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 Le grand recul de la social-démocratie et la défaite du projet réformiste

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Le grand recul de la social-démocratie et la défaite du projet réformiste  Empty
18092010
مُساهمةLe grand recul de la social-démocratie et la défaite du projet réformiste

Cet entretien avec Gerassimos Moschonas a été réalisé en octobre 2009. Gerassimos Moschonas est professeur en analyse politique comparée au Département de Science politique et d’Histoire de l’Université Panteion (Athènes). Il enseigne aussi à l’Institut d’études européennes de Bruxelles (ULB). Le grand recul de la social-démocratie et la défaite du projet réformiste  Gerassimos_Moschonas— La victoire simultanée de la social-démocratie européenne dans la deuxième moitié des années 1990 a donné l’impression d’une forte résurgence de sa dynamique électorale. Mais dans la décennie suivante, la crise de la stabilité électorale des partis sociaux-démocrates semble s’intensifier et s’approfondir. Qu’en est-il exactement ?Gerassimos Moschonas — Sur le long terme (années 1950-2009), les socialistes, considérés globalement en tant que famille politique, se sont nettement affaiblis électoralement. De fait, il y avait une remontée électorale social-démocrate dans la seconde moitié des années 1990. Jamais la véritable ampleur de la reprise d’influence de cette période n’a été chiffrée, laissant ainsi la place libre à des commentaires fondés sur des données empiriques fragmentaires, voire « impressionnistes ».Tout d’abord, la remontée électorale de la période n’avait rien d’extraordinaire et n’a pas dépassé le plafond électoral habituel des performances de l’époque. Le pic d’influence a eu lieu vers le milieu (et non pas vers la fin) des années 1990. Ce pic (29,7 %, dans ce calcul, qui contient 13 pays de l’Europe occidentale, nous excluons les socialistes espagnols, portugais et grecs pour qui nous n’avons pas des séries ininterrompues de données) était en effet bien en-deçà des scores sociaux-démocrates des années 1980 (31,1 % en moyenne), pour ne pas parler des scores des années 1950 et 1960 (33,2 % en moyenne). La social-démocratie de la fin des années 1990 a dominé les gouvernements en Europe avec des chiffres de crise.Rétrospectivement, nous savons que ces chiffres sont les meilleurs de toute la période qui s’étend de 1990 à 2009. Mais ils se situent à un niveau bien inférieur à celui des décennies précédentes. Si le moment de la fin des années 1990 était politiquement extraordinaire, il était électoralement ordinaire, n’ayant pas une taille « imposante ». C’est pour cela, entre autres, que la domination gouvernementale n’a pas duré. Le socle électoral de la domination social-démocrate des années 1990 a été nettement moins large et significativement moins robuste que celui de la période 1950-1989.— Dans les années 2000, la crise de la stabilité électorale des partis sociaux-démocrates semble s’intensifier…Gerassimos Moschonas — Effectivement, pour la période 2000-2009, la moyenne s’élève à 26.6 %. Le long processus de glissement électoral s’amorce au début des années 1970, se vérifie au fil des décennies pour s’emballer littéralement au cours des dernières années. Globalement, donc, la tendance est à l’accentuation du recul, chaque décennie étant électoralement moins bonne que la précédente : - 1,5% dans les années 1970, - 0,6% dans les années 1980, - 1,9% dans les années 1990, - 2,6% dans les années 2000). Vous avez tout à fait raison, les années 2000 ont laissé trop de dégâts derrière elles.— Est-ce que ces résultats électoraux confortent l’hypothèse d’un déclin de la social-démocratie, même si ce processus n’investit pas les mêmes formes et le même degré dans tous les pays européens ?Gerassimos Moschonas — À l’heure actuelle, les partis sociaux-démocrates d’Europe centrale et du Nord ont perdu en moyenne, par rapport aux années 1950 et 1960, environ 20 % de leur force électorale. Le mouvement de recul social-démocrate touche tous les pays, à l’exception du sud européen. Il progresse en s’accentuant : avec le temps, davantage de partis sont fragilisés et davantage de pertes sont enregistrées. S’il n’est pas linéaire (la volatilité des performances est la règle et la reprise d’influence est fréquente), il est persistent sur le long terme. Il produit systématiquement, à chaque retour du balancier électoral, des victoires plus limitées que par le passé. Les succès extraordinaires sont devenus rares. Enfin, il a fragilisé davantage des partis historiques : les partis norvégien, danois, luxembourgeois, belge et néerlandais sont touchés plus que les autres.