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 SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

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جنون
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03032016
مُساهمةSECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

[size=30]CHAPITRE I : LA QUESTION DU ROLE DE LA PHILOSOPHIE COMME ELEMENT DE LA PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE[/size]
Depuis la fin du XIXème siècle jusqu'à nos jours, la problématique d'une philosophie africaine fait l'objet d'une abondante littérature. Les ouvrages de Towa et Hountondji sont un moment de cette littérature ; ce qui fait que parler du rôle de la philosophie chez eux passe par une étape intermédiaire mais indispensable visant à définir les termes de cette problématique, circonscrire la littérature dont elle fait l'objet et enfin faire une esquisse de la question du rôle de la philosophie.

SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

Il existe une problématique de la philosophie africaine ou une problématique de la philosophie en Afrique. Une telle affirmation peut paraître scandaleuse à première vue, pour la simple raison que sur les autres sphères géographiques du monde comme l'Asie, l'Amérique, etc. la question de la philosophie ne s'avère pas d'emblée problématique. Quand on aborde l'histoire de la pensée philosophique ; il a toujours été possible de répertorier plusieurs régionalisations de celle-ci qui font ressortir une classification en philosophie antique ; moderne ; contemporaine ; mais aussi en philosophie occidentale ; orientale etc. Mais en ce qui concerne l'Afrique la question se pose presque constamment en termes d'existence même d'une philosophie. Autrement l'expression « philosophie africaine » est de prime à bord problématique. Une étude approfondie de la question de la problématique de la philosophie africaine s'impose donc pour mieux nous situer et faire ressortir les contours de cette problématique.
La problématique de la philosophie africaine traverse tant la littérature occidentale qu'africaine. La question centrale dans ce débat tourne essentiellement autour de l'existence ou non d'une philosophie africaine. Plus concrètement il s'est agit de savoir si les peuples africains peuvent s'élever intellectuellement de façon à être capable d'exercer cette haute activité de l'esprit qu'est la philosophie. Jusqu'à une époque récente, les peuples d'Afrique étaient exclus de toute aptitude à la pratique philosophique. Durant cette époque donc la problématique de la philosophie africaine se posait en terme de son invention, de sa construction. Des travaux allant dans le sens de l'identification et de l'étude de toute forme de rationalité chez les Africains existent dans la littérature africaine et dans celle occidentale. Dans la littérature occidentale, la recherche d'une rationalité chez les Africains s'inscrit fondamentalement dans le cadre de travaux ethnologiques. C'est dans cette perspective qu'il faut ranger les ébauches de Marcel Griaule et autre Paul Radin. Ce qui ressort de manière générale de ces travaux, c'est la présence chez les Africains d'une certaine manière de concevoir le monde et de l'organiser. A cela correspond tout un développement de techniques, d'attitude, de moeurs, d'organisation politique, économique etc., ayant la particularité d'être pour l'essentiel différent de ce qu'ils connaissent chez eux. En tout état de cause les résultats de ces travaux n'ont pas convaincu la plupart des Occidentaux de cette époque pour attribuer aux africains une philosophie telle qu'ils l'ont toujours connue. Mais un tournant décisif dans cette controverse sera opéré avec la publication par le Révérend Père Placide Tempels de La Philosophie Bantoue en 1945. Ce livre marquait une rupture du fait de l'utilisation systématique du terme de philosophie mais aussi l'écho favorable qu'il a suscité auprès de d'auteurs Occidentaux de cette époque comme Oursel, Gabriel Marcel, Gaston Bachelard etc. ; même si comme souligné précédemment d'autres voix ne tardèrent pas à contester cela. En tout état de cause, il semble désormais que, la question ne se pose plus en termes de savoir s'il existe ou non une philosophie africaine. D'autant plus que son affirmation sans ambages est constatée de la part de penseurs Occidentaux, autrement dit ceux-là même qui l'ont toujours nié. A partir de ce moment la problématique de la philosophie africaine change d'orientation et se pose désormais en termes de savoir si celle-ci doit être telle qu'elle est conçue par Tempels (et qui sera appelé ethnophilosophie) et tous ceux qui par la suite ont abondé dans le même sens ; ou si elle doit être comme le dit Hountondji, un débat sans cesse contradictoire entre africains non seulement pour la saisie de ce qu'est la philosophie africaine mais aussi de toute production littéraire et philosophique d'un africain portant sur un problème philosophique ; etc. Dans l'une et l'autre de ces deux éventualités, beaucoup de choses ont été avancées aussi bien en Afrique qu'en Occident. Mais il convient dans notre propos de dépasser ces positions et de voir ce qui a été entendu comme philosophie dans la tradition internationale ; notamment occidentale pour que sur le plan africain la problématique de la philosophie ait la connotation qu'on connaît.
Du point de vue étymologique, le mot philosophie vient de philein « aimer » et de sophia « sagesse », donc dans sa conception la plus élémentaire, la philosophie a pour but la sagesse en tant qu'activité intellectuelle spécifique. Cette activité a donné naissance à une forme de savoir scientifiquement organisé qui s'est constitué en discipline spécifique et autonome ; avec un objet d'étude et une démarche elle aussi spécifique qui traverse de part en part l'histoire de la pensée des hommes. Selon Pierre Bamony2(*), cette activité a désigné trois réalités pour les présocratiques :
اقتباس :
1. L'habileté spécialisée dans tel ou tel domaine du savoir
2. L'érudition
3. La sagesse émanant de l'expérience propre emmenée elle-même à être dépassée
En tout état de cause, la philosophie procède foncièrement d'une réflexion personnelle en tant qu'interrogation sur la vie, la destinée des hommes et du monde. En ce sens, on pense, on philosophe d'abord pour soi-même, selon une opinion personnelle, individuelle. Le philosophe part toujours de cette opinion dont le propre est d'être ; en tout cas au départ ; subjective, pour asseoir un savoir systématisé reposant sur des arguments logiquement cohérents. Cependant selon Pythagore, seuls les dieux peuvent atteindre la sagesse, les hommes peuvent tout au plus être amis, zélateurs de la sagesse. Avec Socrate et le mouvement de la sophistique le mot philosophie a eu à désigner la pratique morale, l'éloquence. Mais avec Aristote cette définition va s'étendre à d'autre domaine et ainsi devenir plus hétérogène. Dans son acception, la philosophie représente la science des premiers principes et des premières causes. Plus généralement Aristote englobe dans sa définition de la philosophie, ses ébauches de sciences expérimentales, l'astronomie, les mathématiques, la logique, la métaphysique etc. Cette définition fera son chemin et influencera profondément les siècles suivants et servira surtout de base à la doctrine de l'Eglise qui contrôlera tous les compartiments de la vie de l'Europe durant des siècles. Pour Descartes, la philosophie apparaît comme un arbre dont les racines représentent la métaphysique, le tronc la physique et les branches les autres sciences spécialisées. Cette conception de la philosophie sera elle aussi remise en cause à partir de Kant. Il en résultera une nouvelle manière de voir la philosophie où celle-ci se subdivise en métaphysique, psychologie, logique et morale. Cette autre manière de concevoir la philosophie ne sera du reste pas figée une fois pour toute, elle connaîtra une évolution considérable qui aboutit à une autonomisation des domaines jusque là abordé dans la philosophie. Le cas le plus éloquent est celui de la physique à partir du 19èmesiècle. Mais l'histoire des grandes conceptions ne s'arrêtent pas là et la philosophie connaîtra bien d'autres conceptions. C'est le cas de ce mouvement philosophique qui a fait école au début du XXème siècle et connu sous le nom de philosophie analytique notamment avec le cercle de Viennes ; ou néopositivisme ou positivisme logique. Le positivisme logique est un ensemble d'idées philosophiques avancées par le cercle de Viennes ; groupe formé par des rencontres de philosophes et de savants. Leur idée est que l'âge de la science n'a pas la philosophie qu'elle mérite. Ceci pour dire que la science n'est pas suffisamment soumise à la critique relativement à son appareil conceptuel, son objet d'étude, ses résultats, les applications de ces résultats dans la vie des hommes etc. Donc ils se fixent pour objectif de fonder une philosophie qui est essentiellement une réflexion sur la science. Ils veulent fonder un discours dont la quintessence est une analyse critique et objective non seulement du discours de la science, mais aussi de sa méthode, ses résultats, des implications de ces résultats même dans la vie des hommes.
