فدوى فريق العمـــــل *****
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الموقع : رئيسة ومنسقة القسم الانكليزي تاريخ التسجيل : 07/12/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 7
| | AUGUSTINISME | |
Le terme « augustinisme » est ambigu : il désigne en effet, non seulement la penséeauthentique de saint Augustin telle qu'elle est entrée dans la doctrine de l'Église catholique, mais aussi l'histoire de la pensée augustinienne à travers les seize siècles qui nous séparent de sa formulation ; c'est-à-dire les développements féconds, les prolongements de tous ordres, philosophique, spirituel, moral, auxquels elle a abouti, aussi bien que les véritables contresens et caricatures que chaque époque a commis en relisant Augustin. Cette vie multiforme de la pensée augustinienne témoigne clairement de la place tout à fait exceptionnelle que l'œuvre de l'évêque d'Hippone a tenue dans la pensée médiévale et classique, dans l'ensemble de la culture occidentale. Classé par le pape Célestin « parmi les plus grands maîtres », Augustin fut défini à l'époque carolingienne comme le « maître incontesté de toute l'Église, immédiatement après les apôtres ».Son autorité à l'intérieur du christianisme occidental ne cessera jamais d'être invoquée, recherchée, discutée, souvent avec passion. Même les non-chrétiens ne sont pas restés insensibles, jusqu'à l'époque contemporaine, à ce penseur chrétien dont, paradoxalement, ce n'est pas toujours le meilleur qui a nourri les divers augustinismes. Dans un souci volontaire de clarification, on distinguera donc certains points, particulièrement privilégiés en raison des controverses doctrinales et idéologiques auxquelles ils ont donné lieu :prédestination, justification, métaphysique, politique et spiritualité. Mais l'on n'oubliera pas qu'il faut toujours se référer à la pensée même d'Augustin, en appeler à elle de tous ces augustinismes, orthodoxes ou non, mais tous, en quelque manière, déformants.1. Le problème de la prédestinationLa controverse avec Julien d'Éclane, au sujet de la prédestination et du péché originel, avait durci la théorie d'Augustin.Certaines de ses formules sur la masse innombrable des damnés, résultant du péché originel, massa damnata, massa perditionis, ou bien sur le petit nombre des élus, dépassèrent sans doute sa conviction profonde et pouvaient être interprétées comme la négation de la bonté de Dieu et de l'efficacité de la rédemption. Elles heurtaient l'enseignement traditionnel de l'Église. • Le semi-pélagianismeLa réaction vint du milieu monastique provençal, d'ascètes pour qui les outrances de l'augustinisme semblaient encourager le relâchement des efforts humains pour parvenir à la sainteté. Jean Cassien fut leur porte-parole : formé à l'école du monachisme oriental, il affirmait que Dieu et l'homme, la grâce et le libre arbitre coopéraient pour sauver l'homme pécheur. À ses yeux, le problème important était de savoir quand, et sous quelle impulsion, commençait la bonne volonté : cet initium bonae voluntatis, ce premier pas, était tour à tour imputé à l'action de Dieu et à la volonté de l'homme. Mais, dans ce dernier cas, tout le mérite revenait à la créature, et la grâce de Dieu devenait, sinon inutile, du moins simple récompense : l'homme était l'unique auteur de son salut.Les disciples d'Augustin virent là un retour des pires thèses pélagiennes : Prosper d'Aquitaine partit en guerre contre ces ingrati, ces négateurs de la grâce, les dénonça àRome mais n'obtint du pape Célestin qu'une déclaration prudente qui, tout en proclamant Augustin l'un des plus grands docteurs, blâma ceux qui innovent en matière de foi. La controverse dura près d'un siècle ; contre un prédestinatianisme qui prétendait que ceux qui n'avaient pas été, de toute éternité, mis au nombre des élus ne pouvaient qu'en vain s'efforcer de multiplier les efforts et les bonnes œuvres, les moines de Lérins et les évêques issus de ce milieu monastique luttèrent sans répit pour maintenir l'affirmation d'un sens plus orthodoxe de la bonté de Dieu. La sentence rendue en 529, au deuxième concile d'Orange, condamna ce semi-pélagianisme et définit comme la doctrine orthodoxe de l'Église les thèses d'un augustinisme modéré, à savoir la faculté pleine et entière pour tous les baptisés de se sauver s'ils le veulent. • La controverse gottschalkienneLa renaissance carolingienne, à partir des textes antiques pieusement conservés dans les monastères, devait reprendre ce problème et en appeler d'un augustinisme jugé hétérodoxe à une meilleure lecture d'Augustin. Le moine saxon Gottschalk, vers 840, élabora une théorie de la double prédestination, celle des élus et celle des réprouvés. Par une simplification hardie et sans nuances des passages les plus obscurs de l'œuvre d'Augustin, Gottschalk affirmait ainsi que Dieu, sachant les bonnes actions des justes, les avait prédestinés à la vie éternelle, tandis qu'il envoyait les méchants à la