— Le constat est donc sans appel…Gerassimos Moschonas — En effet, la social-démocratie a atteint la cote d’alerte électorale. En particulier, certains des partis sociaux-démocrates, certes encore en nombre minoritaire, sont entrés dans une zone électorale dangereuse pour eux, la zone de remise en question de leur capacité de gouvernement. Un score comme celui qu’ont obtenu les travaillistes néerlandais aux élections européennes de juin 2009 (12 %) est caractéristique des partis périphériques et non des partis de gouvernement. À l’heure actuelle, les données électorales pointent à une crise claire et nette. C’est une tendance lourde.Certes, ce n’est pas l’hécatombe électorale. Mais la social-démocratie, sans devenir une « petite » force, est désormais une force plus petite. L’analyse politique conventionnelle dit que le pendule politique, qui a conduit aujourd’hui la social-démocratie à des performances limites, oscillera bientôt en sa faveur. Les prévisions pré-électorales ont toutefois été démenties pendant les élections européennes.— Justement, comment mettre en perspective historique les performances électorales de la social-démocratie à la fois en termes de scores électoraux et de volatilité de ses soutiens depuis 1950 ?Gerassimos Moschonas — On ne peut pas tracer au cordeau une périodisation. Les voies nationales diffèrent et les cycles électoraux suivent avant tout une dynamique nationale. Néanmoins, le temps électoral social-démocrate peut se diviser en trois étapes, chacune d’une durée approximative de vingt ans.Les partis socialistes et sociaux-démocrates obtiennent leurs meilleurs résultats dans les années 1950 et 1960, reculent modérément dans les années 1970 et 1980, pour accentuer leur contraction électorale dans les années 1990, et encore davantage après 2000. Ainsi, concernant le cadre temporel, les décennies du grand changement de tendance sont clairement les années 1970 et 1980. La coupure dans la stabilité électorale des sociaux-démocrates se situe, sans équivoque, à cette période.Par contre, les années 1990 et 2000 représentent la phase du grand recul. Plus de deux tiers des pertes, par rapport à l’apogée des années 1950 et 1960, sont survenues pendant cette période. Ainsi, pendant les vingt dernières années, passe-t-on d’une période de dégradation modérée et riche en tendances contradictoires (les années 1970 et 1980) à un déclin quasi-généralisé et plus brutal. Globalement, la contraction électorale est forte et atteint son point culminant dans les années 2000.— À l’heure actuelle, quels sont les autres aspects qui composent la crise identitaire et politique du modèle social-démocrate comme mode spécifique et original de structuration de la gauche ?Gerassimos Moschonas — En effet, il existait dans le passé une sorte de savoir-faire réformiste spécifiquement social-démocrate, soutenu et assumé par des formations politiques provenant de la grande tradition ouvrière et populaire des capitalismes ouest-européens. Les deux pièces maîtresses qu’ont soutenu le réformisme social-démocrate historique fussent, d’un côté, les syndicats et, de l’autre, l’enracinement électoral profond de la social-démocratie au sein de la classe ouvrière. À ce propos, Alain Bergounioux et Bernard Manin ont justement écrit que « l’originalité social-démocrate résidait moins dans une politique déterminée [exemple : le keynésianisme] que dans une tradition organisationnelle et culturelle rendant, au cours du temps, plusieurs politiques possibles ».