[size=32]Une interaction entre le biologique et le représentationnel[/size]
Patrick Juignet, Psychisme, 2011
Une équipe de l’Université de Carnegie Melon (Pittsburg) a montré expérimentalement que le fait d’imaginer manger réduisait l’appétit.
Cette équipe a conçu l’expérience suivante. Deux groupes ont été constitués, auxquels on a demandé de manger des bonbons au chocolat et des cubes de cheddar. L’un des groupes devait auparavant imaginer manger des bonbons et dans un autre expérience les cubes de cheddar. Ce groupe a mangé moins que celui qui n’avait rien imaginé. De plus l’effet ne s’est produit que pour la nourriture imaginée et pas pour l’autre.
Les individus concernés ont utilisé des médiations visuelles, gustatives et même verbales (le nom des bonbons et du fromage) de façon à former un contenu mental conscient. L’ensemble des représentations a été coordonné selon la finalité donnée par la consigne d’imaginer manger. Réaliser cette consigne suppose une connaissance de ce qu’est manger des bonbons et des cubes de fromage apéritif. Evidemment, l’activité imaginative a été faite en l’absence de l’acte concret auquel elle se substitue. Tout cela a été attesté par la transmission faite aux expérimentateurs. Ces caractères montrent que nous sommes bien dans une activité représentationnelle. L’expérience montre que cette activité a un effet sur l’appétit qui a un fondement biologique.
Si manger par la pensé réduit l’appétit, on peut en conclure que le représentationnel a une influence sur le fonctionnement neurobiologique qui contrôle l'appétit. Il n'est pas certain que dans tous les cas manger imaginairement diminue l'appétit, car il est connu qu'imaginer un bon mets fait saliver, mais peu importe, car ce qui nous intéresse ici est seulement l'existence d'une interaction entre neurobiologique et représentationnel.
Ce type d'expérience confirme ce que l'on savait déjà cliniquement, à savoir que les données représentationnelles influent sur la nutrition.
Dans un autre domaine, grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale, il a été possible de mettre en évidence les effets biologiques de l’imagination. Ces effets sont proches de ceux découlant des actions réelles. Le fait d’imaginer une action active dans le cerveau des zones du cortex sensoriel et moteur proches de celles qui s’activeraient, si l’action était faite.
Ceci est à relier avec ce que l’on constate empiriquement dans la thérapeutique psychanalytique. Des remaniements psychiques peuvent être obtenus par une mise en jeu contrôlée de l’imagination. Revivre autrement permet un remaniement, ce qui n’est pas le cas si on se limite à une prise de conscience explicative.
Ceci montre aussi qu'il y a une interaction entre le repésentationnel et le neurobiologique.
Bibliographie :
Jouvent R., Le cerveau magicien, Paris, Odile Jacob, 2009.
Juignet P., Manuel de psychopathologie psychanalytique, Grenoble, PUG, 2001.
Morewedge et al, « Science », 10 Décembre 2010