mort éternelle, sachant bien leurs fautes, et l'abus qu'ils feraient de grâces tout autant reçues que méprisées.Contre ce vrai prédestinatianiste, la rigueur du bras séculier se manifesta ; condamné à la suite d'une controverse avec Raban Maur et Hincmar, le Saxon fut enfermé vingt ans dans un in-pace monastique. Mais ses théories furent réfutées par le subtil dialecticien Jean Scot Érigène et reprises par certains théologiens de Lyon. Deux conceptions des rapports des actions humaines et divines s'affrontèrent : un augustinisme intégral, sacrifiant tout à la supériorité de Dieu, dont la Providence parvenait à ses buts, fixés dans ses desseins immuables et secrets, s'opposait à une conception des droits de l'homme à disposer de lui-même et à contribuer, ou à refuser, de faire son propre salut.Au fur et à mesure que la controverse s'amplifia, une nouvelle technique de discussion apparut : un plus large recours à l'ensemble de la littérature patristique et l'appel à laTradition, que les théologiens lyonnais défendront même contre le gouvernement, pressé d'imposer les solutions brutales d'Hincmar (Capitula de Quierzy, de 853). Ils affirmeront deux ans plus tard que « le libre arbitre ne peut absolument rien sans la grâce, puisque c'est Dieu qui œuvre dans le cœur de l'homme à travers son libre arbitre. C'est la grâce qui est la source du mérite et non l'inverse, car sans elle la volonté blessée de l'homme ne peut rien, tandis qu'avec elle la volonté acquiert la liberté de n'être plus esclave du vice et du péché. » C'est à la plus stricte pensée d'Augustin et, par ce retour à la tradition, aux premiers linéaments d'une théologie positive qu'aboutissaient vingt ans de douloureux débats. • La crise de la Réforme et le jansénismeC'est essentiellement autour du problème de la justification que, au XVIe siècle, se sont affrontés théologiens catholiques et réformés. Contre une Église qui leur paraît laxiste et corrompue, les réformateurs Luther, Calvin, Zwingli interprètent l'enseignement de l'apôtre Paul à la lumière des théories augustiniennes. Ils en adoptent la plus extrême sévérité, en insistant sur le péché originel, et, par suite, sur l'impuissance radicale de l'homme à assumer seul son propre salut ; ils dénoncent la place centrale, en l'homme, d'une concupiscence blâmable et professent que le salut vient de Dieu seul, par le canal d'une foi justifiante. Tous se réclament d'Augustin, qu'ils placent au premier rang des maîtres, et dont ils admirent la sensibilité au péril pélagien, qui veut minimiser le péché et donner à l'homme une place trop grande dans l'édification de son salut. Or, il ne peut y avoir de salut que dans l'intention miséricordieuse d'un Dieu qui pardonne et qui donne la vie, dans l'acte gratuit du don de sa grâce. La solution imposée par le concile de Trente refuse d'assumer la théologie d'une double prédestination développée par Seripando, le grand théologien des Augustins ; dans le décret sur la justification, les pères de Trente, définissant la certitude de la grâce, prirent même le contre-pied de la pensée profonde d'Augustin.La querelle janséniste, au XVIIe siècle, renouvellera les vieux débats sur le prédestinatianisme, parce qu'en définitive le concile de Trente n'avait pu résoudre ce problème épineux de la grâce et du salut. À travers les œuvres de Jansénius, évêque d'Ypres († en 1638), de Jean Duvergier de Hauranne et d'Antoine Arnauld (1612-1694), l'autorité d'Augustin est proclamée sans aucune réserve, absolue : jamais il ne fut plus lu, plus scruté, avec une plus scrupuleuse fidélité au texte, sinon à la pensée profonde (c'est à l'un des messieurs de Port-Royal, Lenain de Tillemont, que l'on doit la première biographie vraiment critique du docteur d'Hippone).Contre toute forme d'humanisme qui pourrait receler quelque pélagianisme blâmable, les jansénistes se font les champions d'une morale rigoureuse, d'une ascèse profondément respectable. Ils lient ainsi la défense de thèses parfois hétérodoxes à la sincérité d'une vie sans défauts, d'une piété profonde, d'une soumission totale à la volonté divine, qui va de pair avec un sens très profondément ancré de l'indépendance de la personne en face de tous les pouvoirs. Servis par le génie d'Arnauld et de Pascal, portés par l'exemple de religieuses inflexibles, les jansénistes, dans une volonté évidente de fidélité à la doctrine de l'Église ancienne, ne cesseront de proclamer « que la cause efficiente du libre arbitre n'est pas une faculté naturelle de la libre volonté, mais la grâce... et que celle-ci doit libérer la volonté pour que l'homme puisse accomplir des actions non pas seulement surnaturelles mais tout simplement moralement bonnes ». Car la volonté a perdu toute liberté à la suite du péché originel ; elle subit donc l'attrait du bien, qui produit le mérite, ou du mal qui produit le péché. La grâce, qui seule peut permettre de faire le bien, n'est pas donnée à tous. Il n'est