— Ce n’est donc pas seulement l’efficacité électorale des partis sociaux-démocrates qui est mise en question aujourd’hui mais aussi leur originalité.Gerassimos Moschonas — Effectivement, au cours des trente-cinq dernières années, tous les paramètres qui définissaient, pendant la première période de l’après-guerre, l’espace partisan social-démocrate (et faisaient sa spécificité et son ethos) sont plus ou moins en mutation. La mue concerne tous les niveaux de la vie social-démocrate. Elle travaille à la fois la structure du pouvoir et le caractère de classe des organisations, les cultures militantes, le leadership, le lien avec les syndicats, la composition sociale des électorats, les idées, les politiques économiques et sociales, le style politique, l’image, tout ce qui compose une identité.Le changement est profond parce qu’il n’est pas qu’idéologique-programmatique, bien que le changement idéologique-programmatique soit le plus mis en avant, le plus visible et le plus discuté – et controversé – d’une mutation plus générale. Tous les petits ou grands changements en question, complémentaires et, souvent, convergents, ont graduellement conduit non pas à une simple dégradation (une « crise » ou une « panne ») du système « social-démocratie » mais à sa redéfinition. Cette grande tradition organisationnelle et culturelle a perdu sa spécificité, la forte spécificité du passé. Je désigne ailleurs ce processus de refonte des social-démocraties européennes, en reprenant le terme bien connu de Karl Polanyi, comme une « grande transformation ». (In the Name of Social Democracy, The Great Transformation : 1945 to the Present, Londres, New York, Verso, 2002)— Face à la montée en puissance des politiques du néo-libéralisme, la social-démocratie a connu un processus de déradicalisation programmatique et idéologique qui fait pendant à un important déplacement du centre de gravité sociologique de son électorat vers les couches moyennes salariées. À ce propos, peut-on parler de partis sociaux-démocrates sans social-démocratie ?Gerassimos Moschonas — La déradicalisation idéologique et programmatique n’est pas une nouveauté dans la longue histoire de la gauche. La social-démocratie a toujours été une force idéologiquement inconstante qui a souvent « révisé » sa propre tradition. Cependant, dans toutes les révisions précédentes, en dépit d’abandons idéologiques importants, en dépit des échecs et des « trahisons », la social-démocratie a su conserver son lien privilégié avec les couches défavorisées de la société.Selon Steven Lukes, c’est l’engagement envers le principe de rectification des inégalités, et en dernier ressort, le « projet rectificateur » qui définit la gauche. Or, les vagues de déradicalisation du passé (avant la Grande guerre, dans la période de l’entre-deux-guerres ou après la Seconde guerre mondiale) ont certes, et profondément, modifié le projet « rectificateur », mais elles n’ont mis en cause ni idéologiquement, ni pratiquement (années 1930 et après-guerre) la priorité de la redistribution.C’était cela la puissance de la social-démocratie, mais aussi son identité qui la différenciait de la droite. La social-démocratie a été une force idéologiquement inconstante mais socialement et politiquement efficace. Elle a imposé des changements, institutionnels, économiques et sociaux, qui ont amélioré la condition des couches pauvres et mis un frein politique et institutionnel aux résultats violents et incontrôlés de la dynamique économique du capitalisme.— Concrètement, comment expliquer le success story social-démocrate en Europe ?Gerassimos Moschonas — L’explication relève surtout des politiques sociales (la redistribution), mais aussi du libéralisme politique et du libéralisme culturel. L’ascendant socialiste (face à la droite) sur les secteurs de la politique sociale, du libéralisme politique (la modernisation démocratique) et du libéralisme culturel (la modernisation culturelle) a été lié à un avantage de physionomie, au sens où ce triple ascendant a été en accord avec des traits distinctifs importants du profil idéologique et programmatique initial des partis sociaux-démocrates.Toute l’histoire de la social-démocratie montre (depuis le programme d’Erfurt jusqu’à l’Ecole de Stockholm, depuis l’austro-keynésianisme jusqu’aux réalisations des socialistes du sud) que les partis sociaux-démocrates se sont imposés comme forces centrales et majoritaires quand ils ont pris une longueur d’avance idéologique face à leurs adversaires de droite. Autrement dit, quand ils ont produit ou adopté des idées