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 FRIQUE NOIRE (Arts)

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فدوى
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فدوى


التوقيع : FRIQUE NOIRE (Arts) I_icon_gender_male

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تاريخ التسجيل : 07/12/2010
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14022016
مُساهمةFRIQUE NOIRE (Arts)

AFRIQUE NOIRE (Arts)Aires et styles
FRIQUE NOIRE (Arts) Pa081925

La perception que l'Occident a pu avoir des arts africains a été fortement perturbée par ce que, dans les années 1920, on a appelé l'« art nègre ». Le choc esthétique et l'influence de ces formes sur les avant-gardes a un temps eu pour effet de faire passer au second plan la richesse des styles, ainsi que la complexité des liens entretenus avec l'univers social et religieux. Ce n'est que par l'étude des relations entre les objets et les cultures qu'une perspective historique a pu se dessiner, laquelle a permis de mettre en évidence les relations que les différentes cultures entretenaient entre elles, et d'inscrire la diversité des styles dans des unités collectives plus vastes.
Universalis
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1.  Les arts d'Afrique de l'Ouest

L'Afrique de l'Ouest n'a pas connu un isolement géographique comparable à celui de l'Afrique centrale. Son histoire est marquée par les contacts qu'elle eut, de tout temps, avec le nord du continent et la Méditerranée. Dès le VIIe siècle, les sociétés situées dans la zone soudanaise, entre le Sahara et les régions forestières, subissent progressivement, et dans des proportions inégales, l'influence de l'islam. À partir de la fin du XVe siècle, les Européens, présents sur les côtes du Sénégal et du golfe de Guinée, la mettent en relation avec le monde occidental.
En l'absence de sources écrites et d'archives, la connaissance très fragmentaire de cette histoire se fonde essentiellement sur l'étude conjointe des données livrées par la traditionorale et par l'archéologie. Le sol nous a laissé cependant peu de vestiges au regard d'autres régions du monde. Les raisons en sont simples : l'archéologie est une discipline encore peu développée et disposant de moyens très modestes au sein des États modernes africains. Par ailleurs, les fouilles et l'exportation illégales, l'ignorance des populations locales quant à la valeur historique et scientifique des objets trouvés dans le sous-sol, leur pauvreté et le vol dans les musées nationaux au profit des marchés d'art internationaux, contribuent à ruiner les sites avant que les chercheurs n'aient pu y travailler. Dans de nombreux cas, nous n'avons, pour nous renseigner sur les périodes anciennes, que les objets eux-mêmes. Ainsi, nous ne savons presque rien des populations qui ont produit la statuaire céramique de Nok (Nigeria), fleuron de l'art africain du passé, dont la découverte continue à être le fruit du hasard, celui de l'exploitation de mines d'étain ou des labours des cultivateurs. Nous demeurons tout aussi ignorants, les sites ayant été souvent pillés, de celles qui nous ont laissé les terres cuites du delta intérieur du Niger et de la région de Djenné (Mali).
L'intérieur et les côtes de l'Afrique de l'Ouest furent explorés à un rythme différent. Les Européens prennent position en divers points du littoral dès le XVe siècle, les Portugais atteignant les premiers l'embouchure du fleuve Sénégal en 1445. Avant le XIXe siècle cependant, ils n'ont laissé que peu de témoignages sur les hommes avec lesquels ils commerçaient, leurs coutumes et leurs arts. Aux XVIe et XVIIe siècles, quelques objets gagnèrent pourtant l'Europe des cours princières et des cabinets de curiosités : répondant aux commandes des Occidentaux, les ivoiriers sapi (côte de la Sierra Leone) ou bini (royaume du Bénin, Nigeria) surent associer avec dextérité des motifs européens à un traitement stylistique proprement africain pour produire des coupes et des salières, des cuillers ou des olifants. Au-delà d'une étroite frange côtière, l'intérieur demeura longtemps inconnu des Occidentaux jusqu'à ce que commence la conquête coloniale. C'est alors qu'eurent lieu les premières collectes d'objets qui vinrent prendre place dans les vitrines des musées des grandes capitales européennes, de la seconde moitié du XIXe siècle aux années 1930. L'essentiel de nos collections muséographiques, en Europe et aux États-Unis, s'est constitué durant cette période.
Des routes commerciales transsahariennes, jalousement préservées de la curiosité des étrangers, ont très tôt relié le cœur de l'Afrique occidentale, les rives des fleuves Sénégal et Niger, au Maghreb et à l'Égypte. Les textes en langue arabe rédigés, dès le VIIIe siècle, par les voyageurs issus de ces contrées évoquent la puissance des souverains de Gao, deGhana ou du Mali, avec lesquels traitaient les négociants venus du nord pour acquérir des esclaves et l'or extrait dans les régions forestières situées en pays mandingue, en échange de produits tels que les textiles ou le cuivre. Kanku Musa, qui régnait sur l'immense Mali au début du XIVe siècle, acquit une telle notoriété pour ses richesses en ce métal que son pays fut figuré dans l'Atlas catalan établi, vers 1350, pour le compte de Charles V. Sa présence dans l'imagerie européenne de l'époque atteste l'importance de cet État dans le paysage géopolitique d'alors.
Les descriptions arabes intéressent essentiellement les mœurs des seigneurs et des cours de ces États nouvellement islamisés ; et bien peu la grande masse des paysans qui formait l'essentiel de la population. Pour imprécises qu'elles soient, elles évoquent néanmoins les conditions économiques, sociales et culturelles qui ont permis le déploiement d'expressions artistiques dont on ne connaît pas d'équivalents dans les autres parties du continent.

  La statuaire céramique ancienne

Les potiers des sociétés anciennes d'Afrique de l'Ouest produisirent des œuvres remarquables. Le développement et la diffusion des arts céramiques furent étroitement liés à la métallurgie du fer et du cuivre, les arts du feu dans leur ensemble ayant été encouragés par un contexte favorable, dû à la formation, dès le VIIIe siècle, et à la faveur des échanges avec les populations du nord du Sahara, de centres commerciaux importants et d'États. Le fleuve Niger, dont le cours s'étire sur plus de 4 000 kilomètres, a joué un rôle de premier plan dans la circulation des hommes, des biens et des savoir-faire.

