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 NTIQUITÉ Naissance de la philosophie

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فدوى
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فدوى


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14022016
مُساهمةNTIQUITÉ Naissance de la philosophie

ANTIQUITÉNaissance de la philosophie
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On méconnaîtrait l'importance culturelle de la philosophie antique si l'on n'y voyait qu'une période – la première, donc la plus fruste – dans le développement d'une activité intellectuelle spécifique, et clairement définie, qui serait la philosophie. En réalité, l'Antiquité, et singulièrement l'Antiquité grecque, est le lieu de naissance de la philosophie, ce qu'on ne saurait dire au même titre de la littérature, de la science ou de l'art. Présenter la philosophie antique, c'est donc contribuer, en essayant d'en retrouver l'origine et d'en pénétrer les motivations, à définir ce qu'est encore aujourd'hui pour nous la philosophie. Et cela en plusieurs sens.
La philosophie, à commencer par le mot lui-même, est d'invention grecque et n'a pas d'équivalent exact dans les autres aires de civilisation. Les mathématiques sont apparues et se sont développées à peu près simultanément en Égypte, en Grèce et en Chine ; le résultat de ces efforts distincts est apparemment disparate, mais se laisse en fait aisément traduire après coup d'un système dans un autre (ainsi y a-t-il équivalence entre le système décimal et le système duodécimal). En revanche, on ne peut dire que les civilisations indienne ou chinoise, par exemple, aient donné naissance à une philosophie au sens strict. Si la philosophie grecque s'est répandue au Moyen Âge dans le monde arabe, elle n'a jamais été assimilée véritablement par les cultures orientale et extrême-orientale ; et, réciproquement, les formes de pensée « philosophiques » issues de l'héritage grec n'ont pu vraiment traduire et assimiler l'acquis des pensées orientale et extrême-orientale. On pourrait dire que les « catégories » de ces « systèmes » de pensée sont irréductibles les unes aux autres, si les notions mêmes de « catégorie » et de « système » n'étaient des acquisitions de la philosophie grecque.
La philosophie grecque contient en germe tout le développement de la philosophie occidentale. On ne peut parler ici, comme on l'a fait à plus juste titre pour la science grecque, de « balbutiements » ou d'une « aurore ». Des philosophies comme celles de Platon et d'Aristote ne sont pas des approximations grossières que la philosophie moderne aurait « dépassées », mais des systèmes exemplaires, sinon complètement achevés, qui continuent, peut-être en raison de leur ouverture, à solliciter notre réflexion, au même titre que les systèmes de Descartes ou de Kant.
La philosophie grecque, relayée à partir du Ier s. av. J.-C. par la philosophie romaine, qui l'a popularisée plus qu'elle ne l'a véritablement transformée, a exercé une influence déterminante, non seulement sur l'histoire ultérieure de la philosophie, mais en même temps sur les formes de pensée caractéristiques de la civilisation occidentale et qui se sont universalisées au point de régir aujourd'hui notre planète tout entière. En épurant lemythe de ses ambiguïtés, la philosophie grecque n'a pas été seulement le banc d'essai de la pensée rationnelle ; elle a fourni les cadres conceptuels – qu'on pense, par exemple, à la table aristotélicienne des catégories – de la grammaire, de l'administration, de la science et, finalement, de l'exploitation technique de la nature.
D'un autre côté, la philosophie grecque, dans ses différentes écoles, a développé un art de vivre, de se comporter à l'égard de la nature, des dieux et des autres hommes. Cet art, appelé aussi « sagesse » (sophia), exige que l'homme prenne soin de soi ou ait le « souci de soi », qu'il domine ses passions, qu'il se prépare à la mort. On a pu dire (P. Hadot) que la philosophie grecque dans son ensemble n'est que l'appareil théorique préparatoire à la pratique d'« exercices spirituels » destinés à permettre à l'homme de « bien vivre ». Le rapport du maître au disciple serait celui d'un exemple à imiter, plus que d'un enseignement à recevoir. Néanmoins, interpréter ainsi l'ensemble de la philosophie antique serait se condamner à en méconnaître l'originalité par rapport à d'autres mouvements spirituels, comme ceux qui marquent la pensée orientale ou extrême-orientale. Pour la philosophie grecque, les problèmes pratiques eux-mêmes ne peuvent être résolus sans le recours à la théorisation, sans le passage au concept. Pour apprendre à devenir vertueux, dit Platon dans la République, il faut « prendre le circuit le plus long » : non l'imitation d'un héros, mais l'apprentissage de la science, qui, après une longue ascension à travers les sciencesparticulières, permet à l'apprenti-philosophe d'atteindre la science la plus haute : celle du Bien. La philosophie n'est sagesse, pratique du bien, que parce qu'elle est d'abord le long détour intellectuel qui permet d'y accéder et d'en fonder rationnellement l'exigence.

[size=22]1.  Origine du mot « philosophie »

L'origine du mot « philosophie » ne coïncide pas exactement avec l'origine de la philosophie. Les premiers philosophes de la Grèce semblent s'être désignés eux-mêmes comme des « sages » (σοϕοί). Le mot σοϕός, que l'on trouve déjà chez Homère, désigne une supériorité fondée sur une habileté technique : le σοϕός est celui qui « s'entend » à faire quelque chose. L'histoire ultérieure du mot conservera l'idée d'une supériorité fondée sur un savoir. Or, d'où peut provenir la supériorité la moins contestable, sinon du savoir le plus étendu ? La sagesse en viendra ainsi à désigner, par opposition aux sciences ou techniques particulières, un savoir total. « Je vais parler de tout », annonce Démocrite au début de son livre Sur la nature. Ainsi est né en Grèce un type d'hommes, dont la modestie n'était pas le fort, qui prétendaient à l'omniscience ; sages (σοϕοί) et sophistes (σοϕισταί) auront tous en commun cette prétention, même s'ils divergent sur les moyens : soit accumulation de savoirs partiels – la « polymathie » déjà raillée par Héraclite – soit, plus profondément, remontée à l'origine, au principe ou à la cause de toutes choses.
Selon une tradition significative, même si elle est historiquement controuvée (nous ne la connaissons que par des témoignages datant de la fin de l'Antiquité), l'invention du motphilosophie (ϕιλοσοϕία) représenterait une mise en garde contre les prétentions exagérées des σοϕοί. C'est Pythagore qui, interrogé sur sa profession par le tyran Léon, aurait répondu le premier : « Je suis philo-sophe » (ϕιλόσοϕος), c'est-à-dire, selon son propre commentaire, « non pas quelqu'un qui prétend posséder la sagesse, mais un homme qui s'efforce vers elle ». Et il aurait ajouté : « Il n'y a pas d'autre sage que Dieu » (cf., en particulier, Diogène Laërce, Vies, Prooemium, 12, et VIII, 8). Cette étymologie et cette anecdote évoquent sans doute la nécessité où se trouvèrent rapidement les « sages » de se défendre contre l'accusation religieuse de démesure (ὕϐρις) et, par là, d'impiété, à laquelle les exposait leur prétention de partager avec la divinité la possession de la sagesse, voire de « s'immortaliser » eux-mêmes. Souvent entendue comme un défi, la sagesse, même sous le titre plus modeste de philosophie, devra mener à Athènes une existence difficile. Les procès d'impiété contre les philosophes seront, au même titre que la philosophie, une constante de la civilisation athénienne. Anaxagore et Aristote y échapperont de peu ; SocrateNTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo en mourra. D'un autre côté, la tension entre la prétention de la sagesse à la totalité et la conscience philo-sophique des limites de l'homme sera bientôt intégrée, chez Platon et Aristote, à la philosophie elle-même, dont elle deviendra un des motifs les plus féconds.
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Socrate - AthènesTelles qu'on les connaît à travers Platon et Xénophon, la personnalité et la méthode de Socrate, né vers 469 avant J.-C. à Athènes, ont façonné la  philosophie d'après les présocratiques. Contrairement à ses adversaires, les sophistes, qui monnaient l’art de bien parler pour séduire, Socrate sème ch… 
Crédits: E. Lessing/ AKG[/size]
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2.  Origines effectives de la philosophie grecque

Pourquoi la philosophie (que nous ne distinguerons plus désormais de la « sagesse ») est-elle née dans le monde grec au début du VIe siècle avant J.-C. ? Il y a là une question qui reste ouverte, mais que l'érudition moderne a du moins fait progresser en écartant les réponses fantaisistes. Hegel ironisait déjà sur les explications géographiques ou climatiques, car, écrivait-il en 1821, « ce sont les Turcs qui habitent aujourd'hui là où vivaient les Grecs ». Plus tard, Renan parlera du « miracle grec ». Nous sommes mieux armés aujourd'hui pour cerner certaines des conditions qui ont rendu possible ce prétendu miracle.