que ces derniers n’étaient pas encore prêts à accepter comme le suffrage universel et les droits politiques de la classe ouvrière, comme l’Etat providence et le keynésianisme, comme l’approfondissement de la démocratie et la modernisation des mœurs dans l’Europe du Sud.Au fond, toutes les « modernisations » que la social-démocratie a entreprises avaient un côté modernisation alternative, une adaptation du projet social-démocrate non seulement en faveur du capitalisme (qui était l’orientation générale de la révision, et de chaque révision, social-démocrate), mais aussi en faveur des classes populaires (une sorte de modernisation de contrepartie à l’intérieur de la modernisation à orientation capitaliste).Toutefois, la situation a changé. Si la social-démocratie s’est constituée historiquement à titre principal comme gauche sociale, elle peine aujourd’hui à promouvoir des politiques de redistribution et un nouveau paradigme de politique économique. Elle n’est plus, ou mieux, elle n’est pas assez une gauche sociale. Elle ne remplit plus ce rôle, « son rôle ». Cela mine la base populaire de l’entreprise social-démocrate, comme l’attestent les pertes électorales au sein des classes populaires. En plus, la social-démocratie, à cause de la modernisation de la droite, n’est plus à l’avant-garde du libéralisme politique.Je ne trahirais pas, je crois, l’esprit de votre questionnement initial si je le reformulerais comme suivant : Que reste-t-il donc de la social-démocratie au début du nouveau siècle ? Il reste en opération un pôle partisan-organisationnel et une sensibilité sociaux-démocrates. Mais ce « pôle » (d’ailleurs, lui-même significativement affaibli) et cette « sensibilité » sont inaptes à apposer une marque distinctive de gauche autrement que sous forme anémiée sur le système social et politique. Ni sur le système politique national ni sur le système politique de l’Union Européene.— Dans un contexte dominé par les options macro-économiques néo-libérales, un travail de refondation théorique et politique fut entrepris par une majorité de forces socialistes ou social-démocrate dont la « troisième voie » blairiste représente la forme emblématique. Quel bilan provisoire peut-on tirer de cette expérience de modernisation social-libérale ?Gerassimos Moschonas — Tout d’abord, ce travail de refondation théorique et politique a été nécessaire et inévitable. La social-démocratie, pendant les années 1990 notamment, a traversé une période de renouveau programmatique, une phase de véritable fièvre programmatique. L’ouverture aux idées du libéralisme économique, l’ouverture à la sensibilité post-matérialiste et multi-culturaliste et l’adoption d’une posture plus pro-européenne constituent, entre autres, les trois volets les plus significatifs de la nouvelle offre programmatique des sociaux-démocrates. Il faut ainsi noter que la social-démocratie a réagi au dynamisme idéologique de ses concurrents avec une grande rapidité.Quel bilan provisoire peut-on tirer de cette expérience de modernisation idéologique et programmatique ? Le bilan est très modeste, à la fois électoralement et idéologiquement. Tout d’abord, d’un point de vue électoral, la nouvelle formule idéologique et programmatique s’est avérée, dans un premier temps (seconde moitié des années 1990), réussie. Ce n’est plus le cas. Si l’on suit la logique des chiffres électoraux (et non pas la logique des idées), l’adoption d’un néolibéralisme modéré de la part du centre-gauche a été une réussite électorale à court terme, mais un véritable échec à moyen terme. À la longue, l’option néolibérale a phagocyté les soutiens électoraux de la gauche modérée.Ensuite, d’un point de vue idéologique, cette fièvre programmatique et, plus généralement, la grande richesse du débat sur les nouvelles orientations politiques social-démocrates, n’ont pas créé l’image d’une véritable originalité idéologique. Cette perception, en partie injuste, vu la richesse et la polyvalence de la nouvelle production programmatique, trouve néanmoins son fondement le plus profond et le plus puissant dans l’incapacité des sociaux-démocrates contemporains à gérer la « question sociale », vecteur principal de leur identité historique. Au fond, l’option néolibérale a non