Patrick Juignet, Psychisme, 2011.
Nous présentons ici un résumé de notre méthode de repérage en psychopathologie. La catégorisation que nous proposons est faite selon la prédominance étiologique, c'est-à-dire en se fiant à ce qui détermine majoritairement le tableau clinique. Miser sur l'origine étiologique (au sens très large du terme) pour se repérer va à l'inverse de l'empirisme des nomenclatures internationales telles que le DSM IV (voir : Le DSM IV) ou la CIM 10. En appliquant cette méthode étiologique, il en résulte cinq grandes catégories. Celles-ci sont hiérarchisées, elles combinent simultanément plusieurs considérations complémentaires et elle ne sont pas exclusives, car une étiologie n'exclut pas l'autre.Cette manière de voir conduit à proposer au sein de chaque catégorie des formes cliniques au sens tratidionnel du terme. Ces formes sont décrites dans des tableaux cliniques les plus caractéristiques possibles qui incluent à la fois les symptômes, le caractère, les conduites, et l'évoution dans le temps. Ce qu'on pourrait appeler l'ensemble de la personnalité.
PLAN DE L'ARTICLE
1 – Les trois pôles
L'idée de pôle
Tout être humain possède une organisation psychique. Il existe des variations de l’organisation psychique qui se font principalement sous l’influence de l’environnement relationnel, socioculturel et de la dynamique personnelle. L’influence environnementale concerne surtout les relations familiales de l'enfance, ainsi que les influences culturelles qui passent par le symbolique-représentationnel. Dans ce cas le primum movens étiologique est acquis, relationnel et interactif. Très dynamique durant l’enfance, l’organisation psychique prend des formes fixes à l’âge adulte.
1/ Comme principe du repérage nous considérons que les déterminations relationnelles sont prédominantes et produisent des formes d’organisation psychique stables 2/ Nous suggérons une méthode de repérage par "pôles" pour éviter d'avoir des cases trop délimitées et afin de respecter les nuances.
3/ Pour une orientation diagnostique, nous proposons une démarche qui associe les formes d'organisation psychique, les tableaux cliniques correspondants et les étapes cruciales de la vie. Il s’avère en effet que les trois sont parfois particulièrement concordantes.
Le résultat : trois pôles
Reprenant les termes de la psychopathologie européenne traditionnelle, nous considérons
- un « pôle névrotique » caractérisé par un fonctionnement psychique élaboré, mais avec des conflits,
-un « pôle psychotique » avec un fonctionnement psychique archaïque et déréalisant et
-un « pôle intermédiaire » (dit par certains "borderline" ou "limite"), qui lui-même se subdivise en deux selon que domine les problèmes narcissiques ou les aménagements pervers.
On peut considérer que chaque pôle donne une sphère d'influence dont les limites son floues, au sein desquelles se distribuent les différents types de personnalitésidentifiables.
2 – Les maladies multifactorielles
L'idée de maladie à facteur multiple
Les données récentes en génétique et en neurobiologie amènent à penser qu'il existe des distorsions du psychisme sous l’influence de modifications biologiques mal déterminées à l’heure actuelle, mais en partie d’origine génétique et peut-être dues à des influences ayant eu lieu pendant la vie intra utérine.
Dans ce cas le primum movens étiologique est biologique. Il est quelque peu interactif mais évolue surtout selon une dynamique propre. Le tableau clinique apparaît à un âge donné et évolue de manière stéréotypée. Ces maladies sont multifactorielles dans la mesure où l'environnement sous une forme biologique (toxique, infectieuse, alimentaire, etc.) ou relationnelle, intervient également.
Le principe consiste à repérer les cas où les distorsions biologiques sont prédominantes et viennent produire des distorsions psychiques considérables
Le résultat : six groupes
Nous reprenons ici la nosologie psychiatrique. Elle s’est constituée sur la recherche de tableaux cliniques homogènes et dans ce cas c’est le bon procédé car il y a une concordance entre les tableaux cliniques et l’étiologie.
Nous considérons :
- les « démences », dans lesquelles une diminution du nombre de neurones actifs provoque les troubles.
- les « schizophrénies », dont le tableau clinique montre une dissociation corrélée sur le plan biologique a des dysfonctionnements corticaux et sous-corticaux.
- « l'autisme », d'apparition précoce, pour lequel on incrimine un retard de maturation cérébrale avec des conséquences en cascades.
- les « troubles bipolaires » pour lesquels les données neurobiologiques sont incertaines.
- les « troubles hallucinatoires chroniques » encore mal connus.
Toutes ces maladie sont évolutives c'est-à-dire que les tableaux cliniques changent au cours du temps.3 – Les grands syndromes ubiquitaires
L'idée de syndrome ubiquitaire
Ce sont des ensembles symtpomatiques qui sont en rapport avec une modification neurobiologique sous-jacentes. Ubiquitaire veut dire qu'on les retrouve dans tous les tableaux cliniques. Le déclenchement du syndrome provient assez souvent de situations relationnelles ou sociales (danger réel ou supposé, deuil, insatisfactions, incertitudes vitales) mais parfois pas. Les syndromes sont évolutifs mais, dans certains cas, peuvent se fixer et devenir chroniques.
Ce sont les cas où les circonstances provoquent des réactions psychiques à forte assise biologique
Le repérage: divers syndromes
Il est d’abord clinique et correspond à des syndromes ubiquitaires (présents dans tous les pôles et dans tout les grand types de maladies). Ce sont des ensembles de symptômes très communs, couramment retrouvés dans toutes sortes de circonstances et chez tous les individus mais à des degrés très divers.
Nous distinguons :
- l’angoisse, qui associe une sensation de peur à des manifestations somatiques. La concernant a individualisé des récepteurs neuronaux activateurs et inhibiteurs.
- La dépression, se manifeste par la tristesse jusqu'à la douleur morale, l'abattement et un cortège de manifestations somatiques. On l'associe au déficit des voies sérotoninergiques centrales et à une diminution de la plasticité cérébrale.
- L'excitation, qui provoque la jovialité, l'hyperactivité, parfois la fureur. On incrimine une hyperactivité sérotoninergique.
- Les troubles psychosomatiques qui consistent en des manifestations somatiques d'une grande diversité de dysfonctionnements psychiques.
4 – Les psychosociopathies
Le principe de constitution de la catégorie
Le psychisme intègre toujours les influences sociales, mais dans certain cas, les facteurs sociaux sont prépondérants. On parle alors de pathologie socialement ou culturellement favorisée. Ils sont liés à la perte ou à l'absence de repères culturels du fait d'une éducation insuffisante. La famille peut être absente ou avoir une identité sociale incertaine, et l'entourage proposer des repères absurdes et des identifications antisociales (délinquantes). Les effets sociaux seront plus violents si la structure psychique est plus archaïque, donnant des réactions plus immédiates sans possibilité de sublimation.
Ce sont les cas où l'environnement social pathogène provoquent des réactions qui viennent s’inscrire dans l’organisation psychique à plus ou moins long terme.
Le repérage: sociopathie et psychopathie
- Les « syndromes sociopathiques » (mauvaise insertion, marginalité, souffrance par isolement, déculturation)
- Les « psychopathes », lorsque s'y associe une agressivité intense provoquant des manifestions violentes antisociales (destruction, transgression, agressions sexuelles, meurtre).
5 - Le cumul des quatre
En conclusion, ces quatre catégories retenues n'étant pas du même type, elles se superposent sans problème. Une personne a toujours un psychisme structuré par son histoire relationnelle, elle présente toujours des réactions à son environnement social, et elle a nécessairement des état anxieux ou dépressif si les circonstances les provoquent. De plus, il peut survenir chez cette personne un développement schizophrénique ou encore une démence.[size=undefined]Tableau d'ensemble [/size]
Les grands types d'organisations psychiques
| Personnalité équilibrée |
Dans la sphère névrotique | Personnalité anxio-phobique |
| Personnalité obsessionnelle |
| Personnalité hystérique |
| Personnalité limite moyenne |
Dans la sphère intermédiaire | Personnalités limites graves |
| Personnalité limite narcissique |
| Personnalité perverse |
| Personnalité distanciées |
Dans la sphère psychotique | Personnalité histrioniques |
| Personnalités psychotiques graves |
Les maladies évolutives multifactorielles
Les démences
Les schizophrénies
Les autismes
Les troubles hallucinatoires chroniques
Les grands syndromes ubiquitaires
L’angoisse
La dépression
L'excitation
Les troubles psychomatiques
Les psychosociopathies
Les syndromes sociopathiques
La personnalité psychopathique