** متابعات ثقافية متميزة ** Blogs al ssadh
هل تريد التفاعل مع هذه المساهمة؟ كل ما عليك هو إنشاء حساب جديد ببضع خطوات أو تسجيل الدخول للمتابعة.
** متابعات ثقافية متميزة ** Blogs al ssadh

موقع للمتابعة الثقافية العامة
 
الرئيسيةالرئيسية  الأحداثالأحداث  المنشوراتالمنشورات  أحدث الصورأحدث الصور  التسجيلالتسجيل  دخول  



مدونات الصدح ترحب بكم وتتمنى لك جولة ممتازة

وتدعوكم الى دعمها بالتسجيل والمشاركة

عدد زوار مدونات الصدح

 

 ÉTAT

اذهب الى الأسفل 
كاتب الموضوعرسالة
فدوى
فريق العمـــــل *****
فدوى


التوقيع : ÉTAT I_icon_gender_male

عدد الرسائل : 1539

الموقع : رئيسة ومنسقة القسم الانكليزي
تاريخ التسجيل : 07/12/2010
وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 7

ÉTAT Empty
13022016
مُساهمةÉTAT

Selon qu'on met l'accent sur la force, sur le droit ou sur la légitimité, l'étude de l'État est susceptible d'être conduite suivant trois approches très différentes : sociologique, juridique, ou philosophique. Y aurait-il donc autant d'États qu'il y a de manières de l'observer ? Le juriste Georges Burdeau le constatait déjà dans la notice qu'il consacra à ce sujet dans la première édition de cette encyclopédie. Mais aujourd'hui, c'est probablement moins la diversité des définitions de l'État qui est problématique que sa possible disparition. À l'heure de la mondialisation et de la construction européenne, on ne compte plus les livres ou les articles qui évoquent la fin prochaine de l'État. Celui-ci serait une forme du pouvoir politique dépassée, parce qu'adossée à la nation, elle-même devenue obsolète en raison de l'influence croissante des puissances économiques et financières. La thèse n'est cependant pas entièrement nouvelle. En 1941, le juriste allemand Carl Schmittdiagnostiquait déjà la mort de l'État, considérant que celui-ci avait perdu le monopole du politique à l'intérieur de ses frontières et n'était plus le pilier de l'ordre international. Plus récemment, une sociologue américaine, Sasskia Sassen, a interprété la mondialisation et ses ravages comme la manifestation tangible de l'effacement de l'État : celui qui avait réussi à produire « l'assemblage du national », serait menacé par son « désassemblage », résultat des formes modernes du capitalisme. Il serait devenu une puissance impuissante face aux nouvelles formes de pouvoir prises par l'économie mondiale. On ne compte plus, par ailleurs, les essais dans lesquels est annoncé le dépérissement « par en bas » de l'État, c'est-à-dire par les processus de décentralisation et de régionalisation, même si l'on parle, non sans paradoxe, d'un « État régional ».
Malgré tous ces pronostics pessimistes, l'État, ce « monstre froid », selon le mot de Nietzsche, n'est pas encore mort, même s'il n'est plus triomphant. Il n'y a pour l'instant pas d'autre institution qui soit propre à le remplacer. Le Jacques Chevallier peut affirmer, non sans raison, que l'État « demeure aujourd'hui le principe fondamental d'intégration des sociétés et le lieu privilégié de formation des identités collectives ». D'ailleurs, une preuve empirique récente de cette persistance du fait étatique ne réside-t-elle pas dans le nombre d'États qui se sont formés après l'éclatement de l'Union soviétique et de la fédération yougoslave ? N'est-il pas en outre significatif que les trois petites nations baltes aient choisi la forme de l'État unitaire plutôt que la forme fédérale ?
Il reste que le concept d'État doit être analysé correctement. Il sera abordé ici à partir du droit. Rappelons que, en tout cas depuis les travaux de Max Weber (1864-1920), unesociologie de l'État existe aussi. Les progrès de cette discipline ont montré, notamment en France à partir des travaux de Pierre Birnbaum et de Bertrand Badie, que le fait étatique est une variable indépendante qui peut expliquer quantité d'autres faits sociaux (importance de l'anarchisme dans les sociétés à État fort, importance des grands corps administratifs, etc.). Mais nous nous attacherons à une explicitation de ce concept dans son seul aspect juridique, avec la conviction qu'elle peut servir aux autres sciences sociales. En effet, on ne peut pas simplement définir l'État comme une entité géopolitique délimitée par des frontières territoriales, à l'intérieur desquelles des lois s'appliquent et des institutionsexercent l'autorité. Nous tenterons donc de montrer que la notion d'État, spécifiquement juridique, est à la fois plus riche et plus complexe. Au préalable, il convient de souligner que l'État est aussi et d'abord un produit historique.