Cette petite brèche loin d'être une restitution exhaustive de ce qu'il faut entendre par philosophie, donne pour le moins un aperçu de ce qu'elle a représenté pour la plupart dans la tradition occidentale. En un mot on peut dire de la philosophie que « d'une part elle désigne un ensemble de spéculations personnelles sur des données subjectives tels que les points de vue interrogatifs ou discursifs sur la cosmologie, la cosmogonie, la vie et les hommes ou des points de vue de l'expérience scientifique à une époque donnée ; d'autre part elle désigne et implique à la fois des principes méthodiques et des éléments de base d'une science quelle qu'elle soit (épistémologie) »3(*). Cette approche a le mérite de faire ressortir que la philosophie n'est pas nécessairement une donnée homogène appelée à demeurer telle par delà l'espace et le temps. Certes il existe une spécificité de la philosophie qui subsiste, relativement à son objet d'étude et à ses méthodes, mais il convient de souligner qu'elle présente des colorations, des régionalisations, mieux qu'elle est à incorporer dans les manifestations culturelles des hommes. C'est ainsi qu'on a pu parler de philosophie orientale, de philosophie chinoise etc., on a pu également parler de philosophie contemporaine, de philosophie moderne etc. Si on part donc de cette conception standard de la philosophie, rien ne pourrait justifie qu'on nie l'existence d'une philosophie africaine, car non seulement une activité semblable a existé et existe encore de nos jours sur le contient africain, ou alors rien ne prouve que les peuples africains ne sont pas capables de produire une telle activité. A ce niveau de notre propos ; il convient de préciser que la problématique d'une philosophie africaine ne concerne en réalité que l'Afrique subsaharienne. L'Afrique du Nord a connu de grandes civilisations qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de la pensée humaine, parce qu'elle a entretenu des contacts avec le monde Occidental depuis la plus haute antiquité ; mais aussi et surtout parce qu'elle fait partie des civilisations de l'écriture ; ce qui a pour conséquence heureuse de laisser des traces de son existence. Ainsi le constat peut être fait tout au long de l'histoire de la richesse de cette civilisation à travers des réalisations techniques de toute sorte ; mais aussi de l'existence d'une littérature notamment philosophique. Plus que cela l'histoire de la pensée occidentale elle-même montre que depuis la plus haute antiquité ; les Grecs ont bénéficié de nombreux emprunts de la pensée de l'Afrique du Nord ; notamment de l'Égypte antique. Un certain point de vue fort répandu laisse entendre que les Grecs doivent leur succès dans des domaines aussi variés que la philosophie ; l'astronomie ; les mathématiques etc., à un fin dosage entre leurs propres connaissances et différents emprunts qu'ils firent au cours de leurs nombreux voyages en terre égyptienne. Il est ainsi de nos jours reconnu que la plus part des philosophes grecs de l'Antiquité ont eu au moins une fois fait un voyage en Égypte ; pour apprendre la science et la philosophie égyptienne. Ainsi dans l'ouvrage qui nous intéresse Marcien Towa relève certaines affirmations de P. Masson-Oursel qui firent tant de bruits au sein de ses collègues occidentaux. C'est ainsi qu'il relativise tout ce qui a été jusque là admis et défendu bec et ongle par nombre de philosophes et idéologues occidentaux ; allant jusqu'à relativiser ce qu'il est communément appelé « le miracle grec ». Pour lui, il s'agit en réalité d'un pseudo-miracle, car il n'existe rien dans la pensée grecque qui ne trouver son équivalent ou quelque chose de semblable à quelques nuances près dans la pensée égyptienne. On peut ainsi remplir des pages entières où des auteurs occidentaux apportent la preuve que le succès de la Grèce est à mettre sur le compte de ses emprunts a l'Égypte antique : « Les plus célèbres parmi les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la mer pour chercher, auprès des prêtres (égyptiens), l'initiation à de nouvelles sciences ».4(*)« L'on a eu raison d'admirer le génie spéculateur des philosophes grecs en général et de Platon en particulier ; mais cette admiration, que les Grecs méritent sans doute, les prêtres égyptiens la méritent encore mieux et, si nous leur rendons la paternité de ce qu'ils ont inventé, nous ne ferons qu'un acte de justice ».5(*) etcMême l'écriture que certains considèrent comme étant une condition sine qua none de toute pratique philosophique, est considérée comme d'origine égyptienne. C'est ainsi que John Chadwik remarque qu'« On tient généralement l'écriture alphabétique pour une invention sémitique (c'est-à-dire phénicienne), mais i'écriture égyptienne ouvrait la voie à ce système, et il n'a été pleinement développé que par les Grecs ».6(*) Autrement dit, les Grecs n'ont pas inventé l'écriture. Ils n'ont même pas inventé l'alphabet grec qui dérive, vers 800 avant Jésus Christ, de l'écriture phénicienne, issue, elle-même, de l'écriture égyptienne. Cela fait donc ressortir qu'en réalité la problématique philosophique africaine, ne concerne que l'Afrique subsaharienne. Donc cette problématique se pose essentiellement en termes de son existence et de la forme qu'elle doit avoir relativement à la tradition philosophique internationale notamment occidentale. Cela a nourri et alimenté tous les débats et controverses qu'on connaît et qu'on va tenter maintenant d'analyser.

* 2 Pierre Bamony a soutenu le 20 Décembre 2001 une thèse d'anthropologie sociale et d'ethnologie (Université Clermont-Ferrand) sur le thème : «Structure apparente, structure invisible : l'ambivalence des pouvoirs chez les Lyéla du Burkina Faso.» Il est en outre titulaire d'un D.E.A. d'anthropologie (E.H.E.S.S de Paris) ; d'un Doctorat de 3è cycle de Philosophie (Paris IV Sorbonne). Parallèlement à sa fonction d'enseignant, il collaboçre dans des ouvrages scientifiques notamment à la Revue Anthropos (Allemagne) où il est auteur de : Équilibre social et pouvoirs chez les Lyéla de la Haute Volta, Sankt Augustin, Anthropos, p. 433-440-79-1984.; Science et anthropologie : de la notion de l'âme en général et de sa conception singulière chez les Lyéla du Burkina Faso, Sankt Augustin, Anthropos, p.p.548 à 554- 95-2000. Son propos qui nous sert de référence ici se trouve dans un article publié dans le site Hommes et Faits ( http://www.hommes-et-faits.com) , il aborde notamment le problème de la philosophie africaine.


* 3 Pierre Bamony, article précité
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جنون
رد: SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE
مُساهمة الخميس مارس 03, 2016 10:42 am من طرف جنون
La philosophie africaine pose d'énormes difficultés. Elle alimente un vaste débat controversé qui secoue à la fois les intellectuels africains et Européens. Les questions tournent essentiellement autour de son existence ou non. Notre propos ici ne sera pas une prise de position dans ce large débat. Mais plutôt celui de faire un bilan de cette controverse. Cela permettra de voir le niveau des débats en la matière, mais aussi de faire ressortir la position des auteurs sur lesquels portera notre réflexion. Car les ouvrages de Hountondji et Towa sont avant tout une prise de position dans le débat sur la problématique philosophique africaine.