  Conditions sociologiques

Les cités grecques ont ceci de particulier que, si elles ont connu en des temps reculés la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme (de ce type était la royauté mycénienne), elles ont été généralement gouvernées à partir des invasions doriennes par des aristocraties non pas héréditaires, mais électives. Ce pouvoir plural, soumis au contrôle périodique de l'élection, dépouillé de ce fait de toute aura religieuse, a été pour les Grecs une source d'enseignements intellectuels, mais aussi de problèmes. Le grand problème est celui de l'équilibre entre des fonctions diversifiées et souvent opposées. L'enseignement est celui de la pratique de la parole délibérante et de la décision collective qu'elle fonde. C'est plus qu'un symbole si le centre de la cité grecque est la place publique, l'ἀγορά, où se réunit dans l'Athènes de l'époque classique l'assemblée du peuple et où se débattent, sous une forme plus ou moins institutionnalisée, les grands problèmes d'intérêt général : débats souvent passionnés, mais où il s'agit moins de vaincre que de convaincre. Dans cette civilisation de la parole et du dialogue, les arts du langage – rhétorique,dialectiquelogique – devaient trouver un terrain privilégié. Mais il y a plus : le caractère collectif de la décision exige la publicité du savoir ; la science ne doit donc pas être affaire d'initiés qui gardent jalousement leurs secrets, mais elle doit être divulguée et, si faire se peut, dans sa totalité. Dès lors, la philosophie – protestation, dès son origine, contre la spécialisation et le secret qui en est à la fois la cause et l'effet – répond à l'extraordinaire besoin de totalisation et d'ouverture qui caractérise la conscience grecque et peut passer à bon droit pour une conséquence de l'organisation politique de la πόλις. En ce sens, il n'est pas exagéré de dire que la philosophie grecque est « fille de la cité ».
Mais un phénomène social antagoniste du précédent a pu jouer aussi un rôle dans la constitution d'écoles philosophiques fermées les unes aux autres et jalouses de leur indépendance. On a pu montrer (M. Detienne) que, dans la Grèce post-homérique, se sont constituées des sectes groupées autour d'un personnage charismatique dit « maître de vérité », qui transmet à ses disciples et à eux seuls une doctrine ésotérique destinée à procurer à un petit nombre d'élus le salut de l'âme. Plusieurs présocratiques, dontEmpédocle et les pythagoriciens, se situent dans cette tradition. D'où, chez ces derniers, la semi-divinisation du fondateur de la secte, Pythagore.
Les écoles philosophiques qui se constituent après Socrate, notamment les plus grandes, l'Académie de Platon, le Lycée d'Aristote, le Portique (Stoa) des stoïciens, le Jardin d'Épicure, relèvent de cette double origine, démocratique et aristocratique. Ces écoles sont relativement fermées, mais les conditions d'admission sont purement intellectuelles : le disciple doit passer par une initiation stricte qui, par exemple dans l'Académie de Platon, comporte l'étude approfondie des mathématiques, condition qui, selon le témoignage de l'un d'entre eux, Aristoxène de Tarente, était de nature à décourager maints candidats. Mais, une fois admis, le disciple jouit à l'intérieur de l'école d'une grande liberté de parole. S'il y a des cours magistraux (nous avons conservé ceux d'Aristote, perdu ceux de Platon), il y a aussi des sortes de séminaires, où le disciple peut contredire le maître, engageant ainsi une dialectique qui, par le jeu des questions et des réponses, élève progressivement l'un et l'autre vers la vérité : c'est cette pratique pédagogique, inspirée de Socrate, que Platon a transposée, en la sublimant, dans ses Dialogues.
Cette double pratique se traduit dans la dualité des formes de diffusion : si les œuvres exotériques (dialogues, abrégés, œuvres d'initiation à prétention littéraire) sont destinées à la publication, les cours proprement dits – en fait, l'essentiel de l'enseignement – sont jalousement conservés à l'intérieur de l'école. C'est un hasard heureux si les œuvres exotériques de Platon, les Dialogues, ont le niveau philosophique qui permet de les égaler aux doctrines non écrites du même Platon et si, à l'inverse, les cours ésotériques d'Aristote ont été miraculeusement publiés, trois siècles après qu'ils eurent été prononcés. Pour le reste et à l'exception des néoplatoniciens, qui ont eu le mérite de supprimer la distinction matérielle de l'exotérique et de l'ésotérique en l'intégrant à leur doctrine, notre connaissance de la quasi-totalité des philosophes grecs de l'époque classique repose sur des fragments ou sur des témoignages ou prolongements ultérieurs, souvent de langue latine, qui se sont multipliés tardivement à l'époque romaine (Cicéron et Sénèque, Epictète et Marc Aurèle).[/size]
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فدوى
رد: NTIQUITÉ Naissance de la philosophie
مُساهمة الأحد فبراير 14, 2016 10:37 am من طرف فدوى

  Conditions linguistiques

La prééminence sociale de la parole n'aurait pourtant pu suffire à justifier l'apparition de cette forme de discours abstrait, et au fond si peu populaire, qu'est la philosophie. Bien plus, la philosophie, à partir de Socrate et de Platon, a vu dans la « rhétorique », qui s'attache à la vraisemblance et non à la vérité, qui cultive l'opinion au lieu de produire la science, qui confond l'universalité avec le verbalisme, son principal rival. Les philosophes grecs ont souvent été des « réactionnaires » au sens politique du terme, opposant, comme le fait Platon, le savoir sobre de l'homme compétent aux passions trop aisément sollicitables de la foule. Dans le débat déjà ouvert entre démocratie et technocratie, qui ne sont pas par hasard deux mots grecs, les philosophes ont été le plus souvent du côté de la seconde. Il reste que la lutte contre la rhétorique et pour la science a été menée avec les armes de la parole, que le rejet du faux universalisme ne s'est pas fait au nom de la particularité et du secret, mais d'une conception mieux fondée de l'universalité. Le discours du philosophe grec, même lorsque celui-ci aspire, ne fût-ce que métaphoriquement, à la royauté (que les philosophes deviennent rois ou les rois philosophes, demandera Platon), demeure un discours, en droit intelligible pour tous les hommes. Le philosophe ne revendique la primauté qu'au nom de l'intelligibilité.
Il reste que la langue grecque se prêtait mieux qu'une autre, d'une part à l'expression de significations abstraites, d'autre part à l'organisation systématique de l'expérience. Nous citerons, à titre d'exemples, deux faits linguistiques parmi d'autres, qui ont beaucoup contribué à la possibilité même de la philosophie. L'existence de l'article défini en grec (qui fera cruellement défaut au latin dans la traduction des textes philosophiques grecs) permet d'attirer l'attention non seulement sur l'individu ou le groupe d'individus que le mot désigne, mais encore sur ce que le mot signifie : l'homme, ce n'est pas seulement cet homme-ci, mais ce que l'homme est, c'est-à-dire l'essence de l'homme. Bien plus, le grec a, plus que le français, la possibilité de substantiver des adjectifs neutres, indépendamment de toute application particulière, constituant ainsi un type d'objets qui transcendent l'expérience. Sans cette possibilité inhérente à la langue grecque, la théorie platonicienne des Idées, qui ne sont au départ que des adjectifs neutres substantivés (le Bon, le Juste, l'Égal, l'Inégal, etc.), n'aurait même pas été pensable.
Une autre particularité remarquable de la langue grecque est l'usage du verbe être comme copule, c'est-à-dire comme mise en rapport d'un sujet S et d'un prédicat P dans une proposition attributive du type « S et P ». Les philosophes remarqueront assez vite que toute proposition peut être mise sous cette forme. Ainsi, « je me promène » peut se traduire en « je suis me promenant ». Toute la théorie aristotélicienne du syllogisme repose sur cette possibilité. Mais plus importante encore est l'universalité que vaut au mot être – en grec et dans la plupart des langues indo-européennes, mais non dans les autres – sa fonction copulative. De toute chose on peut dire qu'elle est telle ou telle chose, donc qu'elleest. L'être, plus exactement l'étant, devient le prédicat le plus général. Mais que signifie au juste ce mot ? Aristote remarque qu'il a plusieurs sens, qui se laissent dégager d'une analyse sémantique des types d'attribution possibles. Si je dis : « Socrate est un homme », l'être signifie l'essence ; si je dis : « Socrate est juste », l'être signifie la qualité ; si je dis : « Socrate est assis », l'être signifie la situation, etc. Ainsi est née la liste aristotélicienne des catégories : essence, quantité, qualité, relation, temps, lieu, avoir, action, passion, situation. Cette distinction des significations multiples de l'être met un terme provisoire au « combat de géants » que, selon Platon, les philosophes se livraient à ce sujet, les uns assimilant l'être à la seule essence (Parménide), les autres à la quantité (Mélissos et la plupart des ioniens), les autres à la relation (les pythagoriciens), d'autres encore au lieu et à la situation (atomistes), etc. Mais deux problèmes, formulés pour la première fois par Platon, continueront de solliciter pendant des siècles la recherche métaphysique : Comment du non-être l'être peut-il provenir (problème du changement) ? Comment l'être peut-il être autre qu'il n'est sans cesser d'être le même (ainsi, Socrate est homme, donc aussi autre chose que Socrate, puisque le concept d'humanité ne se confond pas avec celui de Socrate) ? Ce dernier problème est celui du rapport entre l'essence (que les traductions latines désigneront pour des siècles sous le nom de « substance ») et ses attributs. De tels problèmes, qui ne sont pas seulement des problèmes de langage, mais visent, à travers le langage, les conditions de possibilité d'une expérience cohérente du monde, n'auraient pu se poser, du moins avec cette netteté, dans un autre contexte linguistique.