1.  Un concept né en Europe

Même s'il s'est universalisé, l'État est un concept profondément européen ; de très nombreux travaux ont démontré qu'il est le produit d'une histoire particulière. Les recherches d'historiens tels que Joseph Strayer (1904-1987) ont révélé les origines médiévales de l'État (expansion du commerce, de la guerre et de l'impôt, etc.). Elles ont permis également d'étudier les différents acteurs qui ont contribué à sa genèse (dynasties royales, juristes de cour, bourgeoisie patricienne, etc.). L'État est, au premier chef, une construction juridique, une invention de juristes. Autrement dit, les origines intellectuelles de l'État se trouvent dans le droit. Carl Schmitt a su exprimer en termes imagés cette naissance de l'État. « Nous sommes conscient, écrit-il, que la science juridique est un phénomène spécifiquement européen. Elle n'est pas seulement de l'intelligence pratique ou de l'artisanat. Elle est profondément enfouie dans l'aventure du rationalisme occidental. Elle prend sa source dans l'esprit de deux vieux parents. Son père est le droit romain ressuscité, sa mère l'Église romaine. La séparation d'avec la mère a été, après plusieurs siècles de durs affrontements, finalement accomplie lors des guerres civiles confessionnelles. L'enfant s'accrocha à son père, le droit romain, et abandonna la maison de la mère. Il chercha un nouveau foyer et le trouva dans l'État. La nouvelle maison était princière, un palais de la renaissance ou du baroque. Les juristes se sentaient fiers et de loin supérieurs aux théologiens. » L'État vient ici remplacer l'Église comme lieu d'identification collective et se situe, depuis lors, toujours en concurrence avec le pouvoir spirituel qu'il a voulu, en tant que pouvoir temporel, supplanter.
Une courte enquête sémantique n'est pas inutile pour mieux comprendre les origines du mot. État vient du mot latin status, ce qui explique son homogénéité étymologique dans l'espace européen qui a connu la domination du christianisme latin (alors qu'il est désigné sous l'antique nom de kratos chez les Grecs). Au Moyen Âge, le terme status n'est jamais employé seul pour désigner une entité politique : il est toujours accompagné d'un attribut, par exemple status civitatum, status nobilitatisstatus reipublicae. Les usages médiévaux du terme ou de ses multiples dérivés en langue vulgaire (estatestadostato) renvoient ainsi à d'autres réalités, à des différences de condition fondées sur la distinction des fonctions spirituelles et temporelles, sur le rang social, le rôle politique (les estats généraux), etc. Comment est-on alors passé, en quelques siècles, de ces multiples formes composées de status à l'expression et à l'idée moderne d'État, avec en outre le privilège de la majuscule qui le singularise ? Il est probable que Nicolas Machiavel a donné au mot ses lettres de noblesse – ou d'infamie ? – en attribuant une signification générique au mot italien stato. Dès la première phrase de son fameux essai, Le Prince, il semble définir le stato comme étant l'unité politique moderne : « Tous les états, toutes les seigneuries qui ont eu ou ont commandement sur les hommes, ont été ou sont soit des républiques soit des principautés. »
L'implantation du mot a d'abord été assez lente et a pris des voies diverses suivant les pays. En France, le mot État demeure largement inconnu au XVIe siècle : c'est le mot deRespublica qui est d'usage. C'est ce dernier terme que le juriste Jean Bodin utilise pour intituler sa somme politique, Les Six Livres de la République (1576), que l'on considère souvent comme le premier véritable traité sur l'État. La situation est donc paradoxale : si Machiavel use le premier du terme dans son sens moderne (forme impersonnelle du pouvoir organisé sur un territoire), Bodin, inventeur de la notion de souveraineté qui est la marque caractéristique de l'État, ignore le mot. Dans la doctrine savante française, le mérite d'avoir associé les deux termes souveraineté et État revient, semble-t-il, au juriste Charles Loyseau, dans son Traité des Seigneuries publié en 1608. Dès lors, le terme État est officiellement reconnu en France.
L'étude des progrès de l'implantation géographique du mot révèle des zones de forte résistance comme en Angleterre et dans les pays de langue anglaise, où l'on préférera pendant très longtemps user du mot ancien Commonwealth, où le mot État (state) n'a non seulement jamais pris de majuscule mais n'a jamais réussi à s'imposer exclusivement, restant aujourd'hui encore souvent concurrencé par d'autres mots (governmentCrown, etc.). En terres germaniques, le mot État fut longtemps vide de sens dans ce vaste espace où continuaient à dominer en s'imbriquant les concepts médiévaux d'empire (Reich), de fédération (Bund), de principauté (Fürstentum) et de ville libre (Freistadt). Ces mots servirent à désigner ce que, en France, on appelait déjà l'État. Au cours du XXe siècle, avec la décolonisation, l'introduction du concept d'État dans les pays nouvellement devenus indépendants est comparable à une greffe qui a plus ou moins réussi, selon les cas.
Dans une perspective historique, l'avènement de l'ère de l'État, à partir du XVIIe siècle, signifie que ce nouvel ordre politique se substitue à l'ordre féodal qui disparaît, qu'il succède également aux cités, au sens antique, ou villes, au sens moderne (Venise, Gênes, Bruges, Hambourg...). Sa domination insolente témoigne d'un processus d'extension territoriale et de concentration du pouvoir qui réduit à la portion congrue les formes concurrentes que sont, d'une part, la fédération, et, de l'autre, l'empire territorial. Il désigne désormais, comme l'a joliment écrit le juriste allemand Herbert Krüger, « une réponse historique à un problème intemporel ». Ce problème est celui de la conciliation à opérer entre l'autorité et la liberté. Le propre de l'État est de constituer un nouveau mode d'agencement du pouvoir caractérisé par une très forte abstraction et par une grande souplesse d'adaptation dans la mesure où il est compatible avec de multiples formes degouvernement.

