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 CHAPITRE III : LE ROLE DE LA PHILOSOPHIE DANS SUR « LA PHILOSOPHIE AFRICAINE » CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

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جنون
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CHAPITRE III : LE ROLE DE LA PHILOSOPHIE DANS SUR « LA PHILOSOPHIE AFRICAINE » CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE Empty
03032016
مُساهمةCHAPITRE III : LE ROLE DE LA PHILOSOPHIE DANS SUR « LA PHILOSOPHIE AFRICAINE » CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

Paulin Hountondji est consédéré comme le chef de fil du courant critique de l'etnophilosophie en Afrique. Ces prises de position tranchées dans « Sur la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie, concernant particulièrement le statut théorique de la philosophie et le fait d'ériger l'écriture en condition nécessaire de toute philosophie, font croire que l'Afrique précoloniale en particulier n'a pas connu la philosophie. Cependant puisque son projet s'inscrit dans la perspective de la problématique philosophique en Afrique, il est important d'analyser les rôles qu'il y assigne à la philosophie. Ce sera le but de chapitre qui sera amorcé par une brève étude biographique et bibliographique de Paulin Hountondji.

SECTION 1 : ETUDE SOMMAIRE DE L'OUVRAGE DE PAULIN HOUNTONDJI

Né à Abidjan en 1942, Paulin J. Hountondji est béninois. Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure de Paris. Il a eu comme professeurs de grands nom de la philosophie comme Louis AlthusserJacques DerridaPaul Ricoeur et Georges Canguilhem. Agrégé de philosophie, docteur ès lettres, À partir de 1967, lui-même a enseigné la philosophie à l'université des Besançon. Il a également enseigné dans les Universités africaines, l'Université de Kinshasa de Lubumbashi (ex- Elisabethville). En 1972 il est nommé chef de lachaire philosophie de l'Université nationale du Bénin où il est aujourd'hui encore en tant professeur de philosophie. En 1974, il est nomméDoyen de la Faculté de Lettres de ladite Université. Il a contribué à la démocratisation des pays africains en général et du Benin en particulier en développant des critiques virulentes contre lmes dictatures militaires. Ministre de l'Education au lendemain de la Conférence nationale, puis ministre de la culture et de la communication, ensuite chargé de mission du Président de la République, il démissionne en octobre 1994 pour reprendre son enseignement à l'Université. Son activité académique est intense et de renommée internationale. Ainsi il est co-lauréat du prix Mohamed El Fasi 2004. Il dirige à Porto-Novo le Centre africain des hautes études. La version américaine de son livre Sur la « philosophie africaine » : critique de l'ethnophilosophie (Paris, Maspero 1976) a été couronné en 1984 du prix Herskovits. L'ouvrage figure sur la liste des 100 meilleurs livres africains du XXème siècle établie à Accra en 2000. Hountondji a publié plus récemment The Struggle for Meaning : Reflections on Philosophy, Culture and Democracy in Africa (Ohio University Press, 2002). Il dirige plusieurs publications collectives dont Les savoirs endogènes : pistes pour une recherche(CODESRIA39(*), 1994), il a été vice-président du Conseil International de la Philosophie et des Sciences Humaines et vice-président du CODESRIA.
Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie est l'une des principales productions littéraires et philosophique de Paulin Hountondji. Dans cet ouvrage, comme il l'indique lui-même, il se propose de circonscrire une certaine littérature africaine (qu'il qualifie d'ethnophilosophie), en dégager les thèmes majeurs, montrer quel en a été jusque là la problématique et rendre problématique cette problématique (p.12). Ainsi Hountopndji critique l'ethnophilosophie pour montrer qu'il n'existe pas de philosophie collective, unanimiste et inconsciente comme le prétendent les ethnophilosophies à la suite de Tempels. Il se donne pour tache de définir un nouveau concept de philosophie africaine ainsi que les conditions favorable à l'essor d'une véritable culture philosophique sur le continent africain. Son livre présente une structure en deux parties et un post-scritum.
La première partie est intitulée argument et se subdivise en quatre chapitres. Le premier chapitre a pour titre « Une littérature aliénée ».Dans celle-ci, il se propose de circonscrire la problématique de l'ethnophilosophie et rendre problématique cette problématique. Plus précisément il analyse le discours ethnophilosophie et tente de dégager ses carences. Il s'articule autour des critiques des ouvrages de Tempels et de Kagamé. Il y montre que leur discours n'est pas destiné aux Africains, mais aux Européens, dans une démarche arbitraire où ceux-ci se font les portes paroles de l'Afrique globale devant l'Europe globale. Il estime que leur prétendue philosophie n'est en réalité qu'une ethnophilosophie et qu'il y a urgence de réorienter la problématique philosophique africaine sur l'Afrique et de soumettre le discours philosophique aux Africains eux-mêmes. Le second chapitre s'intitule « Histoire d'un mythe ». Ici Hountondji se propose de révéler les raisons théoriques qui sont à la base de l'émergence de l'thnophilosophie. Il considère que cela est à mettre sur le compte d'une confusion sur le terme philosophie. La confusion d'un usage populaire, idéologique et d'un usage scientifique, rigoureux du terme de philosophie. De plus selon lui, cette confusion ne s'explique pas par une méconnaissance mais par le désir intense qui animait les Africains de se réhabiliter à leurs propres yeux et à ceux des Occidentaux. Dans le troisième chapitre qui porte le titre de « L'idée de philosophie », il se propose de montrer que :
o Que jusque là l'expression "philosophie africaine" n'a fait l'objet que d'une exploitation mythologique dans l'énorme littérature qui est considéré
o Qu'il est néanmoins possible de la récupérer pour l'appliquer à autre chose que cette fiction d'un système de pensée collectif, à savoir un ensemble de discours, de textes philosophiques
Dans le chapitre 4, intitulé « La philosophie et ses révolutions » Hountondji montre que :
o La philosophie est une histoire et non un système, qu'elle est un processus essentiellement ouvert, une recherche inquiète et inachevée et non un savoir clos
o Cette histoire ne procède pas par évolution continue, mais par saut et bonds successifs
o La philosophie africaine est peut-être entrain de d'opérer aujourd'hui sa première mutation vers la construction l'éclosion d'une véritable culture philosophique sur le continent africain
En un mot, dans ce chapitre l'auteur se propose de dégager une théorie de la philosophie comme histoire. Pour lui dès l'instant que des textes sur la philosophie africaine existent commence un débat pluraliste dans la philosophie africaine; débat qui est le propre de toute philosophie.
La deuxième partie s'intitulé « Analyses » et est étroitement liée à la première. Car il se fonde sur les arguments de cette dernière pour avancer des analyses de certains auteurs qu'ils considère comme faisant partie de ceux qui, dans une certaine mesure, produisent des textes qu'il faut ranger dans la littérature philosophique africaine. C'est le cas de Antoine Guillaume Amo, de Kwamé N'Krumah. Dans cette seconde partie il analyse également le pluralisme culturel. L'ouvrage se termine par un post-scritum qui s'ouvre par une critique politique du discours ethnophilosophique et une analyse de Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle de Towa. Cette critique permet à l'auteur d'avancer trois thèses fondamentales sur les rapports philosophie-science, philosophie-idéologie et philosophie-politique. Les idées ainsi développées traitent de trois thèses principales : de la critique de l'ethnophilosophie, du statut de la philosophie africaine ainsi que des conditions de l'essor de la pensée philosophique en Afrique.
Concernant la critique de l'ethnophilosophie, il en analyse la problématique, les fondements, les démarches et les fonctions idéologique de celle-ci. Pour lui, « l'ethnophilosophie est une philosophie qui se prend à tort pour une métaphilosophie, une philosophie qui plutôt que de fournir ses propres justifications rationnelles se réfugie paresseusement derrière l'oralité d'une tradition et projette dans cette tradition ses propres thèses, ses propres croyances » (pp.65-66). Du point de vue de sa genèse l'ethnophilosophie était déjà en gestation dans la négritude dont le développements métaphysique remonte à l'année 1939. Cependant l'ethnophilosophie ne prend effectivement corps qu'à partir de la publication de La Philosophie Bantoue du Père Tempels. L'ethnophilosophie, tout comme la négritude se propose de dégager et de rendre compte d'une pensée, d'une culture, en un mot d'une civilisation africaine unanimiste qui, en réalité n'existe nulle part que dans la pensée du chercheur lui-même. Cela procède à ses yeux d'une confusion d'un usage populaire, idéologique du concept de philosophie et d'un usage rigoureux, scientifique. En effet dans chaque société il existe une pensée spontanée véhiculée par la littérature orale et se traduisant dans la vie concrète du groupe par des attitudes existentielles comme les coutumes, les traditions, les rites et de comportements de toutes sortes. Cette pensée est une vision du monde, un système de représentation du monde sous-jacente au comportement de l'individu et du groupe. Il s'agit d'un élément stable qui subsiste au changement, à l'évolution, il est comme innée, substantiel au sujet. Sous ce rapport, l'ethnophilosophie échappe au temps, elle une philosophie inconsciente, enfouie dans le psychisme collectif marquant ainsi une identité culturelle du groupe. Mais sous cet angle, elle n'est pas non plus une philosophie, mais une aptitude à la philosopher qui du reste est présente dans toutes les sociétés humaines. Cependant pour Hountondji, la philosophie au sens théorique et scientifique est une discipline spécifique dans la connaissance humaine, elle est une discipline particulière ayant un objet particulier et une méthode déterminée. Une discipline prenant corps dans une littérature écrite, car pour lui la forme écrite est la seule concevable de l'existence historique de la philosophie et la seule condition de son développement et de son progrès dans une société quelconque.