3.  Transmission de la philosophie grecque

La philosophie grecque a été essentiellement transmise au Moyen Âge latin et, de là, à la philosophie moderne, par deux voies indirectes : pendant la fin de l'Antiquité et le haut Moyen Âge, par la littérature philosophique de langue latine (Cicéron, Sénèque, Quintilien, saint Augustin, saint Ambroise, Boèce...) ; à partir du XIIIe siècle, sous l'influence de traductions et de commentaires arabes (bientôt traduits eux-mêmes en latin) des originaux grecs. Cette filiation indirecte ne pouvait aller sans gauchissements, parfois lourds de conséquences. Ainsi, la traduction du grec ὀυσία par substantia, qui remonte à Quintilien, évoque l'idée d'un substrat mystérieux dissimulé sous les apparences. Or le mot grec correspondant ne contient aucune métaphore de ce genre : il signifie simplement la qualité de ce qui est proprement « étant ». Le mot grec ἐνέργεια, qui désigne l'éclat de l'œuvre achevée, n'est rendu que fort mal par le latin actus ou actualitas, qui évoque plutôt le terme d'un processus temporel. Le retour à l'original grec est apparu, à partir de la Renaissance, comme une exigence non seulement philologique, mais philosophique. C'est à cette époque que remontent les premières grandes éditions modernes de Platon (par Henri Estienne) et d'Aristote. Mais un travail considérable restait à faire, dans lequel se sont particulièrement distingués les philologues allemands du XIXe siècle.
L'influence diffuse exercée par la philosophie antique depuis le haut Moyen Âge jusqu'à nos jours n'a en effet d'égale que la précarité de nos sources. Les œuvres de presque tous les philosophes de la Grèce – à l'exception de Platon, d'Aristote et de quelques néo-platoniciens – sont en effet perdues. Reproduites à peu d'exemplaires, elles n'ont pas survécu pour la plupart au discrédit dans lequel sont tombées à la fin de l'Antiquité, sous le double coup de la propagation du christianisme et des invasions barbares, les valeurs culturelles de la Grèce. Deux circonstances ont permis néanmoins de combler partiellement cette immense lacune. La première est que ces œuvres ont été abondamment citées, voire parfois plagiées, par des auteurs grecs ou latins de la fin de l'Antiquité dont nous avons conservé les œuvres. La seconde est que, selon un exemple donné par Aristote et continué par son disciple Théophraste, s'est constitué dans l'Antiquité un genre dit « doxographique » consistant à rassembler, soit dans un ordre chronologique, soit par problèmes, les « opinions » des philosophes. Nous avons conservé certains de ces ouvrages comme les Vies et opinions des philosophes de Diogène Laërce (IIIe s. apr. J.-C.) ou les Eclogae (Ἐκλογαί) de Stobée (Ve s.), qui sont une source précieuse pour la reconstitution des doctrines perdues. L'utilisation conjointe de ces deux sources a permis de constituer, pour chaque auteur ou chaque école, des recueils de « fragments » et de témoignages qui, si imparfaits qu'ils puissent être, sont des instruments de travail indispensables pour qui veut aborder l'étude de la philosophie grecque. Les fragments des présocratiques ont été recueillis par Diels, ceux des stoïciens par H. von Arnim, ceux d'Épicure par H. Usener et, plus tard, par Arrighetti... À travers ces extraits et ces résumés, on ne peut guère espérer reconstituer avec certitude la démarche philosophique de ces auteurs, comme on s'y est efforcé avec plus de succès pour Platon et Aristote.
Il faut ajouter néanmoins que les philosophes anciens sont partiellement responsables de cet état de délabrement de nos sources. Car, s'ils ont beaucoup parlé, ils ont généralement peu écrit, du moins peu « publié » au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Si certains parmi les présocratiques (Parménide, Empédocle) ont écrit en vers, si le genre du poème philosophique s'est perpétué jusqu'à Lucrèce, il est caractéristique que les philosophes anciens ne nous aient laissé aucun traité en prose. Un passage du Phèdre de Platon (274 b-278 e) nous donne la raison de cette réserve : ce qui est écrit est figé, sans vie, incapable de se défendre ou de s'adapter ; au contraire, la parole vivante tient compte des circonstances et de l'auditeur, prévient les réactions de ce dernier, répond à ses objections, s'enrichit de ses suggestions. Comme, d'autre part, seul l'écrit reste, Platon a surmonté la difficulté en feignant de reproduire dans ses écrits la parole vivante, c'est-à-dire échangée : c'est pourquoi il a écrit des dialogues. Encore a-t-on pu se demander s'il n'avait pas réservé aux « cours » prononcés devant un petit nombre de disciples les parties les plus difficiles de sa doctrine. Cette supposition s'appuie de surcroît sur une autre distinction, courante dans les écoles philosophiques grecques, entre les discours « ésotériques », réservés au cercle des disciples, et les œuvres « exotériques », destinées à vulgariser la doctrine, ou même, dans certains cas, une autre doctrine auprès d'un plus vaste public. Ainsi les hasards de la transmission ont-ils fait que nous avons conservé les œuvres exotériques de Platon (les dialogues) et les notes des cours ésotériques d'Aristote ; nous avons perdu en revanche les cours du premier et les œuvres publiées du second.
Enfin, un autre trait permet de comprendre certaines particularités extérieures de la longue histoire de la philosophie grecque : l'existence, peut-être dès le Ve siècle et, en tout cas, à partir du IVe siècle avant J.-C. à Athènes, d'écoles philosophiques organisées (sans parler de la secte quasi religieuse des pythagoriciens, constituée dès le VIe s.). À Athènes, c'est sans doute pour faire contrepoids aux écoles de sophistes et de rhéteurs que se constituent des écoles philosophiques, où le maître, entouré d'« assistants », dispense non seulement sa propre doctrine, mais la totalité du savoir, ce qui fait de ces écoles les ancêtres de nos universités. L'important est que ces écoles aient survécu plusieurs siècles à la personne de leurs fondateurs, conservant leurs œuvres, les prolongeant sur tel ou tel point, et surtout les commentant à l'infini (d'où le genre philosophique du « commentaire », qui fleurira à la fin de l'Antiquité). Ces écoles sont dénommées d'après le lieu où se tenaient les réunions : ainsi Platon, en 387 avant J.-C., fonde-t-il l'AcadémieNTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo, Aristote le Lycée (335), Épicure le Jardin (306), Zénon de Cittium le Portique, c'est-à-dire l'école stoïcienne (vers 300). L'Académie platonicienne et le Lycée, notamment, traverseront toute l'Antiquité, non sans faire subir quelques infléchissements à la pensée du fondateur. La première connaîtra même, à la fin de l'Antiquité, une brillante renaissance, connue sous le nom de néo-platonisme. Si l'existence de ces écoles a permis de sauver bien des œuvres (celles d'Aristote en particulier), elle a eu pour conséquence de morceler, à partir duIVe siècle avant J.-C., le débat philosophique : on ne discute véritablement qu'entre disciples du même maître ; à l'égard des autres écoles, l'attitude est de polémique souvent grossière ou d'ignorance hautaine. Il faut savoir gré à l'« éclectisme » de Cicéron d'avoir instauré, auIer siècle avant J.-C., une confrontation générale des doctrines, instituant ainsi dans ses œuvres philosophiques un dialogue auquel les écoles elles-mêmes s'étaient refusées.
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[size=13]L'Académie de PlatonL'Académie de Platon, mosaïque romaine, I[size=7]er siècle av. J.-C. Maison de T. Siminius, Pompéi. Musée archéologique, Naples. 
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Crédits: CM Dixon/ Heritage-Images/ Imagestate[/size]
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4.  Bref historique de la philosophie antique

