PURĀNATextes de caractère épique dont la composition, sous la forme actuellement connue, s'étale entre le IVe et le XIVe siècle, les purāṇa sont les véritables livres sacrés de l'hindouisme. La traduction la plus littérale de leur nom générique serait « les antiques » ; en glosant un peu, on les appellera « récits d'autrefois », étant entendu que cet autrefois se perd dans un passé légendaire. La tradition les révère comme une nouvelle expression desVeda. Alors que ceux-ci s'adressaient seulement à l'élite privilégiée des deux-fois-nés (dvīja : les membres des trois castes supérieures auxquels l'initiation confère une deuxième naissance), les purāṇa concernent tout le monde, femmes et śūdra (quatrième caste) compris, lesquels n'avaient pas accès aux Veda. Ils partagent ce caractère d'universalité avec les cultes sectaires à la prolifération desquels ils sont étroitement liés. Les cultes sectaires sont ceux de groupes, plus ou moins étendus, organisés autour de telle ou telle forme divine et se référant à tel ou tel texte choisi.
[size=22]1. Historique
Une tradition que les purāṇa eux-mêmes s'efforcent d'établir est celle d'un
Purāṇa d'origine dont les divers purāṇa connus ne seraient que des fragments. Le terme, il est certain, apparaît tôt dans la littérature sanskrite : l'
Atharva le mentionne à la suite des quatre Veda ; toutefois, il ne s'agissait probablement pas à cette période d'un texte unique, ni même de textes particuliers, mais d'une sorte de fonds commun où a puisé l'
épopée, tant le
Mahābhārata que les purāṇa proprement dits. On note, cependant, que le
Mahābhārata(postérieur, il est vrai, de plusieurs siècles à l'
Atharva Veda) parle d'un
Vāyu Purāṇa, nom qui figure dans la liste des dix-huit purāṇa majeurs.
Dans l'ensemble, ils paraissent avoir fait immédiatement suite aux grandes épopées,
Rāmāyana et
Mahābhārata, ce dernier prolongé lui-même par les seize mille stances du
Harivaṃśa, texte dont le style est déjà très proche du style purāṇique.
Composés en vers, parfois entrecoupés de prose, les purāṇa rapportent, avec de nombreuses variantes, des légendes issues de l'épopée et dont il n'est pas rare que l'origine remonte aux récits des
brāhmaṇa. Mais ces histoires ont ici un aspect souvent décousu et ne donnent jamais un récit suivi comme celui du
Mahābhārata, même si ce dernier y adjoignait des digressions de tous ordres.
La même tradition qui affirme l'origine unique des purāṇa les attribue à l'auteur prétendu de l'épopée,
Vyāsa. Ce nom est, en fait, un substantif signifiant « celui qui diffuse » ; c'est donc un nom générique, et les auteurs des purāṇa ne sont pas plus aisés à identifier que ceux du
Mahābhārata : la composition a dû se faire, dans un cas comme dans l'autre, par adjonctions successives à un noyau initial de fragments plus ou moins importants. Ce sont les purāṇa eux-mêmes qui nous renseignent les uns sur les autres ; quelques-uns attribuent certains textes non plus à Vyāsa, mais à son fils, tout aussi mythique que lui.
Quant à la transmission, elle était assurée, dit la légende, par des récitants, les
sūta, qui joignent à leur fonction de conducteurs des chars de guerre celle de bardes ; les sūta des purāṇa sont le plus souvent un certain Lomaharṣana ou son fils Ugraśravas. Ces récitations sont dites avoir pour cadre habituel la forêt de Naimiṣa, en présence d'une assemblée de sages (
ṛṣi).
2. Caractères communs
Si la composition des purāṇa se révèle particulièrement lâche, ils n'en ont pas moins la prétention de suivre un schéma strict ; ce schéma est surtout théorique et beaucoup ne s'y conforment guère : chacun d'entre eux est censé comporter cinq grandes divisions dont l'ensemble porte le nom de
pañcalakṣaṇa, les « cinq caractéristiques ».