A la suite de cela Hountondji se penche sur le statut de la philosophie africaine. Comme nous venons de voir, à ses yeux elle relève essentiellement de l'ethnophilosophie. Cependant elle peut être considérée comme faisant partie de la philosophie africaine. Car la philosophie est essentiellement un ensemble de textes, « l'ensemble précisément des textes écrits par les philosophes africains et qualifiés par leurs auteurs eux-mêmes de philosophiques ». Cette définition lui permet de marquer les divergences entre les auteurs africains et faciliter l'intégration à la philosophie africaine de travaux philosophiques africains comme ceux de Towa, Fabien Eboussi Boulaga ou autres Henri Oruka Odera. De plus cette définition de la philosophie africaine ne doit pas occulter le fait que dans sa majorité, la littérature qui lui est consacrée n'a jusque là fait l'objet que d'un usage mythologique et qu'il importe donc de la transformer « en véhicule d'une discussion exigeante et libre entre les philosophes africains eux-mêmes ». Enfin Hountondji explore les conditions de l'émergence de la pensée philosophique en Afrique. Pour lui, la pratique philosophique suppose une terminologie, un vocabulaire et tout un appareil conceptuel légué par la tradition philosophique existante. La réflexion philosophique en Afrique doit s'engager sur cette voie. Il en veut pour preuve le fait que la philosophie n'est pas un système clos et achevé, mais un débat sans cesse contradictoire qui se transmet de génération en génération et dans lequel chaque philosophe est responsable de ses idées. La démarche philosophique est comparable à celle de la science, autrement dit toute nouvelle théorie se réalise par dépassement dialectique. Pour expliquer cette parenté entre science et philosophie il reprend Marx et Engels lorsque ceux-ci affirmaient que la philosophie « n'est pas autonome et ne tire pas d'elle-même les lois de son propre développement mais elle est déterminée en dernière analyse par l'histoire la production des biens matériels et des rapports sociaux de production ». Pour expliquer cette situation elle-même, il part d'une hypothèse d'Althusser contenue dans Lénine et la philosophie« la philosophie n'a pas toujours existé; on observe l'existence de la philosophie que dans un monde qui comporte ce qu'on appelle une science ou des sciences. Science au sens strict : discipline théorique c'est-à-dire idéelle et démonstrative et non un agrégat de résultats empiriques... Pour que la philosophie naisse ou renaisse, il faut que les sciences soient. C'est peut-être pourquoi la philosophie au sens strict n'a commencé qu'avec Platon, provoquée à naître par l'existence de la mathématique grecque, a été bouleversée par Descartes, provoquée à sa révolution moderne par la physique galiléenne; a été refondue par Kant sous l'effet de la découverte newtonienne; a été remodelée par Husserl sous l'aiguillon des premières axiomatiques » (p.27). Pour cette raison il importe plus en Afrique de « promouvoir ce qu'on pourrait appeler une science, une recherche scientifique africaine. Ce n'est pas de la philosophie, c'est d'abord de la science que l'Afrique a besoin ». La science est donc perçue comme la condition de l'émergence de la philosophie. Or la condition première de la science c'est l'écriture. Dans ces conditions Hountondji estime que les civilisations africaines ne pouvaient pas donner naissance à une science au sens le plus strict et le plus rigoureux du terme aussi longtemps qu'elle n'avaient pas subi la profonde mutation dont elles sont aujourd'hui sujets, mutations qui les traveraille de l'intérieur et font d'elles petit à petit des civilisations de l'écrit.
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CHAPITRE III : LE ROLE DE LA PHILOSOPHIE DANS SUR « LA PHILOSOPHIE AFRICAINE » CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE :: تعاليق

SECTION 2 : ROLE DE LA PHILOSOPHIE CHEZ PALUIN HOUNTONDJI

Paulin Hountondji écrit dans la perspective du débat sur la philosophie africaine. Comme Towa il est contemporain de la naissance de ce débat. Avant lui des choses ont été dites, des pistes ont été envisagées et parcourues. Surtout un vaste mouvement littéraire a vu le jour et produit un ensemble non négligeable de textes. Le livre de Hountondji est donc une prise de position dans ce débat. Comme le titre même l'indique, il écrit sur la philosophie africaine. Plus précisément il se propose de faire une critique de l'ethnophilosophie. Comme on vient de le voir cette critique traverse de bout l'ouvrage Hountondji, mais au-delà, il estime que sur le continent africain il existe des rôles qui sont dévolus à la philosophie. Parmi ceux-ci il y a celui qui consiste à transformer la littérature philosophique africaine existante « ... en véhicule d'une discussion exigeante et libre entre les philosophes africains eux-mêmes ». En effet pour Hountondji la philosophie africaine existe, elle existe comme sous tous les cieux sous la forme d'une littérature. C'est ce qui explique cette affirmation dès le début de son livre selon la « philosophie africaine, un ensemble de textes: l'ensemble, précisément, des textes écrits par les africains et qualifiés par leurs auteurs eux-mêmes de philosophique » (p.11). Cette littérature, variée et abondante existe depuis plusieurs années, cela est indiscutable. Elle ne prend en considération que les auteurs africains et de sa diaspora. Sont exclus tous les auteurs étrangers à l'Afrique même si ceux-ci traitent dans leurs écrits de thèmes exclusivement africains. Elle a été inaugurée fin 19ème siècle début 20èmesiècle par des ethnologues occidentaux qui se sont intéressés au continent africain pour des raisons diverses. Il peut s'agir d'études ethnologiques du peuple noir mais qui par la suite donne lieu à des généralisations pour le moins hâtives. Les sociétés africaines ont été aussi perçues comme des sociétés statiques, sans histoire à côté de la civilisation occidentale ultra-technicienne, ultra- matérialiste. Un tournant décisif a été opéré dans cette littérature en 1945 avec la publication de La Philosophie bantoue du R.P Tempels, un missionnaire belge en poste au Congo Belge. Cet ouvrage était une monographie où l'auteur recensait toutes les interrogations que ses collègues occidentaux se posaient sur les noirs en général. A ces interrogations il fournissait des réponses précises à partir d'une étude ethnologique du champ culturel bantou. Le but étant de faciliter la voie aux colonisateurs et aux missionnaires dans le cadre de la mission civilisatrice. Cette étude a eu pour résultat de faire ressortir la vision du monde sous-jacente à toutes les actions et attitudes, coutumes, rites, croyances. C'est cette vision du monde collective, inconsciente qui est appelée philosophie bantoue, partant celle de tous les Noirs. La littérature africaine dont parle Hountondji s'est largement inspirée de cet ouvrage. Elle y puise ses arguments selon ses différentes préoccupations. Celle dite laïque y trouve une aubaine pour se réhabiliter devant l'Occident qui a longtemps refusé aux africains l'aptitude à la philosophie. Quant à celle dite religieuse, elle y voit une voie féconde pour se lancer dans des études ethnologique des peuples africains pour que cela aboutisse à une maîtrise psychologique de ceux-ci afin que soit menée plus rationnellement l'entreprise d'évangélisation sur le continent. Pour lui, cette littérature, même si elle peut être qualifiée de philosophique, a du reste jusque là fait l'objet d'une exploitation mythologique. Il souhaite la voir voir transformée en un débat qui engage les Africains entre eux. Comme indiqué précédemment, tout le projet de Tempels a consisté à mettre à jour la vision du monde qui est à la base de tout comportement du bantou. Elle est conçue comme une sorte de weltanschauung collective, unanimiste à laquelle adhèrent spontanément et inconsciemment tous les africains. Tout se passe comme si chez les bantous, tout le monde est d'accord avec tout le monde. Les bantous eux-mêmes méconnaissent cette vision du monde, où sont incapables d'en rendre compte. C'est aux occidentaux, avec l'arsenal théorique que leur offre les disciplines positives comme l'ethnologie, l'anthropologie, qui incombe la tâche de la restituer. C'est donc à l'abandon de cette ethnologie à prétention philosophique qu'invite Houtondji. Il estime en substance que « ruiner ce mythe (celui de l'ethnophilosophie), libérer notre horizon conceptuel pour un discours théorique, telle est la tâche qui incombe, aujourd'hui aux philosophes et aux hommes de science africains » (p.33). L'idée forte qui se dégage ici c'est celle d'une réorientation du projet philosophique africain. L'auteur voudrait que les africains arrivent à penser librement leur philosophie, sans qu'ils aient à la calquer sur les travaux ethnologiques antérieurs, même si ceux-ci en arrivent à affirmer l'existence d'une philosophie bantoue ou africaine. D'ailleurs la philosophie bantoue qui sert de modèle à la majeure partie des auteurs africains présente des facettes que les africains gagneraient à reconsidérer. C'est d'abord que La philosophie bantoue en question s'adresse aux colonisateurs et missionnaires occidentaux appelés à intervenir sur le continent africain, dans le cadre de la mission civilisatrice qui est en réalité une vaste campagne de dépersonnalisation de l'africain ainsi que le pillage systématique de son patrimoine humain et naturel sous prétexte de lui apporter la civilisation. Le R. Tempels lui même ne s'en cache pas quand il estime qu'«une meilleure