  Les présocratiques

La philosophie n'est pas née à proprement parler en Grèce, mais dans les colonies grecques d'Asie Mineure. C'est à Milet qu'une lignée de physiciens, souvent appelés ioniens en raison de leur origine, commencent à spéculer, dès le début du VIe siècle avant J.-C., sur la nature profonde des choses, c'est-à-dire sur ce qui, derrière les apparences, constitue leur principe (ἀρχή). La notion de principe n'a d'autre but que d'unifier notre expérience du monde en donnant à la diversité quasi infinie des phénomènes une origine unique. Pour Thalès (env. 630-570), le principe originel est l'eau, pour Anaximène (env. 580-520) l'air, pour Xénophane (env. 560-470) la terre. Certes, un système de transformations devait rendre compte de la diversification progressive de ce principe unique, de manière à rejoindre les phénomènes observables. On a longtemps fait de ces « physiciens », préoccupés de tout ramener à des explications « naturelles » ne mettant en jeu que des mécanismes saisissables dans l'expérience la plus quotidienne (dessiccation, criblage, etc.), les lointains précurseurs de la science moderne. En réalité, on a pu montrer (F. M. Cornford, J. P. Vernant) que leurs doctrines de la genèse du monde ne sont que la laïcisation de mythes cosmogoniques mettant en scène, sous l'arbitrage de Zeus, des divinités antagonistes, dont le conflit permet progressivement à l'ordre (ordre se dit en grec κόσμος, qui signifie aussi le monde) d'émerger du chaos. Ce qui, notamment dans laThéogonie d'Hésiode (fin du VIIIe-début du VIIe s.), était encore une suite de générations divines, devient chez les ioniens un modèle pour penser les processus naturels. Des « éléments » dépersonnalisés prennent la place des divinités ancestrales : Zeus sera désormais le feu, Hadès l'air, Poséidon l'eau, Gaia la terre.
Dans cette succession de philosophes physiciens, une place à part doit être faite à Anaximandre (env. 610-540), disciple de Thalès et maître d'Anaximène. Car, pour lui, le principe n'est pas tel ou tel élément, dont la particularité risque de faire obstacle à sa transformation dans les autres, mais quelque chose de plus fondamental, l'infini, dont il expliquait ainsi le rôle : il n'y a rien qui soit principe par rapport à l'infini, mais l'infini est principe pour tout le reste, qu'il « enveloppe et gouverne ». Ce « gouvernement » s'exerce dans le sens de la « justice », c'est-à-dire de l'équilibre (ou « isonomie ») entre éléments antagonistes qui, soumis à une loi commune, tournent à l'avantage du Tout ce qui eût été sans cela affrontement destructeur. Avec Anaximandre sont déjà constitués les traits qui demeureront ceux de la vision grecque du monde : idée que le monde est un Tout à la fois un et multiple, où la pluralité des éléments et des puissances est dominée et compensée par une loi abstraite d'équilibre et d'harmonie ; analogie constamment affirmée entre cette loi d'harmonie et la justice qui doit régir les rapports humains ; conception purement rationnelle de cette justice, à laquelle les philosophes classiques donneront une expression mathématique : la justice est l'égalité dans la différence, autrement dit l'égalité de rapports ou proportion, qui consiste en ceci que chaque élément de l'ensemble se voit reconnaître tout le pouvoir, mais seulement le pouvoir que comporte son essence, c'est-à-dire sa perfection relative. Tout dérangement de cet ordre, aussi bien dans l'ordre cosmique que politique, serait retour au chaos.
Xénophane représente la transition aussi bien géographique que spirituelle entre les philosophes ioniens et la philosophie dite « italique », qui a pour cadre le Sud hellénisé de l'Italie. Né en Ionie vers 570, il a en effet émigré en Sicile. De la cosmologie d'Anaximandre, il tire la première théologie rationnelle : il est absurde de se représenter les dieux sous des formes animales ou humaines, qui varient d'ailleurs selon les peuples ; il n'y a en réalité qu'un seul Dieu, immédiatement saisissable dans l'ordre céleste, Dieu « rond » comme l'univers, omniprésent et capable de tout percevoir, immuable, sans commencement ni fin. C'est également en Italie méridionale, à Élée, que devait vivre et enseigner un philosophe dont Platon dira qu'il est le véritable « père » de la philosophie : Parménide (env. 500-440). S'élevant d'emblée au-dessus de l'expérience, il pose le principe hors duquel, selon lui, il n'est point de salut pour la pensée : l'être est, le non-être n'est pas. Derrière cettetautologie se laissent entrevoir les conséquences les plus redoutables : s'il appartient à l'essence de l'être d'être un, fini, clos sur lui-même, immobile et parfait, tout ce qui répugne à ces prédicats devra être tenu pour non-être ; or tel est le cas des êtres sensibles, soumis au changement, qui fait qu'ils sont ce qu'ils n'étaient pas et ne sont pas ce qu'ils étaient. Ces êtres sensibles sont ce que Parménide appelle, d'un terme ambigu, les apparences (τ̀α δοκο̃υντα) : s'agit-il d'apparences illusoires se donnant à une opinion (δόξα) mal fondée ? ou, au contraire, de l'éclat (tel est aussi l'un des sens de δόξα) de l'être lui-même, qui ne peut se dévoiler qu'en se dissimulant derrière ce qui n'est pas lui et, par conséquent, « n'est pas » ? Si Parménide fut, dès l'Antiquité, généralement interprété dans le premier sens, il semble pourtant avoir accordé aux « apparences » plus de réalité que ses interprètes, puisqu'il leur consacre la deuxième partie de son poème Sur la nature, où il développe une cosmologie qui ne diffère pas fondamentalement de celle des milésiens. Son disciple Zénon d'Élée (né vers 460) complétera les intuitions du maître par une démonstration en bonne et due forme de l'inexistence du mouvement ou, du moins, de l'impossibilité de le penser : ses fameuses apories (Achille et la tortue, la flèche, le stade) ont valu à Zénon d'être qualifié par Aristote de « fondateur de la dialectique ». À ces deux grands représentants de la philosophie dite éléate, qui demeurera l'un des pôles d'attraction de la pensée antique, il faut rattacher Mélissos, qui a vécu vers le milieu duVe siècle à Samos : il semble s'être fait de l'Un une conception plus matérielle que Parménide.
Dès l'Antiquité, on a pris l'habitude de faire donner la réplique à Parménide par un philosophe non moins exemplaire, Héraclite (env. 540-460)NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photoNTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo. À la contestation parménidienne de la réalité ontologique du mouvement, on oppose volontiers la théorie héraclitéenne de la mobilité universelle, qui fait que nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve ou, comme renchérira son disciple Cratyle (env. 470-400), même pas une seule fois, parce que le fleuve n'est jamais identique à lui-même. À l'exigence parménidienne d'identité, on opposera le paradoxe héraclitéen de l'unité des contraires : jour et nuit, vie et mort, bien et mal, etc., sont un. Il ne faut pas voir là un jeu logique, à une époque où la « logique » n'existait pas encore, mais l'expression de l'unité vivante de l'univers, dont « l'harmonie contrastée, semblable à celle de l'arc ou de la lyre », a pour principe le Feu ou Λόγος divin, qui pénètre toutes choses. La même pensée des contraires se retrouve chez Empédocle d'Agrigente (env. 500-430)NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo, pour qui le monde non seulement est né, mais encore se maintient, grâce à l'action opposée, mais concourante, de deux principes : l'Amour et la Haine.
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[size=13]HéracliteSurnommé «l'Obscur», Héraclite (VI[size=7]e-Ve siècle avant J.-C.) est avec Anaximandre, Parménide et Empédocle, une figure fondatrice de la pensée présocratique. À l'aube de la philosophie, ses écrits s'interrogent sur la possibilité pour le langage de dire quelque chose de l'être. Peter Paul Rubens, Le Philosophe Héraclite, Musée du Prado, Madrid. 
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Crédits: E. Lessing/ AKG[/size]
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[size=13]Parménide - Élée (Italie)Philosophe né à Élée au VI[size=7]e siècle avant J.-C. De son œuvre, il reste une cinquantaine de vers appartenant au poème De la nature, dans lequel il traite de l’unité et de l’éternité de l’Être. Parménide est considéré comme le père de la philosophie de l’Être, l’ontologie. 
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Crédits: M. Jodice/ Corbis[/size]
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[size=13]Empédocle - Agrigente (Sicile)Originaire d’Agrigente, Empédocle vécut environ de 490 env. à 430 env. avant J.-C. Poète philosophe, il développa dans son œuvre la théorie des quatre éléments. Partisan de la démocratie, il dut quitter sa ville natale.  