• Les « cinq caractéristiques »
Le premier des cinq grands sujets traités est la cosmogonie, c'est-à-dire la description de la
création originelle, celle qui s'est produite au commencement des temps (
agre). Il faut rappeler à ce propos qu'une création en contexte indien n'est jamais
ex nihilo : c'est un simple développement à partir d'un principe premier. Au niveau des purāṇa, ce principe est généralement le Dieu suprême (Viṣṇu ou Śiva), l'Absolu personnifié, origine de tout, du matériel comme du spirituel, à la fois immanent et transcendant à sa création (
sṛṣṭi, de la racine
sṛj, « émettre »).
Ensuite viennent les créations secondaires, celles qui resurgissent après chaque destruction périodique de l'univers. Le processus d'apparition reste identique à celui de la création première et se conforme au schéma vulgarisé par les enseignements du
sāṃkhya, l'un des six ensembles spéculatifs qui, vers la même époque que les purāṇa, s'efforçaient d'expliquer la réalité.
Le troisième sujet abordé est la généalogie des dieux et des ṛṣi, ces sages originels qui, au début de chaque création,
voient le Veda et le retransmettent aux hommes. Les plus anciens textes mentionnaient sept ṛṣi originels, mais les listes de leurs noms présentaient de telles variantes que, peu à peu, ces noms s'ajoutant les uns aux autres, leur nombre s'est étendu.
Les purāṇa traitent aussi des
manvaṇtara des « âges des Manu » ou périodes cosmiques. Dès le
Mahābhārata, les alternances de surgissement et de résorption de l'univers apparaissent fixées sous la forme qu'on a conservée jusqu'à présent.
En cinquième lieu vient une généalogie des lignées solaire (celle dont les aventures forment la trame du
Rāmāyaṇa) et lunaire (dont le
Mahābhārata relate la lutte fratricide). Hormis son aspect mythique cette dernière partie offre encore un intérêt tout particulier : parmi de nombreuses adjonctions légendaires, il se peut qu'on y décèle quelques traces de faits ayant appartenu à la lointaine histoire de l'
Inde du Nord.
• Autres sujets
Ce schéma, que les textes rappellent sans cesse, n'est en fait jamais observé de façon intégrale. Le texte qui, sans s'y conformer entièrement, paraît le plus proche de ce modèle idéal est le
Viṣṇu Purāṇa, l'un des plus anciens. Aux cinq sujets traditionnels certains purāṇa en ajoutent cinq autres : l'organisation du monde une fois créé, sa préservation et le processus de sa dissolution ; puis, reprise des problèmes des
upaniṣad, l'âme individuelle, l'âme cosmique et leurs rapports. Que les cinq
lakṣaṇa soient ou non observés, le contenu de ces textes est assez confus, entremêlant légendes, enseignements et descriptions des lieux de pèlerinage et de culte, en somme tout un côté pratique qui vient s'ajouter à l'aspect théorique des doctrines religieuses. Un tel mélange apparaissait déjà dans le
Mahābhārata, mais les purāṇa donnent de plus à l'agencement de tous ces matériaux une forme didactique qui se développe parallèlement à l'aspect épique.
3. Mahāpurāṇa et upapurāṇa
Les listes citent toutes dix-huit purāṇa principaux ou
mahāpurāṇa (grands purāṇa), auxquels répondent symétriquement dix-huit autres textes dits
upapurāṇa, purāṇa mineurs. Ces séries parallèles de deux fois dix-huit titres sont tout à fait traditionnelles : les chiffres dix-huit et cent huit tiennent une place privilégiée dans la littérature indienne. Le
Mahābhārata, par exemple, se divise en dix-huit livres et le nombre généralement donné des
upaniṣad est de cent huit.
La différence entre les deux séries de textes tient surtout à leur longueur et au fait que les upapurāṇa respectent encore moins que les autres le schéma du pañcalakṣaṇa. En réalité, le nombre des upapurāṇa dépasse de loin celui de dix-huit : on pourrait facilement le multiplier par quatre ; aussi existe-t-il des listes d'upapurāṇa assez divergentes, suivant les tendances de tel ou tel groupe qui choisira de faire figurer certains purāṇa mineurs plutôt que d'autres dans sa liste des dix-huit.
