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Humanité ou sagesse ?
(L'humanisme comme ontologie et comme éthique)
Sous le terme "d'humanité" nous parlerons de ce qui se manifeste lorsque l'on dit "il est humain" (ou inversement " inhumain "), ou encore par des expressions comme "faire preuve d'humanité", "le respect dû à la personne humaine", "la dignité humaine", etc. Il existe dans notre civilisation un d'accord collectif sur ce qu'est "être humain" ou ne pas l'être. Cette appellation a donc une légitimité ; mais nous verrons qu'elle contient un abus de langage dont il faut se méfier.
JUIGNET Patrick. Humanité ou sagesse ? L'humanisme comme ontologie et comme éthique. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
- PLAN
- 1/ Des qualités remarquables
- 2/ Il faut évidement que cela soit possible.
- 3/ Un abus de langage intéressant
- Conclusion sur l'humanisme
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1/ Des qualités remarquables
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Nous commencerons par une approche subjective limitée à quelques traits caractéristiques. Être humain, c'est une manière de se conduire mal définie qui rassemble la dignité, la sociabilité, la générosité. Nous allons procéder intuitivement en énonçant ce que ces qualités pourraient être aujourd'hui, sans prétention à la généralité, ni à l'universalité. Voyons de quoi il s'agit.
Être digne
Un grand nombre de personnes respectent les formes élémentaires de la politesse et de la civilité, sont honnêtes, admettent les lois communes. Ils s'attendent à la réciproque dans un cadre de justice élémentaire. Ils vivent ce que Jean-Claude Michéa nomme, la sociabilité primaire ou la « common decency » (George Orwell). Respect, justice, réciprocité, sont au cœur de l’humanité. Ils offrent une possibilité de dignité pour chacun. Ces règles constituent le socle des relations humaines dans presque toutes les sociétés. On peut les considérer comme un ensemble formant un invariant anthropologique. Après Marcel Mauss on peut y voir aussi la capacité à « donner, recevoir, rendre ». Ces formes élémentaire de la sociabilité se construisent grâce à l'éducation et dans les relations avec les autres. Avec Claude Lévi-Strauss on peut aussi rapporter ces règles et leur respect à l'ordonnancement constitutif de la culture humaine, ce qu’il nomme la fonction symbolique. Aristote parlait de loi commune aux hommes (par opposition aux lois particulières).
Avoir une identité
Être humain c'est avoir une identité individuelle et collective. Chacun sait qui il est individuellement, mais chaque personne a aussi une identité sociale qui lui permet de s’inscrire dans la collectivité humaine. L’identité psychologique permet de savoir que l’on existe en tant qu’individu. Elle se manifeste par des particularités, parfois un peu baroques, tout particulièrement à l’adolescence. L’identité sociale vient de la culture, de l’histoire, des traditions, du langage, dont le partage est un support majeur de la sociabilité. Être humain, c’est avoir une individualité ancrée dans le collectif, dans la communauté. Se créent ainsi les conditions nécessaires au partage et à l’échange avec les autres. La culture à l'origine de l'identité sociale peut être formée par les traditions de son village, les mœurs de son pays, ou une philosophie universelle, mais de toutes les façons, il faut une culture. C’est sur la base de cette identité partagée que la sociabilité humaine se crée.
Partager avec les autres
L'humain généralement se soucie de l'autre, il est empathique et sympathique : il compatit aux souffrances, partage les joies, échange ses émotions. Il y a une résonance, des effets en miroirs, des identités communes entre les humains. Être humain c'est être relié à ceux qui nous entoure, les comprendre. C'est manifester une solidarité, une générosité, s'entraider. Le mouvement d'entraide est souvent spontané et souvent freiné par les circonstances. Ce qui implique de dépasser l'égoïsme inhérent à l'individualité. C'est aussi transmettre aux autres ce que l’on connaît, ce que l'on aime, partager son savoir. L'inhumanité se manifeste par une attitude froide, indifférente, permettant de traiter l'autre comme un moyen, un pion utile ou inutile. L'individu inhumain est coupé des autres, indifférent, robotisé ; il agit froidement par calcul, selon des comportements guidés par son intérêt immédiat ou fondés sur la hiérarchie et les normes sociales.