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| | IVe section : la production de la plus-value relative Chapitre XV : Machinisme et grande industrie | |
02.29.2016
VII. - Répulsion et attraction des ouvriers par la fabrique. Crises de l’industrie cotonnière.Tous les représentants sérieux de l'économie politique conviennent que l'introduction des machines est une calamité pour les ouvriers manufacturiers et les artisans avec lesquels elles entrent en concurrence; presque tous déplorent l'esclavage des ouvriers de fabrique. Et pourtant, quel est leur grand argument ? C'est que les désastres qui accompagnent la période d'inauguration et de développement une fois consommés, les machines augmentent en dernier lieu le nombre des esclaves du travail, au lieu de le diminuer ! Oui, le nectar dont l'économie politique s'enivre est ce théorème philanthropique : Qu'après une période de transition et d'accroissement plus ou moins rapide, le régime de fabrique courbe sous son joug de fer plus de travailleurs qu'à son début il n'en avait affamés par le chômage forcé. M. Ganilh fait exception. D'après lui, les machines ont pour résultat définitif de réduire le nombre des salariés, aux frais desquels va dès lors augmenter le nombre des « gens honnêtes », développant à leur aise cette « perfectibilité perfectible » raillée avec tant de verve par Fourier. Si peu initié qu'il soit dans les mystères de la production capitaliste, M. Ganilh sent néanmoins le machinisme serait une chose des plus fatales si, tout en écrasant par son introduction des ouvriers occupés, il multipliait les esclaves du travail par son développement. Du reste, le crétinisme de son point de vue ne peut être exprimé que par es propres paroles. - اقتباس :
« Les classes condamnées à produire et à consommer diminuent, et les classes qui dirigent le travail, qui soulagent, consolent et éclairent toute la population, se multiplient... et s'approprient tous les bienfaits qui résultent de la diminution des frais du travail, de l'abondance des productions et du bon marché des consommations. Dans cette direction, l'espèce humaine s'élève aux plus hautes conceptions du génie, pénètre dans les profondeurs mystérieuses de la religion, établit les principes salutaires de la morale (qui consiste à s'approprier tous les bienfaits, etc.), les lois salutaires de la liberté (sans doute pour les classes condamnées à produire) et du pouvoir, de l'obéissance et de la justice, du devoir et de l'humanité [1]. » Nous avons déjà démontré, par l'exemple des fabriques anglaises de worsted, de soie, etc., qu'à un certain degré de développement un progrès extraordinaire dans la production peut être accompagné d'une diminution non seulement relative mais absolue du nombre des ouvriers employés. D'après un recensement spécial de toutes les fabriques du Royaume-Uni, fait en 1860 sur l'ordre du Parlement, la circonscription échue à l'inspecteur R. Baker, celle des districts de Lancashire, Cheshire et Yorkshire, comptait six cent cinquante-deux fabriques. Sur ce nombre, cinq cent soixante-dix fabriques contenaient quatre-vingt-cinq mille six cent vingt-deux métiers à vapeur et six millions huit cent dix-neuf mille cent quarante-six broches (non compris les broches à tordre); les engins à vapeur représentaient une force de vingt-sept mille quatre cent trente-neuf chevaux, les roues hydrauliques une force de mille trois cent quatre-vingt-dix, et le personnel comprenait quatre-vingt-quatorze mille cent dix-neuf ouvriers. En 1865, au contraire, ces mêmes fabriques contenant quatre-vingt-quinze mille cent soixante-trois métiers, sept millions vingt-cinq mille trente et une broches et trente mille trois cent soixante-dix forces-cheval, dont vingt-huit mille sept cent vingt-cinq pour les engins à vapeur et mille quatre cent quarante-cinq pour les roues hydrauliques, n'occupaient que quatre-vingt-huit mille neuf cent treize ouvriers. De 1860 à 1865, il y avait donc une augmentation de onze pour cent en métiers à vapeur, de trois pour cent en broches, de cinq pour cent en force de vapeur, en même temps que le nombre des ouvriers avait diminué de cinq pour cent [2]. De 1852 à 1862, l'industrie lainière s'accrut considérablement en Angleterre, tandis que le nombre des ouvriers qu'elle occupait resta presque stationnaire. - اقتباس :
« Ceci fait voir dans quelle large mesure les machines nouvellement introduites avaient déplacé le travail des périodes précédentes [3]. » Dans certains cas, le surcroît des ouvriers employés n'est qu'apparent, c'est-à-dire qu'il provient, non pas de l'extension des fabriques déjà établies, mais de l'annexion graduelle de branches non encore soumises au régime mécanique. - اقتباس :