En revanche, les noms des mahāpurāṇa sont à peu près immuables ; quelques rares variantes s'introduisent pourtant d'un texte à un autre. Dans le
Bhāgavata Purāṇa, peut-être le plus récent, sur la date duquel on discute mais qui est vraisemblablement postérieur au
Xe siècle, on trouve la liste suivante :
Brahma Purāṇa, Padma Purāṇa, Viṣṇu Purāṇa, Śiva Purāṇa, Bhāgavata Purāṇa, Nāradīya Purāṇa, Mārkaṇdeya Purāṇa, Agni Purāṇa, Bhaviṣya Purāṇa, Brahmavaivarta Purāṇa, Liṅga Purāṇa, Varāha Purāṇa, Skanda Purāṇa, Vāmana Purāṇa, Kūrma Purāṇa, Matsya Purāṇa, Garuḍa Purāṇa, Brahmāṇda Purāṇa.On ne sait à quoi répond cet ordre ; il n'est, en tout cas, certainement pas chronologique. L'
Agni Purāṇa et le
Matsya Purāṇa remplacent Śiva par Vāyu ; il s'agit sans doute d'un seul et même texte ; sous le nom de
Vāyu Purāṇa, il est l'un des plus anciennement attestés, mais il arrive qu'on le cite sous le nom de
Śiva Purāṇa, bien qu'il existe par ailleurs un upapurāṇa connu sous ce dernier vocable. D'autres purāṇa proposent aussi quelques variantes sans grande importance.
Peut-être les divergences des listes tiennent-elles au lieu où le texte a été composé, mais aussi, et surtout, comme pour les purāṇa mineurs, à leur obédience sectaire. D'après le
Padma Purāṇa, on peut répartir en trois groupes les dix-huit mahāpurāṇa ; le classement suit la doctrine saṃkhya des trois
guṇa, constituants de la Nature originelle : du
sattva, qui est pure intelligence lumineuse, relèvent les purāṇa vichnouites :
Viṣṇu Purāṇa, Nāradīya Purāṇa, Bhāgavata Purāṇa, Garuḍa Purāṇa, Varāha Purāṇa et le
Padma Purāṇa lui-même ; au
tamas, qui est obscurité et inertie, se rattachent les purāṇa śivaïtes :
Matsya Purāṇa, Kūrma Purāṇa, Liṇga Purāṇa, Śiva (ou
Vāyu) Purāṇa, Skanda Purāṇa et
Agni Purāṇa ; enfin, le
rajas, activité, agitation, caractérise les six derniers, considérés comme faits à la louange de Brahmā :
Brahmānḍa Purāṇa, Brahmavaivarta Purāṇa, Mārkaṇḍeya Purāṇa, Vāmana Purāṇa, Bhaviṣya Purāṇa et
Brahmā Purāṇa.
En fait, cette division est artificielle et tardive ; elle reproduit le schéma d'un texte plus ancien, de coloration vichnouite, la
Maitrī Upaniṣad, qui mettait déjà en parallèle les guṇa et les trois grandes divinités de l'hindouisme. Une telle répartition est à comprendre comme reflétant les fonctions essentielles de la grande triade : Brahmā, le
démiurge, est activité ; Viṣṇu, l'aspect suprême du divin, maintient en sa pensée tout ce qui existe ; Śiva détruit l'univers et le rend aux ténèbres par la dissolution universelle. À vrai dire, à l'époque des purāṇa, Brahmā était déjà passé à l'arrière-plan, et la coloration religieuse de ceux-ci est tantôt vishnouite, tantôt shivaïte, sans qu'il y ait opposition entre ces deux cultes qui sont plus complémentaires qu'antithétiques. Quant à Brahmā, il n'en est guère question qu'épisodiquement.
4. Analyse des mahāpurāṇa
Le
Brahmā Purāṇa vient en tête de toutes les listes ; aussi l'appelle-t-on également
Ādipurāṇa, « le premier des purāṇa » ; on le désigne parfois comme
Saura Purāṇa, texte des adorateurs du Soleil, car on y trouve trace d'un culte solaire mêlé à une description de lieux sacrés, entre autres de l'Orisā où s'élève, à Konarak, le plus beau temple au Soleil de l'Inde, très postérieur à l'époque des purāṇa, mais qui a dû perpétuer au même endroit un culte plus ancien.