La controverse sur la problématique philosophique en Afrique est née en pleine période coloniale d'une contestation à l'intérieur de la littérature occidentale elle-même, portant sur la prétendue occidentalité exclusive de la philosophie en tant que quintessence de l'activité intellectuelle humaine. Au sein donc de la pensée occidentale, deux tendances philosophiques ou même extra philosophiques se combattent. L'une faisant du Noir au même titre que tous les autres peuples dits exotiques, un être incapable de philosophie. L'autre trouvant au contraire que le Noir a une civilisation avec une philosophie et une gnoséologie qui est certes différente de celle occidentale, mais qui n'en demeure pas une, avec toute sa richesse et sa spécifié et sa complexité. Ces deux tendances sont du reste nourries et entretenues par d'importants travaux d'ethnologues, d'ethnographes, de missionnaires, de colons qui exercent sur le continent. Dans ce domaine l'ethnologie est celle qui s'est le plus illustrée avec des travaux devenus célèbres comme ceux de Marcel Griaule7(*), et autre Paul Radin8(*). Indépendamment des critiques qu'on peut faire à l'ethnologie, notamment quant à son impartialité, elle se donne comme une approche d'observation scientifique des peuples primitifs. C'est dans cette perspective que « l'Afrique a été exploré de part en part, des musées construits dans les métropoles pour conserver les vestiges matériels de ces sociétés primitives ainsi que les vestiges spirituels tels qu'ont pu les recueillir (...) les récits de colons (missionnaires, soldats et fonctionnaires), puis par les professionnels du métier »9(*). Le constat a été que les sociétés africaines étaient si restreintes et si peu évolutives à côté de celles évolutionnistes et expansionnistes européennes, qu'elles ont été saisies comme « les modèles mêmes de sociétés statiques, figées, des sociétés en un mot sans histoire »10(*).C'est au nom de tels constats qu'un Comte de Gobineau a pu avancer les thèses racistes et négationnistes qu'on connaît. C'est également au nom d'eux que Lucien Lévy-Bruhl, anthropologue français a développé l'idée de la mentalité prélogique des Noirs. Il estime en substance que les Noirs sont des peuples inférieurs, caractérisés par une mentalité prélogique et mystique qualitativement différente, inférieure à celle de l'homme civilisé d'occident. D'autres peuples du monde rentrent dans la catégorie de peuples inférieurs. Ce sont les Australiens, les peuples du Mexique précolombien, de l'Inde, de la Chine etc. Pour lui parmi ces peuples tout ce qui a été produit dans les domaines aussi variés que l'astronomie, la chimie, la géographie, la grammaire ... recèle une part de mysticité qui marque une différence d'avec la science occidentale telle qu'elle s'est développée depuis la Grèce Antique. Ce qui fait que les connaissances de ces peuples « sont demeurées impropres à une évolution qui les eut purgé de ces éléments » (mystiques)11(*). Outre ces prises de position dans une littérature qui n'est pas nécessairement philosophique, de grands noms de cette discipline ont fait entendre leur voix dans le débat sur l'existence ou non d'une philosophie chez les Africains. C'est le cas de Hegel et Heidegger. Hegel estime que l'éclosion de la philosophie est à mettre sur le compte d'un certain nombre de conditions. Parmi celles-ci il y a des données d'ordre purement géographique. Ainsi le haut pays, fait de steppes et de désert, ainsi que les plaines et les vallées, coupés par des rivières et des marécages, sont défavorables à la philosophie. Car rendant difficiles les voyages, les échanges. Par contre, les régions côtières, les régions ayant la mer comme facteur d'unité sont favorables la philosophie. Il explique qu' « outre la facilité de communication, la mer présente d'énormes avantages pour le développement des peuples côtiers, elle donne la représentation de l'indéterminé, de l'illimité et de l'infini. Elle invite l'homme à la conquête, au brigandage et à la recherche du gain. Elle élargit les idées et rompt les dépendances auxquelles sont soumis les habitants des plaines et des vallées »12(*)La question ne se pose pas de savoir si Hegel exclut les Noirs de ces facilités qu'offre la nature. Puisque le même article indique qu'il considère que l'Afrique est un continent« anhistorique ... où l'idée n'a pas encore émergé »13(*). Ce qui fait le Nègre, habitant d'un tel continent « ne peut accéder à la rationalité. Il manque d'objectivité, ne reconnaît pas l'univers et ignore complètement la notion de transcendance »14(*). L'autre condition de toute éclosion d'une philosophie, pour Hegel, fait référence à la spécificité même de la philosophie en tant que discipline. Du fait même de sa nature, elle ne peut être que l'exclusivité de l'Occident européen à ses yeux. Pour prétendre cela il fait de la philosophie la pensée qui se pense, la pensée ne souffrant d'aucune autorité, ni à côté d'elle, ni au-dessus d'elle, si ce n'est celle de la pensée elle-même. Cependant puisque la pensée n'est telle qu'extériorisée, cela suppose une liberté de la pensée. Liberté non seulement de se poser sur toute chose, mais en plus de décider toute seule de la mesure de toutes les choses. Du reste cette pensée existe chez tout homme, chez tout peuple, mais seulement en puissance. Elle n'acquiert sens et valeur que dans une sphère sociale propice à cette liberté. Ainsi seulement, elle pourra fleurir se développer. Pour Hegel, une telle liberté ne se rencontre que là où fleurit la liberté dans l'Etat. Car c'est cet espace seulement qui peut garantir la possibilité même d'une telle liberté. En conférant aux individus des droits et des devoirs. Droit de dire et d'agir pour autant que cela ne nuit pas à la liberté d'autrui, avec une liberté d'autrui elle-même conçue et consignée dans textes de loi selon un certain consensus général. Il estime qu'une telle liberté ne s'est rencontrée pour la première fois qu'en Grèce et pour autant c'est là qu'est née la philosophie et c'est là qu'elle est demeurée à rester. Quant à Heidegger, dans une position qui ne cache mal son eurocentrisme, estime que « la philosophie est grecque et européenne dans son être même ... La philosophie est grecque dans son être propre ne dit rien d'autre que l'Occident et l'Europe sont et eux seuls sont, dans ce qu'il y a de plus extérieur à leur marche historique essentiellement philosophique »15(*). Ces discussions entre intellectuels et idéologues européens auraient moins d'importance si on passait sous silence leur implication dans l'histoire de l'humanité. En effet ce qui était en jeu, c'était la classification pure et simple de l'humanité en peuples historiques et peuples non historiques. Un peuple est d'autant plus historique qu'il est apte à la philosophie. Cela sous-entend également qu'un peuple historique est en droit de marquer son historicité en dominant les peuples non historiques. Donc on fait de la philosophie, le critère d'historicité et de civilisation d'un peuple.
Cependant ces visions fort idéologiques de philosophes et d'ethnologues, cohabitent au sein même de la littérature occidentale avec d'autres qui reconnaissent aux Noirs en particulier une civilisation tout aussi riche et féconde, une civilisation des plus authentiques. Il convient d'indiquer qu'à cette époque, les résultats des travaux des ethnologues, ethnographes et autres sociologues, à côté des interprétations généralisatrices précédentes, servaient à certains Européens de pièces à charge et à décharge dans le procès contre la civilisation européenne elle-même. Certains en effet, effrayés par l'évolutionnisme exacerbé de leur civilisation et les bouleversements scientifiques, sociaux, moraux etc. que cela entraînait, ont voulu rappeler celle-ci à l'ordre. Ils craignaient que ces visées prométhéennes avec leur cortège de scission radicale entre l'homme et la nature, mieux la corruption de celle-ci, entraînent des conséquences irréversibles. Aussi préconisaient-ils le retour à la nature en lieu et place d'une culture qui lui tourne le dos, croyant avoir trouvé le salut dans l'assujettissement de tout à ses besoins par le truchement de la raison et du logos. Elungu Pene relève à ce propos que le « le mythe du `bon sauvage' de Jean Jacques Rousseau n'a jamais quitté l'Europe industrialisée, l'Europe au plut fort de son pouvoir sur les choses et aussi, (...) sur les hommes du monde »16(*). Ce courant est donc traversé par cette constante remise en question de la civilisation occidentale, teintée de nostalgie, la nostalgie d'un monde sans calcul, sans logos, sans histoire, sorte de refuge pour l'Europe civilisé des 19ème et 20ème siècle. Cela peut être perçu dans ce propos de G. Balandier17(*) qui explique ce besoin des ethnologues occidentaux de « s'extraire » de leur société et leur « position de censeur de société » par une « insatisfaction, un besoin de s'accrocher à des modes d'existence radicalement différents »18(*).