« Pendant la période de 1838-58, l'augmentation des métiers à tisser mécaniques et du nombre des ouvriers occupés par eux n'était due qu'au progrès des fabriques anglaises de coton; dans d'autres fabriques, au contraire, elle provenait de l'application récente de la vapeur aux métiers à tisser la toile, les rubans, les tapis, etc., mus auparavant par la force musculaire de l'homme [4]. » Dans ces derniers cas, l'augmentation des ouvriers de fabrique n'exprima donc qu'une diminution du nombre total des ouvriers occupés. Enfin, il n'est ici nullement fait mention que partout, sauf dans l'industrie métallurgique, le personnel de fabrique est composé, pour la plus grande partie, d'adolescents, d'enfants et de femmes. Quelle que soit d'ailleurs la masse des travailleurs que les machines déplacent violemment ou remplacent virtuellement, en comprend cependant qu'avec l'établissement progressif de nouvelles fabriques et l'agrandissement continu des anciennes, le nombre des ouvriers de fabrique puisse finalement dans telle ou telle branche d'industrie, dépasser celui des ouvriers manufacturiers ou des artisans qu'ils ont supplantés. Mettons qu'avec l'ancien mode de production on emploie hebdomadairement un capital de cinq cents livres sterling, dont deux cinquièmes ou deux cents livres sterling forment la partie constante, avancée en matières premières, instruments, etc., et trois cinquièmes ou trois cents livres sterling, la partie variable, avancée en salaires, soit une livre sterling par ouvrier. Dès que le système mécanique est introduit, la composition de ce capital change : sur quatre cinquièmes ou quatre cents livres sterling de capital constant, par exemple, il ne contient plus que cent livres sterling de capital variable, convertible en force de travail. Deux tiers des ouvriers jusque-là occupés sont donc congédiés. Si la nouvelle fabrique fait de bonnes affaires, s'étend et parvient à élever son capital de cinq cents à mille cinq cents livres sterling, et que les autres conditions de la production restent les mêmes, elle occupera alors autant d'ouvriers qu'avant la révolution industrielle, c'est-à-dire trois cents. Le capital employé s'élève-t-il encore jusqu'à deux mille livres sterling, c'est quatre cents ouvriers qui se trouvent dès lors occupés, un tiers de plus qu'avec l'ancien mode d'exploitation. Le nombre des ouvriers s'est ainsi accru de cent; mais relativement, c'est-à-dire proportionnellement au capital avancé, il s'est abaissé de huit cents, car, avec l'ancien mode de production, le capital de deux mille livres sterling aurait enrôlé mille deux cents ouvriers au lieu de quatre cents. Une diminution relative des ouvriers employés est donc compatible avec leur augmentation absolue, et dans le système mécanique, leur nombre ne croit jamais absolument sans diminuer relativement à la grandeur du capital employé et à la masse des marchandises produites. Nous venons de supposer que l'accroissement du capital total n'amène pas de changement dans sa composition, parce qu'il ne modifie pas les conditions de la production. Mais on sait déjà qu'avec chaque progrès du machinisme, la partie constante du capital, avancée en machines, matières premières, etc., s'accroît, tandis que la partie variable dépensée en force de travail diminue; et l'on sait en même temps que dans aucun autre mode de production les perfectionnements ne sont si continuels, et par conséquent, la composition du capital si sujette à changer. Ces changements sont cependant toujours plus ou moins interrompus par des points d'arrêt et par une extension purement quantitative sur la base technique donnée, et c'est ce qui fait augmenter le nombre des ouvriers occupés. C'est ainsi que, dans les fabriques de coton, de laine, de worsted,de lin et de soie du Royaume-Uni, le nombre total des ouvriers employés n'atteignait en 1835 que le chiffre de trois cent cinquante-quatre mille six cent quatre vingt-quatre, tandis qu'en 1861, le nombre seul des tisseurs à la mécanique (des deux sexes et de tout âge à partir de huit ans) s'élevait à deux cent trente mille six cent cinquante-quatre. Cet accroissement, il est vrai, était acheté en Angleterre par la suppression de huit cent mille tisserands à la main, pour ne pas parler des déplacés de l'Asie et du continent européen [5]. Tant que l'exploitation mécanique s'étend dans une branche d'industrie aux dépens du métier ou de la manufacture, ses succès sont aussi certains que le seraient ceux d'une armée pourvue de fusils à aiguille contre une armée d'arbalétriers. Cette première période pendant laquelle la machine doit conquérir son champ d'action est d'une importance décisive, à cause des profits extraordinaires