compréhension du domaine de la pensée bantoue est tout aussi indispensable pour ceux qui sont appelés à vivre parmi les indigènes. Ceci concerne dont tous les coloniaux, mais tout particulièrement ceux qui sont appelés à diriger et à juger les noirs, tous ceux qui sont attentifs à une évolution favorable du droit clanique, bref, tous ceux qui veulent civiliser, éduquer, élever les bantous. Mais si cela concerne tous les coloniaux de bonnes volontés, cela s'adresse tout particulièrement aux missionnaires.» (Note 3 p.15). Ce la montre que le Père Tempels est certes un homme d'Eglise convaincu de notions fortes comme l'amour du prochain. Mais c'est aussi un impérialiste convaincu qui professe la supériorité de sa race sur les autres. Mieux, il théorise les connaissances des races inférieures pour faciliter leur soumission à l'occident. Cela signifie encore que pour les africains, abonder dans le même sens que la philosophie bantoue c'est dans une certaine mesure se faire complice des coloniaux et missionnaires qui veulent opérer sur le continent. D'autre part, en s'adressant à ses collègues occidentaux les Africains ne sont pas considérés comme des interlocuteurs bien que parlant d'eux, de ce qu'ils ont de plus intime. Ils ne pas associés au débat, ils sont ce dont on parle, sujets «d'une discussion entre doctes européens» (p.15). Cette chosification, cette réduction de l'Africain aux objets, sorte de visage sans voix qu'on tente de déchiffrer, objets à définir et non sujets d'un discours possible fait que les auteurs africains devraient se méfier de toute philosophie prolongeant la philosophie bantoue ainsi que toute la problématique qui l'entoure. En outre, ce qui est considéré ici comme philosophie diffère radicalement de ce qui a jusqu'ici été pris comme telle. Il s'agit d'une vision du monde collective, unanimiste, à laquelle tous les bantous sont censés adhérer spontanément et inconsciemment par delà l'espace et le temps. Il s'agit concrètement de la vision du monde qui explique toute l'organisation politique, économique, sociale des bantous. Du reste, cette philosophie est à exhumer par l'analyse ethnologique de documents institutionnalisés comme les contes, les légendes, les rites ... Cela ne ressemble guère à la philosophie telle qu'elle a fonctionné jusque là, notamment dans la tradition occidentale. Hountondji tente d'expliquer le fait que les Africains se soient laissés piégés par cette philosophie d'un genre pour le moins nouveau. Pour lui, cela n'est pas à mettre sur le compte d'une méconnaissance. Ils voulaient «à n'importe quel prix, se réhabilité à leur propres yeux et aux yeux de l'Europe». (p.47) L'Occident les avait si longtemps nié et bafoué que l'affirmation d'une philosophie bantoue était perçue comme une reconnaissance de leur qualité d'hommes. En fait, le projet de la philosophie bantoue recelait une dimension de réhabilitation du Noir. Tempels estime que l'Europe s'était méprise face aux noirs. Croyant que ceux-ci n'avaient pas de pensée, de sagesse de philosophie, ils ont engagé avec eux un dialogue de sourd qui n'a fait qu'élargir le fossé les séparant. En mettant en exergue la philosophie des bantous, Tempels corrigeait cette attitude des siens et montrait qu'il y a urgence de repenser les méthodes de la mission civilisatrice. Avec la découverte de la philosophie des bantous il fallait désormais les prendre de sagesse à sagesse de conception du monde à conception du monde, d'idéal à idéal. C'est donc en quelque sorte une invitation d'accepter l'humanité du noir et engager avec lui un dialogue d'égale à égale dans le respect des différences. C'est donc cette dimension du message tempelsien qui a séduit les auteurs africains. Ce pendant Hountondji relève que c'est faute de l'avoir mis en relation avec l'autre volet du même message. Qui est que celui-ci était adressé aux colons et aux missionnaires Européens dans leur entreprise de soumission du continent africain. D'ailleurs, pour notre auteur la philosophie telle quelle est perçue ici est le résultat d'une confusion du concept de philosophie. «La confusion d'un usage populaire (idéologique) et d'un usage rigoureux (théorique) du mot philosophie». (p.39). Selon le premier sens, la philosophie se ramène à toute sagesse collective ou individuelle, tout système de saisie de soi et du monde, présentant un minimum de cohérence pour régir l'action. Selon ce premier sens, tout homme est naturellement philosophe, en se sens que tout homme en pleine possession de ses facultés a suffisamment de bons sens pour appréhender plus ou moins rationnellement sa vie et agir dans le sens de ce qu'il croît être son bien. Mais dans le second sens la philosophie «est une discipline spécifique ayant ses exigences propres et obéissant à des règles méthodologiques déterminées». (p.39) Et ce, au même titre que la chimie, les mathématiques, la physique etc. et toutes les autres sciences constituées. Ainsi, il estime qu'autant on est mal fondé de parler d'une chimie, d'une mathématique, d'une physique etc. collective et inconsciente, on l'est d'une philosophie. D'où son appel à la ruine de toute littérature qui l'affirme. Libérer donc cette littérature philosophique africaine et du mythe qui l'entoure est l'une des tâches qu'Hountondji assigne à la philosophie en Afrique. Mais pour lui, cette démarche elle-même est «inséparable, en fait, d'un effort politique (en l'occurrence de la lutte anti-impérialiste au sens le plus laborieux du terme)» (p.33). Car en produisant des textes dans la logique de la philosophie bantoue, originale de forger une philosophie spécifique, originale car différente de la philosophie occidentale, les africains ne font que prolonger « un mythe non africain » (p.33). En effet la différence obtenue ici n'a de sens comme différence, qu'en tant que différence de civilisés à barbares, maîtres à esclaves, peuples supérieurs à inférieurs, etc. Dans la perspective de se réhabiliter, les auteurs africains écrivent à l'endroit du public occidental. C'est devant celui-ci qu'on veut se faire valoir. Hountondji voit à la base de cela un désir de paraître, une perpétuelle recherche de reconnaissance avec son cortège de narcissisme. Et lorsque cette reconnaissance tarde à venir, on se retrouve pris dans notre «propre piège» (p.34). Du reste le désir de paraître « se creuse toujours davantage jusqu'à s'aliéner complètement dans une attention inquiète aux moindres gestes de l'auteur, au moindre mouvement de son regard ». En écrivant dans la logique de l'éthnophilosophie, l'intellectuel africain se ridiculise et se fait complice de ses impérialistes. De surcroît, il crée un environnement propice à cet impérialisme en créant et en entretenant une artificielle plate forme de dialogue entre Européens et Africains, un dialogue où il se fait « le porte parole de l'Afrique globale devant l'Europe globale, au rendez-vous imaginaire du « donner et du recevoir » » (p.35). L'Europe se trouve ainsi confortée dans sa conviction qu'il est différent des autres peuples. Une différence saisie comme différence de degré de civilisation, d'évolution. Hountondji propose donc aux philosophes africains de transformer cette problématique qui relève de l'ethnophilosophie et de faire de la philosophie africaine un débat entre les Africains et traitant de thèmes philosophiques les plus divers. Cela passe néanmoins par des préalables. C'est le cas de la liberté d'expression pour que le philosophe africain puisse aborder tous les sujets qui l'intéressent sans être menacé par les politiques. Dans ce contexte, il est de sa responsabilité de porter sa réflexion sur le terrain politique sans pour autant être le porte parole des régimes dictatoriaux. Ce dépassement de l'ethnophilosophie implique également la réorientation du discours philosophique africain vers le public africain. Pour lui derrière l'entreprise de restitution de la pensée africaine, quête effrénée d'originalité, d'authenticité, se cache un repli nationaliste. Il convient de le dépasser et faire de la philosophie un vaste débat fécond, «un débat autonome, qui ne soit plus un appendice lointain des débats européens, mais qui confronte directement les philosophes africains entre eux créant ainsi au sein de l'Afrique un milieu humain dans lequel et par lequel puissent être posés les problèmes théoriques les plus ardus» (p.48). En un mot un débat où des africains s'adressent à d'autres africains en traitant de questions philosophiques les plus divers. La philosophie africaine est d'abord l'affaire des africains. Elle n'est pas condamnée à n'aborder que des thèmes relatifs à l'originalité, à l'authenticité des peuples africains. Un exposé d'un penseur africain sur des questions philosophiques les plus variées comme la raison, la conscience, le Kantisme... fait partie de la philosophie africaine. Cela a l'avantage, note l'auteur de faire en sorte que l'intellectuel ne se sente plus obliger de systématiser la pensée des diallobés, ou des baoulés, ou n'importe quel autre peuple négro-africain. Entreprise où l'auteur, bien avant le début de ses recherches s'emprisonne dans certain canevas où il est condamné à aboutir à des résultats, n'importe quels résultats. Cette thématique du reste n'intéresse pas le public africain. Il faut plutôt élargir le champ d'investigation et n'avoir pas honte de penser. Cela passe donc par une maîtrise de l'héritage philosophique international, mais surtout le «dépasser» (p.49). D'autant que celui-ci offre une palette non négligeable d'outils théoriques que les auteurs africains peuvent exploiter à loisir.
