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 L’internationalisme, entre planète et nations

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جنون
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18092010
مُساهمةL’internationalisme, entre planète et nations

Economiste (EHESS-CNRS), directeur de la revue Recherches internationales. On sait que les fondateurs du marxisme oscillèrent entre une conception internationaliste et une problématique cosmopolite de la vision du monde et des luttes qui s’y déroulaient [1]. Depuis plus d’un siècle, les deux sensibilités s’affrontent et coexistent. L’effondrement du système socialiste mondial, la vague de mondialisation accélérée qui prend corps dans les années 80 sous l’influence des politiques de Thatcher et Reagan, la croyance en un « village planétaire » et en un monde dont les ressources s’épuiseraient et connaîtraient leurs limites, ont largement contribué à rebattre les cartes à l’aide desquelles il est communément admis d’observer le monde.La démarche internationaliste

L’internationalisme procède de la démarche de la solidarité de luttes et de combats, et se distingue d’ailleurs de ce point de vue de la charité ou de l’action humanitaire qui relèvent de l’assistance aux victimes et ne visent pas à modifier des logiques même si l’existence de ces victimes porte toujours témoignages de situations insupportables. Il a emprunté tout au long du XXème siècle trois formes majeures [2] :

  • Octobre 17 a ouvert la voie à une longue chaîne de solidarité fortement inscrite dans la naissance de la jeune Union soviétique puis dans la constitution des blocs de la Guerre froide. Ceux qui y contribuèrent nouèrent des liens, s’entraidèrent, échangèrent des expériences. Ils furent responsables non seulement devant leur peuple mais devant toute l’humanité en espérance. Ils étaient animés d’une motivation forte, celle d’une visée commune s’incarnant dans un avenir à construire et des expériences à protéger. L’effondrement du monde soviétique marqua la fin de cette épopée.
  • Le deuxième front de ces luttes fut celui de la solidarité aux peuples coloniaux en lutte pour leur indépendance et plus largement aux luttes du Tiers Monde. Des grandes causes émancipatrices enflammèrent la jeunesse des pays occidentaux dans les années 60 et 70 – Algérie, Vietnam, Afrique du Sud. Cette action s’accompagna d’une aide à des projets originaux de construction nationale (Cuba, Nicaragua, etc.). La remise en cause d’un ordre dominant, celui de l’impérialisme fut le ressort de ces luttes ainsi que le refus de voir un peuple en exploiter un autre.


  • Enfin la solidarité antifasciste et antidictatoriale fut aussi l’un des trait de ce siècle. L’engagement des Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne et celui de la MOI dans la Résistance en furent les figures les plus emblématiques. Plus récemment, le Portugal de Salazar, la Grèce des colonels ou le Chili de Pinochet mobilisèrent des générations de militants solidaires. C’est la perception d’un danger commun et la volonté d’y faire face qui cristallisa la mobilisation. Participent également de cette démarche les formes de solidarité active aux démocrates des pays dirigés par des équipes d’extrême-droite populistes ou à l’égard de ceux qui s’opposent aux formes rétrogrades et fascisantes de l’intégrisme religieux, notamment de l’islam politique ou du fondamentalisme selon l’expression que l’on préfère. L’Afghanistan des Talibans ou l’Algérie des salafistes en constituèrent des terres emblématiques.