Un théâtre de gestes

La statuaire en terre cuite la plus anciennement connue à ce jour est celle de Nok, nom du petit village nigérian où fut trouvée en 1943 une première œuvre. La culture de Nok se serait épanouie entre 900 avant J.-C. et 600 après J.-C., soit durant presque deux millénaires. La datation des sculptures céramiques donne une période moins longue (de 500 av. J.-C. à 200 apr. J.-C.). Leur fabrication s'est étendue, avec quelques variations stylistiques, sur un très vaste territoire : jusqu'à 400 kilomètres au nord et à l'ouest de Nok par exemple, dans les régions de Sokoto et de Katsina.
La maîtrise technique dont elles témoignent – ce sont à ce jour les plus grandes terres cuites connues en Afrique subsaharienne (jusqu'à 1,20 m) –, la délicatesse du modelage et de l'interprétation plastique donnent à penser que les céramiques nok sont l'œuvre d'artisans rompus à l'exercice des arts du feu et qui travaillaient pour les membres puissants d'une société florissante.
Cette prospérité est inscrite dans les représentations de personnages savamment parés et coiffés : la variété des ornements – pectoral, colliers, bracelets, éléments de vêtements (étui pénien, cache-sexe, cape) – le dispute à celle des coiffures à la composition soignée, reproduisant avec un grand souci de vérité des modèles réels. Une même recherche de diversité se lit dans le rendu des attitudes corporelles dont on peut penser qu'elles expriment une signalétique gestuelle extrêmement précise. L'art nok est en effet très détaillé, tout comme celui, qui lui est postérieur, de la région de Djenné.
Les sites de Jenné-Jeno, l'ancienne ville de Djenné établie dès le IXe siècle dans le delta intérieur du Niger, et la région comprise entre Djenné et Bamako (Mali), ont livré de nombreuses figures de terre cuite (XIIe-XVe siècle). L'essentiel du corpus consiste en animaux et surtout en personnages d'une quarantaine de centimètres de hauteur en moyenne, dont les attitudes corporelles sont rendues avec un grand souci de vérité : mains sur les joues, sur la tête, paumes ouvertes posées sur les cuisses, bras croisés sur la poitrine, femme allaitant un enfant, homme agenouillé derrière une femme, une main posée sur son épaule, personnages présentant des objets... La variété de ce théâtre des attitudes, répondant probablement à une gestualité rituelle parfaitement réglée, tranche avec le hiératisme de la statuaire en bois de ces mêmes régions telle qu'elle est parvenue jusqu'à nous. On trouve des traces de son influence jusqu'au nord du Ghana en pays koma, où de petites terres cuites (XVe-XVIe siècle) figurant des personnages agenouillés ont été retrouvées sur des sites funéraires.
La présence soutenue du serpent dans l'iconographie de la statuaire de Jenné-Jenno fait écho à la place qu'occupe encore l'animal dans les cultes actuels et dans les récits de tradition orale où l'émergence du Mali est vue comme l'une des conséquences du meurtre d'un serpent-génie, Bida, auquel un culte était autrefois rendu. Un motif figuré dans cette statuaire fut repris jusqu'au XXe siècle : l'homme barbu pourvu d'une poitrine féminine, ou occupant la position d'un nourrisson dans les bras d'un personnage féminin, se retrouve dans la sculpture en bois dogon (Mali) et kurumba (Burkina Faso). Dans les deux cas, il s'agit, par le biais de ce motif iconographique, de représenter le principe qui veut que toute vie, au sein du lignage et du clan, s'inscrive dans un processus cyclique de mort et derenaissance initié par un premier ancêtre mythique.

La figure équestre

La statuaire céramique du delta intérieur du Niger aurait été produite pour une grande part au cours du XIVe siècle, période de pleine expansion de l'empire du Mali. La présence du thème du cavalier, absent de l'art nok, évoque l'importance qu'eut la cavalerie dans la formation et la puissance des États soudanais. L'animal est richement harnaché ; l'homme vêtu d'un pagne est paré, portant un carquois sur l'épaule et parfois un poignard enfilé dans un brassard. À la même époque, ce thème se retrouve dans la région du Guimbala (versTombouctou au Mali) figuré dans des couvercles de poterie, ainsi que dans la vallée moyenne du Niger, ce qu'attestent des découvertes archéologiques récentes réalisées en amont de Niamey (Niger) dans la nécropole de Bura : y ont été retrouvés, parmi d'autres vestiges tels que des têtes en céramique prolongées parfois par un buste et des bras, les restes d'une figure équestre de grande taille (62 cm), datée du IIIe-XIe siècle après J.-C.
Encore aujourd'hui, le cheval demeure un animal de prestige dans toute la région des savanes, son usage étant d'ordinaire réservé aux rois, aux chefs et aux dignitaires. Hier, il était l'apanage des guerriers, des envahisseurs et des émissaires royaux. On le retrouve dans l'art du royaume de Bénin (Nigeria) situé en zone tropicale humide, où sa difficile acclimatation en faisait un bien rare et fragile. Au XVIIIe siècle, les fondeurs de Bénin représentaient encore les royaumes du Nord (Sokoto, Kanem-Bornou, États haoussa) par l'intermédiaire de figures équestres en laiton. Des objets semblables ont été produits en pays sao (Tchad) pris dans la sphère d'influence du royaume du Kanem-Bornou. Les Dogon (Mali) ont aussi exploité ce thème dans leur propre statuaire en bois.

  Les arts de cour

L'Afrique de l'Ouest a connu des empires et des royaumes puissants. Beaucoup ont disparu au cours du temps. Certains demeurent encore au sein des États modernes, leurs souverains continuant à jouer un rôle non négligeable dans la vie politique nationale. Ils nous ont laissé un important patrimoine artistique.
L'histoire des royaumes installés en zone forestière, non loin des côtes, nous est mieux connue que celle des États soudanais. Les Européens furent en effet en contact avec eux dès le XVe siècle. Leurs récits ont pu être confrontés aux traditions orales perpétuées jusqu'à nos jours par les chroniqueurs des palais, et aux rites royaux encore observables.
Conçu dans le cadre d'une société hiérarchisée, l'art de cour a pour fonction première d'exalter la puissance du souverain, tant économique et guerrière que spirituelle et mystique. Le droit à l'utilisation d'œuvres sorties des ateliers royaux, réservées en priorité au chef ou au roi, à sa famille et aux membres des lignages nobles, distingue, en marquant leur place dans l'échelle sociale, ceux qui sont proches du pouvoir de ceux qui en sont éloignés. Aux titres nobiliaires correspondent toujours des ornements et des objets particuliers.
Les artisans de la cour, forgerons, fondeurs, tisserands, brodeurs, sculpteurs, joailliers, etc., consacrent leur production à la famille royale et à l'aristocratie. Dans certains royaumes, comme ceux de Bénin (Nigeria), de l'ancien Danhomè (Bénin) ou de l'Ashanti (Ghana), les artisans sont rassemblés en corporations. Ces regroupements d'artisans aux origines ethniques souvent diverses, ont facilité l'échange de savoirs, non seulement techniques mais aussi esthétiques. C'est ainsi que les bronzes d'Igbo-Ukwu (IXe-Xe siècle, Nigeria) ont pu être conçus. Il s'agit de vases, de bols, de coupes, d'ornements de hampes, de pendentifs dont la facture dénonce une remarquable maîtrise de la technique de la fonte à la cire perdue. Le fait que ces objets soient en bronze, et non pas constitués d'alliages cuivreux, confirme le savoir technologique de ses fondeurs.
De nombreux auteurs ont également relevé l'influence des arts musulmans dans l'iconographie et dans la configuration des objets de prestige akan (Côte d'Ivoire et Ghana), ashanti en particulier : l'art des bijoux filigranés, de la feuille de métal façonnée par repoussage, le style des motifs décoratifs observés sur les tissus et sur de nombreux objets évoquent certains traits de la plastique musulmane.[/size]
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FRIQUE NOIRE (Arts) :: تعاليق