Crédits: Hulton Getty[/size]
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En comparaison de ces cosmologies, qui sont des visions de poètes autant que de savants, la philosophie dite atomistique de deux ioniens, Leucippe (env. 500-420) et Démocrite (env. 460-390), paraît plus sobre ; elle s'efforce d'expliquer la constitution du monde à partir des éléments les plus simples qui se puissent concevoir, les atomes : les atomes se meuvent dans le vide selon des directions indéterminées, et leur choc engendre de proche en proche des corps de plus en plus complexes. Les qualités que nous dirions aujourd'hui secondes (couleur, odeur, saveur, etc.) n'ont d'existence que subjective ; seules sont réelles les propriétés géométriques des atomes : la grandeur, la figure et la position. S'il est vrai que l'intelligence humaine est « lestée de géométrie » (Bergson), on s'explique l'attraction durable exercée sur les philosophes et les savants de tous les temps par le « modèle » atomistique.
Avec l'école, ou plutôt la secte pythagoricienne, nous quittons le domaine strict de la philosophie de la nature. Sur la personne de son fondateur, Pythagore, né à Samos vers 570, mais émigré ensuite en Sicile, nous ne savons rien de certain, bien que la légende se soit rapidement emparée du personnage. Le pythagorisme se situe au confluent de traditions religieuses orphiques – d'où proviennent la théorie de l'âme-harmonie ainsi que celle de l'incarnation successive des âmes (métempsychose) – et de spéculations mathématiques qui se traduisent à la fois par des découvertes définitives sur les triangles rectangles ou les séries numériques et par une mystique des nombres, insistant notamment sur les propriétés du nombre 7 ou les vertus de certains rapports, qui a conduit aussi bien à des exagérations ridicules qu'à des réussites exceptionnelles dans l'ordre de l'architecture ou de la théorie musicale. Les pythagoriciens seront également actifs dans le domaine de la médecine avec Alcméon de Crotone (env. 520-450) et de l'astronomie avec Philolaos (fin VIe-début Ve s.). Mais ils contribueront surtout au progrès des mathématiques avec Archytas de Tarente (env. 440-360) et un autre grand mathématicien contemporain de Platon : Eudoxe de Cnide. Le pythagorisme traversera toute l'Antiquité et se distinguera mal, à certaines époques, d'un platonisme mathématisant.
Jusqu'à la fin du Ve siècle, Athènes reste à l'écart du grand mouvement d'idées, surtout orienté vers la connaissance de la nature, qui s'est développé en Asie Mineure et en Italie méridionale. Le premier grand philosophe, lui-même ionien, qui tente de faire carrière à Athènes, est Anaxagore (env. 499-428)NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo. Il semble avoir voulu réagir contre le mécanisme des atomistes en affirmant d'une part que, aussi loin qu'on divise un corps, on trouvera toujours des parties homogènes à la totalité et, d'autre part, que seule l'intervention de l'Intelligence (Nο̃υς) est à même d'ordonner le Mélange primitif en un monde (κόσμος). C'est surtout par sa doctrine du Nο̃υς organisateur qu'Anaxagore exercera une influence sur Socrate, Platon et Aristote. Cet esprit, que nous jugerions aujourd'hui bien-pensant, n'en passera pas moins aux yeux des Athéniens pour un dangereux novateur : pour avoir dit que la Lune était une pierre (et non une déesse), il sera menacé d'un procès d'impiété.
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[size=13]Anaxagore - Clazomènes (Asie mineure)Né à Clazomènes vers 500 avant J.-C., Anaxagore vint se fixer à Athènes, où il introduisit la notion d'« intelligence » (Noûs) ordonnatrice de la nature. Il appartenait au cercle  des proches conseillers de Périclès. Condamné pour impiété parce qu'il avait soutenu l'idée d'une astronomie mé… 

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  La philosophie à Athènes aux Ve et IVe

فدوى
رد: NTIQUITÉ Naissance de la philosophie
مُساهمة الأحد فبراير 14, 2016 10:38 am من طرف فدوى

  La philosophie à Athènes aux Ve et IVesiècles avant J.-C.