Une longue chaîne parcourant plusieurs générations s’est ainsi constituée. Ces luttes solidaires furent d’emblée happées par la surdétermination politique et idéologique de la Guerre froide et de l’affrontement des blocs, y compris lorsqu’elles furent d’essence syndicale. Disons le tout net, très peu de forces purent s’arracher à cette aimantation. La solidarité s’imposa d’emblée entre les “composantes naturelles” du mouvement révolutionnaire mondial - les pays socialistes, le mouvement de libération nationale, le mouvement ouvrier des pays occidentaux - puis s’élargit plus tardivement à des catégories - les jeunes et étudiants, les femmes - ou à des préoccupations – la souveraineté nationale, la paix, le désarmement, la construction d’un Nouvel Ordre International.Le bilan est contrasté. Dans cette solidarité interdépendante, certains furent plus dépendants que d’autres. L’assistance, le clientélisme ou l’ingérence ne furent pas toujours absents ; la frontière entre conseils, directives et mises en demeure fut souvent ténue. Si les forces progressistes occidentales payèrent un lourd tribut sur l’autel de l’alignement sur les orientations de la politique extérieure soviétique, en revanche l’aide du camp socialiste fut souvent décisive pour de nombreux peuples, et l’immense mouvement de décolonisation lui doit beaucoup.L’internationalisme a pu pendant longtemps apparaître sous la forme d’un soutien à des luttes menées par d’autres et emprunt de ce fait d’un fort sentiment de générosité. On conviendra aisément du désintéressement qui animait les acteurs de ces luttes qui se réclamant de l’internationalisme se portèrent bien souvent en assistance à des luttes d’émancipation nationale. Il n’y a pas de contradiction dès lors que l’on admet que le nationalisme peut emprunter des voies buissonnantes. Issu d’une nation puissante, sa vocation hégémonique, dominatrice et expansionniste s’imposera. Issu d’une zone dominée, il prendra les couleurs d’une lutte émancipatrice à la conquête de droits bafoués. Selon le temps et le lieu, le nationalisme a toujours présenté deux visages, asservisseur ou émancipateur. Bien sûr, l’internationalisme ne se portera en assistance que du second et combattra le premier. Il serait tentant d’assimiler le combat des brigadistes de la guerre d’Espagne avec celui des « Afghans » venus prêter main-forte à la résistance à l’envahisseur soviétique et repartant guerroyer, forts de l’expérience acquise, dans d’autres terres de missions, ou avec celui des militants de l’ « internationale noire » se réclamant plus ou moins ouvertement d’un régime nazi effondré. Ce serait s’arrêter à la forme et occulter les objectifs recherchés et les valeurs portées par ces combats. Bien sûr, aucune alliance ou complicité n’est pensable, même au nom de l’ennemi commun que serait les Etats-Unis – ou Israël – entre ces diverses composantes. L’intégrisme islamisme qui, après avoir décimé les progressistes du Moyen-Orient, s’oppose aux Etats-Unis, reste une force moyenâgeuse anti-occidentale et ne peut prétendre se voir décerner un quelconque label d’anti-impérialisme. Bref, tout ce qui s’agite aux confins de l’Empire et semble s’y opposer n’est pas forcément teinté de progressisme. On retiendra que ce qui fait le ciment de la solidarité internationaliste, ce n’est pas l’existence d’un ennemi commun mais le partage de valeurs communes et la volonté de les faire avancer. Bref, penser l’internationalisme sous la bannière de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » ne peut conduire qu’à de dangereuses méprises. L’expression « ni Bush, ni Ben Laden » doit être entendue comme une invitation à lutter contre l’un et l’autre et non pas à utiliser l’un contre l’autre.Nous sommes entrés dans une période où l’intérêt commun se manifeste d’emblée entre les acteurs de luttes autour de la planète. Au Nord, la victime des politiques d’austérité remettant en cause les acquis constitués comprend spontanément le sens des luttes de ceux qui, au Sud, combattent les politiques d’ajustement structurel imposées par le FMI. Il s’agit de luttes dont la convergence est d’emblée perçue et dont la disparité dans la situation des acteurs ne fait pas obstacle à leur mise en relation. Certes, en mettant en concurrence travailleurs et Nations, la mondialisation apparaît comme un facteur de grande insolidarité, mais dans le même temps en rétrécissant la planète elle aide à la conscience d’un rapprochement de luttes. La « crise grecque » actuelle qui se voit imposer les recettes du FMI, illustre et actualise ce propos.Si les grandes grèves de décembre 1995 en France ont suscité un tel mouvement de solidarité autour de la planète, c’est parce que chacun y a vu, dans le refus de soumission aux contraintes extérieures, celles des marchés et de la construction européenne, dont elles étaient porteuses, leur contribution à une indéniable et puissante résistance à la mondialisation. Les sidérurgistes allemands, en manifestant quelques mois plus tard en brandissant des drapeaux français exprimèrent bien le sentiment d’une communauté de luttes. Les « élites mondiales » durent en convenir quelques mois plus tard à Davos. S’exprimant dans l’International Herald Tribune, les deux principaux responsables du Forum, après avoir lancé un coup de chapeau au mouvement de décembre en France, et s’être inquiétés « de la multiplication des coûts humains et sociaux du processus de mondialisation à un niveau qui affecte le consensus social des démocraties d’une façon inédite » concluaient : « les opinions publiques dans les démocraties industrielles ne se satisferont pas encore longtemps d’articles de foi sur les vertus et les futurs bénéfices d’une économie mondialisée. Il est urgent d’agir » [3]Alors que le processus de mondialisation en cours perturbe les traits et les repères traditionnels de l’internationalisme ne serait-ce qu’en opposant plus facilement les travailleurs entre eux et en mettant à mal les États-Nations, la mobilisation sur ce qu’il est désormais convenu d’appeler “les affaires du monde” rencontre un écho croissant et ponctue rituellement les grands Sommets internationaux, mettant en mouvement des forces nouvelles. Cette démarche est en rupture avec l’approche traditionnelle de l’internationaliste, même si des préoccupations communes sont partagées.Une approche mondialiste

Ces forces relèvent d’une nébuleuse qui a en commun de partager l’idée que le cadre national serait désormais dépassé et inapte à faire face aux grands problèmes auxquels sont confrontées l’humanité et la planète. Il existerait désormais un espace particulier d’intervention à privilégier, le mondial, des institutions spécifiques sur lesquelles agir et une citoyenneté de même niveau, dès lors que la scène mondiale serait devenue accessible aux individus. Le Sommet de l’OMC à Seattle, au tournant du millénaire, symbolise cette démarche nouvelle.Il s’agit d’une idéologie, le mondialisme, qui accompagne le processus de mondialisation. Ses racines sont multiples [4] et s’enracinent dans des milieux fort variés. Du Club de Rome à la Trilatérale, en passant par la mouvance libérale démocrate-chrétienne européenne, souvent "fédéraliste", on retrouve cette approche qui décline la nécessaire adaptation aux contraintes internationales et milite pour la mise sur pied de formes supranationales de gestion de la planète. Le dernier quart du vingtième siècle verra ainsi se multiplier la rédaction de rapports émanant de Commissions indépendantes qui, sous des formes diverses reviendront à minimiser l’intérêt national face aux préoccupations planétaires.La notion d’intérêts communs sera mise en avant dès le Rapport RIO (1976 - Reshaping International Order), rédigé à l’initiative du Club de Rome [5]. Pour gérer ces intérêts il en appelle à une planification internationale dans le cadre d’un système des Nations unies restructuré. Puis avec le Rapport Brandt [6] (1980 - Intérêts mutuels ; Écart Nord-Sud), le Rapport Palme [7] (1982 - Sécurité commune ; Mesures de confiance), le Rapport Brundtland [8] (1987 - Écosystèmes mondiaux ; Développement durable), le Rapport Nyerere de la Commission du Sud [9] (1990 - Renforcement de la coopération Sud-Sud), l’Initiative de Stockholm [10] (1991 - Gouvernabilité mondiale ; Nouveau concept de souveraineté) ou le Groupe de Lisbonne [11]] (1995 - Critique des excès et des méfaits de la compétitivité) on assiste à une réflexion collective qui se met en place autour de l’articulation des questions du développement et de la sécurité dans un monde interdépendant. Dans la lignée de ces travaux, la “Commission sur la Globale Governance” sera tout naturellement créée en 1992 [12] et justifiée par la fin de la Guerre froide et l’émergence de valeurs communes universelles. Plus récemment, c’est l’idée même de souveraineté étatique et d’intervention qui sera soulevée à travers le rapport "The Responsability to Protect" [13] (2002). La