فدوى
رد: FRIQUE NOIRE (Arts)
مُساهمة الأحد فبراير 14, 2016 10:48 am من طرف فدوى
objets évoquent certains traits de la plastique musulmane.

Une tradition du portrait

Dans les sociétés africaines, le roi est un être sacré. Des énergies cosmiques siègent dans sa personne, souvent d'origine divine, dans la mesure où les généalogies dynastiques remontent fréquemment à un fondateur divin. Il est le garant du bien-être du royaume et de ses sujets et de l'équilibre du monde. En conséquence, l'ensemble de ses actes, le déroulement de son existence et même ses émotions sont susceptibles d'affecter le cours des événements et la stabilité du royaume. Pour cette raison, le corps du roi doit être en bonne santé et ne présenter aucune infirmité physique.
La statuaire des royaumes akan (Ashanti, Anyi, Fanti du Ghana ou de Côte d'Ivoire), d'Ilé-Ifé et de Bénin (Nigeria) comprend des représentations de ces grands personnages. Les plus anciennes (XIIe-XVe siècle) ont été retrouvées à Ilé-Ifé, la ville qui constitue toujours le centre mythique et spirituel des Yoruba et qui dut sa prospérité et son expansion, à partir duXIe siècle, à sa situation géographique. Elle contrôlait l'accès aux produits de la forêt et à l'embouchure du Niger et traitait avec l'empire du Mali. Les œuvres d'Ilé-Ifé sont contemporaines de la statuaire de Jenné-Jeno. Comme la plupart des céramiques nok, elles ont été réalisées par la technique du colombin.
Les portraits d'Ilé-Ifé se composent essentiellement de têtes en terre cuite et en cuivre (un seul portrait en pied est parvenu entier jusqu'à nous), figurant des hommes et des femmes, scarifiés pour certains et portant parfois des coiffes. Ces têtes révèlent une grande habileté quant à la représentation du modelé des chairs du visage humain. L'attention portée à l'implantation du nez, au gonflement des narines, au dessin des lèvres renflées, parfois légèrement entrouvertes et arrêtées dans l'esquisse d'un sourire s'évanouissant aux commissures, exprime combien était grand le désir des sculpteurs de saisir le souffle et le frémissement du vivant. Ces visages sont cependant idéalisés. Ils offrent l'image d'êtres androgynes et éternellement jeunes, une interprétation plastique qui vient corroborer l'image d'un roi divin dont le corps incorruptible associe le féminin au masculin.
Le rayonnement d'Ilé-Ifé s'est étendu à l'ensemble du monde yoruba jusqu'au royaume edo de Bénin où furent réalisées en cuivre de nombreuses effigies de rois, de reines mères, de dignitaires et d'officiers de la cour. Là où, à Ilé-Ifé, les sculpteurs s'efforcent de rendre compte d'une ressemblance physionomique, les fondeurs de Bénin ont reproduit un modèle canonique. Toute l'humanité présente dans l'art edo partage avec le roi un même visage. Contrairement aux œuvres d'Ilé-Ifé, celles de Bénin regorgent de détails quant à la description des coiffures, des parures, des vêtements, des emblèmes et des attributs qui permettent de définir l'identité sociale du personnage représenté.
À Bénin et à Ilé-Ifé, nombre de ces portraits royaux se limitent à des têtes. Cette particularité n'est pas étrangère à la place qui est plus généralement accordée à la tête dans les représentations africaines. Siège de l'écoute, du regard et de la parole, elle est aussi le lieu où se concentrent les qualités réflexives de la personne, pensée, patience, caractère. C'est à l'expression de ces fonctions que l'on peut sans doute attribuer les trous effectués dans les yeux, les oreilles et la bouche des sculptures nok ou de certaines petites têtes trouvées dans la région de Bura (Niger). Nombre de sociétés de l'Ouest africain rendent ainsi des cultes à la Tête, entendue comme principe spirituel dont dépend le bien-être d'un homme et de sa famille.
Certaines traditions akan voulaient, jusqu'à une date récente, que soient exécutées pour les défunts de haut rang de petites têtes en terre cuite, de taille parfois proche de la grandeur nature, prolongées dans certains exemplaires par un buste. Stylistiquement très diversifiées, ces céramiques offrent pourtant des traits communs : la forme des yeux reproduit en général celle du grain de café, évoquant un regard aux paupières mi-closes. Le cou présente fréquemment une conformation annelée évoquant des plis de graisse, une marque de prospérité que l'on trouve aussi dans l'art d'Ilé-Ifé. Lors des cérémonies funéraires, ces céramiques pouvaient être incorporées à un ensemble plus vaste, comportant des figurations de serviteurs et de courtisans érigées aux abords de la tombe royale.