2.  Théorie de l'État

L'État apparaît non seulement comme un pouvoir souverain et institutionnalisé, mais aussi comme une organisation qui permet aux individus de vivre ensemble, qui les soude dans une collectivité politique. C'est ce triptyque qu'il convient maintenant de décrire.

  Un pouvoir souverain

Si l'on peut définir l'État comme un « mode particulier d'organisation politique », c'est par sa souveraineté, qui lui confère, en même temps que son critère, son principe d'unité d'action. La souveraineté exprime l'idée d'un pouvoir de commander que détient un État et qu'il détient seul. En tant que pouvoir spécifique, elle évoque la qualité d'un pouvoir suprême à l'intérieur de son ressort (souveraineté interne) et ne connaissant que des égaux hors de son ressort (souveraineté internationale). Inventée par Jean Bodin dans sesSix Livres de la République, elle constitue une théorie juridique du pouvoir. Ce pouvoir souverain se distingue des autres pouvoirs – publics ou privés – par le fait que la souveraineté est définie juridiquement comme le pouvoir de « donner et casser la loy », c'est-à-dire de créer et recréer un droit écrit désormais contrôlé par le souverain et imputé à cet être abstrait qu'on appelle l'État. Il en résulte que le pouvoir politique peut réagir aux circonstances ou anticiper l'avenir grâce à la technique de la loi qui ordonne, interdit ou permet, et qui par là même guide le comportement des acteurs. À l'origine, la souveraineté législative des Temps modernes repose sur l'idée que l'État va pouvoir imposer sa volonté à la « société civile » qu'il contribue à faire naître. Du point de vue de la technique institutionnelle, le grand apport de la souveraineté consiste à penser l'indivisibilité du pouvoir. Imputé d'abord à une seule autorité – le Prince (ou ses subordonnés) – le pouvoir devient un faisceau indivisible de compétences ou encore un ensemble indivis des droits de puissance publique. La souveraineté devient synonyme de puissance publique. Bien qu'il semble diviser la souveraineté en énumérant dix « marques de souveraineté », Bodin a réussi à unifier les compétences étatiques en les subsumant sous la catégorie de la puissance de donner la loi. Au moyen d'un acte juridique – la loi entendue au sens large chez Bodin –, l'État peut décider de la guerre ou de la paix, de lever et requérir des impôts, etc. Progressivement, ce pouvoir suprême de décision ne sera plus imputé à une ou des personnes physiques, monarque ou conseil souverain, mais à une personne abstraite, l'État, dont le souverain n'est que le représentant.
Telle est la face dite « interne » de la souveraineté. Mais l'État est aussi tourné vers l'extérieur : il est considéré comme une puissance indépendante des autres États parce qu'il est souverain. Selon cette logique de la souveraineté « externe », il obéit non plus à un principe de commandement, mais au principe de consentement ou de coopération. Les relations entre les États ne relèvent pas d'une logique relevant du rapport commandement-obéissance, mais d'une logique d'égalité. L'antique ius gentium des Romains (droit applicable aux étrangers dans l'Empire) s'est ainsi transformé en droit international public, dominé par les deux catégories du traité ou de la coutume. Ce bref aperçu indique la profonde différence séparant la souveraineté interne et la souveraineté externe. Alors que la première se manifeste par des actes unilatéraux traduisant un rapport de subordination entre le souverain et les sujets, la seconde