Du reste une nouvelle étape sera franchie dans ce débat, tant du côté de la méthode d'approche des Noirs que de leur aptitude à la pensée, avec la publication de La Philosophie Bantoue aux Éditions Lovania, Élisabethville, 1945, du révérend Père Placide Templels, un missionnaire belge en poste au Congo Léopoldville. Concernant l'aptitude des bantous à la pensée Tempels affirme sans hésitation qu'ils ont une philosophie qui est essentiellement une ontologie des forces.19(*) En tout état de cause, ce livre provoqua en son temps les réactions les plus variées, tant dans la littérature occidentale qu'africaine. En effet les visées de l'auteur, le statut théorique de laPhilosophie Bantoue, l'utilisation qui en est faite par les intellectuels et idéologues tant Africains qu'Européens, bref les implications et les réactions à ce livre ont donné une nouvelle dimension au débat sur la problématique philosophique africaine. De sorte qu'il est possible de nos jours de parler de courants dans la problématique de la philosophie africaine. Un premier courant est celui inauguré par Tempels lui-même et est composé d'un vaste mouvement littéraire et philosophique, quelques fois idéologique, prolongeant et approfondissant les thèses tempelsiennes. Ce mouvement a été baptisé ethnophilosophie en raison fondamentalement de sa prétention à identifier une philosophie commune à tous les Africains à partir d'analyses de leur héritage culturel. Un second mouvement a émergé par la suite, qui se donne comme un courant critique de l'ethnophilosophie et une tentative de rapprocher toute philosophie africaine du concept de philosophie tel qu'il fonctionne dans la tradition internationale notamment occidentale. Du fait de cette propension, de ramener toute philosophie à la philosophie européenne en tirant d'elle toutes les sources théoriques, celui-ci a été appelé europhilosophie ou courant critique de l'ethnophilosophie. Enfin un troisième courant a vu le jour au début des années 80, et qui est une critique de l'europhilosophie. Nous allons analyser sommairement chacun de ses courants.
L'ethnophilosophie est le courant de pensée d'intellectuels et idéologues européens et Africains qui abondent dans le même sens que les thèses de Tempels sur l'existence d'une philosophie africaine. Une philosophie qu'il faut identifier et caractériser à partir d'une étude poussée de l'héritage culturel des peuples africains. Ce terme se rencontre pour la première fois dans les écrits de Towa et de Hountondji. Pour Hountondji, l'ethnophilosophie est toute littérature qui prétend restituer une philosophie collective, à laquelle adhère inconsciemment tout un peuple. Le prototype même de l'ethnophilosophe c'est Templels lui-même. Donc une brève étude de La philosophie Bantoue n'est pas superflue pour faire ressortir les grands traits de l'ethnophilosophie. L'ouvrage a été publié pour la première fois en 1945 aux éditions Luvania, Elisabethville20(*). Il s'agit d'une sorte de monographie où l'auteur se proposait de recenser et d'apporter des réponses à toutes les interrogations que les occidentaux se posent sur les Noirs pour faciliter la mission civilisatrice. Il s'adresse donc à deux catégories d'Occidentaux en particulier : les colons et les missionnaires. Il se donne pour but de lever certaines équivoques qui ont constitué des obstacles à l'oeuvre d'éducation des Noirs. En effet, du haut de leur arrogante conviction que ceux-ci n'ont pas de pensée, de civilisation, ses collègues Occidentaux ont engagé avec les Noirs un dialogue de sourds. La découverte de leur ontologie devait donc changer cette attitude et mieux faire aboutir la mission civilisatrice. Puisque les Noirs ont une philosophie, il fait à ses compatriotes l'injonction de réorienter la manière de les aborder. Pour lui les Bantous ont en effet une pensée. Celle-ci est « un ensemble de d'idées, un système logique, une philosophie positive et complète de l'univers, de l'homme et des choses qui l'environnent, de l'existence de la vie, de la mort et de la survie, en un mot une ontologie logiquement cohérente ». Mais puisqu'il est question de découvrir cette ontologie, Tempels va s'atteler à cette tache selon plusieurs méthodes, dans l'environnement quotidien des Bantous. C'est l'objet notamment du Chapitre I où il se met « A la trace de la philosophie bantoue ». Pour ce qui est de la méthode il utilise deux voies. L'une, directe consiste à s'installer dans la mentalité même des Bantous afin de penser comme eux, voir les choses ; à la suite d'une longue fréquentation de ceux-ci. L'autre, indirecte consiste à faire une étude poussée de leurs éléments culturels en utilisant des disciplines positives telles que l'ethnographie, l'ethnologie, la sociologie etc. Pour en arriver à la conclusion de l'existence d'une ontologie, Tempels part du principe que la vie et la mort conditionnent le comportement de l'homme. Autrement dit face aux périls qui sont liés à la vie et la mort, il existe dans une toutes les civilisations une sorte de « solution pratique ».C'est à celle-ci que les hommes font recours pour faire face au problème de la rédemption ou de la damnation. Donc à ses yeux l'existence de cette valeur dans la civilisation des Bantous est la preuve que leur vie repose comme partout ailleurs sur un système de principes ; et que ce système repose lui-même sur une philosophie de la vie qui pénètre et guide toutes les actions des Bantous. C'est ce système qui explique toute l'organisation sociale, politique, économique etc. de ceux-ci. Plus précisément cette philosophie est une ontologie. Cette ontologie elle-même se résume en une théorie des forces. Chez les bantous l'être est force. Cela ne signifie pas qu'il faille faire une dichotomie entre être et force, comme si l'un était attribut de l'autre. Mais il faut comprendre cela dans le sens où l'être et la force forment une et une seule substance. C'est ce qui l'a fait dire que chez les bantous « l'être est force, la force est être ». Par ailleurs cette ontologie affirme une interaction constante des forces ayant une hiérarchisation précise.