Le
Padma Purāṇa, un des plus longs et des plus composites, abonde en détails concernant le culte vichnouite sous la forme assez récente qu'il revêt dans le Sud. Le dernier chapitre est de composition tardive, car il cite le
Bhāgavata Purāṇa.
Le troisième mahāpurāṇa, le
Viṣṇu Purāṇa, qui est bien entendu d'obédience vishnouite, rend surtout hommage à l'
avatāra de Kṛṣṇa. Il suit d'assez près les pañcalakṣaṇa et apparaît comme le livre saint de la secte des
pāñcarātra, tradition ancienne qui, vers le
Xe siècle, s'est développée dans le sud de l'Inde sous la forme du śrīvaiṣṇavisme : on y rend le culte à la fois au dieu et à sa parèdre.
L'incertitude quant à l'appellation du quatrième, les uns l'appelant
Śiva Purāṇa, les autres
Vāyu Purāṇa, vient peut-être de ce que le caractère sectaire y est peu marqué. Il y est pourtant fait allusion à une secte shivaïte importante et ancienne, celle des pāśupata, ainsi qu'à une forme particulière de celle-ci, celle des lakuliśapāśupata.
Le
Bhāgavata Purāṇa est le livre sacré des bhāgavata, dévots de Viṣṇu, qui est révéré sous le nom de Bhagavant, le « gracieux seigneur ». Le
Padma Purāṇa le cite comme le dix-huitième, et ajoute qu'il contient la substance de tous les autres. En gros, il se conforme au modèle du
Viṣṇu Purāṇa, bien plus ancien. Originaire du sud de l'Inde, il n'est, on l'a vu, guère antérieur au
Xe siècle. C'est peut-être, de tous ces textes, le plus imprégné de doctrines sāṃkhya en même temps que d'
advaita.
Le
Nārada ou
Nāradīya Purāṇa, assez récent, n'offre pas les caractères d'un véritable purāṇa : c'est une simple compilation sectaire, fortement marquée de vichnouisme.
En revanche, le
Mārkaṇḍeya Purāṇa, très différent de tous les autres, ne présente rien de sectaire ; peu religieux, il s'intéresse surtout aux préceptes rituels ou moraux. Il contient toute une série de questions posées par Jaimini, disciple de Vyāsa, à Mārkaṇḍeya, au sujet de la vraie nature de Vāsudeva, c'est-à-dire de Kṛṣṇa, et sur certains personnages du
Mahābhārata. Comme dans l'
Ādipurāṇa on trouve de nombreuses traces d'un ancien culte solaire.
Quant à l'
Agni Purāṇa, mi-vishnouite, mi-shivaïte, il a joint à ce que lui dictait cette obédience mixte des emprunts au culte traditionnel dans la ligne védique et des éléments empruntés aux
saura, les adorateurs du Soleil, aux
pāñcarātra, forme sectaire du vichnouisme, et aux
gāṇapatya, fidèles d'une secte vouée à
Ganeśa, le dieu à tête d'éléphant, fils de Śiva.
Le
Bhaviṣya Purāṇa se veut un livre de prophéties, livre du
bhaviṣya, c'est-à-dire de l'avenir. Ce n'est pas un véritable purāṇa. Il parle bien de cosmogonie, mais en fait il démarque les
Lois de Manu, traité des environs de notre ère. Le reste de l'ouvrage traite des rites, de cérémonies variées, en y entremêlant des légendes qui rapportent sur un ton prophétique des événements du passé dont la
révélation est censée s'être produite
agre, à l'origine. Le texte continua de s'amplifier avec les siècles, jusqu'à donner dans les dernières éditions des prédictions touchant les événements fraîchement passés ou contemporains.
Le
Brahmavaivarta Purāṇa, extrêmement éclectique, s'intéresse à la fois au culte de Ganeśa, le fils de Śiva, et à celui de Kṛṣṇa, avatāra de Viṣṇu, mais tous deux donnés comme des manifestations de Brahmā.
Le
Liṅga Purāṇa serait, dit-on, originaire de
Bénarès ; c'est le manuel des adorateurs de Śiva, sous la forme du
liṅga, symbole phallique de la vie universelle ainsi que de l'infinitude.