Représenter l'histoire

L'iconographie africaine comprend peu d'exemples d'images, qu'elles soient en plan ou en volume, où sont représentés un ou plusieurs personnages engagés dans l'accomplissement d'une action. Font exception les scènes rencontrées dans les plaques de cuivre qui ornaient les colonnes de bois du palais royal à Bénin ou dans les scènes ornant les murs et les tentures du royaume du Danhomè (l'actuel Bénin).
L'art de Bénin couvre cinq siècles environ. Il comprend quelques milliers de pièces, soit le plus important corpus d'objets appartenant à une même culture que nous ait laissé l'Afrique. Les plaques, d'une cinquantaine de centimètres de côté en moyenne, ont été produites essentiellement aux XVe et XVIe siècles. Leur style, réaliste et narratif, incite à penser qu'elles sont en partie le fruit de l'influence qu'exercèrent les images apportées par les Européens avec lesquels le royaume entretenaient d'étroits liens commerciaux.
Ces images célèbrent les rites de renouvellement du royaume (fêtes des prémices), les guerres, les victoires et la nature divine du roi. Les hommes sont abondamment figurés – qu'il s'agisse du souverain, des dignitaires, des chefs vaincus ou des Portugais. Certains animaux étroitement liés à l'expression de la royauté reviennent fréquemment, comme la panthère, vénérée pour sa férocité, ou le silure, un poisson capable d'attendre le retour des pluies en se lovant dans une gangue de boue. Symbole de continuité, évoquant la renaissance cyclique et nécessaire des saisons et des hommes, le silure est très présent dans toute l'iconographie ouest-africaine.
Le passé historique et la puissance du roi suivent encore d'autres voies pour se manifester au plus grand nombre. Le décor des objets utilisés par les gens de cour, strictement contrôlé par le souverain, exalte et remémore sans relâche la royauté. À Bénin, à Abomey et dans l'ensemble des États akan, la prolifération des pectoraux, pendentifs, bagues, parures, bracelets, armes, ornements de ceinture, sièges exprime l'unité du royaume, l'ubiquité du pouvoir royal et sa domination sur le monde. Les royaumes guerriers de l'Ouest africain ont accordé une place essentielle à leurs messagers, qui portaient la lourderesponsabilité diplomatique de la réussite de la politique royale et du maintien de la paix. Chez les Ashanti, ces dignitaires étaient munis d'un insigne immédiatement identifiable, un bâton à l'extrémité sculptée de scènes figuratives matérialisant la parole du souverain et illustrant des proverbes. Ces insignes, recouverts de feuilles d'or, sont montrés aujourd'hui encore dans les cérémonies royales.

  Les arts populaires

Les sociétés d'Afrique de l'Ouest sont composées pour la majorité d'entre elles d'agriculteurs. Là où ne se sont pas encore implantées les religions musulmanes ou chrétiennes, ceux-ci continuent à pratiquer des cultes traditionnels dont la conception et le calendrier sont étroitement liés à l'activité agricole. Dans la région des savanes, la principale céréale cultivée est le mil. Deux grandes saisons y alternent : la saison des pluies, commençant avec les semailles et consacrée aux travaux de la terre, et la longue saison sèche, période de relative oisiveté. En zone forestière, le mil fait place aux tubercules comme l'igname et l'année n'est plus ponctuée par une morte-saison. Ces agriculteurs ont produit et fabriquent toujours une statuaire en bois ou en alliage cuivreux, ainsi que de nombreux autres objets destinés tant à la vie quotidienne que rituelle et perpétuant des modèles anciens. Aux côtés des agriculteurs vivent également des sociétés de pasteurs, comme les Peuls, nomades et semi-nomades, convertis à l'islam pour beaucoup d'entre eux. Pour des raisons religieuses entre autres, ils n'ont pas recours à la figuration. Mais ils ont développé, les femmes en particulier, un art de la parure très élaboré.

Les textiles

L'ancienneté de l'usage et de la production de textiles en Afrique de l'Ouest ne peut être datée avec précision : une sculpture nok (150 av. J.-C.-200 apr. J.-C.) figure un homme assis, richement coiffé et paré, qui semble porter, descendant dans le dos à la manière d'une cape, ce qu'on pense être une bande de tissu orné de motifs géométriques. La fabrication de textiles est attestée par l'archéologie au IXe siècle à Igbo-Ukwu (Nigeria) où des fragments d'étoffes de liber ont été retrouvés. Les nécropoles (XIe et XIIe siècle) de la falaise de Bandiagara (Mali) ont également livré des restes de tissus de coton, écru ou teint à l'indigo, certains à rayures ou à carreaux.
Le coton, la laine, la soie sauvage, le rafia, le liber, l'abaca sont autant de fibres produites et travaillées traditionnellement en Afrique de l'Ouest. Aujourd'hui de nombreuses fibres sont importées de l'étranger, comme la soie, la rayonne, la viscose ou le Lurex. Elles offrent une palette plus chatoyante.
À l'époque médiévale, l'Afrique occidentale importait de grandes quantités de tissus. Les cours des souverains soudanais adoptèrent dans le sillage de l'islam le port d'un vêtement cousu dont le modèle était originaire du Moyen-Orient : cotonnades à grand métrage, larges pantalons bouffants, grande tunique, turbans et bonnets, ornés de broderies colorées. Ces bouleversements vestimentaires permirent que se développent localement les arts du tissage, de la teinture et de la broderie. L'Afrique sahélienne et soudanaise contemporaine a hérité de ces usages où l'ampleur du vêtement, le mariage des coloris, la qualité du tissu expriment toujours la fortune sociale et économique de son porteur. En zone forestière et en milieu non musulman comme chez les Akan, le tissu est drapé au lieu d'être cousu. Les Ashanti sont connus pour leurs étoffes de grande amplitude (plus de 3 m de longueur), à dominantes rouge et jaune, couleur de l'or et de la royauté, dont ils se drapent encore dans les occasions festives.
Les motifs brodés, teints ou tissés ont toujours eu une vocation signalétique, ce que vient confirmer aujourd'hui la pratique consistant à donner un nom aux tissus de pagne en fonction de leurs dessins. On leur attribue encore un rôle protecteur (contre la maladie, le mauvais œil, par exemple), des fonctions rituelles ou de marquage social. Par l'intermédiaire des textiles, des styles iconographiques ont voyagé. C'est ainsi que l'on retrouve des motifs d'origine berbère jusque dans les étoffes ashanti du sud du Ghana.