L'exemple d'Anaxagore, bientôt suivi de celui, plus tragique, de Socrate, montre quelles difficultés dut surmonter la philosophie pour s'implanter à Athènes. La tradition proprement athénienne était en effet tout autre et rien moins que spéculative. L'intérêt exclusif que les Athéniens accordaient à la parole comme lieu privilégié des relations humaines les condamnait à se désintéresser du spectacle de la nature, dont l'exploration théorique passait pour une curiosité malsaine. D'autre part, l'hypertrophie des fonctions sociales vouait les Athéniens à une morale de la mesure, de la « prudence », de la tempérance et de la temporisation, très éloignée de tout radicalisme philosophique. La véritable tradition athénienne est celle des « sept sages », personnages mi-légendaires mi-historiques, dont la liste était du reste mal arrêtée (le plus connu est Solon, env. 640-570 ; on y incluait parfois Thalès) et auxquels on attribuait des sentences comme : « Rien de trop », « Connais-toi toi-même » (c'est-à-dire : connais ta mesure, tes limites), « Sache saisir l'occasion ».
Ce n'est pourtant pas cette éthique de la mesure et de l'opportunité, mais l'exaltation des pouvoirs les plus extrêmes de la parole qui allait susciter à Athènes, dans la seconde moitié du Ve siècle, un type nouveau d'intellectuels, les sophistes. Ce titre, qui n'avait rien de désobligeant, désignait moins un courant doctrinal qu'une profession : les sophistes sont des professeurs qui enseignent, moyennant rétribution, l'ensemble des connaissances utiles à la réussite sociale. Or l'important n'est pas la possession d'une capacité déterminée, mais l'art de les acquérir toutes (d'où les prétentions « polytechniques » de certains sophistes, tel Hippias, qui prétendait avoir fabriqué lui-même tout ce qu'il portait sur lui) ou, comme cette prétention à l'universalité se révèle vite illusoire, l'art de feindre une compétence universelle que l'on n'a pas en fait. Ce dernier art est évidemment celui de la parole, dont les sophistes exaltent la puissance, capable qu'elle est de faire paraître vrai même le faux, mais sans laquelle aussi la science du plus grand savant est vaine, faute de pouvoir se communiquer. Le sophiste est l'homme total, ouvert à tout et à tous, universellement disponible, mais qui n'est pas très regardant sur les moyens de parvenir à cette universalité. On aperçoit l'ambiguïté de ces personnages, sur lesquels a pesé pendant des siècles la condamnation portée contre eux par Platon, mais que la critique moderne a tendance à réhabiliter. Ils ont contribué à faire de la philosophie un « métier » et à la rapprocher par là des autres métiers, notamment manuels, que les Grecs cultivés étaient toujours tentés de mépriser. Mais, surtout, en expérimentant jusqu'à leurs dernières limites les pouvoirs de la parole, ils ont constitué le langage, volontairement coupé de son rapport à la réalité, en objet autonome, ayant ses lois et ses règles, qu'ils ont commencé de codifier. Ils furent par là les incontestables précurseurs de la logique. Les principaux sophistes sont : Protagoras (env. 490-420), pour qui « l'homme est la mesure de toutes choses » ; Gorgias (env. 480-390), théoricien de la rhétorique, mais aussi auteur d'un traité Sur le non-être, qui s'inscrit dans la tradition parménidienne ; Prodicos, l'un des maîtres de Socrate, qu'il initia entre autres à l'art de distinguer les significations multiples des noms. Dans l'ordre moral et politique, les sophistes opposent la nature et la loi, soit pour exalter cette dernière, soit plus souvent au contraire pour en dénoncer le caractère artificiel et antinaturel.
Le rapport de Socrate (470-399) aux sophistes est complexe. D'une part, il se rapproche d'eux en ce que, réagissant contre la tradition des physiciens, il convertit la philosophie de la considération de la nature à celle de l'homme. Comme eux, il enseigne l'homme de la rue, l'homme quelconque. Comme eux, il assigne à la philosophie une fonction moins spéculative que critique. Comme eux, il attribue une signification exemplaire à l'activité artisanale. Comme eux, enfin, il lui arrive de mettre en question les fondements de la société et de la cité. De fait, ses contemporains ne semblent avoir vu en lui qu'un sophiste parmi d'autres. Pourtant, ce sophiste est à ce point singulier qu'il inaugure une nouvelle période, la plus brillante, de la philosophie grecque et que, par rapport à lui, tous les philosophes antérieurs se voient rejetés dans la masse indistincte des « présocratiques ». Il n'est pas facile de cerner exactement le contenu de cette révolution socratique. On n'en aurait qu'une faible idée en se bornant aux propos, empreints de plus de bon sens que de génie, que lui attribue son disciple Xénophon (env. 425-350) dans ses Mémorables. À l'inverse, Platon est un disciple trop brillant pour qu'il soit aisé de faire le départ entre le Socrate qu'il met en scène dans ses dialogues et le Socrate historique, qui, comme on sait, n'a rien écrit. Il semble en tout cas que Socrate ait innové sur trois points : 1. Il met au point une méthode, la dialectique, qui, grâce à un jeu progressif de questions, démasque les faux savoirs de l'adversaire ; instrument de mise à l'épreuve et de critique, la dialectique ne se contente pas de la vraisemblance, mais au contraire dénonce l'apparence abusive du vrai. Socrate, lui, ne sait pas plus que son adversaire ; du moins sait-il qu'il ne sait rien. 2. La dialectique a aussi un usage plus positif : par la progression contraignante qu'elle comporte, qui laisse derrière soi l'accidentel et le particulier, elle élève les interlocuteurs du dialogue à l'intuition de l'essence ou de l'universel, qui dissipe les fausses querelles. 3. Une de ces essences joue déjà chez Socrate un rôle privilégié : c'est l'essence du Bien. Dès lors qu'elle est appréhendée, les jeux de langage comme les initiatives humaines cessent d'être livrés à l'arbitraire pour obéir à l'autorité d'une norme. La vertu n'est ni une qualité naturelle ni le résultat d'une convention : elle est la science du Bien. Certes, la mort tragique de Socrate, condamné en 399 à boire la ciguë pour avoir corrompu la jeunesse et offensé les dieux de la cité, ne contribuera pas peu à sa gloire posthume. Mais la mort ne rend éternel que ce qui mérite de l'être.
Le plus grand disciple de Socrate est Platon (428 ou 427-348 ou 347). Son œuvre est la synthèse géniale qui totalise les acquisitions de la philosophie précédente et transfigure ses tâtonnements. Rien ne lui est étranger : ni les écrits philosophiques de ses prédécesseurs, ni l'essor des mathématiques contemporaines, ni les progrès non moins spectaculaires de l'astronomie, ni même, quoique à un moindre degré, les premiers développements de l'école médicale dont Hippocrate avait été à Cos l'initiateur. Mais son trait de génie consiste à avoir unifié les deux préoccupations disjointes, naturaliste et humaniste, de la philosophie antérieure. Son but est le salut de l'homme et, pour cela, la meilleure organisation possible du seul cadre où l'homme puisse vivre en harmonie avec les autres et avec lui-même : la cité. Mais la réforme politique passe par la connaissance de la réalité, de la « nature » véritable des choses, c'est-à-dire non de leur apparence sensible mais de leur essence. Pour bien marquer que les essences, immuables, éternelles, intelligibles, sont « séparées » de leurs manifestations sensibles, soumises à la naissance, au changement et à la mort, Platon projette les premières dans un autre monde, le monde des Idées. L'Idée devient dès lors le modèle dont les réalités sensibles sont des copies affaiblies, mais auquel elles continuent de « participer ». Ce détour par les Idées, ce « long circuit » n'est qu'un moment dans la démarche platonicienne. À la dialectique ascendante, qui élève le philosophe jusqu'aux Idées, doit succéder une dialectique descendante, par laquelle, à la façon dont l'Artisan divin a façonné le monde sensible en prenant pour modèle le monde intelligible, le philosophe devra s'efforcer de façonner la cité terrestre à l'image de l'ordre qui règne entre les Idées. Ce schéma général ne donne qu'une faible idée de la richesse de la démarche platonicienne. Une évolution est, d'autre part, saisissable entre les dialogues d'inspiration socratique et les dialogues métaphysiques, où est examiné non seulement le rapport des Idées aux sensibles, mais le rapport des Idées entre elles. Dans son enseignement oral, Platon semble avoir donné à sa doctrine un développement de plus en plus mathématique, se préoccupant d'engendrer les Idées elles-mêmes à partir de deux Principes : l'Un (ou Limite) et la Dyade indéfinie du Grand et du Petit (ou de l'Excès et du Défaut), qui, en agissant l'un sur l'autre, donnent naissance à des rapports mathématiques de plus en plus complexes, auxquels Platon donne le nom de Nombres (ou Figures) idéaux. C'est cet aspect logico-mathématique de la doctrine qui semble avoir été l'objet des débats les plus vifs à l'intérieur de l'école platonicienne, l'Académie. À la mort de Platon, Speusippe, puis Xénocrate, qui lui succéderont à la tête de l'école, se préoccuperont avant tout du rapport entre les mathématiques et la théorie des Idées.
Mais le disciple le plus célèbre de Platon est aussi celui qui lui fut le moins fidèle. Aristote (385-322)NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo, ancien élève de l'Académie, se sépare dès avant la mort de Platon de son maître et de ses condisciples, en déplorant qu'avec eux « les mathématiques soient devenues toute la philosophie ». L'attention d'Aristote se porte bien plutôt sur le langage, dont, à la suite des sophistes injustement méprisés par Platon, il entreprend de dégager la structure, et cela sur un double plan. D'une part, il édicte les règles formelles du discours cohérent, indépendamment de la vérité ou de la fausseté de son contenu : en cela, il est le fondateur incontesté de la logique. D'autre part, il découvre, inscrites dans le langage le plus ordinaire, les catégories qui nous permettent de structurer l'expérience, mais aussi de la dépasser vers un discours sur la totalité et sur son sens, auquel il donne le nom d'être en tant qu'être. Telle est, à côté d'une théologie plus traditionnelle, l'ambition la plus neuve de ses traités dits « métaphysiques ». Si la logique est une syntaxe, la métaphysique est une sémantique du discours sur l'être, c'est-à-dire de ce qu'il y a de plus intérieur à tout discours. On devine par là qu'Aristote, esprit plus positif que Platon, ait pu faire l'économie d'une projection mythique de l'intelligible dans un monde transcendant : l'intelligible n'est autre que la structure de notre discours sur l'expérience, à condition d'ajouter que le discours sur l'expérience ne naît pas de l'expérience, puisqu'il rend seul possible son organisation. Aussi, dans tous les domaines, Aristote est-il attentif aussi bien aux données de l'expérience qu'aux conditions de son organisation : si ses travaux biologiques répondent à la première exigence, sa physique est plutôt une réflexion sur les secondes. Dans le domaine de la morale et de la politique, Aristote propose de même unephénoménologie des conduites les plus généralement approuvées ou des constitutions les mieux acceptées, mais c'est pour réfléchir sur les conditions de possibilité de ce que les hommes appellent bonheur, vertu ou communauté. Aristote est un de ces « géants de la pensée » dont la philosophie échappe à toute classification, parce qu'elle pense, et par là domine, les oppositions les plus classiques : ici, celles de l'expérience et de la raison, de la nature et de la loi, des mots et des choses. Aristote était en avance sur son temps : il ne sera compris ni de ses contemporains ni même de ses disciples. L'école qu'il avait fondée en 335, le Lycée, sombrera rapidement dans le morcellement des disciplines, qu'Aristote avait voulu surmonter. Si Théophraste (env. 360-280) prolonge timidement la spéculation métaphysique de son maître, l'école, à partir de Straton (env. 320-250), ne s'intéressera plus qu'à des problèmes de physique et de morale, négligeant le double héritage métaphysique et logique légué par le fondateur.
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[size=13]AristoteDe la «Physique» à la «Métaphysique», Aristote (385 env.-322 avant J.-C.) dresse l'inventaire exhaustif d'un monde où la réalité s'ordonne selon les catégories logiques de la pensée. Juste de Gand, Portrait d'Aristote, Musée du Louvre, Paris. 