souveraineté qui est ici reconnue aux Etats se double de l’obligation de protéger leur population et ouvre, en cas de non-respect de cette dernière, la question d’une éventuelle intervention de la communauté internationale.Ces travaux, souvent sérieux et documentés [14], ont contribué à l’émergence d’une prise de conscience “d’enjeux planétaires” [15] même si l’expression “village-planétaire” qui émane de cette mouvance est hautement contestable et trompeuse. Ils feront cependant largement l’impasse sur l’effondrement de la sécurité individuelle qui gagne la planète ou sur la perte de gouvernabilité nationale qui affecte de plus en plus d’États et les rend incapables de s’engager internationalement de façon fiable. De même, l’interdépendance si souvent invoquée est rarement envisagée comme une situation où certains seraient plus dépendants que d’autres et où des formes de pouvoirs asymétriques s’exerceraient.On pourrait certes penser que la revendication d’une autre mondialisation n’est que la reprise actualisée de la Déclaration sur l’établissement d’un Nouvel Ordre Économique International (NOEI) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 1er mai 1974 [16] sous la poussée des Non-Alignés, mais jamais appliquée car l’Assemblée onusienne n’émet de des vœux ou des recommandations qui n’ont pas force contraignante. Le rapprochement occulterait la différence des démarches. La déclaration sur le NOEI reconnaissait que le développement nécessitait pour les pays les plus pauvres un environnement international favorable, bref, qu’en plus de choix internes, des conditions externes étaient indispensables. Il s’agissait d’accompagner alors des conditions nationales de développement de pays qui se considéraient à juste titre dans un rapport d’inégalité économique vis-à-vis des pays industrialisés. Le lien était constamment fait entre l’interne et l’externe et la réflexion défrichait la nature de l’articulation du national au mondial pour définir les exigences internationales qui découlaient des besoins internes. Cette dimension est totalement absente dans les travaux de la mouvance mondialiste, car pour celle-ci c’est en définitive l’interne qui doit s’adapter à l’externe, celui-ci étant supposé être porteur d’une rationalité considérée d’essence supérieure [17]. Les tenants d’un Nouvel Ordre raisonnaient en termes de rapport de forces entre acteurs de la scène internationale (principalement les États), alors que les altermondialistes s’essaient à tracer les contours d’un autre monde à travers des mesures techniques ou des procédures de co-globalisation, négociant des statuts d’observateurs dans les centres de décisions réels ou imaginaires.A défaut d’une société civile internationale constituée, on ne pourra pas ne pas noter la naissance d’un “espace public international” où ces diverses questions sont de plus en plus débattues à travers des Sommets mondiaux. Ainsi en quelques années se sont multipliées des conférences mondiales, suscitées par le système des Nations Unies autour de questions d’intérêt universel : Le Sommet de Rio (1992) sur l’environnement et le développement, celui du Caire (1994) sur la population mondiale, celui de Copenhague (1995) sur le social, celui de Pékin (1995) sur les femmes et celui d’Istanbul (1996) sur les grandes villes et de nombreuses réunions sur le changement climatique dû à l’effet de serre. Il serait bien sûr naïf de croire que tout ce qui s’y décide s’applique, ou que la participation forte de représentants de la société civile constituerait, à coup sûr, le gage de positions correctes. N’a-t-on pas vu la réunion du Caire prise en tenailles entre des écologistes extrémistes prêts à supprimer une partie de la population mondiale au nom de la défense de l’écosystème planétaire et des émules du Pape ou des imams s’arc-bouter sur des positions natalistes ou anti-féministes ? Celle d’Istanbul a vu accourir les lobbies mondiaux des industries du bâtiment et des travaux publics faisant l’assaut des maires de grandes villes tous rassemblés pour leur vendre la privatisation des fonctions urbaines et tenter de transformer les couloirs de la conférence en salons de la corruption.Ainsi, refusant le principe du Nous déciderons pour vous, sur vous, mais sans vous les nouveaux mondialistes ont mis la planète sous la surveillance des opinions publiques. Il faut s’en féliciter. Et ce sont les réunions les plus discrètes du dispositif financier gestionnaire du monde qui sont