PDF Signaler ce document 1La cinquième livraison du
Portique propose une thématique qui ne séduira pas d’abord par son originalité : « le xx
e siècle ». Cependant, à l’heure des bilans, des panoramiques, des grandes fresques en tous genres (mais plutôt du genre « jugement dernier ») sous lesquelles on croule, il nous a paru intéressant de nous adresser à des auteurs dont nous savions qu’ils allaient tirer de l’inextricable pelote quelques fils qui n’appartiendraient qu’à eux.
2L’exercice que nous leur suggérions consistait à choisir « quelque chose » du xx
e siècle : événement, objet, pensée, problème, invention, création, etc., pour se livrer ensuite à un libre commentaire. Cette imprécision était voulue, car nous n’avions prétention ni à l’analyse ni à la synthèse. Nous voulions appréhender ce siècle par différents côtés et non, d’abord, le comprendre. L’idée était celle d’une pêche au hasard des intérêts propres à chacun de nos collaborateurs. Et puis, le calendrier étant ce qu’il est, il nous a fallu nous arrêter à ce
recueil que voici, mais qui était en droit indéfini, sinon infini.
3Le lecteur jugera du résultat. Cependant, il se pourrait bien que se profile ici, malgré tout, c’est-à-dire en dehors de toute intention, quelque chose comme une « image du siècle ». Ces coupes pratiquées dans une durée foisonnante finissent par aboutir à une sorte de silhouette incomplète mais précise. Nous serions heureux si cette image au format modeste donnait à voir et à penser certains aspects que négligent les vues cavalières.
4Car nous n’étions pas résolus, non plus, à nous cantonner dans les détails. Un parti pris micrologique aurait été encore un parti pris, et nous n’en avions guère (du moins pour ce numéro). Le lecteur sera peut-être surpris que cet entrelacs de chemins de traverse débouche soudain ici ou là sur de vastes avenues. La
meditatio generis futuri, on le verra, n’est pas non plus absente de cette « rétrospective ». Comme nous l’a appris Walter Benjamin, un siècle peut être profondément marqué – même à son insu – par la vision et l’attente de celui qui le suit. D’où la curieuse impression que partagent ceux qui, comme nous, aujourd’hui, se tiennent sur le seuil du passage (car ce siècle, comme chacun sait, n’est pas tout à fait achevé…). Il faut dire aussi que cette multiplicité d’échelles et de points de vue – que cette vue éclatée – n’est bien entendu pas étrangère
aux temps (pour ne pas dire encore à « l’époque ») dont il est ici question.
5Si ce siècle était une ville, on l’imaginerait sans doute immense. Et le lecteur du
Portique se retrouverait maintenant à un carrefour brumeux et venteux où quelques édifices apparaîtraient tandis qu’au fur et à mesure de la lecture un plan – tant bien que mal – commencerait à se déplier.