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De même qu'Aristote ne fut pas le seul disciple de Platon, Platon n'avait pas été le seul disciple de Socrate. Le platonisme a éclipsé un grand nombre d'autres auteurs, qui ont foisonné dans le prolongement immédiat de l'enseignement de Socrate. On les groupe assez arbitrairement sous la dénomination de petits socratiques. La plupart d'entre eux, encore moins soucieux que Socrate de philosopher sur la nature, ont renchéri sur sa critique de la société et des mœurs. C'est même par une protestation spectaculaire contre le conformisme que se sont signalés les plus célèbres d'entre eux, les cyniques, dont le plus connu est Diogène de Sinope ; mais le théoricien de l'école fut Antisthène (env. 440-370). Les cyrénaïques (Aristippe, Hégésias) situent dans le plaisir, qui est un mouvement, le but de la vie. Moins bien connus, mais non moins importants, sont les mégariques (Euclide de Mégare, Diodore Cronos, Stilpon) qui, dans la tradition à la fois des éléates et de certains sophistes, développent des argumentations rigoureuses pour montrer que le possible est une pseudo-idée et qu'il n'y a en fait de « possible » que ce qui a été, est ou sera réel.

  Les philosophies hellénistiques

La mort d'Aristote (322), qui suit d'un an celle d'Alexandre, marque une coupure, au moins relative, dans l'histoire de la philosophie grecque. Le platonisme classique et, à un moindre degré ou avec moins de succès, l'aristotélisme tendaient à l'unité de la théorie et de la pratique : la vision des essences est la condition de l'action droite et, en particulier, de la politique juste. À la fin du IVe siècle, de telles spéculations ne sont plus qu'un thème d'école, dès lors que la « pratique » dépend non de la volonté ou du savoir des citoyens, mais des décisions d'un maître étranger : la Macédoine d'abord et, plus tard, Rome. Faute de pouvoir se manifester, comme dans l'Athènes classique, dans l'exercice de la citoyenneté, la liberté tend à s'intérioriser et à se confondre avec l'autarcie du sage, qui est d'autant plus libre qu'il a moins de besoins et qu'il est plus indifférent aux circonstances. D'autre part, alors que les philosophies de Platon et d'Aristote faisaient dépendre le bonheur de l'homme d'une longue et coûteuse préparation théorique, les philosophies nouvelles vont promettre le bonheur au plus grand nombre par les voies les plus courtes, la plus immédiate de toutes étant la conversion de la volonté, la plus sûre le renoncement aux biens extérieurs. C'est donc une atmosphère de retraite, de repliement sur la vie privée et le for intérieur qui caractérise les philosophies de l'époque hellénistique, quand ce n'est pas la mise en question sceptique de toute théorie.
Trois courants se laissent ici aisément dégager.
1. Le stoïcisme (du nom de l'école fondée vers 300 au lieu dénommé Στοά, Portique) n'est pas lié à la personnalité d'un fondateur, mais plutôt de trois : Zénon de Cittium (333-261), Cléanthe (env. 330-250) et Chrysippe (282-206). Tous trois étaient des étrangers à Athènes : les deux premiers venaient de Chypre, le troisième d'Asie Mineure. On explique souvent par là leur tendances cosmopolites. On pourrait aussi rattacher à leur expérience probable des langues barbares un sens nouveau, plus critique, de la relativité du langage. La philosophie est comparée par eux à un champ dont la physique serait le sol, la morale les fruits et la logique la clôture. Ces trois parties de la philosophie ne se déduisent pas les unes des autres, mais comportent des analogies de structure, qui s'expliquent par le fait qu'un même principe, le Λόγος, pénètre les phénomènes de la nature, assure la cohérence du discours et la rectitude de la conduite. Cet ensemble, où chaque partie renvoie à la totalité, est ce que les stoïciens appellent pour la première fois un « système ». Ce système, à la différence des « théories » platonicienne et aristotélicienne, vaut plus par sa cohérence que par sa richesse. La physique des stoïciens est surtout programmatique et se borne précisément à souligner la cohérence, la « sympathie » qui lient entre eux les phénomènes de la nature en un Tout harmonieux qui se confond avec Dieu (lequel n'est donc pas transcendant). Leur logique, qui ignore l'universel, ne repose pas, comme celle d'Aristote, sur des inclusions de concepts, mais sur des consécutions de propositions. Leur morale enseigne à l'homme qu'il doit consentir aux décrets de la Providence et que, s'il ne peut toujours saisir la rationalité cachée des événements, il doit du moins s'exercer à considérer comme seul bien le bien moral et comme indifférent tout ce qui ne dépend pas de nous-mêmes. Cette « philosophie-bloc » (Bréhier), plus massive que subtile, se conservera avec une relative pureté durant la longue histoire du stoïcisme. Si le moyen stoïcisme (Panétius : env. 180-110 av. J.-C. ; Posidonius : 135-51) tend à enrichir le système de développements politiques ou physiques, le nouveau stoïcisme, qui fleurira à Rome aux deux premiers siècles de notre ère et donnera lieu à des œuvres importantes de langue latine (Sénèque : du début de l'ère chrétienne à 65) ou grecque (Épictète : 50-127 ;Marc Aurèle : 121-180), reviendra inlassablement à l'orthodoxie morale de l'école.
2. De même, Épicure (341-271)NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Td_photo, le fondateur de l'école du Jardin, placera avant toute chose le bonheur de l'individu. Il n'hésitera pas à dire que ce bonheur réside dans le plaisir, quitte à concevoir ce plaisir sous une forme plus subtile que les cyrénaïques : le plaisir véritable n'est pas le plaisir en mouvement, qui s'accompagne toujours de quelque douleur, mais bien plutôt l'état paisible de l'organisme, qu'entretient, dans une vie frugale et simple, la satisfaction des seuls désirs qui soient naturels et nécessaires. Mais Épicure était trop philosophe pour se désintéresser de l'interprétation de la nature : il choisira, dans la tradition, la doctrine qui apporte le mieux à l'homme la paix de l'âme, en le libérant des superstitions et de l'asservissement au destin. Il croira trouver ces conditions dans l'atomisme de Démocrite, qu'il complétera néanmoins sur un point pour éviter que le mouvement des atomes ne soit soumis à un déterminisme qui rendrait toute liberté impossible ; il admet que les atomes sont animés de deux mouvements, un mouvement nécessaire résultant de leur pesanteur et un mouvement fortuit, la déclinaison, qui leur permet, en déviant de la ligne droite, de se rencontrer et de constituer des corps. Si la partie physique de l'œuvre d'Épicure est presque entièrement perdue, son disciple romain Lucrèce (Ier s. av. J.-C.) nous a laissé un poème Sur la nature des choses, où il expose et développe, sans doute en remontant parfois à ses sources présocratiques, le système physique d'Épicure.
NTIQUITÉ Naissance de la philosophie Ph020125Photographie
[size=13]ÉpicureAvec Épicure (341-270 avant J.-C.), le matérialisme devient un système où la description «atomiste» du monde guérit l'homme de ses peurs en le menant sur la voie de la sagesse et du plaisir. Le Philosophe Épicure (à droite du document). Miniature de l'école napolitaine, vers 1460. Collection privée. 