En définitive, Hountondji préconise ici la réorientation du débat philosophique africain par la ruine de l'ethnophilosophie et toute la problématique qui la sous-tend. Il récuse toute idée de philosophie collective indigène séparée de la tradition philosophique occidentale. Car selon lui à la base d'une telle entreprise, il y a des considérations idéologiques, politiques. On a voulu coûte à coûte produire une«philosophie authentique et la brandir devant l'occident comme preuve de notre humanité». Au risque cependant de produire quelque chose qui n'a de philosophique que dans le cadre africain. C'est dans le sens de la reprise de ce long passage de Henry Oruka Odera dans Mythologies as African philosophiy, East Africain Journal, vol.IX, N°10, octobre 1972 :
«On présente comme « religion africaine » ce qui n'est peut-être qu'une superstition, et on attend du monde blanc qu'il admette que c'est en effet une religion, mais une religion africaine. On présente comme « philosophie africaine » ce qui, dans tous les cas, est une mythologie, et une fois de plus la culture blanche est invitée à admettre c'est en effet une philosophie, mais une philosophie africaine. On présente comme « démocratie africaine » ce qui, dans tous les cas, est une dictature, et l'on attend de la culture blanche qu'elle admette qu'il en est ainsi. Et ce qui est de toute évidence un processus actif de sous-développement (a de-developpement) ou un pseudo-développement est décrit comme le développement, mais naturellement un « développement africain » »
Une telle attitude fait que ce qui a été lorsque la considération comme philosophie africaine se trouve plonger dans une profonde impasse. Pour en sortir il faut réorienter le débat philosophique africain. Cela implique :
v L'abandon de toute entreprise de restitution d'une philosophie africaine originale à opposer à celle occidentale.
v L'organisation d'un débat philosophique fécond entre africain où les sujets portent sur des thématiques les plus variées.
v La liberté d'expression pour que le philosophe s'exprime librement même sur le champ politique.
v L'assimilation et le dépassement de l'héritage philosophique international. Il reconnaît cependant l'existence de courant au sein même de cette littérature (qualifiés comme mineur (note 7 p.21) qui ont mené une constations de l'ethnophilosophie. Il estime que ces « auteurs possèdent d'admirables potentiels philosophiques qualités qui ont utilisé pour se définir eux-mêmes et leur peuple, face à l'Europe sans laisser à personne le soin de les fixer, de pétrifier » (p.22).
En outre Hountondji pose comme rôle de la philosophie africaine, la promotion d'une science africaine. Pour lui « plutôt que de revendiquer à cor et à cri, l'existence d'une philosophie africaine, nous serions (...) mieux inspirés de nous employer patiemment, méthodiquement à promouvoir ce qu'on pourrait appeler une science africaine : une recherche scientifique africaine. Ce n'est pas de la philosophie, c'est d'abord de la science que l'Afrique a besoin » Pour lui la philosophie africaine doit évoluer selon le mode de la science. Pour en arriver à cette conclusion il montre d'une part que la philosophie est une histoire et non un système. La philosophie est une histoire et non un système n'est pas un système signifie qu'elle ne se présente pas, qu'elle ne se déploie pas sous la forme d'un système clos et achevé n'admettant de ce fait aucun questionnement ; aucune remise en cause. Dire de la philosophie qu'elle est un système revient à affirmer qu'elle est une vision collective du monde à laquelle adhèrent spontanément et inconsciemment un groupe d'individus déterminés. De l'autre côté, dire de la philosophie qu'elle est histoire signifie « entre autres choses, qu'aucune doctrine philosophique ne peut être considérée comme la vérité, au singulier, la vérité avec un grand V » (p.38). En d'autres termes, il n'y a pas de vérité absolue en philosophie, il n'y a pas une et une seule conception d'un même problème philosophie donné. Mais une perpétuelle remise en cause de ce qui est, de ce qui a été dit avec d'autres arguments, d'autres approches, d'autres enjeux. La philosophie se résume en l'histoire de la confrontation d'idées, sans cesse renouvelée sur des thématiques les plus variées et où la vérité pas quelque de figé, mais une quête perpétuelle de « proposition toujours adéquate les une que les autres » (p.83). Mais pourquoi l'histoire de la philosophie n'évolue pas de manière cumulative, linéaire Pourquoi, toute, pour s'établir, doit bouleverser l'espace théorique déjà existant A quelles lois et conditions obéissent ces bouleversements Pour résoudre ce problème Hountondji reprend Marx et Engels et estime que cela s'explique par le fait que la philosophie « ...n'est pas autonome et ne tire pas d'elle même la loi de son propre développement mais qu'elle est déterminée en dernière analyse par l'histoire de la production des biens matériels et des rapports sociaux de production ». Mais comment et par quelle médiation la philosophie est-elle en dernière analyse déterminée par les pratiques matérielles Pour répondre a cette autre question il reprend une hypothèse de Lénine qui disait que « la philosophie n'a pas toujours existé, on observe l'existence de la philosophie que dans un monde qui comporte ce qu'on appelle une science ou des sciences. Science au sens strict : discipline théorique c'est-à-dire idéelle et démonstrative et non un agrégat de résultats empiriques... Pour que la philosophie naisse ou renaisse, il faut que les sciences soient. C'est peut-être pourquoi la philosophie au sens strict n'a commencé qu'avec Platon, provoquée à naître par l'existence de la mathématique grecque, a été bouleversée par Descartes, provoquée à sa révolution moderne par la physique galiléenne ; a été refondue par Kant sous l'aiguillon de la découverte des premières axiomatiques ». C'est du reste cette hypothèse qu'Hountondji transforme en thèse et fait de la philosophie africaine comme toutes les autres philosophie un discours sur la science. Cela implique donc que la naissance même discours philosophique est tributaire de l'existence préalable d'une ou des sciences. Promouvoir une recherche scientifique sur le continent africain est de ce fait une tâche qui incombe à la philosophie. Cependant la condition de la science elle-même c'est l'écriture. L'absence de celle-ci, selon lui, constituait un handicap pour les civilisations de l'Afrique précoloniale d'avoir une science au sens le plus strict et le plus rigoureux du terme. C'est que pour lui, l'absence de transcription scripturale d'une philosophie ne lui enlève pas son statut de philosophie. Il n'existe pas un lien de nécessité entre l'acte de philosopher et sa matérialisation à travers un texte écrit sur du papier. Néanmoins cela empêche une telle philosophie de « s'intégrer à une tradition théorique collective, de prendre place dans une histoire, comme terme possible de référence appelé à nourrir les discussions futures ». L'idée forte qui transparaît ici c'est que lorsque une philosophie est consignée sous forme de texte, elle a l'avantage de constituer un terme de référence pour des réflexions futures sur le même problème. Mais aussi d'intégrer un vaste champ théorique où les points de vue s'amendent et s'améliorent. Il estime d'ailleurs que la tradition orale a le défaut de favoriser «la consolidation du savoir en un système dogmatique et intangible» (p.132). Car la mémoire est plus préoccupée à conserver les connaissances, en répétant incessamment les mêmes choses, avec le risque que cela implique d'en faire des connaissances dogmatiques, qu'à les dépasser et les poser en objet d'une critique. En un mot Hountondji considère qu'une philosophie non écrite présente des lacunes. Mais qu'il temps de dépasser cet handicap car les sociétés africaines, de nos jours, sont entrain une mutation profonde qui les travaille et les transforme petit a petit en civilisation de l'écrit.