seulement phagocyté les soutiens électoraux de la gauche modérée mais aussi, en grande partie, son originalité idéologique et programmatique.En réalité, tout ce travail de refondation avait un caractère hautement défensif. Au cours des dernières décennies, la social-démocratie n’a pas été la force politique qui a conduit le renouveau idéologique et programmatique en Europe. La droite et le centre-droit avec leur agenda néo-libéral, les Verts avec leur plate-forme écologique et post-matérialiste et, plus récemment, la droite radicale populiste ont mené le jeu. La pensée social-démocrate a été, en grande partie, défaite. Ce travail de refondation, nécessaire et inévitable, je dois le répéter, fut finalement un travail d’adaptation défensive. Il n’a pas abouti à la production d’un discours offensif en mesure de rétablir le leadership politique et intellectuel de la social-démocratie historique.— Dans cette configuration européenne, le Parti Socialiste (PS) occupe une place singulière au vu de son statut organisationnel, de ses assises sociologiques et de ses alliances électorales sur fond d’une présidentialisation avancée. Finalement, que reste-t-il aujourd’hui de l’exception socialiste française ?Gerassimos Moschonas — Le PS est historiquement la lanterne rouge du socialisme en Europe, toujours capable pour le meilleur, capable pour le pire, aussi, prêt à s’effondrer et prêt à rebondir. Il constitue, par lui tout seul, une catégorie sociologique à part, étant différent à la fois des partis « sudistes » (Grèce, Espagne, Portugal) et de la social-démocratie classique. S’il n’y a pas en France une social-démocratie alternative, il y a un courant d’air alternatif tant au sein du PS que dans le mouvement syndical. Cela fait partie de la spécificité du socialisme français. Les « crises » sont constitutives, aussi, de la spécificité française. À propos de la crise actuelle, je dirais, en tant que comparatiste, que l’histoire du socialisme français, tout en contenant la possibilité d’une crise « fatale », procure un matelas de sécurité pour l’avenir et contredit le scénario de banqueroute.— Au cours des dernières années, on observe l’émergence de forces politiques radicales se situant à gauche de la social-démocratie, à l’instar de la percée électorale du parti Die Linke en Allemagne. Y-a-t-il effectivement un espace approprié pour le développement d’une radicalité politique post-social-démocrate ?Gerassimos Moschonas — En effet, un certain nombre de résultats électoraux, notamment en Suède (1998), aux Pays-Bas (2006), en Allemagne (2009), au Portugal (2009), pointent à un certain retour en force de la gauche communiste et postcommuniste. Le recul électoral et idéologique du socialisme ouvre un espace favorable pour les oppositions de gauche. La tendance, sans être systématique, tout en étant fragile et très inégale (selon le pays et la conjoncture de compétition), est indicative du fait que la « passion communiste », pour paraphraser le mot de Marc Lazar, est, d’une certaine manière, encore et toujours vivante.En plus, compte tenu du fait que les anciens modèles communistes se sont affaiblis (Italie, France, Finlande, Grèce, Portugal, Espagne), la nouvelle « gauche de la gauche » prend racine dans des pays sans grande tradition de contestation radicale. Ainsi, si après l’effondrement du communisme en 1989, les partis de gauche situés à gauche de la social-démocratie ont été à l’image d’une armée en déroute, force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui. La contestation de gauche revient dans les salons politiques.L’espace du radicalisme de gauche est très hétéroclite. Il s’agit d’un « espace » plutôt que d’une famille politique, puisque ses composantes ne forment pas une famille unique de partis. Jamais cet espace n’a été si pluraliste et tant éclaté. Il est peuplé par une nouvelle génération de partis. C’est une gauche post-communiste, même si des partis importants en son sein conservent – et revendiquent – leur identité communiste. Son profil idéologique, programmatique et organisationnel est peu compact, ne possédant ni la cohérence ni la confiance en soi du communisme historique.Les forces politiques et intellectuelles situées à la gauche de la social-démocratie