v Au sommet de la pyramide, il y a Dieu Esprit et créateur
v Ensuite il y a les premiers pères des hommes, fondateurs des clans, les archi patriarches à qui Dieu a communiqué en premier lieu la force vitale
v Viennent ensuite les défunts de chaque tribu, suivant leur degré d'ancienneté
v Puis, viennent les vivants eux-mêmes hiérarchisés à leur tour selon la primogéniture, l'importance de la puissance vitale
v Enfin, il y a les forces inférieures : animaux, végétaux, minéraux, eux aussi hiérarchisés suivant le rang de puissance vitale et de primogéniture
Les différentes forces ont une influence entre elles selon la hiérarchie de la primogéniture. Les forces supérieures renforcent les forces inférieures. C'est cette loi qui est à la base de la désignation des chefs et c'est elle qui fixe ses responsabilités. Ainsi selon Tempels, chez les Bantous, « L'aîné d'un groupement ou d'un clan est, pour les bantous, de par la loi divine, le chaînon de renforcement de vie reliant les ancêtres à leur descendance. C'est lui qui « renforce » la vie de ses gens, et de toutes les forces inférieures, forces animales, végétales ou inorganiques, qui existent, croissent ou vivent sur son fond pour le bénéfice de ses gens.  Le vrai chef est donc, suivant la conception originelle et suivant l'organisation politique des peuples claniques, le père, le maître, le roi; il est la source de la vie intense; il est comme Dieu lui-même ». Donc on peut dire que de cette hiérarchisation dérive le fondement du système politique des Bantous. Tempels affirme en outre que les bantous ont une vision du monde centrée sur l'homme, c'est l'homme actuel, vivant, qui a primauté sur les défunts. Ensuite à partir du Chapitre III, Tempels tente de restituer la sagesse des Bantous qui se caractérise essentiellement par le fait qu'elle pénètre toute la nature des êtres, des forces. Chez eux la vraie sagesse est la connaissance ontologique. Le sage par excellence c'est Dieu « qui connaît tous les êtres, qui pénètre la nature et la qualité de leur énergie ». Donc chez les Bantous les connaissances sont fondamentalement ontologiques. Leur philosophie n'est pas surnaturelle, elle se fonde sur l'évidence interne et externe. Plus loin, à partir du Chapitre IV, il se penche sur la psychologie bantoue où il développe les notions muntu ou personne ainsi que l'individu. Le muntu est force active, sa force est dominante parmi toutes les forces visibles. Sa force s'accroît ou diminue dans le cadre de ses différentes influences avec les autres êtres. Quant à l'individu il se caractérise par son impénétrabilité par ses semblables et certains critères qui le définissent comme le nom. Enfin dans le Chapitre V il aborde la question de l'éthique chez les Bantous. Dans cette éthique, les notions de bien et de mal sont rattachées à leur philosophie. Puisque pour les Bantous, tout tourne essentiellement sur le renforcement de la force vitale, alors le bien et le mal en dérivent aussi. Le mal c'est toute action qui diminue la force vitale et le bien celle qui l'accroît.
Tels sont les grands traits de La philosophie bantoue du R.P. Tempels. C'est de là que tous les tenants de l'ethnophilosophie tirent leurs arguments selon les enjeux qu'ils poursuivent. C'est ainsi qu'on a pu parler de variantes de l'ethnophilosophie : la variante laïque et la variante chrétienne. La variante laïque rassemble les auteurs et Européens et Africains qui tentent de dégager une philosophie africaine collective, à partir de l'héritage culturel des peuples du continent. Une philosophie qui serait à opposer à celle de l'Occident pour mettre à mal le préjugé des occidentaux selon lequel les Noirs n'ont pas de philosophie. Parmi les Européens qui se sont lancés dans cette aventure, on peut retenir cette liste non exhaustive citée par Hountondji dans Sur la philosophie africaine critique de l'ethnophilosophie :
Ø Marcel Griaule et Germain Dieterlen, Le renard pâle, Travaux et mémoires de l'Institut d'ethnologie, Paris, 1965
Ø Dominique Zahan,
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- Sociétés d'initiation bambara : le N'demo, le Korè, Mouton, Paris-La Haye, 1963
- La dialectique du verbe chez les Bambaras, Mouton, Paris-La Hayes, 1963
- La viande et graine, mythologie dogon, Présence Africaine, Paris, 1968
- Religion, spiritualité et pensée africaine, Payot, Paris, 1970
Ø Louis Vincent Thomas,
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- Les Diola. Essai d'analyse fonctionnelle sur une population de Basse Casamance, Vol I et II, Mémoires de l'Institut français d'Afrique Noire, Dakar, 1959
- « Brève esquisse sur la pensée cosmologique du Diola » African systems of thought, Oxford University Press, Londres, 1965
- « Un système philosophique sénégalais : la cosmologie des Diola », Présence Africaine, N° 32-33, 1960
- « Cinq essais sur la mort africaine. Esquisse d'une anthropologie philosophique », Psychologie africaine, Public de la Faculté de Lettres et Sciences Humaines, Philosophie et Sciences Sociales, N° 3 Dakar, 1969
- « La mort et la sagesse africaine. Esquisse d'une anthropologie philosophique », Psychologie africaine, N° 3, 1967.
Les Africains eux aussi se sont laissés séduire par cette entreprise de restitution de la pensée des peuples africains pour des raisons différentes. C'est ainsi que Hountondji dresse cette liste, elle aussi non exhaustive.
Ø A. Adessanya, « Yoruba Matapysical Thinking » , Odu, n°5, 1958
Ø William Abraham, The Mind of Africa, University of Chicago Press, 1962, et Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1962
Ø NKRUMAH, Kwame, Le Consciencisme, Philosophie et idéologie pour la décolonisation et le développement avec une référence particulière à la révolution africaine, Traduit de l'Anglais par L. Jospin. Paris, Payot, 1964
Ø Alassane N'Daw, Peut-on parler d'une pensée africaine? in Présence africaine (1966) n.58, 32-46, et in SMET, A.J. (ed), Philosophie africaine. Kinshasa, 1975, I, 227-242
Ø Issiaka Prosper Laleye, La conception de la personne dans la pensée traditionnelle Yoruba. Approche phénoménologique, Herbert Lang éditions, BERNE, 1970
Ø J. O. Awolalu, « The yoruba philosophy of life », Présence Africaine, N° 73, 1973
Ceux-ci et bien d'autres abondent dans le même sens que les Européens cités plus haut, avec souvent des points de vue qui relèvent de l'idéologie21(*). Il reste clair que leur intention est de fonder une philosophie africaine digne de ce nom, qui n'aurait rien à envier à toute autre philosophie, notamment celle de l'Occident. Mais en même temps certains d'entre eux n'hésitent pas de déduire l'existence d'une philosophie africaine en prenant en compte des considérations purement occidentales. Cela s'explique par le fait que c'est en l'occurrence l'occident qui a voulu nier toute philosophie au Noir. Ainsi certains d'entre eux ont voulu élargir le champ de définition pour qu'elle ne désigne plus seulement ce qu'elle a désigné jusque là dans la vision occidentale. Mais qu'elle inclut aussi des éléments qui étaient rangés dans la mythologie ou la simple littérature. C'est le cas de Alassane N'Daw et J. Basile Fouda, comme on le verra plus tard dans l'ouvrage de Towa. D'autres partent de ce qui est considéré comme philosophie en Occident et recherchent dans le champ culturel africain d'éventuels éléments semblables pour en déduire la philosophie africaine. Ainsi Tshiamalenga N'Tumba estime « si l'histoire de la philosophie appelle philosophie les fragments des présocratiques, les Pensée d'un Marc Aurèle ou les Maximes de La Roche Foucauld et autres textes semblables, alors bien des textes de tradition africaine orale peuvent être appelés philosophiques »22(*)
Quant à la variante chrétienne, elle est constituée d'hommes d'église comme Tempels lui-même. Leur souci est de trouver une base psychologique et culturelle pour enraciner le message du christianisme dans l'esprit de l'Africain. Ce qui signifie que leur préoccupation diffère quelque peu de celle des laïcs africains. Encore une fois nous nous fieront à la liste de ces auteurs dressée par Hountondji.
Ø Alexis Kagamé, La philosophie bantou-rwandaise de l'être
Ø Mgr Makarakiza, La dialectique des Barundi, 1959
Ø Mongameli Antoine Mabona,
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- « Philosophie africaine », Présence africaine, N° 30, Paris, 1960
- « The Depths of african philosophy », Personnalité africaine et Catholicisme, Présence africaine, Paris, 1963
- « La spiritualité africaine », Présence africaine, N° 52, 1964
Ø A. Rahajarizafy, « Sagesse malgache et Théologie chrétienne, Personnalité africaine et Catholicisme, Présence africaine, Paris, 1963
Ø Vincent Mulago, « Dialectique existentielle des bantous et Sacramentalisme », Aspects de la culture noire, Paris, 1958
Ø Jean Calvin Bahoken, Clairières métaphysiques africaines, Présence africaine, Paris, 1967
Ø John MBiti,
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- African religions and philosophy, Heinemann, Londres, 1969, Traduit sous le titre Religions et Philosophie africaines, Éditions Clé, Yaoundé
- Concepts of God in Africa, Praeger, New York, 1970
- New Testament Eschatology in an African Back-round. A study of the encounter between New Testament theology and African traditional concepts, Oxford University Press, Londres, 1971
Les lignes qui précèdent donnent un aperçu du courant de l'ethnophilosophie. Le courant qui s'est développé aussi bien en Afrique et tendant à l'invalider par une critique des plus virulentes est l'europhilosophie.