consiste positivement en actes juridiques bilatéraux ou plurilatéraux (traités, coutumes) requérant le consentement des puissances souveraines concernées par ces actes et négativement en une prohibition de toute intervention en territoire souverain étranger. La notion de souveraineté est donc caractérisée par une dissymétrie : elle est absolue dans sa sphère interne, et relative dans sa sphère externe, où elle rencontre son alter ego, la souveraineté de l'autre État. La souveraineté interne et la souveraineté internationale forment donc un seul et même système. L'État est donc une sorte de Janus institutionnel : tourné vers l'intérieur, il est une puissance de domination irrésistible, mais tourné vers l'extérieur, c'est-à-dire vers les autres États, il est certes une puissance qui peut le cas échéant recourir à la force, ce moyen ultime étant par ailleurs de plus en plus limité par le droit international.
Grâce à la souveraineté, le pouvoir d'État a pu être défini par le juriste allemand Hermann Heller comme « unité de décision et d'action ». Bien que contestée, cette idée structure encore la perception de l'État, et tous les auteurs qui ont voulu nier l'idée de souveraineté ont été contraints de la réintroduire sous d'autres vocables. Par exemple, quand Max Weber définit l'État comme le groupement qui a « le monopole de la violence physique légitime », il use d'une périphrase dont le grand succès ne doit pas cacher que c'est un autre moyen de décrire la souveraineté de l'État et sa capacité à exproprier les puissances privées de leur ancien droit de domination. En effet, le philosophe du droit Alexandre Passerin d'Entrèves l'a souligné, il existe une « logique de la souveraineté ». Cette logique implique non seulement la concentration du pouvoir comme on l'a vu plus haut, mais aussi la démultiplication du pouvoir étatique grâce à laquelle le monopole de commandement au profit des instances étatiques est conservé. Cette logique est celle du principe hiérarchique et suppose un rapport de subordination entre le souverain (commandant suprême), et ses « magistrats », ses agents chargés de l'appliquer. L'État est donc composé non seulement des gouvernants, mais aussi des fonctionnaires et agents publics qui exécutent les décisions politiques. Autrement dit, l'État, lorsqu'il se présente aux yeux des individus, apparaît le plus souvent sous l'aspect d'une administration. C'est grâce à celle-ci qu'il peut agir, le plus concrètement, à l'égard des individus rassemblés sur son territoire. L'historien du droit Paolo Napoli a souligné qu'on ne peut comprendre l'État si l'on ignore que la souveraineté serait ineffective sans la police qui, au sens large, rassemble toutes les manières dont l'État particularise et concrétise son action interne.
الرجوع الى أعلى الصفحة اذهب الى الأسفل
مُشاطرة هذه المقالة على: reddit

ÉTAT :: تعاليق

فدوى
رد: ÉTAT
مُساهمة السبت فبراير 13, 2016 2:12 pm من طرف فدوى
es dont l'État particularise et concrétise son action interne.

  Un pouvoir institutionnalisé

Georges Burdeau n'a cessé de rappeler à juste titre que le pouvoir dans un État n'est pas individualisé, mais institutionnalisé. De prime abord, cette expression signifie tout simplement qu'il convient de distinguer l'État des gouvernants et du gouvernement, c'est-à-dire d'envisager l'État comme une personne juridique, un être abstrait doté de lapersonnalité morale. Par là même, il s'agit ici de penser la médiation entre le souverain et l'État, c'est-à-dire de penser l'objectivation du pouvoir.