maintenant sous étroite vigilance. Ils considèrent qu’il vaut mieux publiquement réfléchir et discuter des affaires du monde, aujourd’hui, plutôt que de se retrouver, demain, confrontés à un Gouvernement invisible.Mais la société civile mondiale est à l’image de la planète. Elle possède ses riches, ses pauvres, ses artisans démunis et ses multinationales expertes en lobbying. Elle se professionnalise et a appris à organiser et financer ses campagnes médiatiques. Greenpeace, Amnesty International, Médecins sans Frontière, et quelques autres forment les gros bataillons laissant les petits sans voix. Et que dire de cet iceberg de la société moins "civile" - c’est-à-dire sa partie marchande - dont les lobbies assiègent de façon permanente Congrès américain ou Commission de Bruxelles. L’Onu elle-même ne vient-elle pas d’engager le dialogue partenarial - très sponsorisé et intéressé - avec les transnationales qu’elle s’était pourtant promise depuis des années de contrôler [18]. En établissant un dialogue direct avec les multinationales et les ONG, la démarche adoptée par les Kofi Annan vise à court-circuiter les États et à donner au marché une légitimité dans l’expression élaborée du bien collectif.Il ne s’agit ni plus ni moins que d’effacer la distinction qui fonde la démocratie : la séparation de la sphère publique de la sphère des intérêts privés. On savait que les États avaient sous-traité des proportions croissantes de leurs prérogatives au secteur privé, que les centres décisionnels publics étaient assaillis par les lobbies désireux de défendre leurs intérêts. Mais il s’agit maintenant de réintroduire l’expression d’intérêts privés (ONG, firmes, syndicats, religions) dans un modèle de “gouvernance” en ratifiant en quelque sorte les réalités économiques mises en place par trente années de libéralisme. En démocratie, l’espace public, qui se distingue de l’espace privé constitué par le marché et la “société civile”, fait l’objet d’une expression citoyenne à travers la souveraineté populaire où chacun compte pour un. Bref, à l’aide du concept de “société civile” qui remplace désormais celui de citoyenneté sociale, l’espace de la participation politique du citoyen se verrait réduit. Ainsi la “gouvernance globale” se propose, sous couvert d’élargir la démocratie à la “société civile” et à ce qui n’est pas public, de réintroduire dans le débat décisionnel l’expression d’intérêts privés. “Gouvernance globale” et “société civile” deviennent ainsi les concepts en phase avec la réalité de la mondialisation libérale et son déni de démocratie.Au demeurant, tous les citoyens du monde pèsent-ils d’un même poids ? Si les affaires de la planète sont gérées par une poignée d’États, ceux du G-7 ou du G-8 voir maintenant du G-20, cela signifie qu’il faut commencer par être né au bon endroit pour espérer peser de façon citoyenne ne serait-ce que par l’intermédiaire de sa nation. Même le monde virtuel d’internet, potentiellement porteur d’un nouveau modèle de démocratie en réseau horizontal a dévoilé ses limites. L’une des premières cyber-élections organisées sur le net pour désigner l’instance mondiale régulatrice du réseau n’a mobilisé qu’1 % des internautes. Plus encore, le seul représentant français s’est révélé être un “citoyen” d’un type particulier, puisqu’il s’agissait du directeur de l’innovation chez France Télécom [19]. Piètre leçon de démocratie.De même que la mondialisation s’oppose aux formes constituées de la démocratie s’exerçant dans des cadres nationaux, le mouvement altermondialiste qui l’accompagne se heurte souvent aux forces politiques constitutives de cette démocratie sur des questions de légitimité, de modalité de fonctionnement alors même que les objectifs peuvent ne pas les séparer.Le 11 septembre 2001 et ses suites ont révélé l’extrême difficulté à faire émerger à l’échelle du monde des valeurs communes et universelles partageables par tous les hommes et autour desquelles construire un monde non fragmenté et divisé. La citoyenneté mondiale est encore loin et ne peut être le fait commun d’hommes vivant à des années-lumière les uns des autres [20]. Pour l’atteindre, il est nécessaire de s’attaquer à la misère, à l’exclusion massive et à l’arriération qui touchent des milliards d’hommes. Elle ne peut être autoproclamée comme préalable à toute visée. Après la fin de la Guerre froide, certains se prirent à rêver à l’avènement d’un monde kantien de paix perpétuelle, de valeurs universelles, ou de biens