Le concept d'europhilosophie a été forgé par Pathé Diagne23(*) au début des années 80. Celui-ci de retour du séminaire de Cotonou consacré au rapport de la science et de la philosophie en Afrique, en fait un compte rendu critique dans un ouvrage intituléL'europhilosophie face à la pensée du Négro-Africain, suivi de: Thèses sur Epistémologie du réel et Problématique néo-pharaonique,(Dakar, éd. Sankoré, 1981). Dans son acception l'europhilosophie est le courant de pensée critique de l'ethnophilosophie à partir de sources autres que la tradition philosophique et culturelle africaine. Précisément des sources tirées de la philosophie Occidentale. Par cela, l'europhilosophie est africaine et européenne. L'europhilosophie rassemble des penseurs européens et Africains formés à l'école occidentale et fortement influencés par les doctrines occidentales. Les tenants de ce courant entendent disqualifier l'ethnophilosophie qu'ils estiment critiquable à la lumière du concept de philosophie tel qu'il a toujours fonctionné de manière générale en Europe. Pour ce faire, ils entendent dépasser la problématique de l'ethnophilosophie et ses contradictions relativement à la philosophie en tant que discipline spécifique et proposer des pistes pour une meilleure pratique philosophique sur le continent africain. Dans cette perspective, ils estiment que la philosophie africaine doit exister et fonctionner selon les critères notamment de définitions de la philosophie occidentale, au risque d'être un genre littéraire qui n'est philosophique qu'Afrique. Concrètement les tenants de ce courant se fixent pour tâches de :
ü Surmonter la crise épistémologique ouverte par l'ethnophilosophie en raison de sa prétention à la philosophie quand bien même elle semble en différer
ü Combler le vide créé par l'invalidation de l'ethnophilosophie par la promotion d'une tradition philosophique et scientifique de haut niveau
ü Libérer le discours philosophique de l'emprise de la politique et de l'idéologie, la science, mieux préciser leurs rapports ainsi que le rôle qui échoit à chacune d'entre elles
En outre l'europhilosophie est caractérisée par un académisme universitaire qui la condamne à la spéculation abstraite à défaut de se fixer un objet d'étude précis et pertinent. Elle est constamment tournée vers la tradition occidentale pour critiquer l'europhilosophie et tend à décider sur cette base ce que doit être toute philosophie en Afrique. Par cela les tenants de ce courant s'opposent à l'émergence de pensées philosophiques endogènes et autocentrées en Afrique. C'est pour cela qu'ils placent le salut de l'Afrique en la matière dans une sorte de métissage qui culturel et philosophique. Ce métissage ne signifie pas suivre aveuglement les valeurs des autres civilisations, mais de procéder à un dosage approprié avec les cultures africaines. Il existe deux variantes de l'europhilosophie : la variante non marxiste et la variante marxo-criticiste. La variante non marxiste est celle dont les références théoriques sont à chercher dans la philosophie classique bourgeoise Occidentale. Son chef de fil est Frantz Crahay, auteur de Le "décollage" conceptuel: conditions d'une philosophie bantoue, in Diogène (1965) n.52, 61-84; et in SMET, A.J. (ed.), Philosophie africaine, Kinshasa, 1975, II, 327-347. - Tempels; Kagame; Nkrumah. Dans cet ouvrage, il balaie du revers de la main la prétention que la vision du monde prônée par l'ethnophilosophie puisse être appelée philosophie au nom du "décollage" conceptuel. Il fait ainsi référence notamment au fait que dans la Philosophie Bantoue, Tempels avance que les Bantous sont ignorants de leur philosophie, ou qu'en tout cas, même s'ils savent qu'ils ont une philosophie, ils sont incapables de la caractériser, la définir, en un mot d'en rendre compte. En sorte qu'il revient à d'autres personnes de la restituer à leur place. Crahay estime que cela est inconcevable en philosophie, puisqu'en tant que pensée critique, elle est supposée se poser sur non seulement l'ensemble des dimensions de la vie de l'homme, mais aussi sur la pensée elle-même. Il estime d'ailleurs qu'aude-là de cette condition, la possibilité d'existence d'une philosophie en Afrique passe par :
v L'existence d'un personnel qualifié de philosophes
v Une ouverture des philosophes africains sur les sphères culturelles du monde
v Un inventaire souple de valeurs à sauvegarder : attitudes, ressources linguistiques, catégories mentales etc. Cela suppose une certaine manière d'envisager la philosophie qui exclut la propension constante de l'etnophilophilosophie qui consiste à rechercher une originalité.
La variante marxo-criticiste réunit les auteurs dont les références sont tirées de la philosophie de Marx et ses épigones (Althusser, Lénine, etc.). Les représentants les plus en vue de ce courant en Afrique sont Hountondji et Towa. L'europhilosophie à son tour n'échappera pas à la critique, ce qui conduira à la naissance du courant critique de l'europhilosophie.
Les premières réactions contre l'europhilosophie remontent aux années 1970 avec la publication d'un article de Niamkey Koffi Robert intitulé L'impensé de Towa et de Hountondji. Il y tente de montrer que derrière les positions de Towa et Hountondji, dans leurs différentes oeuvres, se cache mal un mythe. Le mythe en vertu duquel la philosophie africaine ne commence qu'avec eux. Tout ce qui a été produit antérieurement est tout au plus une sagesse. Abdou Touré emboîtera le pas en tentant de mettre à nu et d'analyser les sources de l'europhilosophie. C'est l'essentiel de l'ouvrage Le marxisme-léninisme comme idéologie, Critique de trois théoriciens africains: A.-.A. Dieng,  Hountondji et M. Towa, Abidjan, 1980. Les critiques les plus vigoureuses commencent à partir de 1978 avec Olabi Babalola Yaï dans Théorie et Pratique en philosophie africaine: misère de la philosophie spéculative, in Présence africaine (1978) n.108, 65-91. Sa critique était particulièrement adressée à Hountondji. Il entendait plus précisément dénoncer le fait que dans ses écrits, toute la critique soit purement théorique. Hountondji ne fonde pas ses critiques sur des recherches effectuées sur le terrain. Le courant critique de l'europhilosophie voudrait que les auteurs africains, dans le cadre de la problématique philosophique sur le continent, puissent dépasser le simple cadre de la spéculation qui a toutes les chances d'être superficielle et de faire de la recherche sur le terrain. De plus cette entreprise doit baliser le cadre théorique et conceptuel de cette recherche. L'intellectuel africain formé à l'école occidentale est facilement influencé par les sources, les catégories de cette formation. C'est conscient de cela que Pathé Diagne24(*) relève que depuis des siècles, l'occident a fixé et délimité tout seul, arbitrairement, au gré de ses intérêts et ses convictions, les domaines et les caractéristiques de recherches des autres sphères culturelles. Il dénonce cela comme une hégémonie et revendique un nouvel ordre culturel mondial comme on en ferait sur le plan économique. Pour cela il incite à dépasser l'europhilosophie et à élaborer un discours non spéculatif et valable, une enquête qui fasse ressortir les connaissances profondes des réalités et spécificités du champ culturel négro-africain. Dans son entendement cela est inséparable d'une heuristique et d'une théoristique propres au champ culturel africain. Par heuristique il entend « autant les questions de définition de domaine ou d'objet, de méthode ou d'objet, de méthode ou d'épistémologie, de théoristique ou de scientificité qui sont au coeur de toute recherche, que la problématique, c'est-à-dire la prise de position, le point de vue et les engagements de la recherche et du chercheur ». Quant à la théoristique, elle fait référence aux « appareils, les ensembles ou les systèmes conceptuels par lesquels s'élaborent les phénomènes et les faits qui donnent forme et contenu à une pensée comme expérience, savoir et science dans les domaines les plus divers de l'activité intellectuelle ».