Enfin selon Hountondji la philosophie doit avoir pour rôle la restitution de la pensée de l'Afrique précoloniale. Cette prise de position est primordiale dans la prise de position hountondjienne car à force de démonter systématiquement l'ethnophilosophie et de réduire la philosophie à un discours sur la science, elle-même conditionnée par l'écriture, tout se passe comme si l'Afrique pré coloniale n'avait pas de philosophie. Hountondji avance sur un ton de inquiet, qu'à aucun moment il n'a voulu prétendre dans son ouvrage « que l'Afrique pré coloniale était intellectuellement une table rase » (p.250). Bien au contraire, il souhaite que personne ne se méprenne sur sa position dans Sur "la philosophie africaine" Critique de l'ethnophilosophie. L'Afrique de l'oralité a connu des civilisations brillantes que la postérité ne peut passer sous silence. «L'Afrique pré-coloniale avait amassé une riche moisson de connaissances vraies de techniques efficaces, qui a été transmises oralement de génération en génération, et qui font vivre encore aujourd'hui une bonne partie des populations de nos campagnes et villes» (p.125). Hountondji préconise que soit entreprise la tâche de transcription de tout ce qui peut être perçu de ce savoir. Cela doit être mené de manière méthodologique, rigoureuse. Le chercheur doit précisément avoir à l'esprit que si une philosophie a existé, elle n'est pas nécessairement celle tout un groupe telle la vision du monde collective et inconsciente dont parle l'ethnophilosophie. Elle ne doit pas également être transcrite pour être « proposée à l'admiration d'un public non africain, mais d'abord, mais surtout, pour être soumis à l'appréciation et à la critique des Africains d'aujourd'hui (...)» (Note 9 p.31). En le faisant, les auteurs africains auront la possibilité et ré aborder et éventuellement approfondir les conclusions auxquelles sont parvenus les travaux déjà existants sur cette question. C'est le cas de la thèse de la régression historique (p.126) prônée par Cheick A. Diop. Selon celle-ci l'Afrique aurait connu dans l'antiquité de brillantes civilisations qui se sont illustrées dans tous les domaines du savoir. En témoignent les gigantesques pyramides d'Egypte. Le retard actuel du continent sur les plans scientifiques, techniques, technologiques, ne serait donc pas originaire. Mais il est à mettre sur le compte d'une régression, d'une décadence. Hountondji souhaite que ces ébauches soient poursuivies et approfondies. En outre sur la question spécifique de l'écriture qui conditionne la philosophie par science interposée, Hountondji relève qu'elle n'était pas totalement absente dans l'Afrique précoloniale. Pour nous en assurer, il nous ramène sur les travaux de Théophile Obenga40(*) dans L'Afrique dans l'Antiquité, RA, Paris, 1973, qui aborde entre autre les systèmes d'écriture pratiqués dans l'antiquité africaine. Cependant pour notre auteur, le tout n'est pas de constater l'existence de ces systèmes d'écriture, ou même de les transcrire. Mais il faut aussi savoir à quoi ont servi. Il faut déterminer s'ils étaient vulgarisés, utilisés comme véhicule de connaissance au service de tous les africains. Ou si au contraire ils étaient l'apanage d'une classe «privilégiée», sacerdotale qui l'utilisait comme instrument de domination, de mystification.
En somme, Hountondji, à l'instar de Macrien Towa pense que avant lui, la plupart des textes philosophiques africains relèvent de l'ethnophilosophie. Il convient donc de reconsidérer la problématique philosophique en Afrique. Pour cela il estime celle-ci doit être reorientée pour constituer un débat contradictoire et rigoureux qui engage les Africains entre eux et traitant des questions les plus diverses. De plus il doit être procédé sur le continent africain à une promotion de la science, car non seulement la philosophie pour réellement exister doit se situer le terrain de la science, mais aussi et surtout parce que son point de vue la philosophie est en dernière analyse un discours sur la scien

SECTION 3 : EXAMEN CRITIQUE DU ROLE DE LA PHILOSOPHIE CHEZ HOUNTONDJI

Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie comme son nom l'indique est une critique de l'ethnophilosophie et de toute sa problématique aux fins de montrer notamment qu'il n'existe pas de philosophie unanimiste, inconsciente et qui résiderait quelque part dans le subconscient collectif d'un peuple dans l'attente d'être exhumée par l'interprétation d'éléments culturels. Plus que cela, l'auteur voudrait que le débat sur la problématique philosophique africaine soit reconsidéré et que ses termes aussi bien théorique qu'épistémologiques soient réorientés pour être à l'image de la discipline spécifique qu'est la philosophie ; plus précisément à l'image de celle-ci telle qu'elle a toujours fonctionné dans la tradition internationale. Pour cela, il estime qu'entre autre rôles qui reviennent à la philosophie sur le continent africain, il y a la transformation du discours ethnophilosophique en un véhicule d'un débat contradictoire qui non seulement engage les Africains entre eux ; mais aussi qui traite des questions les plus diverses, même si celles-ci n'ont aucun rapport avec l'Afrique. Cela signifie plus précisément un débat qui s'éloigne de ce qu'il appelle le mythe de l'ethnophilosophie41(*). Donc ce qui est ici en toile de fond c'est avant tout la disqualification de l'ethonophilosophie. Cette question traverse l'ouvrage de Hountondji de part en part. Comme son titre même l'indique, c'est le thème central de l'ouvrage. Ainsi, il s'attelle à définir d'abord ce qu'il entend par ethnophilosophie. L'ethnophilosophie est une recherche qui repose en tout ou en partie sur l'hypothèse d'une vision du monde collective et hypothétique d'un peuple donné. Elle est également toute tentative de reconstruction de cette vision du monde collective supposé. C'est cette ethnophilosophie qu'il tente de démonter à grands traits d'érudition avec un ton pour le moins journalistique où quelques fois les auteurs de celle-ci sont menacés et ridiculisés. Ce passage l'illustre fort bien: « tout ce qu'il peut produire par ailleurs [...] sur un problème philosophique général sans lien privilégié avec l'Afrique, lui apparaît comme une parenthèse dans sa pensée, une parenthèse dont il doit avoir presque honte. Et s'il n'est pas assez impudique pour ne pas bleuir (d'autres auraient préféré, il est vrai, qu'il en « rougisse »), alors malheur à lui ! ces critiques ils sauront bientôt le faire taire (...)» (p.46) Ce que Hountondji récuse dans l'ethnophilosophie c'est en fait le présupposé suspect qu'elle implique. Elle a pour but de montrer aux Occidentaux que les africains savent et peuvent penser, qu'ils détiennent une philosophie. A ce titre elle vise à soustraire l'Africain du préjugé négatif dont il a été victime de la part de l'Occident. Elle vise à le réhabiliter en le rehaussant à une image digne d'attention et de respect, en mettant en exergue la richesse et l'originalité des cultures négro-africaines. Pour Hountondji cela est assimilable à attribuer à celles-ci l'intention d'une revendication mendiante qui n'a pas lieu d'être. L'Afrique n'a pas besoin d'extravertir sa culture et de l'exposer sur la place publique dans l'intention sécrète ou avouée de rechercher une reconnaissance de la part des autres peuples. Si l'Afrique a une culture et une civilisation, le combat ne se situe plus au niveau de sa reconnaissance, mais de sa réalisation, de son affirmation par des actes concrets dans l'histoire humaine. D'autre part, Hountondji rejette l'argument selon lequel les africains seraient inconscients de leur propre philosophie. Pour lui la philosophie est semblable à toutes les autres sciences constituées. Ce qui fait que les exigences méthodologies, conceptuelles, théoriques etc. présentes chez ces disciplines sont aussi présentes en philosophie. Mais surtout cela implique que de la même manière qu'il est inconcevable qu'une mathématique, une physique, une chimie ... qui soit inconsciente, une philosophie inconsciente est inimaginable. En outre l'ethnophilosophie, dans son analyse procède à des généralisations hâtives, qui consistent à transposer systématiquement ses conclusions sur un peuple africain particulier, à l'ensemble des peuples africains. C'est ainsi que le Père Tempels peut partir d'une réalité spécifique aux bantous ou à certains clans bantous, pour faire une extrapolation dans laquelle on met tous les peuples africains dans le même panier. Cette uniformisation dans laquelle tous les africains réfléchissent de la même manière implique l'absence chez eux porteurs de contradictions, de remise en question critiques, qui, seules sont susceptibles d'être de dynamisme et de mouvements d'idées. Ce qui signifie en clair que pour lui, la philosophie africaine, même si elle existe, n'est pas encore suffisamment mure pour les grands essentiellement contradictoires tels qu'on les observe dans une large partie de la tradition philosophique occidentale.