communs collectivement gérés. La vingtaine d’années écoulées dément, hélas, cette prophétie et annonce plutôt un cadre conceptuel antérieur à la Guerre froide. Il est maintenant certain que le projet états-unien consiste non seulement à se dégager du co-partenariat que lui avait imposé l’Union soviétique durant cette période, mais à effacer les conditions de la fin de la Seconde guerre mondiale qui avaient introduit la notion de responsabilité partagée des affaires du monde, symbolisée notamment par la naissance de l’ONU. La crise d’aujourd’hui, loin de porter les germes d’un retour régulationniste s’inspirant des « trente glorieuses », annonce plutôt la poursuite d’un lent détricotage des acquis constitués à partir du programme de la Résistance. L’issue de la crise en cours risque fort d’être un retour à avant 1945, c’est-à-dire à l’insécurité, la violence, l’absence de protection et l’entrée dans la jungle [21].Une possible convergence et la recherche d’un dépassement

La nouveauté de la situation actuelle réside dans le fait que le mondialisme s’est fracturé et n’est plus porté uniquement par ceux qui aspirent à un gouvernement mondial des forces dominantes mais implique également ceux qui ont une autre vision de la gestion de la planète que les “globals leaders” de Davos ou du G-8. Certes ils partagent souvent en commun avec les élites mondialisées l’idée que le cadre national serait dépassé mais ils ont avec celles-ci un désaccord sur la façon de concevoir l’organisation du monde et l’expriment avec vigueur à travers leurs mots d’ordre (“le monde n’est pas une marchandise !”, "Un autre monde est possible !). Bref ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Cela ne les empêche pas de privilégier systématiquement les mécanismes décisionnels de niveau supranational au détriment de mesures nationales pouvant permettre de s’émanciper des fameuses contraintes extérieures. Bref la réflexion est engagée sur le niveau mondial et délaisse le lieu décisif de l’articulation du national à l’international, considérant in fine que l’échelon national n’a plus de pertinence.Pour leur part, les internationalistes sont bien conscients qu’à l’aube du XXIème siècle leur combat doit intégrer des dimensions nouvelles, libérées des blocs antagonistes de la Guerre froide, qui vont bien au-delà du “prolétaires de tous les pays unissez-vous” et qui résultent des enjeux nouveaux induits par la mondialisation ( sécurité, environnement, spéculation financière, montée de l’économie mafieuse, mouvements migratoires, etc. ) et dont les réponses dépassent souvent le cadre unique des États-Nations et supposent des coordinations internationales - souveraines de préférence.Les deux approches reflètent une culture différente. Les uns se servent du monde comme caisse de résonance de luttes et postulent la complémentarité entre internationalisme et primauté du cadre national, l’international fournissant la perspective et le national le terrain, les autres prennent le monde comme enjeu de luttes et veulent le façonner différemment. Les uns cultivent l’ici et maintenant avec l’aide des autres, les autres, le là-bas, plus tard et tous ensemble. Les uns raisonnent sur les catégories explicatives de l’exploitation et de l’intérêt commun comme moteur de la solidarité, les autres labourent les champs de l’éthique, du moral et de l’humanisme. Les uns réfléchissent sur l’expérience du siècle écoulé et tentent de reformuler les nouvelles dimensions de l’internationalisme en considérant l’espace national comme le cadre privilégié de l’exercice de la citoyenneté, alors que les racines des autres les conduisent à préconiser une “Première planétaire” [22]. Les uns sont adossés au triptyque coopération internationale – démocratie – souveraineté populaire, alors que les autres cultivent le tandem gouvernance globale – société civile. Mais tous travaillent et se retrouvent ensemble, de Seattle à Porto Alegre et œuvrent à défendre les biens communs.Depuis une dizaine d’années ces deux courants se sont retrouvés en de nombreuses occasions. Ils ont appris à travailler ensemble, à se connaître, à s’apprécier et s’estimer. Des campagnes communes les ont réunis. Des espaces de rencontres et d’échanges d’expériences comme les Forums sociaux mondiaux ont facilité le dialogue. Mais surtout la scène mondiale évolue à une telle vitesse que les repères constitutifs de posture idéologiques sont en pleine transformation et donnent lieu à des