Cultes villageois

La figuration de l'être humain, mais aussi de l'animal, tient une place importante dans lesarts plastiques ouest-africains. La statuaire cultuelle villageoise, déposée dans des sanctuaires ou présente sur des autels, ne représente pas des personnes réelles mais des personnages mythiques, fondateurs de village, de clan ou de culte ou des êtres censés vivre dans l'autre monde. Inférieures à la taille humaine (les plus grandes dépassent rarement 1 mètre), ces figurations prennent comme modèles des hommes et des femmes adultes, debout ou assis, le corps saisi dans une attitude où prévalent la frontalité et un hiératisme marqué. On les trouve chez les Dogon et les Bambara (Mali), chez les Mossi ou les Lobi (Burkina Faso) et plus au sud chez les Baoulé (Côte d'Ivoire), les Jukun, les Tiv, les Igbo, les Yoruba (Nigeria)... Elles offrent des images archétypiques d'individus à la maturité physique et sociale accomplie : une statue à la poitrine protubérante exprime la féminité riche de promesses de la jeune fille, une maternité, l'accomplissement de la reproduction biologique, une statue d'homme barbu, la plénitude de l'âge mûr. Les scarifications corporelles indiquent l'appartenance à telle classe sociale ou à telle classe d'âge, et par conséquent les obligations qui incombent à ses membres ; les coiffures, parures et emblèmes jouent un rôle identique immédiatement compréhensible par les intéressés.
Les sociétés de l'Ouest africain continuent, pour nombre d'entre elles, à avoir recours auxmasques. Les cérémonies où ils apparaissent mobilisent toutes les énergies de la communauté villageoise et comportent une forte dimension festive.
Aux hommes initiés revient en priorité le droit de porter les masques dont l'usage intervient dans le cadre d'institutions, telles que le poro des peuples de la Sierra Leone, du Liberia et de la Côte d'Ivoire, ou l'ekpo des peuples du sud-est et du centre du Nigeria, dont les activités, qu'elles soient connues de tous ou qu'elles se déroulent dans le cadre desociétés secrètes, intéressent l'ensemble de la collectivité. Ces institutions ont un rôle structurel essentiel en ce qu'elles exercent un contrôle social et politique sur la communauté. Ainsi, c'est sous leur tutelle que s'effectue rituellement l'entrée dans l'âge adulte des filles et surtout des garçons, marquée par des épreuves au cours desquelles est dispensée par les aînés une formation éthique et religieuse.
Dans la région des savanes, les cérémonies à masques se déroulent lors des mois de sécheresse. Leur apparition consacre ce temps de l'année où les champs en repos retournent à la friche et où les frontières entre le monde des hommes, que circonscrit le village, et celui qui est associé à la brousse (ou, plus au sud, à la forêt) s'estompent. L'irruption des masques met en scène la venue au village des entités non humaines du monde sauvage, censées avoir une action sur la fertilité des plantes cultivées, des hommes et des bêtes.
On rencontre des masques au costume entièrement végétal et à la durée de vie éphémère au Sénégal (chez les Bedik), au Nigeria (en pays ekiti, par exemple) ; à ce costume peut être associée une tête en bois sculpté. D'autres sont entièrement exécutés en sparterie ou en tissu, comme les masques egungun ou ijele du Nigeria. Ceux des régions des savanes comprennent fréquemment une tête de bois sculpté unie à un habit de fibres. Ce modèle se retrouve jusque chez les Baoulé de Côte d'Ivoire. L'habit de tissu semble en revanche plus répandu parmi les peuples de la forêt et de la côte du golfe de Guinée, tels que les Igbo du Nigeria.
Ces arts ne sont pas figés et intègrent de nombreux traits propres à la modernité et à l'univers urbain : couleurs vives, recours à des motifs alphabétiques, formes nouvelles empruntant aux produits industriels. En témoignent les effigies blolo des Baoulé (Côte d'Ivoire), arborant cravates, casquettes et sacs à main, les figurations aux allures de princesse hindoue de Mami Wata et les masques gelede ripolinés (Nigeria), ou encore les cercueils en forme de Mercedes (Ghana).
Michèle COQUET

2.  La culture Nok

La culture Nok, découverte fortuitement au cours du XXe siècle dans le centre du Nigeria, reste aujourd'hui encore peu connue. De récentes datationss tendent à prouver qu'elle se serait épanouie au cours du Ier millénaire avant notre ère. Les matériels issus des fouilles ont également démontré que les Nok étaient sédentaires, agriculteurs, et qu'ils maîtrisaient la fabrication du fer, mais on ignore presque tout de leur habitat et de leur organisation urbaine et sociale. La production artistique est certainement l'aspect le mieux connu : ce sont exclusivement des œuvres en terre cuite – même s'il est probable que des sculptures en bois aient pu exister – qui se distinguent par la qualité remarquable de la statuaire anthropomorphe.

  Découverte de la culture Nok

La culture Nok s'est épanouie dans le centre du Nigeria, dans les provinces du Plateau, de la Bénoué, de Kaduna, du Niger et sur le territoire de la capitale fédérale Abuja, entre les villes de Maitumbi, Katsina Ala et Kagara. La zone est approximativement comprise entre 100 et 70 de latitude nord, puis entre 60 et 100 de longitude est. Ce périmètre, très vaste, s'étend du nord au sud sur près de 272 kilomètres, et d'est en ouest sur 240 kilomètres. Une vingtaine de sites ont, à ce jour, révélé des vestiges de la culture Nok. C'est en 1928 qu'apparaît, dans le village de Nok, la première sculpture attribuée à cette culture. Cette découverte reste isolée jusque dans les années 1950, date à laquelle l'exploitation des mines d'étain s'intensifie et en révèle un grand nombre. Ces œuvres, qui constituent aujourd'hui les quelques centaines de pièces des collections publiques nigérianes, ont été retrouvées hors de leur contexte d'origine. Elles ont en effet été détachées de leur milieu de conservation par l'érosion, emportées par des rivières et mélangées aux alluvions contenant de grandes quantités de graviers stannifères.
Parallèlement à ces découvertes fortuites, quatre sites – Taruga, Samun Dukiya, Katsina Ala et Old Zankan – ont été fouillés par des archéologues anglais et nigérians. C'est à Bernard Fagg que l'on doit la prise en charge des toutes premières collectes et investigations pour les musées nigérians. Les archéologues nigérians, en particulier Joseph Fazing Jemkur et Yasmin Isa Bitiyong, prirent ensuite la relève. Toutefois, seules quelques sculptures furent découvertes lors de ces investigations. La connaissance que nous avions de la culture Nok et de sa production artistique demeurait extrêmement succincte. À partir du milieu des années 1990, cette région a subi un pillage sans précédent de ses sites archéologiques, mettant au jour plusieurs milliers de sculptures en terre cuite. Ces œuvres d'art, elles aussi hors contexte, sont venues alimenter le marché de l'art occidental et sont conservées dans des musées mais surtout dans des collections privées en Europe et aux États-Unis.
En 2001, une thèse de doctorat, basée sur ces sculptures récemment découvertes, a apporté de nouveaux éclairages sur la culture Nok, sa production artistique et sa chronologie. De nouvelles datations ont permis d'actualiser la situation chronologique de la culture Nok. Cette dernière, souvent située entre le Ve siècle avant notre ère et le Ve siècle après, est désormais résolument ancrée dans le Ier millénaire avant notre ère, entre le IXe et le IIIe ou IIe siècle environ. D'après les matériels issus des fouilles, on sait que les Nok étaient sédentaires, agriculteurs et qu'ils ont maîtrisé de manière très précoce la fabrication du fer. La production artistique reste, aujourd'hui encore, l'aspect le mieux connu de la culture Nok.