Personnalité juridique de l'État

Avant d'être l'objet d'une ou plutôt de plusieurs théories juridiques, l'État a d'abord été un défi pratique. Les juristes ont dû inventer une catégorie juridique, celle de « corps », qui a abouti à celle de « personne ». Le juriste Helmut Quaritsch a montré que les précurseurs du droit international ont dû systématiser juridiquement les relations interétatiques et surmonter la diversité des formes de gouvernement des différents États européens (Empire, monarchies absolues, républiques). Le traité de Hugo Grotius De jure belli ac pacis (Du droit de la guerre et de la paix, 1625) et celui d'Emmerich deVattel, Du droit des gens, publié en 1758 marquent les étapes de cette construction de la personnalité juridique de l'État dans la doctrine du droit international. Il en résulte un fait fondamental qui est la distinction entre l'État et les formes de gouvernement. L'État connaît différents types de régimes politiques et les changements concernant ceux-ci n'affectent pas son existence. On parle ainsi de l'autonomie de l'État par rapport aux formes de gouvernement. Chez Bodin, les trois formes d'État (monarchie, aristocratie, démocratie) et les diverses formes de gouvernement se conjuguent avec l'indépendance de la souveraineté par rapport à ses formes d'organisation. Hobbes écrit de même que « le pouvoir de la souveraineté est le même, en quelque endroit qu'il se trouve » (Léviathan, chap. 18). De ce point de vue, la souveraineté-puissance publique est compatible avec diverses formes de gouvernement qui varient suivant le dépositaire unique de la souveraineté. Cette leçon déborde le champ de la pensée absolutiste et elle est reprise tant par Montesquieu, (Esprit des LoisIII, 10),Rousseau (Contrat socialII, 2), Kant ou Hegel que par les juristes fondateurs du droit international public. Elle est admise comme une vérité d'évidence par les juristes contemporains : États libéraux, États autoritaires et États dictatoriaux ou totalitaires coexistent parfaitement en tant qu'État. L'institutionnalisation de l'État permet de comprendre à la fois la pérennisation et l'impersonnalisation du pouvoir.

Pérennité de l'État

Historiquement, c'est le défi pratique posé par la mort du détenteur du pouvoir qui a conduit les juristes à inventer des solutions pour institutionnaliser le pouvoir. En déclarant l'État immortel, il s'agit de le penser comme indépendant de l'existence des gouvernants. Ernst Kantorowicz a admirablement montré que la théorie de l'État est ici l'héritière du droit romano-canonique, le fruit d'une transposition des solutions inventées par les canonistes pour penser l'Église comme institution. Les juristes français et anglais ont ainsi eu recours à différentes fictions légales pour fonder la perpétuité du pouvoir royal. L'État monarchique bénéficie le premier de l'opération, comme en témoigne l'apostrophe fameuse de Bossuet : « Ô prince, regardez donc la postérité. Vous mourrez ; mais votre état doit être immortel » (Politique tirée de l'Écriture sainte, livre V, 17e proposition). Cette perpétuation du pouvoir politique servira aussi bien la cause démocratique, la nation se substituant au roi en tant que catégorie intemporelle.
Cette institutionnalisation du pouvoir ne concerne pas seulement la personne du souverain, mais aussi toutes les charges et propriétés publiques qui dépendent de lui. Garantir la continuité de l'État, c'est aussi garantir la continuité des offices (fonctions publiques) et des biens (domaine public). Un magistrat habilité par le souverain continuera à exercer sa charge, alors même que le souverain qui l'a personnellement investi est mort. Un bien acquis par l'État ou à lui cédé doit y rester. Ainsi, les juristes vont inventer des distinctions entre l'État et les gouvernants – entre la « république » propriétaire et le prince administrateur, ou bien entre l'officier et l'office –, distinctions inspirées par la distinction civiliste entre la propriété de la chose et sa jouissance ou son usage. La théorie de l'inaliénabilité du domaine public est un corollaire de l'institutionnalisation du pouvoir étatique.