chassés-croisés encore inimaginables il y a encore quelques années. Alors que depuis l’effondrement des pays socialistes l’histoire semblait arrêtée au point que certains s’autorisaient même à prophétiser sa fin, les bouleversements politiques que l’Amérique latine a connus, ont complètement changé la donne.Les « virages à gauche » de Amérique latine ont en quelque sorte rebattu les cartes. Maintes thématiques sont ainsi malmenées et suscitent d’intenses controverses au sein du mouvement altermondialiste. Le rapport au politique autrefois envisagé avec méfiance suscite aujourd’hui un intérêt et un renouveau marqués. L’idée de changer le monde sans prendre le pouvoir a été rudement bousculée. Le cadre national n’est plus dédaigné puisque c’est celui dans lequel des transformations sociales sont en cours et qu’il s’agit de modifier. La vision d’un autre monde n’est plus pensée en « apesanteur » mais au contraire articulée aux besoins nationaux de développement portées par les expériences actuelles. La référence à la période tiers-mondiste des décennies 60 et 70, pudiquement ignorée parce qu’exaltant le cadre national, est aujourd’hui valorisée comme racine historique, voire source constitutive du mouvement. La référence à Frantz Fanon renforce le trait. On en vient, même si la question est loin de faire consensus, à un projet de Vème Internationale dont l’épicentre serait l’Amérique latine [23]. C’est dire combien les postures de départ ont évolué et combien la césure souvent proclamée entre le XXème et le XXIème siècle n’est plus si nette, tant nombre de catégories d’analyses propres au siècle dernier gardent encore de leur pertinence. Bref, la mondialisation n’a pas encore balayé l’internationalisme, même si elle contribue à en reformuler les traits majeurs.Aujourd’hui la tradition internationaliste du mouvement ouvrier telle qu’elle s’est développée au cours du siècle dernier reste une référence majeure pour de nombreux secteurs militants même si les conditions de son émergence ou ses pratiques relèvent d’un passé révolu. Elle s’est vue renforcé par des préoccupations et des sensibilités nouvelles qui témoignent des bouleversements du monde, notamment de l’émergence d’enjeux dont la problématique est d’emblée planétaire. Le nouvel internationalisme qui fraie son chemin à l’aube du XXIème siècle devra combiner des traditions acquises par le mouvement ouvrier et s’ouvrir à de nouvelles exigences humanistes et écologistes. Tel est l’enjeu de l’immense mouvement de recomposition en cours. [1] On consultera à cet égard le stimulant essai de Michael Löwy, Patries ou planète ? Nationalismes et internationalismes de Marx à nos jours, Ed. Page deux, Lausanne, 1997, 158 p.[2] Nous renvoyons au n° 52-53, printemps-été 1998, de la revue Recherches internationales, consacrée, en hommage à Henri Curiel, à " La crise et l’avenir de la solidarité internationale " ainsi qu’ à l’ouvrage que nous avons co-dirigé avec Jean Tabet : Des Brigades internationales aux sans-papiers - Crise et avenir de la solidarité internationale ( Le Temps des Cerises, 1999, 300 p. )[3] Klaus Schwab et Claude Smadja, « Start Taking the Blacklash Against Globalization Seriously » - International Herald Tribune, [« Commencer à prendre au sérieux le retour de bâton contre la mondialisation »], 1er février 1996. Le premier est fondateur et président du Forum Économique Mondial ; le second en est le directeur.[4] Une multitude de termes sont utilisés pour désigner cette approche : cosmopolitisme, fédéralisme, universalisme, ... Nous renvoyons pour une démarche favorable à cette filiation à Peter Coulmas, Les citoyens du monde - Histoire du cosmopolitisme, Albin Michel, 1995, 334 p., à Jean-Marie Guéhenno, L’avenir de la liberté - La démocratie dans la mondialisation, Flammarion, 1999, 222 p. et à Philippe Zarifian, L’émergence d’un Peuple Monde, PUF, 1999, 190 p. et pour un point de vue critique à Armand Mattelart, Histoire de l’utopie planétaire, La Découverte, 1999, 423 p.[5] Jan Tinbergen (Coord.), RIO, Reshaping the International Order, E. P. Dutton & Cie, New York, 1976, 325 p.[6] Willy Brandt (Coord.), Nord-Sud, un programme de survie, Gallimard/Idées, 1980, 535 p.[7] Olaf Palme (Under the Chairmanship), Common Security - A Programme for Disarmament, The Report of the Independant Commission on Disarmament and Security, Pan Books, London, 1982, 202 p.[8] CNUED, Our Common Future (The Brundtland Report), Oxford University Press, 1987[9] Rapport de la Commission Sud, Défis au Sud, Economica, 1990, 324 p.