  Iconographie et fonction des sculptures

Le corpus est constitué exclusivement d'œuvres en terre cuite dont la hauteur s'établit entre 2 centimètres et 1,65 mètre environ, mais il est probable que des sculptures en bois aient pu exister. Les œuvres en terre cuite Nok connues se distinguent par la qualité remarquable de la statuaire anthropomorphe. Les études ont révélé la récurrence d'un certain nombre de positions assises et debout dont la représentation est strictement codée. Certaines d'entre elles sont, à ce jour, spécifiquement masculines ou féminines. Il faut également souligner l'importance que revêtent les arts du corps. Les personnages sont toujours coiffés, ornés et habillés de manière délicate et complexe. Ils portent des colliers de fibres tressées ou de perles en pierre, des peaux de félins, des peaux de serpents et de très nombreux accessoires. L'utilisation de ces différentes parures est probablement liée à une fonction particulière occupée par le personnage (chef, chasseur, religieux) au sein de la société.
Si la codification de la représentation paraît incontestable, il ne s'agit pourtant pas d'une production stéréotypée répétant des modèles figés. Cela laisse donc à penser que les artistes effectuaient un travail d'individualisation et que les statues pourraient correspondre à des portraits, au sens africain du terme, dans lesquels l'identification de la personne se fait non pas par la ressemblance physique, mais grâce à la parure et aux accessoires la caractérisant. Si tel était le cas, les statues devaient être commandées pour un usage qui demeure encore bien délicat à envisager en l'absence des contextes archéologiques. Un rôle dans un culte aux ancêtres, une glorification de la personne de son vivant ou un lien avec l'inhumation paraissent crédibles, mais l'usage de telles statues serait peut-être alors, dans cette éventualité, réservé à certaines personnes.
Il faut également mentionner l'existence de statues zoomorphes (serpent, éléphant, etc.), de récipients agrémentés sur leur panse de figurines anthropomorphes et zoomorphes en bas-relief, ainsi que de sculptures énigmatiques jusque dans leur identification.

  La technique de fabrication

La pâte, dont la couleur varie du beige ocre au rouge latéritique, est un amalgame d'argile et de dégraissants minéraux grossiers enduit d'un engobe. Les plus petites rondes-bosses sont pleines tandis que les autres sont creuses. Ces dernières sont montées aux colombins, sans moule et les détails sont obtenus par ajout et enlèvement de matière. Des charbons de bois ont été retrouvés dans le remplissage archéologique des cavités de certaines sculptures. Leur emplacement et leur grosseur suggèrent qu'il s'agit de restes calcinés d'armatures insérées au moment de la confection de ces statues et ayant pour fonction le soutien de l'œuvre avant et pendant la cuisson (Boullier, 2003). Les sculptures étaient ensuite séchées et enfin cuites, probablement sans four structuré, sous un amas de végétaux.
فدوى
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  Les styles