Il faut reconnaître à Hountondji le mérite d'avoir été de ceux qui ont le courage de produire une réflexion qui brise en quelque sorte la tradition littéraire de son époque. Le premier chapitre de Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie a été rédigé en 1969. Cependant des écrits antérieurs existent allant tous dans le sens d'une réfutation sans ambages de l'ethnophilosophie et de tout ce qu'elle sous-entend. En effet Hountondji a publié d'autres textes dans des revues comme Diogène, Présence africaine, Cahiers philosophiques africains, Thought and Practice, Quest, Genève-Afrique, Revue sénégalaise de philosophie etc., dans lesquels la crique de l'ethnophilosophie transparaît fortement. Donc on peut dire que la position de Hountondji est courageuse, surtout dans le contexte qui l'a vu naître. Ce contexte est celui d'une époque où l'Afrique a connu colonisation et indépendance. Mais surtout une époque où l'Afrique est à la recherche de ses repères après tant de siècles de domination par l'Occident. Ainsi les Africains sont engagés dans des combats à plusieurs fronts où sur le plan philosophique, idéologique etc. la problématique est celle de la réhabilitation, de l'affirmation de soi dans l'histoire humaine. L'intervention de Hountondji présente donc le mérite de produire une certaine pluralité face à la littérature philosophique dominante et de montrer qu'au-delà de la traditionnelle lutte contre l'ex-colonisateur, d'autres problématiques restent à explorer. Mieux que cette lutte elle-même - du moins telle que la développe l'ethnophilosophie - ne fait qu'aggraver l'assujettissement de l'Afrique à l'Europe. En s'adressant à l'Europe pour prouver notre différence, on ne fait que le conforter. Il peut ainsi continuer à soutenir que sa civilisation est différente des autres civilisations, différence elle-même saisie en terme de supériorité de celle-ci sur la nôtre. Cela créait un autre amalgame. Celui ou l'intellectuel africain, l'idéologue africain professe une philosophie au nom de tous les africains sans qu'ils le lui aient demandé. De surcroît une philosophie à laquelle tous adhéraient spontanément. Tout fonctionnait comme si en Afrique tout le monde est d'accord avec tout le monde ce qui est en réalité difficile à concevoir. Ainsi, pouvaient fleurir des dictatures ou toute opposition est matée systématiquement. Sinon la conscience des africains était endormie par des propagandes tapageuses ou à la civilisation conquérante évolutionniste, scientiste occidental, on opposait une Afrique émotive, plus soucieuse d'un équilibre d'avec son espace vital. Hountondji préconise le dépassement de cette problématique. Plus précisément il faut transformer la littérature philosophique africaine pour qu'elle ne soit plus constamment un instrument de propagande idéologique, mais un débat rigoureux, scientifique qui s'inscrive dans le cadre des exigences de la philosophie, comme elle a toujours fonctionné dans la tradition philosophique internationale.
Cependant faute de rejeter systématiquement l'ethnophilosophie sans proposer quelques choses de concret dans la démarche de réappropriation de l'héritage culturel africain, sa démarche appelle à des réserves. Certes, il assigne aux philosophes africains le rôle de restituer la pensée de l'Afrique pré-coloniale. Cependant aucune démarche théorique, méthodologique n'est avancée. En sorte que notre auteur peut sembler avoir critiqué pour critiquer. D'autre part, il y a lieu de procéder à une remise en question de l'hypothèse de départ même de Hountondji ; en l'occurrence celle qui consiste à faire de la philosophie africaine l'ensemble des textes écrits par des africains et qualifiés par leurs propres auteurs de philosophiques. A première vue cette hypothèse centrale dans la position de Hountondji semble constructive, car on ne peut nier qu'il existe dans le champ littéraire africain une abondante littérature qui se qualifie de philosophique. Cependant à y regarder de près la réduction même de la philosophie à une simple littérature pose problèmes. Des problèmes d'autant plus lourds que dans une certaine mesure ils fondent et légitiment les préjugés des occidentaux sur la prétendue incapacité des africains à discourir sur le mode de leur philosophie. Entendu que dans cette littérature Hountondji ne prend en compte que la littérature écrite, qu'il érigera en condition sine qua none de toute philosophie. Cependant si la philosophie n'est qu'écrite, toute l'Afrique précoloniale en est upso facto exclue. Pour Pierre Bamony, comme pour dépasser ces stéréotypes de Hountondji, la littérature n'est qu'un domaine particulier de l'expression africaine et la philosophie en est un autre. Et tous les thèmes ne peuvent s'inscrire dans le cadre de la littérature. Certes Hountondji précise que dans sa définition de la philosophie africaine comme une certaine littérature, seul importe le recours délibéré au qualificatif et non sa valeur sémantique. A partir de ce moment tout le travail consiste à savoir, selon lui pourquoi ce qui a été appelé philosophie en Afrique diffère radicalement de ce qui l'est dans la tradition occidentale. Cependant la philosophie n'est pas telle du fait de sa qualification par quelques esprits en quête de reconnaissance, mais elle couvre et épuise un champ spécifique de la pensée humaine sur la base d'exigences théoriques et méthodologiques propres. En réalité le problème crucial ici est celui de savoir ce qu'est la philosophie elle-même pour que l'ethnophilosophie n'en fasse partie. Et dans ce débat, le moins qu'on puisse dire est que les perspectives restent ouvertes. Les Européens qui se targuent d'avoir inventé la philosophie, qui crie par tous les toits que tout autre peuple qui se mêlerait de philosophie s'aventure sur un terrain qui n'est pas le sien, ne se sont jamais entendus sur une définition de celle-ci qui ferait l'unanimité de tous les courants philosophiques, de toutes les époques philosophiques etc. Hountondji a en réalité simplement fait ressortir une certaine vision de la philosophie qui elle-même ne fait pas l'unanimité. Les pages précédentes ent sont la peuve. Il s'agit de la définition proposée par Althusser. D'où la pertinence de la critique de Pathé Diagne selon laquelle Hountondji reprend et compile aveuglément les thèses de son maitre de la Rue d'Hulm sans mettre cela en rapport avec les autres grandes conceptions philosophiques. De plus l'un de ses objectifs dans son ouvrage était de montrer que la philosophie est une histoire ; c'est-à-dire qu'elle est condamnée constamment à évoluer par dépassement dialectique. On pourait donc lui demander pourquoi ce processus de dépassement dialectique doit s'arrêter avec Altousser. Doit-on comprendre que l'histoire de la philosophie s'arrête avec Altousser ?
Par ailleurs le rôle de la transcription de tout ce qui subsiste de la philosophie et de la gnoséologie africaine prend une importance capitale dans le projet de Hountondji du fait de la dimension accordée à l'écriture dans la définition de la philosophie. En effet tout fonctionne comme si l'Afrique précoloniale avec ses civilisations orales passe comme n'ayant pas de philosophie. Cet argument lui-même découle de la conception hountondjienne que la philosophie est essentiellement un discours sur la science. Il tient cette position de son maître de la rue d'Ulm qui pensait que la philosophie doit être essentiellement un discours sur la science. Un tel point de vue sur la philosophie mérite qu'on s'y attarde. L'écriture présente certes les avantages ci-dessus soulignés par notre auteur ; autrement comme support de conservation de la pensée, qui par ce fait même sort du cadre de la mémoire pour être soumise à interrogation, à critique lucide. Cependant l'écriture elle-même est-elle aussi parfaite pour que son absence en philosophie lui enlève ses lettres de noblesses ? D'abord dans l'histoire de la philosophie occidentale elle-même qui sert de modèle à la conception hountondjienne de la philosophie, celle-ci a-t-elle toujours été un discours sur la science ? Un coup d'oeil jeté dans les pages qui précèdent montre que la philosophie n'a pas de tout temps été un discours sur la science. Plus précisément il est questions de grandes conceptions de la philosophie. Et à chaque grande conception de la philosophie correspond une certaine manière d'envisager sa définition. Par conséquent la conception de la philosophie qui fait d'elle un discours sur la science n'est en réalité qu'un moment du débat sans cesse évolutif qui pose la grande question de la définition de la philosophie. Dire de la philosophie qu'elle ne doit être qu'un discours sur la science c'est la réduire à l'épistémologie.