[10] The Stockholm Initiative on Global Security and Governance, Common Responsability in the 1990’s, Prime Minister’s Office, Stockholm, April 22, 1991, 48 p.[11] Groupe de Lisbonne, Limites à la compétitivité - Pour un nouveau contrat social, 1995, La Découverte, 230 p. [Coord. Ricardo Petrella[12] Commission on Global Governance présidée par Ingvar Carlsson et Shridath Ramphal. Son Rapport Our Global Neighbourhood sera publié en 1995, Oxford University Press, 410 p.[13] The Responsability to Protect : Report of the International Commission on Intervention and State Sovereignty, Ottawa, International Development Research Council, 2002.[14] Nous n’avons fait état ici que de travaux “collectifs” issus de commissions internationales. Il faudrait y rajouter l’abondante production individuelle de nombreux intellectuels. S’il fallait les réduire à un seul, nous choisirions le plus emblématique : Edgar Morin et Anne-Brigitte Kern , Terre-patrie, Le Seuil, 1993, 217 p. Chez les responsables politiques, signalons l’ouvrage de l’ancien vice-président de Clinton et candidat démocrate malheureux contre Bush Jr. : Al Gore, Sauver la planète terre - L’écologie et l’esprit humain ; préface de Brice Lalonde, Albin Michel, 1993, 349 p.[15] On pourrait compléter cette liste en évoquant les problèmes de la drogue, de l’économie mafieuse internationale, de l’architecture financière internationale, des migrations mondiales ou de la prolifération nucléaire, du "changement global" (effet de serre, biodiversité, couche d’ozone). On notera que de telles listes sont généralement élaborées par les pays du Nord, car abordant des questions qui les affectent, et que les solutions généralement retenues impliquent des modifications comportementales ... dans les pays du Sud.[16] Résolution 3201 : Déclaration concernant l’instauration d’un Nouvel Ordre Économique International (1er mai 1974) et Résolution 3202 : Programme d’action concernant l’instauration d’un Nouvel Ordre Économique International (1er mai 1974).[17] Nous citerons longuement Lionel Stoléru [1987], L’ambition internationale, Ed. du Seuil, 1987, car il résume parfaitement le sens de la démarche mondialiste :
« Ces prétendues “contraintes” internationales, c’est nous-mêmes qui les avons voulues, c’est nous-mêmes qui les avons édifiées, c’est nous-mêmes qui, jour après jour, nous employons à les développer. Nous n’avons plus les coudées franches parce que nous avons voulu ne plus avoir les coudées franches. » (p.12)
(...) « Disons d’abord qu’il n’y a pas de contraintes internationales, il n’y a que des ambitions internationales que nous avons librement choisies, que nous voulons atteindre parce que nous savons qu’hors d’elles, point de salut.(...) Disons que par rapport à ces ambitions internationales, il n’y a plus de politiques nationales, il n’y a plus que des contraintes nationales, qui nous freinent dans la recherche de nos ambitions internationales. » (p.13)
« Telle est, en bref, cette espèce de révolution copernicienne que je voudrais proposer dans cet ouvrage : faire tourner les économies nationales autour de l’économie internationale comme la terre tourne autour du soleil, et non l’inverse, abandonner l’illusion de politiques nationales soumises à des contraintes internationales pour regarder en face la réalité nouvelle d’aujourd’hui : une politique internationale soumise à des contraintes nationales” ». (p.14)[18] Il s’agit du mécanisme du "Global Compact". Cf. Michel Rogalski : "L’Onu, les multinationales et le droit du développement" [Éditorial], Recherches internationales, n°63, 1 - 2001, pp.3-7.[19] Cf. “Un rendez-vous manqué pour le ‘gouvernement’ du Web” dans Le Monde interactif du 25 octobre 2000.[20] Il suffit pour en prendre conscience d’imaginer les préoccupations de la grand-mère américaine soucieuse de pouvoir accueillir ses petits-enfants le week-end avec l’eau de sa piscine suffisamment chauffée et celles de la grand mère cambodgienne à la recherche de la quantité de bois de feu nécessaire à faire cuire le riz du soir.[21] Michel Rogalski, « Fin du néolibéralisme ou entrée dans la jungle et les crises ? » [Présentation], Recherches internationales, n° 84, octobre-décembre 2008, pp.55-59[22] Proposition formulée par Ricardo Petrella.[23] Vème Internationale dont un appel au lancement fut lancé par Hugo Chávez en novembre 2009.

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