L'identité stylistique de l'art Nok se base sur un ensemble de conventions formelles. Parmi les caractéristiques les plus marquantes, on notera l'usage d'un canon de trois ou quatre têtes, la forme des yeux en arc de cercle ou en triangle, le percement des orifices de respiration, d'audition et de vision, la simplification idéalisée des corps mais aussi une tendance générale à l'éphébisme.
Cinq principaux styles sont identifiés – Classique, Courbe et Maniéré, Graphique, Expressionniste, Naturalisant –, tandis que d'autres restent à déterminer. L'impact formel de chacun est particulièrement sensible au niveau du visage, lieu de toutes les expérimentations stylistiques.
Les sculptures du style Classique sont une application exemplaire de la formule morphologique Nok. Les statues sont de grande taille et dans l'une des positions assises connues ou en génuflexion. Au niveau des corps, on note une prédilection pour les volumes tubulaires et un usage prononcé de la symétrie dans les gestes et les parures, et ce au profit de compositions équilibrées, sobres, sans fioritures. Les visages présentent des traits réguliers, un front ample prolongé par une longue arête nasale souvent placée dans le même plan que le front et conférant à ces visages un « profil grec » mais aussi un menton fuyant. En outre, on soulignera la prédilection des artistes pour l'alignement parfaitement horizontal des yeux qui marquent le milieu de la face. Il se dégage de ces visages une impression de concentration sereine, mais un peu sévère, qui doit beaucoup à ces regards pénétrants et fixes.
Le style Courbe et Maniéré est une application moins stricte du style Classique. Les principaux traits du visage, les yeux, les narines et les lèvres, perdent la rigoureuse rectitude du style Classique pour des lignes courbes parfois presque sinueuses. Le triangle formant l'œil est constitué de courbes subtiles aux cambrures plus ou moins prononcées. Le globe oculaire gagne en volume et la pupille, systématiquement décentrée, est « tombante » dans la pointe inférieure de l'œil. Les lèvres, plutôt minces et délicatement ourlées, présentent une ondulation caractéristique de ce style. L'arête nasale à peine mise en volume est fortement allongée. On constate aussi que le modelé, mis en valeur par l'engobe souvent bien conservé sur ces œuvres, se révèle d'une très haute qualité : les transitions entre les différents plans du visage se font par des pentes douces et harmonieuses. L'idéalisation gracieuse donne aux visages un aspect maniéré servi par une ornementation raffinée. Bijoux et coiffures sont, en effet, figurés avec un rare souci du détail.
Le style Graphique se caractérise par une conception linéaire et quasi géométrique. L'ensemble de la statue s'inscrit dans le volume d'un tube creux, étroit, très allongé, qui s'assimile à une colonne. Sur le volume cylindrique du corps viennent se plaquer la parure et les membres supérieurs qui encadrent le buste avec une symétrie presque parfaite. Les membres inférieurs, seulement différenciés par une ligne médiane sur les faces antérieure et postérieure, restent inscrits dans la forme générale du tube. La symétrie, la multiplication des cylindres, le goût des longues lignes droites et l'étirement prononcé de tous les volumes du corps confèrent à l'ensemble de ces constructions une verticalité propre à ce style. L'attitude est alors statique, rigide et le personnage semble contracté, étriqué, resserré sur lui-même comme si ses mouvements étaient entravés. La tête est portée par un cou puissant et massif dans l'axe du corps. Le visage montre, lui aussi, tous les signes de cette conception formelle. De face, il apparaît à l'observateur complètement plat et sans modelé. Les yeux sont représentés sous forme de triangles aux angles aigus, l'arête du nez disparaît dans l'ensemble du visage ce qui lui confère un parfait « profil grec ». Les narines apparaissent en saillie légère mais n'en demeurent pas moins dilatées en largeur. La bouche, fréquemment entrouverte sur les dents, est formée de lèvres à la fois larges et plates. Les coiffures ne dérogent pas à la règle et perdent leur complexité et leur volume au profit de compositions plus sobres et surtout plus plates. Les cheveux courts ou rasés ont la faveur des artistes.
Le style Expressionniste se caractérise par une conception beaucoup plus plastique que celle du style Nok Classique en poussant au paroxysme les moyens plastiques habituellement utilisés. Au niveau du visage, le style Expressionniste se particularise par un développement en volume très prononcé de certaines parties. La bouche et le nez accusent l'hypertrophie la plus sensible. Si elle concerne peu l'arête nasale, plus courte qu'à l'accoutumée, il n'en va pas de même des narines très dilatées. Elles prennent la forme d'un quart de cercle et dans leur continuité viennent se placer les moustaches. La bouche, particulièrement ample est toujours ouverte. Les lèvres sont larges, plates et très volumineuses. Les yeux et les pupilles gagnent aussi en superficie mais leur augmentation est plus ou moins sensible selon les sculptures. Le strict triangle oculaire du style Classique est, ici, adouci au profit d'une forme en amande ou en demi-cercle. Le bourrelet du contour de l'œil, souvent développé à outrance, les sourcils, particulièrement épais, accentuent la zone médiane du visage.
Le parti pris stylistique s'éloigne ainsi des conventions communes aux trois premiers styles. Ici, les linéaments du visage sont lourds et quelque peu disgracieux, perdant tout caractère d'idéalisation, tandis que les applications les plus extrêmes du style sont quasi caricaturales. Il résulte de l'hypertrophie des principaux éléments du visage une composition heurtée, avec des oppositions fortes entre les volumes très saillants et les surfaces plus planes, occasionnant de puissants jeux d'ombres et de lumière. L'expression des visages gagne en intensité.
Le style Naturalisant tente une restitution plus naturelle du visage. Ce dernier perd sa forme ovale caractéristique et gagne en rondeur. Les proportions du visage, sans atteindre un canon réaliste, sont plus organiques. Le front perd de sa hauteur, les yeux en demi-cercles s'éloignent de la forme triangulaire stricte et l'on constate même un rendu assez réaliste du gonflement de la paupière supérieure sur quelques têtes. Le nez court prend lui aussi du volume notamment au niveau de son arête alors que ses ailes, peu développées en largeur, sont fines et discrètes. La bouche est cernée par des lèvres toujours épaisses mais plus modelées et plus gonflées que dans les autres styles. Le menton est aussi moins fuyant et nettement visible. Le modelé du visage paraît également plus naturel grâce, notamment, à la sensation du squelette sous-jacent à la peau au niveau des arcades sourcilières, du nez, des joues, des pommettes et du front. Cette quête de naturalisme met aussi à mal la convention d'idéalisation de l'art Nok. Si de nombreux visages du style Naturalisant apparaissent toujours juvéniles, d'autres laissent transparaître le travail du temps. On constate ainsi, chez les hommes, des calvities et l'apparition de rides encadrant la bouche sur quelques représentations féminines.
Les datations récentes nous éclairent sur le cheminement des formes et des styles. Il semble que les styles Classique, Courbe et Maniéré, Expressionniste et Naturalisant se soient succédé même s'il s'avère encore difficile d'établir des bornes chronologiques précises. Le style Classique (Xe-VIIIe siècle avant notre ère) et le style Courbe et Maniéré (IXe-VIe/Ve siècle avant notre ère) seraient les deux plus anciens connus. Le style Expressionniste, quant à lui, se serait développé aux environs du VIe ou du Ve siècle avant notre ère, tandis que le Naturalisant débuterait vers le Ve pour s'achever vers le IIe siècle avant notre ère. Malheureusement, nous ne possédons aucune information chronologique pour le style Graphique.
Cette chronologie stylistique, encore balbutiante, nous montre les investigations formelles réalisées par les artistes en adéquation avec l'évolution de leur société. À la perfection des modelés et au respect scrupuleux des conventions de représentation succèdent des formes, notamment dans les styles Expressionniste et Naturalisant, qui s'éloignent de la rigueur des styles plus anciens.
Claire BOULLIER

3.  L'art dogon

Le site grandiose des falaises de Bandiagara au Mali abrite la vieille civilisation des Dogon, qui a depuis longtemps frappé les visiteurs par la hardiesse de son architecture, la vitalité de ses rites, la beauté de son art et de ses manifestations culturelles. Leur « découverte » scientifique en 1931 par la mission Dakar-Djibouti dirigée par Marcel Griaule, et les nombreuses publications qui ont suivi ont contribué à leur célébrité, ainsi que plus récemment le classement du site au patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. Tous ces facteurs ont développé un tourisme effréné, dont l'influence n'est pas que bénéfique. La progression de l'islam, auquel les Dogon ont longtemps résisté, provoque aussi des changements culturels importants, même s'il coexiste souvent avec des croyances et des pratiques anciennes.
En dépit des changements, les réalisations de l'art dogon à travers leur histoire doivent être considérées comme produites par une culture qui les a imprégnées de sens. Que les objets soient rituels ou usuels, aucun motif sculpté, gravé ou peint n'a été choisi au hasard. Au contraire, il est en rapport étroit avec leur fonction et leur signification dans la vision du monde. Chacun doit se lire, disent les Dogon, comme une « parole ».