En outre, il ne serait pas inutile d'analyser l'écriture que Hountondji érige en condition d'une science et par ricochet d'une philosophie africaine afin de l'éprouver dans sa capacité d'être la condition de toute science. L'écriture elle-même n'est qu'une manifestation parmi tant d'autres de signes conventionnels, de collecte, de transmission de la pensée. Du reste tout signe est arbitraire. Au sens où entre l'objet, le signifié et le mot, le signifiant il n'y a pas de lien nécessaire. Quel lien existe-t-il entre "arbre" la chose et le mot qui la nomme ? Autrement dit entre le mot ``arbre'' qui n'est en dernière ressort qu'une succession de lettres à qui on a conventionnellement et par là même arbitrairement donné un sens, et la chose physique, concrète ``arbre'' quel lien de nécessité existe-t-il ? Visiblement aucun, car la chose désignée selon que l'on passe d'une langue à une autre est appelée différemment par des mots qui n'ont aucun rapport de consonance. Les mots carré ou rectangle par exemple qui désignent ces figures géométriques ne sont pas carrés ou rectangulaire. Il n'y a aucun rapport de ressemblance monographique entre un mot et sa forme graphique, entre l'écriture et la pensée. Bref l'écriture n'a de sens que dans un système de conventions établies dans lesquelles tel signe renvoie à telle réalité concrète. De plus telles que les choses fonctionnent de nos jours il y a lieu d'émettre quelques réserves sur l'écriture en tant que mode absolu de collecte et de transmission de la pensée. Le monde moderne n'accorde plus importance à un des cours seulement parlé. Il faut aussi qu'il soit écrit et présenter sous forme de textes condensés dans un livre portant un nom propre, une signature par la délégation d'un sujet du discours ou de la connaissance. Il faut qu'il s'enregistre, se retienne et s'inscrive au fil du temps. Pour cela on écrit, on signe on publie et on se fait écouler. La culture devient un business avec ses lobbyings, sa recherche effrénée de profil, de temps, au risque d'écrire n'importe quoi. L'auteur veut se faire connaître, se forger une identité dans le vaste marché international où l'esprit est vendu. Il est aidé en cela par toute une législation nationale et internationale qui garantie la propriété privée des oeuvres de l'esprit. Toujours est-il que l'esprit du penseur est ainsi à volonté chosifié, réduit à un simple objet qu'on a vendu contre des billets de banque ainsi qu'un certain prestige parmi les hommes. C'est ce processus que décrit Régis Debray quand il dit que l'auteur « loue à l'éditeur par contrat non son corps mais son esprit, l'éditeur paye l'imprimeur pour donner un corps typographique aux productions de cet esprit et le libraire réalisé la vente du produit »42(*). L'auteur n'écrit pas nécessairement pour une satisfaction individuelle et personnelle, mais pour se faire connaître et se vendre. L'éditeur représenté le label, la source de légitimité et le garant de la qualité. Dans ces conditions, le public n'achète plus une oeuvre abordant une thématique potentiellement pertinente. Mais il achète tel auteur, telle maison d'édition. Un livre est devenu aujourd'hui une couverture: un titre, surtout un nom d'auteur, un nom d'éditeur. Trois indicatifs juxtaposés qui semblent nécessaire. Sinon, l'auteur quelque soit son talent et la profondeur de ses analyses, sera toujours confinés dans l'anonymat. En tout état de cause cette dimension de l'écriture relativise un temps soit peu le statut de celle-ci en tant critère incontournable de la philosophie. Car si elle n'est qu'un moyen parmi d'autres d'expression de la pensée, rien n'empêche que d'autres moyens soient utilisés à ce même dessein. Autrement, il se peut que la philosophie s'exprime par d'autres canaux de restitution de la pensée. D'où vient-il donc que Hountondji en fasse la condition sine qua non de toute philosophie ? Du reste de nos jours il est prouvé que l'Afrique précoloniale a connu et développé des systèmes scripturaux de transmission et de conservation de la pensée qui demeure certes différents de l'écriture algébrique tant prisée de nos jours. Mais qui, présente suffisamment d'efficacité pour être le véhicule de la pensée scientifique et philosophique africaine. Dans son Etude sur la drummologie, Niangoran Bouah43(*) rend compte d'un tel système de communication. Selon lui il était fort riche et permettait de rendre compte de toute l'organisation sociale, culturelle, économique, des peuples Akan de Côte-d'ivoire. Concrètement, l'auteur s'intéresse aux « poids à peser l'or des baoulés de Côte-d'Ivoire ». G. Niangolran Bouah entend montrer un des aspects de la pensée philosophique africaine. Pour lui les poids à peser l'or constituaient un système complet d'éducation pendant la période précoloniale. Les poids à peser l'or étaient de deux sortes et allient à la philosophie et la science. Il y a des poids proverbes et des poids à forme géométrique. Les poids proverbes sont en laiton concrétisent des thèmes courants de la pensée philosophique akan. Ils sont les vestiges d'un système ancien d'écriture et de transmission de la pensée. C'est l'équivalent nègre des hiéroglyphes de l'ancienne Egypte. Voici quelques exemples de dictions illustrés dans ces poids :
o Poids gombo : si le gombo affirme avoir plus de saveur que l'arachide, c'est qu'il y a en tente entre lui, le piment et le sel.
o Poids caméléon : aller doucement a également les avantages.
o Poids porc-épic : quand le porc-épic est désigné pour une corvée, le hérisson ne doit pas se lever pour dire au revoir, etc.
Concernant les poids a forme géométriques, ils sont l'auteur la preuve irréfutable de l'esprit scientifique africain. Le système akan comporte huit séries de principaux que l'auteur énumère et dans lesquelles on s'aperçoit qu'outre qu'ils contiennent des équations aussi complexes que les équations algébriques d'aujourd'hui, ces poids constituent un véritable livre encyclopédique qui ouvre une nouvelle voie dans le domaine de la recherche en général et sur les connaissances de l'Afrique précoloniale en particulier.
Cette étude synthétique d'un exemple de système de développement, d'expression de la connaissance dans l'Afrique précoloniale s'inscrit dans le cadre de montrer que de tels systèmes ont existé sur le continent africain ; même du fait de leur sophistication, il présentait certaines lacunes44(*). Cependant, la démarche de Hountondji n'a pas été celle de faire des études sur l'histoire de la pensée africaine et éventuellement déceler de tels systèmes, et les soumettre à sa verve critique de philosophe. On peut dire que notre auteur pêche ici. Car le tout n'est pas rester confortablement assis dans un bureau et conjecturer sur l'histoire du développement de la connaissance en Afrique. Cette démarche doit s'accompagner de recherches sur le terrain. Faute de l'avoir fait Hountondji tend à nier toute existence de gnoséologie dans l'Afrique précoloniale.
En somme Hountoudji semble ne pas voir que la transposition de l'écriture comme moyen de conservation et vulgarisation du savoir en fond de commerce, rend d'avance suspectes certaines philosophies de l'écriture ou écrite. Ces deux dimensions de l'écriture livresque, montrent qu'elle est certainement importante science et en philosophie, mais de là à en faire LA condition de de toute philosophie en Afrique, il y a un pas qu'il sur lequel il faut méditer avant de franchir.
Concernant la restitution de l'histoire de la pensée africaine précoloniale, la position de Hountondji est fort pertinente. Il met surtout l'accent sur la nécessité de reconsidérer celle-ci sur la base des conclusions auxquelles ont aboutit d'autres recherches comme celles de Cheikh Anta Diop et autres Théophile Obenga. Cependant le tout sur cette question n'est pas de suggerer la restitution de cette histoire, mais de l'entreprendre même. Et sur cette question, quand on connaît la position de Hountondji sur les conditions théoriques de l'emergence d'une philosophie en Afrique, il y a lieu de dire que le préalable ici est la construction d'un cadre de réflexion propice pour entreprendre cette démarche.
[size=30]CONCLUSION[/size]
Marcien Towa et Paulin Hountondji ont produit respectivement dans les ouvrages : Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, Editions Clé Yaoundé, 1979 (2ème édition) et Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie, Éditions Clé Yaoundé, 1980, une analyse pertinente dans le débat sur la problématique philosophique en Afrique. Dans les deux ouvrages il se dégage un effort sans cesse renouvelé visant à invalider la littérature africaine et même européenne existante sur la question, notamment celle qu'ils qualifient d'ethnophilosophie. Pour eux il incombe donc de reconsidérer la problématique philosophique africaine sous un angle nouveau dans le but ultime de forger une philosophie qui ne sera plus seulement une réfutation stérile des négations civilisations africaines par les Occidentaux ; mais une philosophie qui fonctionne selon les exigences théoriques, méthodologiques propre à cette discipline. A cet effet, chacun dans son ouvrage a proposé des rôles qui doivent échoir à la philosophie pour que naisse sur le continent africain une véritable culture philosophique. C'est ainsi que pour Towa, il revient essentiellement à la philosophie de déterminier et d'orienter les conditions de la révolution démocratique des peuples africains. Dans son argumentation, il considère qu'il existe un destin commun pour les peuples africains. C'est de cela q'il est question lorsqu'il parle de dessein fondamental, de sens de notre-être-là dans le monde etc. Il revient à la philosophie de caractériser ce dessein et déterminer la direction vers laquelle on doit l'infléchir pour un meilleur futur des peuples africains. Cette démarche doit être faite en tenant compte de la défaite retentissante des civilisations africaines face à l'Occident. En sorte que notre combat ne soit celui de pleurnicher sur notre sort; mais d'envisager les voies et moyens susceptibles d'éviter non seulement que cela se reproduise mais aussi d'équilibrer les échanges entre nos civilisations et les civilisations occidentales. Il imagine à cet effet une démarche dialectique qui à terme doit conduire à l'appropriation du secret de l'Occident afin d'être comme lui et donc incolonisable par lui. Pour cela, de son point de vue, le discours philosophique doit dépasser la problématique de l'ethnophilosophie et de la négritude senghorienne pour constituer un débat fécond qui à terme conduire les peuples africains vers l'avènement de la démocratie sur le continent. Cette tâche considérée la principale doit s'accompagner de taches secondaires, qui concernent essentiellement le rejet du culte de la différence et du culte du passé.
