Biodiversité des océans, gage de notre survie par Laurent Ballesta & Pierre Descamp
Extrait de “Planète Mers” – Voyage au cœur de la biodiversité marine, Editions Michel Lafon, 2005, p.40
Pourquoi vouloir protéger la biodiversité marine ? Au delà de leur valeur intrinsèque et de leur beauté , les océans sont d'une importance vitale pour L'être humain. Les produits de La mer représentent une source alimentaire essentielle pour une bonne partie de la population mondiale. Ils sont également le fondement d'habitudes alimentaires et culturelles qui nous définissent comme êtres humains. Nous savons aussi, même si nous n'en sommes qu'au début de notre exploration, que de nombreuses substances naturelles provenant du milieu marin présentent des potentialités très intéressantes dans des secteurs tels que la santé ou l'alimentation.
Mais, plus encore, la vie a débuté dans la mer, et la survie de notre espèce en dépend.
L'apport des écosystèmes marins pour la biodiversité des autres milieux naturels est inestimable. Afin d'attirer l'attention des décideurs sur la nécessité de préserver cette biodiversité, ne faudrait il pas utiliser les méthodes d'évaluation économique et quantifier la valeur des écosystèmes vivants ?
Malheureusement, si on peut sans exagération affirmer que la biodiversité marine a une valeur essentielle, on peut aussi sans risque d'erreur prévoir que les attaques qu'elle subit vont se poursuivre. Nos connaissances sont limitées, mais nous savons que certaines espèces marines ont déjà disparu. La destruction des habitats et la surpêche sont exacerbées par les impacts du changement climatique global. Pour prendre en compte ce problème, l'UICN et sa commission de survie des espèces ont lancé un programme qui vise à éduquer le public sur les risques d'extinctions d'espèces marines et sur ce qui peut être fait pour Les éviter, Plus largement, l'UICN est impliquée dans de nombreuses activités de protection de la biodiversité marine, telles que des projets de terrain visant à améliorer la gestion des ressources marines jusqu'au développement de protocoles internationaux pour prendre en compte, par exemple, les invasions biologiques. L’UICN renforce Les capacités de gestion scientifique en apportant des résultats nouveaux et des technologies innovantes à la résolution des problèmes de gestion. Enfin, la mise à jour au cours des années de La « Liste rouge » (recensement des espèces menacées d'extinction) a constitué un formidable révélateur des dangers auxquels la biodiversité marine doit faire face.
Pour conclure sur une note positive, notons les progrès accomplis en matière de traitement des eaux usées et de réduction des pollutions en métaux lourds dans de nombreuses régions du monde. Quant aux améliorations de la gestion des ressources marines grâce notamment aux aires marines protégées ce sont autant de progrès qui réduisent l'ampleur des dégâts produits sur les écosystèmes marins fragiles.
Arrêter la perte de biodiversité dans les océans : c'est le défi que nous devons relever si nous voulons assurer son existence pour le bénéfice des futures générations.
Carl Gustaf Lundin dirige le Programme global marin de l'UICN depuis 2001. II a travaillé pendant plus de dix ans à la Banque mondiale en tant que spécialiste de l'environnement. Biologiste marin, il a parcouru les mers et océans du monde entier pour mieux les connaître et les protéger. L’AVIS DES EXPERTS Changement climatique, le grand bouleversement par Laurent Ballesta & Pierre Descamp
Extrait de “Planète Mers” – Voyage au cœur de la biodiversité marine, Editions Michel Lafon, 2005, p.41
Si l'on peut facilement observer au quotidien certains effets du changement climatique global, il en est d'autres beaucoup moins faciles à voir. Ainsi, sous la surface de la mer, les écosystèmes commencent à montrer des signes de vulnérabilité.
Des eaux gelées des pôles jusqu'aux eaux chaudes des tropiques, les taux élevés de gaz carbonique dans l'atmosphère terrestre ont entraîné des transformations environnementales élévation de la température de la mer, variation des courants, altération de la chimie de l'océan notamment qui ont des impacts sur la vie marine.
La chaîne alimentaire menacée De nombreuses espèces marines sont très sensibles aux variations de température, même faibles. Un changement prolongé de seulement 1 à 2 0C peut avoir des effets sur leurs taux de croissance, leurs schémas de reproduction, leur sensibilité aux maladies et leurs interactions avec les autres espèces. Certaines espèces profiteront d'un changement, d'autres en souffriront. Mais l'équilibre entre les prédateurs et les proies, le cycle des éléments nutritifs et les autres flux énergétiques seront affectés, avec des répercussions sur l'ensemble de la chaîne alimentaire. Quand une espèce sensible joue un rôle primordial dans un écosystème en structurant un habitat comme le corail, ou se trouvant à la base de la productivité primaire comme le plancton , il y a un effet « en chaîne » qui touche aussi des espèces qui ne sont pas elles mêmes vulnérables au changement de température.