ont historiquement eu au centre de leur rhétorique, au-delà de la critique, la « narration » des conquêtes et des réussites ainsi qu’une grande vision de l’avenir. Cependant, la chute du Mur, la mondialisation et la construction européenne ont contribué, par leurs effets conjugués, à délégitimer profondément les politiques anticapitalistes radicales.En particulier, la grande blessure de l’effondrement communiste n’a rien épargné, ni personne, même pas les partis qui n’avaient pas été identifiés à la version dominante et vaincue de l’entreprise communiste. Avec l’effondrement, la grande vision, cette « verve » caractéristique de la gauche historique, a brutalement capitulé, au profit d’une logique généralisée de rejet. Tout ceci a entraîné un appauvrissement intellectuel et culturel plus général, ce dernier étant étroitement lié à un appauvrissement humain (départ volontaire des cadres les plus « modernes », sortie du jeu ou silence des intellectuels de gauche).Au résultat, l’attitude défensive et une certaine « étroitesse d’esprit » sont ainsi devenues les marques distinctives du nouvel esprit anticapitaliste. La nouvelle gauche de la gauche adopte souvent, notamment dans les pays de l’Europe du Sud (France comprise), une attitude protestataire systématique et un « ultra-anti-néolibéralisme » rhétorique. Cet anti-néo-libéralisme est pourtant dépourvu des propositions de politique concrètes, en mesure de mobiliser positivement le segment anti-libéral de la population européenne (comme la récente crise financière l’a démontré). L’absence d’une politique alternative dans les rangs de la « gauche de la gauche » est de ce point de vue criante. Certes, ce type « confortable » de critique de gauche est en recul aujourd’hui (notamment en Scandinavie et en Allemagne), mais il demeure encore dominant.Pour répondre directement à votre question, effectivement, il y a un espace approprié pour le développement d’une protestation politique post-social-démocrate. Mais, à l’heure actuelle, je ne vois pas, vous me permettez cette nuance importante, le développement d’une radicalité politique post-social-démocrate. La protestation de gauche paraît, pour le temps présent, peu capable de se transformer en vecteur d’une alternative radicale. Cependant, le jeu est ouvert. Cette nouvelle gauche est en voie de redéfinition et, dois-je ajouter, de maturation lente.— L’incapacité à inventer un nouveau contenu socio-économique de gauche est à l’origine de la crise de représentation social-démocrate auprès des classes populaires. Est-ce pour autant dire que la social-démocratie a épuisé historiquement toute capacité à porter un projet politique de changements fondamentaux ?Gerassimos Moschonas — Ma vision de l’avenir proche est pessimiste. Certes, la social-démocratie n’a pas épuisé toute capacité à porter un projet politique de changements fondamentaux. Elle a pourtant contribué à édifier une machine qui la dépasse. La social-démocratie est défaite parce qu’elle n’a pas su trouver sa voie dans le contexte très particulier que forme le triangle changement sociologique - mondialisation - Union européenne. Ce triangle sans précédent a remis en question les fondements du projet réformiste historique, en déstabilisant et délégitimant les mécanismes pratiques de la mise en œuvre de la politique social-démocrate classique.Historiquement, le réformisme social-démocrate dans le cadre de l’État-nation était un projet politique de changements importants mais modérés. Le mécanisme de concrétisation du projet réformiste historique était finalement simple : constitution d’un parti fort, entouré d’organisations collatérales influentes et massives (dont les syndicats), capable d’être omniprésent dans la société civile et de définir les politiques du pays (par le contrôle démocratique de l’État ou, dans le cas de l’opposition, en exerçant des pressions de l’extérieur).Or, aujourd’hui, dans le cadre de l’Union Européenne, une société civile européenne (un démos) n’existe pas. Le pouvoir étatique, conçu comme centre de toute décision, non plus d’ailleurs. Dans ces conditions, constituer des partis et des organisations de type supra-national, dotés de la vitalité d’antan, n’est pas chose aisée, voire c’est une tâche extraordinairement ardue. D’où le besoin d’une redéfinition fondamentale et d’adaptation radicale du projet réformiste.