En ce qui concerne Hountondji, il estime qu'une littérature abondante se qualifiant de philosophique existe sur le continent africain. Mais de son point vue, celle-ci, pour plusieurs raisons n'a jusque là fait l'objet que d'une exploitation mythologique. Il convient donc corriger cette impasse et de faire de toute philosophie en Afrique, le véhicule d'un vaste débat contradictoire qui engage les tous Africains entre eux-mêmes et qui traite des questions philosophiques les plus diverses. Car pour lui, le discours ethnophilosophique s'adresse essentiellement au monde occidental devant qui ses auteurs veulent se réhabiliter. Mais en le faisant, ils en arrivent à des résultats où ce qui est qualifié de philosophie ne répond nullement aux exigences théoriques, méthodologiques propres à cette discipline tel que cela a toujours été observé dans la tradition philosophique internationale et particulièrement occidentale. Il estime donc qu'il urge de mettre fin à cette extraversion mendiante de la philosophie africaine en disqualifiant l'ethnophilosophie et toute sa problématique et faire de toute philosophie sur le contient africain un débat contradictoire produit par des Africains et s'adressant à des Africains. De plus Paulin Hountondji pense que la philosophie africaine doit fonctionner sur le modèle de l'héritage théorique, méthodologique, etc. de cette discipline. Cet héritage offre toute une palette d'outils théoriques et conceptuels qu'elle peut exploiter pour produire un discours universellement valable. Pour cela il en appelle à une remise en cause de son statut théorique. Partant donc de l'hypothèse althussérienne que toute philosophie est en dernier ressort une réflexion sur la science, il estime qu'en Afrique il est plus urgent de promouvoir une science africaine, une recherche scientifique africaine qu'une philosophie africaine. Cela est du reste facilité de nos jours par le fait que les civilisations africaines qui étaient essentiellement des civilisations orales, subissent de nos jours des mutations qui peu à peu les transforment en civilisation de l'écrit. Ceci de son point de vue constitue un atout incontestable compte tenu du fait que chez lui une philosophie n'est digne d'elle appelée telle que si elle est écrite. L'absence d'écriture est défavorable à toute philosophie car cela l'empêche d'être véritablement consigné pour constituer un préalable théorique appelé à être améliorer par d'autres discussions selon de nouvelles perspectives sur les mêmes thèmes.
Il faut cependant souligner que faute de ramener constament le débat sur le champ spécifique occidental, les analyses de nos auteurs appellent à certaines réserves. Pour n'avoir pas entrepris des recherches sur le terrain, ils semblent préférer la spéculation gratuite fondée sur la répétition de doctrines occidentales qu'une démarche sérieuse qui tiendrait compte des spécificités incontestables des civilisations négro-africaines. Il est très aisé de faire ressortir des travers récurrents dans le discours ethnophilosophique, cependant le tout est d'être capable de corriger ces travers et les remplacer par un discours cohérent fondé sur les réalités propres des civilisations négro-africaines. En réalité, le rôle de la philosophie sur le continent africain dépasse de loin ces éternelles discussions entre intellectuels Africains et Occidentaux sur les rapports de la philosophie et la science, la philosophie et l'idéologie, la philosophie et la politique etc. Car c'est de cela qu'il est fondamentalement question ici. D'ailleurs pour d'aucuns le fait même de poser une problématique de la philosophie sur le continent spécifique africain est un faux débat. En ce sens que l'Afrique ne saurait se soustraire de l'espace et du temps et constituer à elle seule une dimension particulière de la réalité humaine où la philosophie aurait à jouer un rôle particulier. Daniel Tchapda Piameu dans un article intitule De l'engagement politique ou philosopher en Afrique en changeant de mode dans la revue en ligne Motspluriels N° 10 de mai 1999, il n'est pas question de se laisser aller à de tels particularismes. La philosophie en tant que discipline universelle joue le même rôle sous tous les cieux. Pour défendre ce point de vue, il estime qu'elle avant tout une sagesse. Or « la sagesse est toujours relationnelle. Elle est relation de l'homme au temps. Il en est ainsi parce que la philosophie est non seulement une manière de penser mais aussi une manière d'être dans le temps. Mieux encore, même si elle n'était qu'une manière de penser, la philosophie serait encore une manière de penser le temps. Aucune philosophie proprement dite ne se développe loin de ce concept. Toute philosophie est pensée du temps ». Le philosophe pose sa réflexion sur un particulier sur la base de concepts et de méthodes universels. Cela signifie entre autre que même si la philosophie doit jouer un rôle sur le continent africain, celui-ci est à mettre en relation avec le contexte historique, économique, culturel etc. qui l'a vu maître; donc qu'on ne peut pas à proprement parler fixer une pour tout un rôle a la philosophie en Afrique. Mais il convient de dépasser ce fétichisme de l'universalité pour constater que sur le continent, justement dans le temps il existe quelque chose que l'activité humaine nommée philosophie puisse faire pour répondre à des défis indéniables qui se posent.
Ainsi nous pouvons dire qu'il incombe entre autre à la philosophie de se poser sur le quotidien des peuples africains confrontés aux guerres sanglantes, aux violations des droits de l'homme, à la pauvreté et autres calamités du même genre. Dans ce cas seulement elle pourra non seulement démentir cette image récurrente qu'on lui attribue et qui fait d'elle une activité oisive, un discours creux et sans importance qui en dernière analyse, a tendance à compliquer plus le monde qu'il n'apporte de solutions. Ainsi de notre point l'un des défis qui attendent la philosophie dans notre continent est celui qui fait référence à l'élucidation de concepts en tout genre et qui engagent les Africains dans leur vie de tous les jours; sur des plans aussi variés que la politique, l'idéologie, la science; mais aussi l'art, le droit, la religion, etc. En procédant ainsi elle sort de sa sphère académique où elle engage donc un public académique pour être un instrument de sensibilisation et d'éducation des masses. Cela ne signifie pas pour elle, se transformer en une instance normative seule capable de fixer les priorités de tout sur le continent africain. Elle doit plutôt combattre toute forme d'unanimisme et envisager donc les nombreux défis qui attendent l'Afrique en tenant compte non seulement des spécificités inhérentes à chaque région, à chaque peuple africain, mais aussi du contexte historique, économique, idéologique etc. actuel. En le faisant elle se sera plus seulement confinée dans les départements de philosophie des Universités africaines; mais elle en sortira pour se poser dans le quotidien de tout le monde. Cela peut être réalisé par l'organisation de conférences publiques répétées, de publications de documents, de prospectus, de création de sites internet etc. dans un langage destiné à compris par le plus grand nombre de persones. Bien entendu cela est étroitement lié à la liberté d'expression dans nos différents pays et à la contribution des pouvoirs publics pour encourager son enseignement dans les systèmes éducatifs. Cette démarche peut avoir entre autres conséquences heureuses la maîtrise d'un certain nombre de phénomènes sociaux, politiques, économiques, culturels, religieux etc., en relation non seulement avec le quotidien peuples mais aussi qui déterminent leur futur. A côté la détermination d'un appareil théorique et conceptuel à même de restituer la pensée philosophique africaine notament précoloniale. L'Afrique précoloniale a conu de brillantes civilisations. En témoignent toutes les réalisations techniques et technologiques de cette période subsistent en certains endroits, mais aussi toute cette manière particulière de concevoir et d'organiser le monde qui existe et qui se manifeste à travers les contes, légendes, cosmogonies etc. Mais on doit convenir avec Towa que le contact des civilisatiosn africaines avec le monde occidental nous a été déafavorable, en sorte qu'il est possible de parler de la défaite de l'Afrique face à l'Occident. La démarche de l'intellectuel Africain ne doit pas être de rester dans un bureau confortable et de conjecturer sur les questions qui concernent cette période de notre histoire. Autrement il faut non seulement faire le constant de cette défaite mais aussi faire des recherches informées sur le terrain afin de de savoir le niveau de connaissance qui avait été atteint par ces civilisations. Cela passe par la construction de tout un arsénal d'outils théoriques et conceptuels qui serait propre au monde africain. Car comme le dit Pathé Diagne jusque là l'Europe a définit toute seule, sur la base de ses intérêts les termes théoriques de toute connaissance scientifique. L'intellectuel africain formé à l'école occidentale en est fortement influencé et tout ce qu'il produit sur la question est presque toujours superficiel. De plus il revient à la philosophie de faire son auto-promotion sur le continent africain. Il n'est pas nécessaire de dire que de nos jours, pour plusieurs raisons elle est marginalisée et reléguée au dernier échelon des disciplines à étudier. Cette situation doit changer et cela passe entre autre par la démystification de la philosophie elle-même. La philosophie doit arriver à faire qu'elle ne construit certes des ponts ni de buildings, elle n'a pas pour vocation changer le quotidien immédiat des individus. Mais d'un autre côté elle ne se résume pas en une négation de l'existence de Dieu ou toutes les autres négativités qu'o lui attribue. Elle est simplement une plate forme où toutes les questions peuvent faire l'objet de discussion libre et dépassionnée avec comme seul instrument d'argumentation la raison.
En un mot tous ces défis et bien d'autre encore attendent la philosophie dans nos différentes sociétés pour véritablement constituer un discours en adéquation avec son temps sur le continent africain.
 

CHAPITRE III : LE ROLE DE LA PHILOSOPHIE DANS SUR « LA PHILOSOPHIE AFRICAINE » CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

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