qu'elle aide à produire. Ils ne constituent pas seulement par eux-mêmes un fonds d'accumulation accélérée; ils attirent, en outre, une grande partie du capital social additionnel, partout en voie de formation, et à la recherche de nouveaux placements dans les sphères de production privilégiées. Les avantages particuliers de la première période d'activité fiévreuse se renouvellent partout où les machines viennent d'être introduites. Mais dès que la fabrique a acquis une certaine assiette et un certain degré de maturité; dès que sa base technique, c'est-à-dire la machine, est reproduite au moyen de machines; dès que le mode d'extraction du charbon et du fer, ainsi que la manipulation des métaux et les voies de transport, ont été révolutionnés; en un mot, dès que les conditions générales de production sont adaptées aux exigences de la grande industrie, dès lors ce genre d'exploitation acquiert une élasticité et une faculté de s'étendre soudainement et par bonds qui ne rencontrent d'autres limites que celles de la matière première et du débouché. D'une part, les machines effectuent directement l'augmentation de matières premières, comme, par exemple, le cotton-gin a augmenté la production du coton [6], d'autre part, le bas prix des produits de fabrique et le perfectionnement des voies de communication et de transport fournissent des armes pour la conquête des marchés étrangers. En ruinant par la concurrence leur main-d'oeuvre indigène, l'industrie mécanique les transforme forcément en champs de production des matières premières dont elle a besoin. C'est ainsi que l'Inde a été contrainte de produire du coton, de la laine, du chanvre, de l'indigo, etc., pour la Grande-Bretagne [7]. En rendant surnuméraire là où elle réside une partie de la classe productive, la grande industrie nécessite l'émigration, et par conséquent, la colonisation de contrées étrangères qui se transforment en greniers de matières premières pour la mèrepatrie; c'est ainsi que l'Australie est devenue un immense magasin de laine pour l'Angleterre [8]. Une nouvelle division internationale du travail, imposée par les sièges principaux de la grande industrie, convertit de cette façon une partie du globe en champ de production agricole pour l'autre partie, qui devient par excellence le champ de production industriel [9]. Cette révolution va de pair avec des bouleversements dans l'agriculture, sur lesquels nous ne nous arrêterons pas en ce moment [10]. L'expansibilité immense et intermittente du système de fabrique jointe à sa dépendance du marché universel, enfante nécessairement une production fiévreuse suivie d'un encombrement des marchés dont la contraction amène la paralysie. La vie de l'industrie se transforme ainsi en série de périodes d'activité moyenne, de prospérité, de surproduction, de crise et de stagnation. L'incertitude et l'instabilité auxquelles l'exploitation mécanique soumet le travail finissent par se consolider et par devenir l'état normal de l'ouvrier, grâce à ces variations périodiques du cycle industriel. A part les époques de prospérité, la lutte la plus acharnée s'engage entre les capitalistes pour leur place au marché et leurs profits personnels, qui sont en raison directe du bas prix de leurs produits. C'est donc à qui emploiera les machines les plus perfectionnées pour supplanter l'ouvrier, et les méthodes de production les plus savantes. Mais cela même ne suffit pas, et il arrive toujours un moment où ils s'efforcent d'abaisser le prix des marchandises en déprimant le salaire au-dessous de la valeur de la force de travail [11]. L'accroissement dans le nombre des ouvriers de la fabrique a pour condition un accroissement proportionnellement beaucoup plus rapide du capital qui s'y trouve engagé. Mais ce mouvement ne s'accomplit que dans les périodes de flux et de reflux du cycle industriel. Il est, en outre, toujours interrompu par le progrès technique qui tantôt remplace des ouvriers virtuellement, et tantôt les supprime actuellement. Ce changement qualitatif dans l'industrie mécanique, éloigne sans cesse des ouvriers de la fabrique ou en ferme la porte aux nouvelles recrues qui se présentent, tandis que l'extension quantitative des fabriques engloutit, avec les ouvriers jetés dehors, les nouveaux contingents. Les ouvriers sont ainsi alternativement attirés et repoussés, ballottés de côté et d'autre, et ce mouvement de répulsion et d'attraction est accompagné de changements continuels dans l'âge, le sexe et l'habileté des enrôlés. Pour apprécier les vicissitudes de l'ouvrier de fabrique, rien ne vaut comme un coup d’œil rapide jeté sur les vicissitudes de l'industrie cotonnière anglaise. De 1770 à 1815 l'industrie cotonnière subit