Retenons que depuis la fin du XIXème et le début du XXème, la philosophie africaine fait l'objet d'une profonde controverse. Dans cette controverse, des auteurs tant Africains que qu'Occidentaux se sont fait entendre et ont défendu des positions variées ; en sorte qu'il a été possible de diviser les débats sur la problématique philosophique en Afrique en courants. Ces courants sont l'ethnophilosophie, l'europhilosophie et le courant critique de l'europhilosophie. Pour notre part, nous ne sommes pas rentrés dans ce débat. Autrement nous ne nous sommes pas inscrits dans la logique de dire si oui ou non la philosophie africaine existe. Si elle existe ce qu'elle est entre la vision du monde propre aux peuples africains à restituer par l'analyse et l'interprétation de documents institutionnalisés du champ culturel négro-africain (contes, légendes, rites, us, coutumes etc.) ou le discours explicite tendant à les restituer ou un discours sur la science etc. Nous n'avons pas tenté d'identifier et surmonter les paradoxes qui surgissent toutes les fois qu'un esprit a voulu spéculer sur la problématique de la philosophie africaine. Nous avons par contre dégagé et caractérisé les orientations générales de ce qui a été dit jusque là dans le cadre de cette problématique. Cela nous recentre dans notre thématique en faisant ressortir le cadre des prises de positions des auteurs dont nous comptons analyser quelques travaux. Plus précisément, est-il besoin de le rappeler, nous comptons nous pencher sur les rôles que ceux-ci attribuent à la philosophie dans leurs ouvrages. Dans cette perspective donc, il convient au préalable de se pencher sur la question du rôle de la philosophie.
* 7 Marcel Griaule ( 18981956) est un ethnologue français. Un de ses apports essentiels (relatif à l' ethnographie) est d'avoir démontré que la cosmogonie dogon (orale) est au moins aussi importante que les cosmogonies occidentales. Ses ouvrages tels que : Dieu d'eau (entretiens avec Ogotemmeli, ouvrage qui révèle les structures de la pensée sacrée dogon) (1948) ; Renard pâle, ethnologie des Dogons, Institut d'Ethnologie, 1965/1991 (en collaboration avec Germaine Dieterlen) font aujourd'hui école dans le domaine de l'ethnographie sur certains peuples africains.
* 8 Paul Radin ( 18831959) est un anthropologue américain. Il a étudié à l'Université de Columbia (Etas-Unis). Il commença ses études de terrain par les indiensWinnebago (Les Ho-Chunk ou Winnebago - comme ils sont généralement nommés - sont une tribu amérindienne, originaire de ce que l'on nomme aujourd'hui leWisconsin et l' Illinois en 1908. Il est auteur de nombreux ouvrages célèbres dont Primitive Man As Philosopher en 1927.
* 9 Elungu PEA, Eveil philosophique africain, Harmattan, Paris, 1994, p.13.
* 10 Idem
* 11 Cité in Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, Ed. Clé Yaoundé, p.8
* 12 Amady Aly Dieng, Hegel, Marx, Engels et les problèmes de l'Afrique Noire, cité dans un article de Léon Sobel Diagne, Conseiller Pédagogique Itinérant PRF de Dakar intitulé `Le Problème de la Philosophie Africaine'.
* 13 Idem
* 14 Ibidem
* 15 Article précité p.
* 16 Cité in Elungu PEA, Idem, p.14
* 17 Georges Balandier est un ethnologue et sociologue français. Il est actuellement professeur émérite de la Sorbonne (Université René Descartes, Paris-V), Directeur d'études à l' EHESS, collaborateur au Centre d'Etudes Africain. Il auteur de plusieurs de sociologie et d'ethnologie sur les peuples africains. C'est le cas de : Particularisme et Evolution: les pêcheurs Lébou (Sénégal), St Louis du Sénégal, IFAN, 1952, (en coll. avec Pierre Mercier) ; Les villages gabonais, Brazzaville, Institut d'études centrafricaines, 1952 ; Sociologie Brazzavilles noires, Paris, A.Colin, 1955.
* 18 Elungu PEA, Ouvrage précité, note p.14
* 19 Nous reviendrons plus tard.
* 20 Toutes nos références concernant La philosophie Bantoue dans ce texte renverront au texte intégral digitalisé et présenté par le Centre Aequatoria, http://www.aequatoria.be.
* 21 Cela apparaîtra plus nettement avec les critiques de Towa et Hountondji que nous verront plus tard
* 22 Tshialega N'Tumba, « Qu'est-ce que la philosophie africaine ? » Fcaulté de Théologie de Kinshasa, 1979, p.36
* 23 linguiste, économiste et politologue sénégalais
* 24 Dans L'europhilosophie face à la pensée du Négro-Africain, suivi de: Thèses sur Epistémologie du réel et Problématique néo-pharaonique, Dakar, éd. Sankoré, 1981, 221 p., l'auteur s'en prend vigoureusement à Hountondji et l'europhilosophie en générale. Il y montre et dénonce les sources althusseriennes de Hountondji. Pathé Diagne estime qu'en fait Hountondji ne fait que reprendre aveuglément les thèses de son maître de la rue d'Ulm qu'il finira par dédire. En effet il s'est produit chez lui, à un moment donné, une sorte de rupture épistémologique. On peut ainsi parler d'écrits de première et seconde génération. Sur la question spécifique de la philosophie, les écrits de premières générations, Althusser voulant rompre « avec l'idéologisme qui entravait la science autant que la philosophie dans la recherche marxiste en particulier, (...) restituer à la philosophie ou à la pensée critique tout court ses libertés, sa réalité de discipline autonome et originale face aux empiètements et aux tentatives de submersion dont elle fait l'objet au non d'une primauté exclusive de la `lutte de classe' ou la `politique' dans la pratique scientifique et théorique en général ». Pathé Diagne p.45 A cette époque la philosophie désigne la théorie de la pratique théorique. Mais à partir de 1968, le même Althusser ressuscitera l'idéologisme en proscrivant la définition précédente de la philosophie. Elle devient cette fois la politique dans la théorie. C'est un retournement de situation dont Hountondji est conscient, mais préfère garder fidélité aux thèses de première génération. Car à ses yeux il reste incontestable que la philosophie « existe en tant que forme particulière de la littérature scientifique », « la philosophie est une histoire et non un système », « une recherche inquiète et inachevée, non un savoir clos. Cela veut dire entre autres choses qu'aucune doctrine philosophique ne peut être considérée comme la vérité » ... (Cf Sur la philosophie africaine critique de l'ethnophilosophie, Chapitre 4 : La philosophie et ses révolutions). Du reste Hountondji justifie sa fidélité aux thèses de première génération par le fait qu'il n'a pas « à suivre Althusser », préférant mettre ce changement dans les idées de son maître sur le compte d'une « longue fréquentation de l'oeuvre de Lénine ». Il maintient qu'en tout état de cause, la philosophie doit être séparée de l'idéologie, qu'elle « ne saurait se réduire à un tissu de slogans ou à une propagande savante ». Cf note 35, p.215
جنون
رد: SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE
مُساهمة الخميس مارس 03, 2016 10:43 am من طرف جنون


SECTION 3 : LA QUESTION DU ROLE DE LA PHILOSOPHIE