Représentation de l'État

L'institutionnalisation n'a pas pour unique fonction d'assurer la pérennité du pouvoir ; elle opère encore un clivage décisif entre la personne publique et la personne privée, en permettant l'imputation des actes accomplis par des hommes, les gouvernants, à un être moral, à une personne juridique, l'État. Derrière l'acte pris par un individu, le droit a été obligé de faire appel, selon l'expression de Hans Kelsen, à un « sujet qu'on imagine en quelque sorte placé derrière lui ». Cette technique fort abstraite d'invention de personnes morales conduit aussi à dédoubler ou à cliver la personne physique, l'individu titulaire du pouvoir ou d'une part du pouvoir. Thomas Hobbes ne dit pas autre chose quand il distingue la république (l'État, le Commonwealth) du souverain qui est son représentant, personne à laquelle il attribue une double capacité, une « capacité politique » lorsqu'elle agit pour le compte de l'État et une « capacité naturelle » lorsqu'elle agit pour son propre compte, en tant que personne privée. Il en résulte une scission non seulement entre l'État et les gouvernants, mais aussi au sein de la personne des gouvernants, qui ont une double face : une face publique (représentants de l'État) et une face privée (en tant que personne naturelle). Ainsi, à travers l'institutionnalisation du pouvoir se joue la grande question de la représentation. La relation logique entre souveraineté et représentation sera effectuée par Hobbes, qui décrit le souverain comme le « représentant souverain » de l'État, son pacte social étant non seulement un pacte d'autorisation, mais aussi un pacte de représentation. Ainsi, avant d'avoir une signification démocratique, selon laquelle les gouvernants représenteraient les gouvernés en vertu d'un contrat de confiance (le fiduciary trust de John Locke), la représentation a une signification purement normative : les gouvernants et l'ensemble de leurs agents représentent l'État et agissent en son nom.
Une des conséquences de ce phénomène d'impersonnalisation du pouvoir est qu'il interdit la patrimonialisation de l'État. Les gouvernants ne sont pas propriétaires de leur pouvoir car le pouvoir public est bien distinct de la puissance privée. Les gouvernants ou fonctionnaires détiennent, juridiquement, des compétences dont ils ne sont pas propriétaires. Le juriste allemand Georg Jellinek a pu soutenir que l'« État patrimonial » est une contradiction en soi, tout comme « l'État dynastique » qui confond droit public (l'ordre de l'État) et droit privé (succession au pouvoir par droit héréditaire d'une famille). Selon Maurice Hauriou, l'État moderne institue une séparation fondamentale entre la vie publique et la vie privée.

  Une communauté de citoyens

Si l'État repose sur une relation asymétrique entre le souverain et les sujets, typique de l'État monarchique ou autocratique, l'avènement du peuple en tant que souverain a opéré un basculement d'ampleur : l'individu n'est plus seulement un sujet, mais aussi un citoyen. Il faut donc bien saisir les deux dimensions de la relation qui unit l'individu à l'État : la sujétion et la citoyenneté.

Assujettissement à l'État

La particularité du pouvoir souverain de l'État est de fabriquer une universalisation de la sujétion. L'obéissance à l'État est requise de tous sans exception ; il n'existe plus d'individus ni de groupes qui, statutairement, puissent y échapper. Ainsi, à l'inverse de ce qui se passait au Moyen Âge, un même individu ne peut plus avoir plusieurs maîtres. Le conflit d'obéissance, c'est-à-dire le conflit de loyauté, doit être tranché au profit de l'État. De même, un individu ne peut plus espérer trouver, à l'intérieur du territoire étatique, un lieu d'asile où une puissance tierce (exceptées les ambassades) pourrait le protéger contre les poursuites de l'État. L'Église en particulier ne peut plus exercer, par l'asile accordé dans ses temples, une protection contre le pouvoir temporel.
Cette universalisation de la sujétion n'a pu réussir qu'en raison du changement d'ancrage du pouvoir. Le mode de domination a cessé d'être personnel, comme dans le lien entre le vassal et son suzerain. Entre l'État et l'individu, la domination est au contraire impersonnelle, médiatisée par deux dimensions imbriquées dans la construction étatique : le territoire et la population. Le rapport de sujétion est commandé par la seule inscription spatiale des individus. Dès qu'un individu pénètre sur le territoire étatique, il est soumis à la puissance de cet État. Le territoire délimite l'étendue spatiale de la puissance publique ; il n'est matérialisé que par des signes passablement abstraits comme le tracé des frontières terrestres, maritimes et aériennes. De même que le territoire exprime l'étendue spatiale de la souveraineté, la « population » de l'État en désigne l'extension humaine. C'est ici qu'intervient la notion clé de la nationalité, ce statut imposé par l'État aux individus de son ressort, ses « nationaux », qui les distinguent des étrangers (c'est-à-dire des nationaux ressortissants d'un autre État). Autrefois, note l'anthropologue Ernst Gellner, les hommes « étaient rassemblés par le lien de la parenté ou par le serment juré. Aujourd'hui, ils se groupent sous la bannière de la nationalité ».
L'utilisation croisée des concepts de territoire et de population a permis à la puissance publique d'effectuer un quadrillage de plus en plus effectif de la société, ainsi qu'en témoigne le développement de pratiques de comptage typiquement étatiques telles que l'inscription sur les registres d'état civil ou les listes d'électeurs, la conscription militaire, les recensements démographiques, etc. Certes, les historiens ne sont pas tous d'accord entre eux pour déterminer quelle est, par exemple en France, le moment exact de ce que Eugen Weber a appelé la « fin des terroirs », mais une chose est sûre : progressivement, l'État a pénétré dans la vie quotidienne des individus et a littéralement façonné leur existence. Ce fut d'abord l'administration qui joua ce rôle, avant que la conquête de la citoyenneté ne donne une dimension politique nationale à l'appartenance des individus à l'État.