pas sûr que la pensée janséniste, qui a profondément marqué la spiritualité occidentale, ait totalement cessé de présenter à l'homme d'aujourd'hui une certaine image de l'augustinisme.2. Les influences philosophiquesPar bonheur cette longue méditation de l'œuvre d'Augustin ne s'est pas trouvée limitée au problème ardu de la grâce et de la prédestination. La métaphysique augustinienne, caractérisée par le rôle central de Dieu et par l'intériorité des voies qui mènent à lui, a exercé une influence très nette sur les divers systèmes philosophiques médiévaux et classiques. L'ouverture de la culture occidentale à l'influence aristotélicienne, à partir de la fin du XIIe siècle, aboutit au triomphe de la scolastique, c'est-à-dire d'une méthodedialectique mise au service d'une recherche toujours aussi passionnée de la vérité. Bien qu'Augustin ne fût plus, dès lors, l'unique maître, son influence demeura cependant incontestable.Non seulement Thomas d'Aquin incorpore à son système de très nombreux passages de l'œuvre augustinienne, qu'il réutilise souvent en un sens différent, mais, dans la synthèse qu'il tente alors, c'est un véritable augustinisme qui se fond avec l'aristotélisme mis au service de la foi chrétienne. Ainsi, c'est un dialogue entre une pensée héritière de la Grèce, volontiers dialectique, et l'héritage de la patristique latine, qui s'élabore. Non sans résistances, et qui permettent de jauger l'importance des divers augustinismes : c'est autour d'une doctrine mieux comprise de l'évêque d'Hippone que se sont groupés les opposants au thomisme, désireux de maintenir une tradition illustrée par saint Anselme et l'école de Saint-Victor.C'est sans doute dans l'œuvre de Jean Duns Scot († 1308) que l'on trouve la synthèse la plus complète entre un augustinisme strict et un aristotélisme mêlé, par ses filières arabes, de néo-platonisme : il édifie une métaphysique subtile et profonde par laquelle il expose comment, à partir de l'essence infinie et de la connaissance et de l'amour, se constitue un Dieu vivant, créateur et sauveur des autres êtres. En se révélant à l'homme, le Dieu en trois personnes appelle chacune de ses créatures à une analyse spéculative, à une œuvre de compréhension théologique, à une sorte de phénoménologie de l'Absolu. L'acte suprême, pour ce théologien qui se réclame de saint François d'Assise autant que d'Augustin, est d'aimer : la connaissance théologique est inséparable de l'union mystique ; c'est là une fidélité au message d'Augustin.Le XVIIe siècle fut, surtout en France, le siècle augustinien par excellence, non seulement par la reprise, douloureuse, des problèmes de la prédestination, mais par l'importance de la pensée augustinienne dans le développement de la philosophie cartésienne. Non point, comme le dit lui-même Descartes, que ce dernier ait connu tels textes augustiniens qu'il aurait assimilés entièrement, mais parce qu'aux yeux des contemporains la rencontre ducartésianisme et de l'augustinisme parut merveilleuse. Malgré les différences fondamentales entre les deux philosophies, on commença par situer la doctrine de Descartes dans le prolongement strict de la pensée du Père de l'Église, qui, du coup, passa pour plus philosophe qu'il ne l'avait jamais été.Ainsi s'explique la tentative de Malebranche, à la rencontre d'un cartésianisme réputé augustinisant et d'un augustinisme dont le père Charles Martin avait tenté de démontrer qu'il était, avant la lettre, cartésien (dans sa Philosophia christiana, achevée en 1671). Avec une fidélité parfois trop littérale et logique à la pensée d'Augustin, Malebranche a bien mis en évidence le rôle primordial de Dieu, accentué le mépris pour les causes secondes, dans le processus de la création comme dans le mécanisme de la connaissance intellectuelle de Dieu. Mais son originalité profonde, et qui témoigne qu'il fut bien plus qu'un disciple trop fidèle, éclate dans ses thèses sur la vision de Dieu, dans sa théorie de l'illumination par le verbe intérieur.L'importance que prit au XVIIe siècle l'augustinisme devait entraîner une désaffection pendant le siècle de l'Aufklärung. Mais le renouveau catholique du XIXe siècle allait récupérer certains aspects de la pensée augustinienne : les ontologistes ont développé un augustinisme métaphysique, renouvelé de celui de Malebranche, attirés par certaines formules d'Augustin sur une vue possible de Dieu par l'esprit humain, sur une connaissance immédiate au moyen des idées générales et de leur vérité qui sont, en fait, autant d'archétypes divins. Plus récemment enfin, un Max Scheler voit en saint Augustin le premier et le seul philosophe chrétien. C'est une conception très augustinienne de l'esprit que développe Max Scheler en le définissant non comme un pouvoir constructeur ou créateur, mais comme un pur abandon à l'être (Vom Ewigen im Menschen). | |
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السبت فبراير 13, 2016 2:05 pm من طرف فدوى