cinq années de malaise ou de stagnation. Pendant cette première période de quarante-cinq ans, les fabricants anglais possédaient le monopole des machines et du marché universel. De 1815 à 1821, malaise; 1822 à 1823, prospérité; 1824, les lois de coalition sont abolies; les fabriques prennent de tous côtés une grande extension; 1825, crise; 1826, grande misère et révoltes parmi les ouvriers; 1827, légère amélioration; 1828, grand accroissement dans le nombre des métiers à vapeur et dans l'exportation; 1829, l'exportation, pour l'Inde particulièrement, dépasse celle de toutes les années précédentes; 1830, encombrement des marchés, grande détresse; de 1831 à 1833, malaise persistant; le commerce de l’Asie orientale (Inde et Chine) est arraché au monopole de la Compagnie des Indes; 1834, grand accroissement des fabriques et des machines, manque de bras; la nouvelle loi des pauvres active la migration des ouvriers agricoles dans les districts manufacturiers; rafle d'enfants dans les comtés ruraux, commerce d'esclaves blancs; 1835, grande prospérité, mais en même temps les tisseurs à la main meurent de faim; 1836, point culminant; 1837 et 1838, décadence, malaise, crise; 1839, reprise; 1840, grande dépression, révoltes, intervention de la force armée; 1841 et 1842, souffrances terribles des ouvriers de fabrique; 1842, les fabricants de Manchester chassent les ouvriers des fabriques pour obtenir le rappel des lois sur les céréales. Les ouvriers refoulés par les soldats se jettent par milliers dans le Yorkshire, et leurs chefs comparaissent devant le tribunal de Lancaster; 1843, grande misère; 11844, amélioration; 1845, grande prospérité; 1846, le mouvement ascendant continue d'abord, symptômes de réaction à la fin; abrogation des lois sur les céréales; 1847, crise; réduction générale des salaires de dix pour cent et davantage pour fêter le « big loaf ». (Le pain d'une grosseur immense que messieurs les libre-échangistes avaient promis pendant leur agitation contre les lois céréales.) 1848, gêne persistante; Manchester protégé par les soldats; 1849, reprise; 1850, prospérité; 1851, baisse de prix des marchandises, salaires réduits, grèves fréquentes; 1852, commencement d'amélioration, les grèves continuent, les fabricants menacent de faire venir des ouvriers étrangers; 1853, exportation croissante; grève de huit mois et grande misère à Preston; 1854, prospérité; 1855, encombrement des marchés; des banqueroutes nombreuses sont annoncées des Etats-Unis, du Canada et de l'Asie orientale; 1856, grande prospérité; 1857, crise; 1858, amélioration; 1859, grande prospérité, augmentation du nombre des fabriques; 1860, zénith de l'industrie cotonnière anglaise : les marchés de l'Inde, de l'Australie et d'autres contrées sont tellement encombrés que c'est à peine si, en 1863, ils ont absorbé toute cette pacotille; traité de commerce anglo-français, énorme développement des fabriques et du machinisme; 1861, prospérité momentanée; réaction; guerre civile américaine, crise cotonnière; de 1862 à 1863, écroulement complet. L'histoire de la disette de coton (coton famine) est trop caractéristique pour que nous ne nous y arrêtions pas un instant. La statistique des marchés de 1860 à 1861 montre que la crise cotonnière arriva fort à propos pour les fabricants et leur fut très avantageuse. Le fait a été reconnu dans les rapports de la Chambre de commerce de Manchester, proclamé dans le Parlement par Lord Palmerston et Lord Derby, confirmé enfin par les événements [12]. En 1861, parmi les deux mille huit cent quatre-vingt-sept fabriques de coton du Royaume-Uni, il y en avait assurément beaucoup de petites. D'après le rapport de l'inspecteur A. Redgrave, dont la circonscription administrative comprenait deux mille cent neuf fabriques, trois cent quatre-vingt-douze ou dix-neuf pour cent de celles-ci employaient une force de moins de dix chevaux-vapeur, trois cent quarante-cinq ou seize pour cent une force entre dix et vingt chevaux, et mille trois cent soixante-douze au contraire une force de vingt chevaux et davantage [13]. La plus grande partie des petites fabriques avait été établie pendant la période de prospérité depuis 1858, en général par des spéculateurs dont l'un fournissait les filés, l'autre les machines, un troisième les bâtiments, et elles étaient dirigées par d'anciens contremaîtres ou par d'autres gens sans moyens. Presque tous ces petits patrons furent ruinés. Bien qu'ils formassent un tiers du nombre des fabricants, leurs ateliers n'absorbaient qu'une part comparativement très faible du capital engagé dans l'industrie cotonnière. | |
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الإثنين فبراير 29, 2016 1:52 pm من طرف فدوى