Sujets citoyens

L'État-nation contemporain n'est plus l'État monarchique ou autocratique de Bodin ou de Hobbes, où les hommes étaient pris uniquement comme des sujets soumis à la domination d'un pouvoir auquel ils devaient obéissance. Désormais, le fait d'être des nationaux et des citoyens leur confère certes des obligations, mais aussi des droits vis-à-vis de leur État. L'auteur qui a le mieux saisi ce passage du sujet au citoyen est Georg Jellinek, dans son étude des droits publics subjectifs publiée en 1892. Il y décrit comment l'État élève l'individu au rang de membre de l'État titulaire de droits positifs, et lui accorde le statut de citoyen. Ainsi, selon lui, l'État moderne se distingue de l'État « prémoderne » où l'individu n'avait qu'un statut passif, par le fait que dorénavant le même individu peut faire valoir des droits à l'encontre de l'État et de son administration. Ce que Jellinek pointe parfaitement, c'est la dualité de l'individu dans le système étatique moderne, qui sépare bien le sujet (Untertan) du citoyen (Bürger), mais ne supprime pas le premier au profit du second.

3.  L'État démocratique

Véritable renversement copernicien, la citoyenneté signe l'avènement de l'État démocratique, où l'individu est d'abord et surtout un citoyen avant d'être un sujet passif. Ladémocratie moderne, comme l'a observé Norberto Bobbio, repose sur l'idée que « ce n'est plus le point de vue du souverain qui prévaut, mais le point de vue du citoyen, au fur et à mesure que se consolide la théorie individualiste de la société par rapport à la vision organiciste traditionnelle ». Ainsi, la démocratie moderne repose sur le fait que les gouvernés refusent désormais de se considérer comme des subordonnés perpétuels à l'égard de certains gouvernants. Cette égalité a été historiquement le moteur du combat des non privilégiés contre les privilégiés, dont la Révolution française a témoigné à sa manière. On illustrera seulement cette idée à partir d'une anecdote tirée de l'histoiresuisse. Au moment où éclate la Révolution française, le canton de Neuchâtel, l'un des plus aristocratiques de toute la Confédération helvétique, était gouverné par un Conseil d'Étatcomposé de l'élite patricienne. L'agitation de la bourgeoisie industrielle de La Chaux-de-Fonds inquiète les vénérables membres dudit Conseil, dont l'un d'eux, Louis de Montmollin, écrit cette phrase magnifique : « Les habitants de La Chaux-de-Fonds sont tous démocrates. Il y en a même qui poussent jusqu'à dire que, conformément aux droits de l'homme, chaque citoyen est égal à ses supérieurs... que les peuples ont le droit d'élire leurs magistrats et de les déposer lorsqu'ils ne concourent pas à leurs désirs. » La formule est savoureuse en ce qu'elle témoigne du changement de perspective qui érige les gouvernés en égaux des gouvernants. La modernité issue des révolutions française et américaine fait de chaque homme un citoyen considéré comme devant être traité comme un supérieur, ce qui fait qu'il n'y a plus de supérieurs, ni d'inférieurs, mais des « hommes libres et égaux en droits » (art. 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen). La longue marche au cours des XIXe et XXe siècles vers « le sacre du citoyen », selon l'expression de Pierre Rosanvallon, illustre ce mouvement d'affirmation de l'État démocratique.
La mise en place de la citoyenneté politique est accompagnée par l'émergence, à la même période, de droits de recours au bénéfice du citoyen pour contester l'action de l'État administratif. Le droit administratif français a ainsi rouvert la vieille voie prétorienne selon laquelle, contre l'arbitraire du pouvoir, le premier recours est de s'adresser à lui, le seul en mesure d'accorder des libertés et des droits aux individus et de sanctionner les abus de ses agents. Au cours du même XIXe siècle, lorsque les ouvriers se mobilisèrent contre l'arbitraire du pouvoir « domestique », de la puissance privée patronale, l'État et sa justicesont restés plus longtemps sourds à leurs revendications. L'émancipation juridique des travailleurs salariés