Les courants océaniques transformés On sait également que le changement climatique va transformer les schémas de circulation de l'eau. Or les courants océaniques ont une grande influence dans la distribution et la productivité des écosystèmes marins. Ils transportent les jeunes d'espèces marines très variées ; ils jouent un rôle fondamental dans leur dispersion et dans le maintien des populations. Tout changement interrompant les cycles vitaux de nombreuses espèces a un impact sur les populations locales et peut entraîner leur extinction Les courants jouent aussi un rôle important dans le transport des éléments nutritifs. En apportant des eaux riches et froides du fond vers la surface grâce aux upwellings (remontées d’eaux profondes), ils créent des zones de grandes productivité. La disparition de certains upwellings et le renforcement des autres modifient considérablement la localisation et l’étendue des zones à haute productivité.
La chimie du milieu marin perturbée Enfin, le changement climatique transforme la chimie du milieu marin. La diminution des ions carbonatés est particulièrement préoccupante. Ces ions sont la clé de la construction du carbonate de calcium du squelette de nombreuses espèces. Par exemple, celui de certains organismes planctoniques, des acteurs discrets qui pourtant joueraient un rôle dans les interactions entre l'océan et l'atmosphère... comme la formation des nuages Les organismes responsables de la construction des récifs de corail ont eux aussi besoin du carbonate de calcium. En les affectant, le changement climatique peut affaiblir les procédés nécessaires au maintien des structures à la base du fonctionnement des écosystèmes récifaux.
Les premiers constats Notre connaissance des effets du changement climatique dépend pour une large part de modèles et de prévisions scientifiques. Mais des modifications ont déjà été constatées dans les écosystèmes marins. Ainsi, au réchauffement du courant de Californie durant ces dernières dizaines d'années correspond le déclin des populations de zooplancton et d'oiseaux de mer. On a observé également la prédominance d'espèces d'eau chaude dans les communautés de poissons des forêts de laminaires au large de la côte sud de la Californie. Dans la spectaculaire forêt de laminaires de Tasmanie (Australie), les canopées flottantes très denses, qui forment l'habitat d'une multitude d'espèces, ont diminué de 20 à 80% depuis les années 1940. Cette diminution correspond à une hausse de la température de la mer de 1,5 à 2 °C pendant la même période et à une translation de 60 km vers le sud du courant est australien, chaud et relativement pauvre.
Mais les écosystèmes marins les plus affectés par les changements climatiques sont sûrement les récifs de corail. Ils sont particulièrement sensibles aux faibles variations de température, et une augmentation de 1 à 2 °C est suffisante pour créer un stress qui se traduit par le phénomène connu sous le nom de blanchissement. Le blanchissement se produit quand la relation symbiotique entre le corail et l'algue qui vit dans ses tissus se rompt. En quelques jours, le corail perd sa couleur. Des colonies entières, s'étendant sur des milliers de kilomètres, peuvent être affectées en quelques semaines. Des écosystèmes entiers sont atteints dans le même temps car il y a peu de refuges au stress thermique dans les systèmes récifaux peu profonds. Même s’ils survivent, les coraux souffrent, et, si la hausse de température persiste, beaucoup peuvent mourir.
Ces dix dernières années, des mortalités massives de corail ont été observées dans de nombreux endroits dans le monde. Certains sites, comme les Seychelles et les Maldives dans l'océan Indien, ont perdu 50 à 90 % de leurs coraux pendant le blanchissement de 1998. Des récifs aussi grands que la Grande Barrière de Corail australienne ont été affectés avec un blanchissement très étendu, bien que peu mortel, en 1998 et en 2002, Ces problèmes de température ont un impact sévère sur le corail, mais les effets sur l'ensemble de l'écosystème peuvent être encore plus importants.
L’augmentation de température prévue par les scénarios du changement climatique pourrait avoir des impacts négatifs sur les habitants du récif. Ainsi, les températures élevées dans la Grande Barrière de Corail ont affecté les oiseaux de mer en les privant de nourriture. Quant aux populations de tortues marines, déjà menacées, elles pourraient souffrir du changement climatique car la répartition entre mâles et femelles dépend de la température à la naissance.
En prenant le temps de regarder sous l'eau, nous pouvons avoir une idée de l'étendue des bouleversements qui nous attendent si nous ne nous occupons pas du changement climatique de façon appropriée. Nous constatons déjà combien certains écosystèmes comme les récifs de corail et les forêts de laminaires sont vulnérables au réchauffement. Et pourtant nous sommes encore loin d'en comprendre toutes les implications tant pour les milieux naturels que pour les sociétés humaines.
Paul Marshall vit à Tonwsville, en Australie. Biologiste marin, spécialiste de l'écologie du corail, il travaille pour le parc de la Grande Barrière de Corail en tant que responsable du programme Réponse au changement climatique. Il conseille le programme global marin de l'UICN sur les questions liées au changement climatique en milieu corallien. Contacts |
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الخميس يوليو 21, 2011 5:46 pm من طرف سميح القاسم