Le
Varāha Purāṇa exalte Viṣṇu sous la forme de sanglier qu'il avait prise pour ramener la terre du fond des océans. Le texte est plutôt un recueil de prières vichnouites qu'un véritable purāṇa.
Le
Skanda Purāṇa est le plus long de tous : Il aurait même compté presque autant de stances que le
Mahābhārata. Tel qu'il nous est parvenu, c'est un ouvrage appartenant à la couche la plus récente des purāṇa. Peu conforme au modèle théorique, il a accumulé les renseignements les plus variés sur des traditions d'origines très diverses, bien que son titre semble être celui d'un recueil shivaïte, Skanda étant fils de Śiva.
Inversement, le
Vāmana Purāṇa est nettement shivaïte, quoique son nom le désigne plutôt comme vichnouite, Vāmana étant le nain, cinquième avatāra de Viṣṇu. Il semble que, tel qu'il nous est parvenu, il s'agisse d'un remaniement assez récent où le fonds le plus ancien ne transparaît plus guère.
Le
Kūrma Purāṇa, lui aussi, se réfère à un avatāra, le deuxième, celui où Viṣṇu s'est manifesté sous la forme d'une tortue. Il a dû être modifié au cours des siècles : d'abord texte pāñcarātra, il a été remanié plus tard par les pāśupata. Ce changement a pu s'opérer d'autant plus aisément que ces deux sectes, vichnouite et shivaïte, présentaient de nombreux caractères communs. Le premier noyau est ancien ; il reste fidèle au pañcalakṣaṇa. Il faut y signaler plusieurs
gītā (« chants »), dont l'une s'adresse à Īśvara, un des noms de Śiva. Cette
Īśvaragītā paraît être par moments une simple démarcation de la
Bhagavadgītā, mais d'autres fois exprime des théories originales. Elle insiste sur l'identité de Viṣṇu et de Śiva ; quelques vers donnent de l'union des deux divinités une image très proche de celle qu'a répandue vers la même époque l'iconographie du sud de l'Inde et du
Cambodge : celle d'un dieu composite mi-Viṣṇu, mi-Śiva et qu'on appelle Hari-Hara.
Le
Matsya Purāṇa, qui tire son nom du premier avatāra de Viṣṇu, suit d'assez près le schéma traditionnel, tout en y insérant des fragments empruntés à l'épopée. Des parties anciennes trahissent un esprit non encore occupé de problèmes sectaires ; d'autres, vraisemblablement plus récentes, ont subi l'influence des milieux qui vishnouites, qui shivaïtes.
Le
Garuḍa Purāṇa, bien qu'officiellement vishnouite, emprunte de nombreux éléments à des disciplines diverses, pas toujours strictement religieuses. Son dernier chapitre, le
Pretakalpa, est consacré aux rites funéraires, tant ceux qu'on célèbre aussitôt après la mort que ceux qui s'échelonnent ensuite à des intervalles prescrits. Cet important rituel des morts comprend une partie consacrée à l'interprétation des rêves.
Enfin, le
Brahmānda Purāṇa, « purāṇa de l'œuf de Brahmā », c'est-à-dire de l'œuf cosmique apparu au début de la création, avec un fonds emprunté au
Vāyu Purāṇa, se compose surtout d'hymnes et de louanges aux divinités. Il reflète l'influence de doctrines tardives, entre autres
śākta : les sectes śākta sont celles où l'aspect féminin du divin est adoré de préférence à l'aspect mâle.
5. Les sthālapurāṇa
Aux purāṇa mineurs, déjà souvent marqués de tendances sectaires, on doit ajouter une autre série de textes de même inspiration ; on les appelle
sthālapurāṇa, purāṇa locaux, consacrés à la louange de telle ou telle forme divine, de tel ou tel lieu de culte. On leur donne aussi le nom de
mahātmya, « exaltation ». Beaucoup se regroupent en sorte d'annexes aux mahāpurāṇa : ainsi, le dernier livre du
Bhāgavata Purāṇa est en réalité un mahātmya d'époque tardive. Quelques-uns de ceux-ci étaient, à l'origine, des textes indépendants. D'autres le sont restés. Il n'y a guère de temple qui n'ait son sthālapurāṇa, soit en sanskrit, soit très fréquemment en langue vernaculaire.
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Anne-Marie ESNOUL