est moins passée par la jurisprudence que par la loi, à la toute fin duXIXe siècle et au début du XXe siècle, et par une sorte d'alliance objective entre leurs représentants (syndicats ou partis) et l'État comme puissance publique pour leur reconnaître de nouveaux droits. De même, l'État s'immisce dans l'éducation des enfants par la famille en imposant l'instruction obligatoire. Il a fallu pour ce faire limiter le travail des enfants en fixant un âge légal pour travailler (13 ans révolu en France en 1882), contraindre les parents (paysans ou ouvriers) à laisser leurs enfants fréquenter l'école et à cesser de les considérer comme une force de travail d'appoint. Le droit social a été imposé par l'État pour contraindre les puissances privées à respecter la liberté des individus. Enfin, la lutte contre les discriminations qui caractérise la seconde moitié du XXe siècle, notamment celle entre les hommes et les femmes, obéit à la même logique des droits : c'est le recours à l'État qui permet cette émancipation qui ne saurait sinon s'extraire des traditions ou des mœurs sociales. La démocratie moderne et le citoyen doté de droits politiques et civiques sont donc nés de ce formidable mouvement d'émancipation, si l'on entend par ce dernier mot, avec l'historien Gerald Stourzh, « le processus de levée des incapacités liées à un statut juridique et donc l'accès d'une personne à l'égalité des droits ». C'est sur cette notion de citoyen que se construit la souveraineté du peuple, celui-ci n'étant rien d'autre que « l'universalité des citoyens ».
Fondé sur le citoyen, l'État est pareillement une communauté de citoyens. Il n'est pas seulement l'ordre juridique, comme se plaisent à le décrire Kelsen et ses disciples qui croient avoir effectué un immense progrès en ayant décomposé le droit en une multitude d'atomes que sont les normes. On ne peut pas comprendre les problèmes liés à l'État si l'on ne voit pas qu'il a besoin d'une assiette territoriale et humaine. D'une certaine manière, la nation va constituer le cadre humain de référence, ce lien d'allégeance qui n'est pas seulement vertical, mais horizontal. Le citoyen, ce n'est pas seulement l'individu titulaire de droits politiques et civiques, mais c'est aussi le concitoyen, celui qui est citoyen avec les autres membres du peuple. Or c'est l'État qui, par son droit, ses symboles et ses rituels, constitue littéralement cette communauté de citoyens. Cette nation civique, explique Ernst Gellner, exige la contrainte de l'État par laquelle ce dernier impose aux individus des rituels de socialisation leur permettant d'adhérer à de nouvelles normes et valeurs.
L'État, à la fois pouvoir souverain, institution et communauté de citoyens, représente encore de nos jours ce qu'est le pouvoir politique et les relations qu'il noue avec les individus, les groupes et les autres États. Au départ conçu comme la domination personnelle d'un souverain, il est devenu au fur et à mesure un État démocratique et impersonnel, une puissance publique. Mais, à la fin du XXe siècle, il semble avoir perdu le rôle de tuteur, de guide ou de régulateur de la société civile, depuis qu'on a cru que celle-ci, soumise aux forces libres du marché, pourrait s'autoréguler. Les difficultés, voire les ravages provoqués par la domination illimitée du marché sur la société civile montrent que celle-ci, libérée de la tutelle étatique, oublie la préoccupation du « commun », du « public », de ce qu'on appelait la « chose publique » (la res publica). L'État existe parce qu'il est pensé, disait Georges Burdeau, mais il existe aussi parce que l'on suppose qu'il existe une sphère publique d'intérêts qui soude et unit les membres d'une même collectivité. Si ce sentiment disparaît et si cette sphère publique s'effrite, alors l'État devient une simple coquille vide et le concept d'État n'a plus de sens concret ni d'effectivité.
Olivier BEAUD
 

ÉTAT

الرجوع الى أعلى الصفحة 

صفحة 1 من اصل 1

صلاحيات هذا المنتدى:لاتستطيع الرد على المواضيع في هذا المنتدى
** متابعات ثقافية متميزة ** Blogs al ssadh :: Pensée-
انتقل الى: