un espace particulier – nous sommes partout, tout le temps, et nulle part : interprétation courante de ce qui nous arrive avec le “ septième continent ” : folie de prétendre supprimer tout bonnement les conditions transcendantales de l’espace et du temps ! Mais, d’un autre côté...
54Folie d’Internet qui annonce le remplacement des appartenances subies par des communautés choisies. Plus de fil à la patte. Plus de lien avec le donné. Internet prétend libérer les hommes des coordonnées traditionnelles de leur existence et propose l’effrayante utopie d’une société totalement élective. Belle illustration du fantasme dont vous parlez.

  • 3 . Martin Heidegger, “ L’art et l’espace ”, in Questions IV, Paris, Gallimard, 1976, p. 98.(...)

55Ma question serait alors de savoir comment retrouver un quelque part ou des lieux, pour reprendre ce mot ancien, des lieux donnés, en un sens, mais qui pourraient aussi être réinventés aux deux sens du mot que nous évoquions tout à l’heure, des lieux pourtant désarrimés de tout ancrage dans un cosmos, des lieux flottants, mis en liberté, comme dit Heidegger dans sa conférence “ L’art et l’espace ” 3 – La tâche de l’art serait de mettre les lieux en liberté, d’ouvrir des espaces libres (admettons ce pléonasme). Définition moins commentée que la fameuse “ mise en œuvre de la vérité ”, mais peut être, faudrait-il montrer qu’il s’agit là d’une seule et même définition... Ces espaces libérés ne seraient pas la reconstitution, comme dans les centre-villes contemporains, d’un passé spectacularisé, des décors, des décorum, mais des espaces qui seraient quand même “ authentiques ”, assumons les harmoniques de ce mot épouvantable, des espaces où l’on se sentirait quand même, d’une certaine manière “ chez soi ” tout en n’étant ni rivés ni fixés, qui ne nous définiraient pas par notre provenance, comme des natifs. Comment concevoir aujourd’hui une “ autochtonie ” – mot que vous ne craignez pas d’employer, soulignant comment il y a là peut-être un des grands impensés de la modernité ? Qu’est-ce qu’habiter peut bien encore vouloir dire ? Une certaine modernité a ravagé toute possibilité d’habitation. Comme disait à-peu-près Adorno, la métropole, c’est là où on n’habite pas, là où l’habitation est devenue complètement impossible. Malgré tout nous restons des habitants, puisque nous sommes encore des êtres humains, ou, plus précisément, il reste ceci d’humain en nous que nous persévérons à habiter l’inhabitable, nous habitons encore, malgré tout, même si nous ne savons pas où (“ je suis un habitant, mais d’où ? ” écrit Antonio Porchia). C’est peut-être par là qu’il faudrait reprendre cette question si délicate de la Nation, dont je sais qu’elle vous tient en ce moment particulièrement à cœur. La Nation comme espace, en même temps que (et peut-être avant que) la Nation comme culture et patrimoine.

56La nation, c’est à la fois un territoire et un héritage. Et ces deux choses aujourd’hui sont en péril. Il semblerait que nous entrions dans un monde sans frontières et, quant aux héritages, ils ne nous obligent plus. Certes, le postmodernisme se refuse à les congédier, il les convoque au contraire, mais comme valeurs à mettre en valeur, espaces touristiques offerts à la foule des curieux et des estivants, lieux de mémoire, pris dans ce que Michel Deguy appelle la “ mobilisation comptable de tout ce qui est comme richesse économique potentielle ”.
57Mais alors défendre notre amour pour cet espace, pour cette partie du monde, est-ce que cela ne nous imposerait pas, à nous qui recevons cet héritage, une invention à laquelle nous ne sommes pas encore parvenus. Nous ne sommes encore capables que de crier contre la destruction, la délocalisation et la dévastation parce que nous n’avons pas encore produit, inventé, quelque chose qui serait nouveau par rapport à ça, un nouveau rapport au monde, au territoire et à la nation, qui ne serait pas seulement la défense de la nation traditionnelle qui, de fait, est en train de se disloquer. On ne peut donc pas simplement se crisper sur l’ancien, en disant : attention n’y touchez pas (en se tournant vers Séguin et Chevénement) ! Peut-être faudrait-il trouver un autre moyen d’exprimer cet attachement envers ce que nous ne savons pas encore très bien définir ? Comment éviter de se situer uniquement dans la critique et dans la satire au sens que pointe Spinoza au début du Traité de l’Autorité Politique : “ Les sentiments dont les humains sont agités, seraient-ils autant de défauts auxquels nous succomberions par notre faute ? Telle est l’opinion des philosophes qui prennent le parti soit d’en rire, soit de se lamenter, d’éclater en reproches – voire (par affectation de rigorisme) en malédictions... Aussi, au lieu d’une éthique, ont-ils, le plus souvent écrit une satire... ” ? Autrement dit, il serait peut-être important de dégager des positivités que l’actualité nous masque et qui sont pourtant aussi de notre temps. La tâche de la pensée serait en même temps que de résister, de découvrir des chose qui existent dans les comportements des nouveaux (des “ jeunes ”) et qui ne sont pas visibles parce que recouvertes par la mode, le journalisme spectaculaire, le rap, les raves et cette musique que l’on peut qualifier avec Francis Marmande de “ rock tardif ” pour le distinguer de ce rock classique des Beatles et des Doors.
58Il n’est pas facile, pour le moment de dégager quelque chose de cet ordre-là. En tout cas, je ne le perçois pas très bien. Pour ce qui est de la nation, il faudrait beaucoup de temps et nous pourrons consacrer un prochain entretien à cette question difficile. C’est pourquoi je préfère ouvrir une autre parenthèse sur le passéisme. J’entends bien ce reproche : pourquoi ne pas dégager des positivités ? Mais il est frappant de voir que c’est le culte du fait qui, aujourd’hui, tient lieu de positivité. Il y a là une autre confusion que je trouve très regrettable et qui participe au terrorisme de la modernité (il faudrait faire la liste des figures du terrorisme de la modernité) – confusion entre l’esthétique et la sociologie. On l’a bien vu au moment de l’affaire de NTM. Quand ce groupe de rap a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, tout le monde a crié justement au scandale. Mais ce qui était moins juste, c’était d’affirmer que le juge, porte-parole d’une société crispée sur des valeurs anciennes, était insensible aux cultures émergentes. Dire, en effet, que les cultures émergentes doivent être valorisées en tant qu’elles sont émergentes, c’est promouvoir le fait sociologique au rang de valeur esthétique. Or, tout émerge. C’est la définition du n’importe quoi. Nous vivons dans l’émergence. A-t-on encore le droit de discerner et de faire le tri ? Est-il encore licite de poser la question de la valeur ? Avec le sociologisme ambiant, c’est de plus en plus difficile. Se risque-t-on à le faire, qu’on est immédiatement envoyé dans les cordes : “ tu ne sais pas voir parce que tu ne comprends plus rien, tu n’as plus d’oreille, tu es trop vieux. ” Comme si une question d’âge était discriminante pour discuter de la valeur des choses et comme si, effectivement, la modernité au sens artistique du terme devait nécessairement procéder de la jeunesse.
59Le grand malheur des jeunes aujourd’hui, c’est que nous vivions dans une société qui fait de la jeunesse quasiment le seul âge de la vie : un âge que l’on vénère et non plus un âge que l’on éduque, et en même temps une sorte d’âge universel. J’écoutais récemment une chanson de Léo Ferré enregistrée trois ans avant sa mort : “ Les vieux copains ”. J’aime chez Leo Ferré cette obsession banale et poignante du Temps, du temps qui passe et de la vieillesse. Quelques jours auparavant j’avais vu la conférence de presse donnée par les Rolling Stones sous le pont de Brooklyn, pour annoncer leur nouvelle tournée mondiale où ils vont encore gagner une somme équivalente au P.N.B. de la Pologne. C’était une vision de cauchemar : des jeunes cacochymes annonçant qu’ils étaient toujours vivants. “ Tout homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition ”, disait Montaigne. Ce n’est plus vrai. Seule la jeunesse demeure. Nous ne jouons plus qu’une seule note sur le clavier du temps.
60Et les jeunes sont-ils encore jeunes quand il n’y a plus qu’un seul âge ? Il n’y a de jeunesse que par rapport à d’autres âges. La jeunesse ainsi ne peut même plus se dresser contre la vieillesse qui s’est mise à son école. La négation n’est plus la Béatrice d’une jeunesse prudente et inquiète qui a perdu le sens de la transgression parce qu’on ne lui propose peut-être plus grand chose à transgresser. Et de fait il n’y a plus de chansons. Elle était malheureusement fausse cette affirmation d’une vieille chanson qui disait “ il n’y a plus de fortifications, ni de petits cafés des barrières... Mais il y aura toujours des chansons ”.
61Là encore il ne faut pas se tromper de cible, il ne faut pas être en retard d’une guerre. J’ai vu un certain nombre d’adolescents qui, lors du précédent voyage du pape, avaient été ulcérés par ses déclarations sur le Sida. Ils ont monté en épingle son hostilité au préservatif. Ils sont descendus dans la rue pour défendre l’usage des capotes. Le problème, c’est que les distributeurs de préservatifs se trouvent partout et que les émissions de télévision parlent constamment du Sida. On a quelquefois le sentiment que, dans une société permissive comme la nôtre, on ne réinvente l’ordre moral que pour se donner en plus le frisson de la transgression. Le conformisme aujourd’hui passe par l’idée qu’on n’est pas dans la norme, par l’idée que la norme c’est les autres. Et la norme tout d’un coup, ce serait le pape ! Or, le discours pontifical sur la sexualité est irrémédiablement minoritaire. Sa popularité n’a rien à voir avec ses prises de position en matière de mœurs, et cette popularité, je la trouve émouvante précisément parce que c’est un homme très vieux et très fatigué. Que le courant passe, comme nous venons de le voir avec les “ JMJ ”, entre cette immense fatigue et la jeunesse, je n’y vois aucune raison de s’esclaffer. Il y avait, certes, quelque chose de risible et même d’inquiétant dans ces journées mondiales : mais ce n’était pas leur côté catholique ou réactionnaire, c’était bien plutôt leur style J.-M. Jarre et leur actualité New Age.
62La situation présente a été magnifiquement anticipée par Chesterton : “ De nos jours, nous voyons mentionnés le courage et l’audace avec lesquels certain rebelle s’en prend à une tyrannie séculaire ou à une superstition désuète. Ce n’est pas faire preuve de courage que de s’en prendre à des choses séculaires ou désuètes, pas plus que de provoquer sa grand-mère. L’homme réellement courageux est celui qui brave les tyrannies jeunes comme le matin ou les superstitions fraîches comme les premières fleurs ”.
63Mais finalement toutes vos critiques ne concernent-elles pas des symptômes d’un processus plus fondamental et plus caché que nous sommes devenus incapables de nommer depuis que nous ne sommes plus marxistes ? Est-ce que ce n’est pas le capitalisme qui est la cause de nos malheurs, non pas la modernité ni la pensée moderne ? On voit resurgir un certain radicalisme politique qui n’hésite pas, lui, quant au nom et à la définition de l’ennemi. Je pense par exemple au texte du sous-commandant Marcos intitulé “ la quatrième guerre mondiale a commencé ” paru dans “ Le Monde diplomatique ” de ce mois d’août. On voit resurgir des modes de pensée révolutionnaires dont on aurait pu penser que la postmodernité les avait totalement fait disparaître.
64J’ai du mal à raisonner en ces termes. Notamment parce que je vois chez les tenants actuels de la radicalité beaucoup plus de haine que d’amour du monde. La radicalité est gnostique : c’est ce qui la rend si inquiètante. Comment concilier notre attachement pour la nation et le discours de la radicalité ? D’ailleurs que voit-on aujourd’hui ? Au nom de la radicalité, on dit que le droit d’asile doit devenir un droit de l’homme et n’est plus un attribut de l’Etat. Mais si le droit d’asile devient un droit de l’homme, il n’y a plus de nation. Et on a le sentiment que c’est cela que veut aujourd’hui l’extrême gauche intellectuelle. Moyennant quoi les tenants de cette nouvelle radicalité malmènent dans leur manifestations Fodé Sylla, le président de “ S.O.S. Racisme ”. Cette violence est très impressionnante. Sûrs de parler au nom de la misère du monde et de combattre aussi bien l’égoïsme des nantis que l’imposture des nations, ces militants sont prêts à buter l’immense majorité de leurs compatriotes. Au nom du peuple, ils se déchaînent contre le peuple. Voilà une autre raison pour laquelle il est difficile d’être simplement un “ mécontemporain ”. Je crois qu’il y a un certain nombre d’attitudes de la radicalité avec lesquelles il faut aussi être capable de rompre aujourd’hui pour mener une critique de la modernité qui tienne compte des horreurs commises par amour de l’humanité.
65Peut-être pourrions-nous clore cet entretien par la lecture d’un passage de Ferdydurke que vous avez aujourd’hui avec vous ?
66Je vous propose un passage de Ferdydurke que j’adore et que je mettrais en épigraphe de toute réflexion sur la modernité. Il s’agit de Madame Lejeune, la mère de Mademoiselle Lejeune, la jeune fille moderne rencontrée par le héros cuculisé. Et la mère est encore plus moderne que sa fille. Voici une scène qui se produit un matin, au réveil, alors que le héros a couché dans l’appartement des Lejeune : “ Un coq chanta. La première personne à se montrer fut Madame Lejeune, coiffée à la hâte, en robe de chambre et en chaussons. Elle marchait avec calme, la tête droite, et sur son visage se peignait une sagesse spéciale, une sorte de sagesse des installations sanitaires. Elle marchait même avec un certain recueillement sous le signe du naturel et de la simplicité, sous le signe de l’hygiène matinale rationnelle. Avant d’entrer à la salle de bains, elle obliqua, le front haut, vers les W.C., et s’y enferma de façon cultivée, réfléchie, raisonnable et consciente comme une femme sachant très bien qu’il ne convient pas d’avoir honte des fonctions naturelles. Elle en sortit plus fière qu’elle n’y était entrée. Elle paraissait fortifiée, éclairée et humanisée. Elle sortit de là comme d’un temple grec. Je compris alors qu’elle y entrait, en effet, comme dans un temple grec. C’est d’un tel sanctuaire que les modernes femmes d’avocats et de médecins tiraient leur puissance. Celle-ci en ressortait toujours meilleure, plus cultivée, tenant haut l’étendard du progrès et c’est de là que provenaient l’intelligence et le naturel dont elle se servait pour me tourmenter. Stop. Elle se rendit à la salle de bains. Le coq chanta. ”
67Ce passage splendide relève de ce que Kundera appelle “ la grande tradition du modernisme anti-moderne ”. Certains des plus grands artistes de la modernité ont fait la critique de la modernité. Ainsi, outre Gombrowicz, Fellini, et Kafka... Et ce que montre Gombrowicz dans ce passage, c’est le paradoxe terminal du projet moderne. Une fois qu’on s’est défait de tous les préjugés, qu’on a surmonté tous les particularismes et vaincu toutes les conventions, on accède, en guise d’apothéose, à “ la sagesse des installations sanitaires ”.
68S’il y a de grands modernes anti-modernes, comme le pense Kundera, c’est donc bien qu’il y a aussi une modernité un peu déchirée, un peu tragique, qu’il faut sauvegarder car seule elle nous permet d’apercevoir le cucul de cette “ sagesse ” des modes actuelles. Mais la suffisance d’aujourd’hui est-elle encore liée au projet moderne ? La satisfaction de soi n’est plus même liée à un fantasme d’émancipation.
69Elle est, en tous cas, la vérité ultime du “ politiquement-correct ”, américain aussi bien qu’européen, comme on le voit avec ces phénomènes planétaires que sont la Love Parade ou la Gay Pride. Il y a quelque chose comme une “ sagesse des installations sanitaires ” dans l’envahissement de la scène publique par la vie privée et dans l’exhibition tonitruante de la sexualité. La fierté sexuelle d’aujourd’hui rappelle furieusement la fierté de Madame Lejeune. Le coq ne cesse pas de chanter. La nuit, qu’elle soit libertine ou romantique, disparaît de notre monde. Tous ceux qui aiment l’érotisme devraient avoir aujourd’hui la nostalgie de la pudeur.
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