— Comment analyser l’impact à grande échelle des enjeux de la construction européenne à partir des années 1980 sur les partis sociaux-démocrates, et notamment, sur leur capacité réformiste ?Gerassimos Moschonas — Les répercussions de l’intégration européenne durant cette période sur les partis sociaux-démocrates s’expliquent par trois raisons. D’abord, la politique nationale est fortement freinée dans sa capacité à résoudre les problèmes (et les partis nationaux le sont dans leur influence), tandis que l’Union Européenne est devenue forte, mais pas assez pour suivre une politique authentiquement supra-nationale. Ensuite, le nouvel équilibre des forces entre « le complexe bruxellois » et les États membres a accru l’impact du système institutionnel conservateur de l’Union Européenne. En fait, le conservatisme de l’Union Européenne est puissant dans un seul et unique cas : quand il n’y a pas d’issue évident au niveau national. Enfin, les politiques libérales de l’Union Européenne ont restreint les options nationales social-démocrates plus que l’inverse.Les partis socialistes, en partie par ignorance stratégique du danger, en partie par nécessité, en partie par complicité, ont favorisé des logiques économiques et institutionnelles qui leur étaient, à la longue, fortement défavorables. En particulier, ils ont épousé une vague idéologique qui était au-delà de leur contrôle. Aujourd’hui, dans l’Union Européenne, le problème qui se pose pour les socialistes est celui de la primauté de la politique – et de la rénovation programmatique – sur un terrain institutionnel « conservateur » ne favorisant ni les nouvelles majorités politiques ni le changement des politiques adoptées.Ainsi, la stratégie des sociaux-démocrates actuels est conditionnée non pas seulement par l’économie (la mondialisation comme contrainte) mais aussi par le politique (l’Union Européenne comme contrainte). La social-démocratie doit gérer non seulement une situation du type « les marchés contre la politique » (markets against politics) mais aussi une situation du type « les institutions contre la politique » (institutions against politics). Ce type de situation est historiquement inédit. Et il rend très difficile la réorientation radicale – ce qui ne signifie pas « anticapitaliste » – de la politique social-démocrate.Je considère comme certain que de nouvelles idées-forces émergeront et que de nouveaux « projets » verront le jour quand une sorte de « crise » contraindra une partie des élites social-démocrates à « imaginer » la réalisation de ce qui semble aujourd’hui irréaliste et utopique. On n’en est pas encore là, en dépit de la crise électorale du socialisme, en dépit de la crise économique mondiale.Au fond, dans une époque où l’environnement économique, idéologique et institutionnel était en train de changer, les sociaux-démocrates ont contribué involontairement à resserrer l’étau sur eux-mêmes et sur leur capacité d’action réformiste. Les critiquer, c’est facile. Les comprendre, c’est également facile. Faire des propositions alternatives, c’est bien plus difficile. Pour le temps présent, contourner le « piège » institutionnel de l’Union Européenne sans abandonner leur stratégie européenne est le premier et le plus complexe puzzle que les partis socialistes sont appelés à résoudre. En un sens, les socialistes d’aujourd’hui, et la gauche dans son ensemble, sont appelés à réussir la quadrature du cercle.(Entretien réalisé par Michel Vakaloulis)Gerassimos Moschonas a notamment publié : In the Name of Social Democracy, The Great Transformation : 1945 to the Present, Londres, New York, Verso, 2002 ; La social-démocratie, de 1945 à nos jours, Paris, Montchrestien, coll. « Clefs pour la politique », 1994. Dernier texte paru : « Reformism in a Conservative System : European Union and Social-democratic Identity », in J. Callaghan, N. Fishman, B. Jackson and M. McIvor (eds), In Search of Social Democracy : Responses to Crisis and Modernisation, Manchester, Manchester University Press, 2009. Actuellement, il travaille sur l’Union Européenne et la gauc
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