La question du rôle de la philosophie revient constamment toutes les fois qu'un esprit tente d'y porter sa réflexion. Du fait de sa spécificité de discipline purement discursive, n'ayant nullement la prétention d'apporter des solutions notamment aux divers problèmes de la vie de l'homme, elle est considérée par d'aucuns comme une activité oisive, une activité dont l'existence même contribue plus à la complexification de la vie de l'homme qu'elle ne lui procure satisfaction. En réalité la question du rôle de la philosophie est une des questions fondamentales de la philosophie elle-même. Elle travers cette discipline depuis sa création et les tentatives d'y apporter une réponse satisfaisante sont fort diverses, donc loin de pouvoir satisfaire tout le monde. Encore que, en philosophie, rien ne parait pouvoir satisfaire, la philosophie elle-même ne se préoccupe pas de satisfaire les hommes dans quelque domaine que ce soit, mais plutôt de poser les questions, les bonnes questions. En tout état de cause il semble que celui qui s'adonne à la pratique philosophique exerce une activité dont il ignore le rôle. Il ne nous revient pas ici de faire une énumération des rôles traditionnellement attribués à la philosophie. Nous nous limiterons à examiner ce qui a été avancé comme rôle de celle-ci au sein de la littérature consacrée à la problématique philosophique africaine avant les ouvrages de Towa et Hountondji qui nous intéressent. Dans cette perspective elle-même, la première difficulté qui surgit est celle de savoir s'il faut envisager l'existence d'une philosophie qui serait celle de tous les Africains, donc comme telle qui jouerait le même rôle dans toutes les sociétés africaines ; ou s'il faut bannir toute forme d'uniformisation et considérer que le rôle de la philosophie sur le continent ne doit pas être quelque chose de figé ; mais quelque chose qui est appelé à évoluer, à varier en fonction de l'espace et du temps. C'est vraisemblablement pour la première position qu'opte Taita Towet qui, dans un article paru dans Présence Africaine N° 27-28 - août - novembre 1959, abordait la question dans un article intitulé « Le rôle d'un philosophe africain »25(*). A cet effet dès le début de son argumentation, il nous enjoint de lire son essai « en gardant présente dans la mémoire l'unité culturelle des Noirs d'Afrique ». D'ors et déjà, à la lumière de l'évolution qu'a pris le débat sur la problématique philosophique africaine, nous savons que cette seule assertion discréditerait définitivement cet essai en sorte que bien des intellectuels de la trempe de Towa et Hountondji, ne trouveraient plus d'intérêt le parcourir. Cependant dépassons ces préjugés et essayons de voir ce que doit être le rôle d'un philosophe africain pour Taita Towet. Il énumère plusieurs rôles que le philosophe africain a à jouer. Le premier est relatif à la détermination des caractéristiques et attributs propres au philosophe et leur explication en termes clairs au public africain. Cela certainement parce que de son point de vue, le monde noir semble méconnaître la philosophie. Il est donc impératif à ses yeux de lui faire comprendre ce qu'est la philosophie, ce qui de son point de vue passe par la définition de ce qu'est un philosophe. Cela aura l'avantage de percevoir tout au long de l'histoire de cette discipline, le genre de personnes qui ont été considérées comme étant philosophes et déterminer si des personnes semblables ont existé ou non sur le continent africain. C'est ainsi qu'il faudra se pencher sur de grands noms de la philosophie comme Platon et Aristote. Nous savons que pour bien des auteurs, aussi bien dans la pensée occidentale qu'africaine, la philosophie n'est digne d'être considérée comme telle que si elle est écrite. A cet effet l'étude de Socrate qui comme on le sait n'a jamais écris, ferait ressortir que l'oralité des peuples noirs n'est pas un handicap pour la pratique philosophique. En outre il estime que dans le cadre de la pratique de la philosophie sur le continent africain l'effort doit être fait pour prendre garde contre les phrases comportant des suggestions contestables. Cela pourra conduire à la pratique d'une pensée saine et dénudée de toutes affirmations gratuites et irréfléchies. Sur ce point, il fait ressortir en substance la problématique fondamentale de la définition de la philosophie. Il remarque que traditionnellement celle-ci est considérée comme l'amour de la sagesse. Il trouve que cette définition est incomplète et il convient au philosophe africain de procéder à une étude minutieuse de la question, sur la base notamment de l'étude des philosophes anciens et leurs oeuvres. Ensuite, dans son acception, il est impérieux pour le philosophe africain de déterminer le point de départ de la philosophie négro-africaine. Car pour lui, ce départ n'est nullement à situer au point atteint par la philosophie des autres continents notamment celle de l'Occident. Pour lui, si nous le faisions « nous n'aurons guère la possibilité de formuler et de synthétiser ce qui pourrait être appelé la philosophie négro-africaine » (p.116). Car à ses yeux, au premier niveau de considération, la question de la philosophie négro-africaine se pose en termes de race avant d'accéder par la suite à l'universalité. Ériger le point de départ de la philosophie africaine au point d'arrivée des autres philosophies de l'y diluer voire de l'étouffer. A cet effet il estime que le point de départ de la philosophie africaine doit être cherché dans la philosophie de la religion ou des religions (p.116). C'est pourquoi il incombe au philosophe africain de s'atteler à cette tache. Plus précisément il est question d'élucider les différentes croyances des peuples différents clans africains. Cette étude se fondera sur les résultats des études anthropologiques, sociologiques, ethnologiques etc., dans le but ultime de trouver leur universalité. Un autre rôle du philosophe africain est celui d'étudier les coutumes et traditions africaines ainsi que leur signification éthique. Cela est d'autant plus fondé que les coutumes et les traditions en Afrique occupent une place incontournable. Au nom d'elles, ce qui aurait pu être considéré comme des atrocités peut être toléré, mieux pratiqué et transmis de génération en génération pour ne jamais être abandonné. Donc il convient selon Taita Towet de s'interroger et d'apporter des réponses satisfaisantes à des questions essentielles : quelle est l'attitude de l'Africain face à la vie ? Quel est le fondement des comportements des Africains ? Pour l'Africain, qu'est-ce que la vie heureuse ? En un mot le philosophe doit étudier et élucider la logique interne qui commande à tous les actes des Africains. Cette logique par ailleurs n'est pas à confondre avec la logique aristotélicienne. Elle renvoie à la signification de la signification. Cette étude passe par un examen des langues africaines pour éprouver leur capacité à exprimer logiquement nos pensées. Et enfin, selon Taita Towet, il revient au philosophe de d'étudier les buts pour lesquels existent les gouvernements africains. Plus précisément, il est question de s'interroger sur ces formes de gouvernement pour savoir si ceux-ci conviennent aux peuples africains, s'ils servent réellement les intérêts des peuples africains ou s'ils ne sont là que pour une minorité. De plus il doit poser la question de leur légitimité : sont-ils responsables devant les peuples qu'ils gouvernent ou devant Dieu.
Cette étude de l'article de Taita Towet, loin d'être exhaustive, montre que sur-le-champ spécifique africain la question du rôle de la philosophie s'est posé depuis bien des années et que des perspectives fort intéressantes ont été envisagées. Elle fait ressortir une propension de lier philosophie et race notamment et d'exclure toute possibilité de convergence entre la philosophie négro-africaine et celle des autres continents notamment celle de l'Occident. Cependant cela n'enlève rien à la pertinence de ses propositions qui se situent à une période où la problématique même d'une philosophie africaine faisant rage. Ce qu'on peut dire c'est qu'entre temps les débats ont évolué. Plus précisément cette manière de concevoir la philosophie a été battue en brèche, d'autres pistes ont été proposées. Des pistes qui, même si elles ne font pas l'accord de tout le monde dans ce débat, restent pour néanmoins représentatives d'une certaine intelligentsia africaine. Donc il faut en tenir compte et c'est seulement sur la base de la prise en compte de tous les courants de la philosophie africaine qu'il est possible de dégager et d'analyser la question du rôle de la philosophie sur le continent africain.
 

SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

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