Crédits: AKG[/size]
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فدوى
رد: NTIQUITÉ Naissance de la philosophie
مُساهمة الأحد فبراير 14, 2016 10:38 am من طرف فدوى
3. La troisième tendance philosophique de l'époque hellénistique est moins une école qu'un état d'esprit assez diffus, qui se retrouve chez des philosophes d'origine diverse. Il s'agit du scepticisme, encore appelé pyrrhonisme, du nom de celui qui lui a donné la forme la plus radicale : Pyrrhon (env. 350-270). Il semble que Pyrrhon, qui, comme Socrate, n'a rien écrit, ait poussé à l'extrême l'attitude socratique de l'examen (σκέϕις), au point de nier toute certitude. Dans le même temps, l'école platonicienne connaissait un avatar singulier, qui allait la rapprocher du scepticisme : deux des scolarques (chefs d'école) de l'Académie, désignée à cette époque de son histoire sous le nom de Nouvelle Académie, Arcésilas (env. 320-240) et Carnéade (env. 210-130), allaient interpréter la dialectique socratico-platonicienne, cet art d'un dialogue qui paraît souvent sans conclusion, en un sens probabiliste. Dans une polémique avec les stoïciens, ils soutiennent qu'on ne peut distinguer une représentation vraie d'une représentation fausse : la seule attitude légitime est dès lors celle du doute, de la suspension du jugement, ce qui n'implique pas, comme pour Pyrrhon, qu'il n'y a pas de vérité, mais seulement qu'elle est inaccessible. C'est à ce courant qu'on peut rattacher le plus commodément l'éclectisme de Cicéron (106-43). C'est à un philosophe médecin du IIIe siècle de notre ère, Sextus Empiricus, que nous devons d'avoir conservé dans le détail les argumentations dialectiques de Pyrrhon et des nouveaux académiciens.

  La fin de l'Antiquité

Comme il est arrivé plusieurs fois dans l'histoire de la philosophie, le découragement sceptique et la facilité éclectique ont été suivis d'une vigoureuse renaissance spéculative, dont l'école platonicienne va être le foyer. Certes, les platoniciens du Ier siècle de notre ère, dont le plus célèbre est Plutarque (45-125), ne s'élèvent pas au-dessus d'un dualismebien-pensant, teinté de religiosité, qui oppose la matière, source du mal, et le principe du bien. D'un autre niveau est la philosophie de Plotin (204-270), qui, né en Égypte, formé à Alexandrie, a enseigné à Rome après un voyage en Orient. On a pu le croire influencé par les religions orientales, mais on peut voir tout aussi bien dans sa philosophie un platonisme poussé jusqu'à ses extrêmes conséquences. Le problème de Plotin est de surmonter l'opposition platonicienne de l'Un et du multiple en engendrant le multiple à partir de l'Un. Cette génération ou « procession » prend la forme d'une dispersion progressive de l'Un, qui est néanmoins scandée par des arrêts ou hypostases (de ὑπόστασις) : l'intelligence et l'âme. La matière est à la fois le terme extrême de la descente et, à chaque niveau, l'occasion de la dispersion. Mais l'Un reste présent, quoique voilé, derrière ses manifestations, et il est possible de le rejoindre par un effort de sens inverse, ou « conversion », en quoi consiste le salut de l'homme. De l'Un on ne peut parler, car la parole est de l'ordre de la composition : du moins peut-on dire de l'Un ce qu'il n'est pas, l'exhaussant ainsi au-delà de toute détermination. Par ce dernier trait, Plotin est l'initiateur d'une tradition qui sera très vivante au Moyen Âge, du pseudo-Denys l'Aréopagite (VIIIe s.) aux mystiques rhénans du XIVe : celle de la « théologie négative ». Si les premiers disciples de Plotin, Porphyre et plus encore Jamblique, manquent d'originalité, c'est encore au néo-platonisme que la philosophie antique devra son dernier éclat. Deux grands philosophes,Proclus (410-485) et Damascius (VIe s.), déploieront, dans le commentaire et la systématisation du platonisme, une dialectique exacerbée et une extraordinaire puissance spéculative. Ce feu d'artifice signifiait, hélas ! la fin d'une époque. En 529, l'empereurchrétien d'Orient Justinien ferme les écoles philosophiques d'Athènes et disperse les philosophes qu'elles groupaient.
Depuis quelque temps déjà, la philosophie païenne, de plus en plus teintée d'ailleurs de mysticisme, apparaissait comme le dernier obstacle au triomphe spirituel du christianisme. L'affrontement prit parfois des formes brutales, témoin la philosophe platonicienne Hypatie assassinée au VIe siècle à Alexandrie par des chrétiens fanatiques. Mais la plupart des penseurs chrétiens, le plus souvent de formation classique, prirent bientôt le parti de voir dans la sagesse grecque, non pas la « folie devant Dieu » qu'y dénonçait saint Paul, mais la manifestation la plus haute de la raison, qui, même livrée à ses seules forces, n'en témoigne pas moins de son origine divine. De cette volonté de synthèse, dont le plus grand témoin demeure saint Augustin (354-430), allait naître la théologie, le Λόγος grec appliqué au Dieu d'Abraham et de Jacob. Mais l'œuvre d'Augustin, sinon par sa date, du moins par son contenu, appartient déjà à un nouvel âge.
Il est difficile de porter un jugement de valeur unique sur la philosophie antique, qui s'étend sur près de douze siècles et contient comme en un microcosme la totalité des attitudes philosophiques possibles. Si néanmoins l'on met à part les philosophies de l'époque hellénistique et romaine, qui répondent aux besoins spirituels nouveaux nés de l'interminable agonie de l'hellénisme classique, une remarquable continuité se laisse discerner des présocratiques à Aristote. Cette continuité a été le plus souvent ressentie comme l'émergence progressive de la pensée logique et rationnelle. Mais le progrès ne va jamais sans quelque perte, au point que des auteurs comme Nietzsche et Heidegger y ont vu au contraire l'amorce d'une décadence ou d'un « oubli », comme si le commencement présocratique de la philosophie en avait été le sommet. Il reste que la métaphysique grecque classique, « transition » – comme l'a vu Auguste Comte – entre le mythe et la positivité, doit à sa position médiane de nous mettre en garde contre cela même qu'elle a fait advenir : la réduction de l'être à ses formes représentables, calculables et techniquement disponibles. Initiatrice de la modernité, cette philosophie en demeure peut-être, par la réflexion qu'elle peut encore susciter, le meilleur antidote.
Pierre AUBENQUE
 

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