  La vision du monde

Pour les Dogon animistes, un grand mythe cosmogonique raconte la création du monde par le dieu Amma. Deux jumeaux androgynes furent les premiers êtres créés. L'un, Nommo, maître de l'eau, de la fécondité et de la parole, fut sacrifié pour purifier la création perturbée par l'autre, Yourougou (le Renard pâle), révolté et incestueux, associé à la stérilité et à la mort. Nommo ressuscité descendit du ciel sur une arche portant quatre couples de jumeaux, ancêtres de l'humanité, et les animaux et végétaux destinés à peupler la terre. La lutte perpétuelle entre les deux principes contraires est le moteur de la marche du monde.
La notion de parole tient une place fondamentale dans la pensée dogon. La parole d'Amma a créé le monde. Au niveau terrestre, elle est fécondante, indissociable de la personne humaine dans laquelle elle se forme, et un rouage essentiel de la communication sociale. La tradition est garante de la survie du groupe. Une importante littérature orale, objet d'une recherche esthétique formelle, assure la transmission des modèles culturels. L'art de la parole a une influence bénéfique et fécondante sur la société.
La langue dogon, apparentée au groupe voltaïque, emprunte au mandé pour son lexique. Les termes cités ici dans une transcription simplifiée appartiennent au dialecte de la falaisetoro so (région de Sanga).
Amma a mis dans chaque élément de la création un message destiné aux humains. C'est la « parole du monde » (aduno so), c'est-à-dire le symbole, base de la classification des êtres et des choses en « familles », réunies entre elles par un système de correspondances qui constituent une explication de l'Univers.
Cette lecture symbolique de leur environnement constitue une des clés de la vision du monde des Dogon. Chaque être ou objet, interprété comme porteur de sens, est mis en rapport avec les préoccupations fondamentales de la société dogon : survie par la fécondité, succession des générations, fertilité du sol. Cette interprétation symbolique permet de comprendre la fonction et la signification de l'art.
فدوى
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  La sculpture

L'art dogon est surtout connu pour ses sculptures. Les sculpteurs sont généralement les forgerons, sauf en ce qui concerne les masques, autrefois taillés par leurs porteurs. Beaucoup de ces œuvres sont liées à des institutions religieuses. D'autres sont des objets fonctionnels, mais ils sont décorés, leur facture est soignée et on les juge également « beaux » (ezu, terme signifiant aussi « bon »).

Les masques

Les danses des masques sur la place publique à l'occasion des funérailles et des levées de deuil (dama) sont les plus spectaculaires et les plus connues des cérémonies rituelles des Dogon. La société des masques (awa) est réservée aux hommes. Le mot iminadésigne non seulement le masque lui-même mais l'ensemble de son costume, des emblèmes, du rythme et de la danse qui lui sont propres. Les masques sont soit en bois, maintenus par une baguette serrée dans la mâchoire du porteur et par un filet de tête, soit faits d'une cagoule de fibres tressées. La stylisation géométrique des masques de bois est extrême : une arête pour le nez, deux cavités pour les yeux, parfois une bouche. Certains sont surmontés de statuettes, d'autres de cimiers ou de mâts plus ou moins hauts. Les masques d'animaux portent des cornes, des oreilles ou des appendices divers. Ces signes particuliers les font reconnaître, ainsi que leur danse, dont l'interprétation directe est facile, même si la signification symbolique s'avère plus complexe. Mais il est interditd'identifier le danseur, qui ne fait plus partie des vivants et n'émet que le cri spécial des masques, assimilé au cri étranglé du Renard mythique privé de la parole.
Les masques sont peints des couleurs des quatre éléments constitutifs de l'univers : noir (eau), rouge (feu), blanc (air), jaune ou ocre (terre). Le costume traditionnel comportait une jupe courte de fibres rouges, une jupe longue de fibres noires, et un baudrier ou soutien-gorge. Les teintures étaient autrefois d'origine végétale ou animale ; au XXe siècle les couleurs des jupes sont plus variées.
Le sigi, célébré tous les soixante ans dans la falaise, rappelle à la fois la révolution d'un satellite de Sirius, la mort et la résurrection sous forme de grand serpent d'un des premiers ancêtres et le renouvellement des générations. Les danseurs ne sont pas masqués, mais portent un costume spécial dit aussi imina (pantalon noir, baudrier orné de cauris, bonnet blanc) et des emblèmes à la fois masculins (sacoche de cuir, crosse-siège, chasse-mouches) et féminins (bijoux et à date récente maquillages) car ils représentent l'androgynie originelle et la fécondité. Un « grand masque » (imina na), mât qui peut atteindre 10 mètres de longueur et se termine par un visage, est taillé et dressé au sol à chaque sigi en l'honneur du serpent-ancêtre, dont la marche est évoquée par la danse sinueuse des hommes en file indienne. Une langue secrète (sigi so) est enseignée aux initiés. Elle est aussi utilisée par les vieillards pour encourager les masques lors de leurs sorties.
Si les masques, leur fabrication, leurs costumes et leurs danses, ainsi que les rituels qui leur sont liés, ont été décrits par Marcel Griaule dès 1938, les commentaires sur leur signification se sont approfondis au fur et à mesure de la progression dans la connaissance de la cosmogonie. Les premiers récits attribuaient l'invention des masques d'animaux à des chasseurs pour fixer la force vitale dangereuse (nyama) du gibier tué. On sait maintenant que les masques évoquent les ancêtres et différents épisodes du mythe. Le Guérisseur, par exemple, est aussi bien le praticien actuel que l'ancêtre mythique qui fut le guérisseur originel. Le célèbre kanaga, dit « en croix de Lorraine », d'abord interprété comme un oiseau, évoque pour les initiés Amma montrant la création terminée et mettant l'univers stellaire en mouvement. Le sirige, « maison à étage », surmonté d'un mât qui peut dépasser cinq mètres, figure la descente de l'arche de Nommo.
La danse des masques sur la place publique, source de grande émotion esthétique pour les Dogon, représente le monde en couleurs et en mouvement. Elle redonne vie aux morts et met en scène le système du monde.

La statuaire

Des statuettes et des objets de culte recouverts d'une patine sacrificielle ont été retrouvés dans les grottes des falaises de Bandiagara et attribués par les Dogon aux Tellem, leurs prédécesseurs dans la région. Ces statuettes, aux bras souvent levés, sont très stylisées et pourtant expressives. Récupérées par les Dogon, elles semblent avoir influencé leurs propres œuvres.
Les statuettes dogon masculines et féminines (dege) représentent les ancêtres mythiques. Beaucoup sont bisexuées, en écho à l'androgynie primordiale. Objets de culte, elles se trouvaient dans les sanctuaires totémiques, dans les maisons de famille ou dans des autels particuliers. Les personnages sont tantôt géométrisés, hiératiques, bras le long du corps, tantôt en mouvement. Nommo lève un bras, ou les deux, ou les mains jointes, pour demander la pluie ou implorer Amma. Des cavaliers figurent Nommo ou le Hogon (doyen d'âge et chef religieux, prêtre de la Terre) ; des femmes sont représentées assises, agenouillées, portant ou allaitant un enfant, des couples se tiennent par la main ou par le cou. Des détails de coiffure, de scarifications, de parures (bijoux, labrets) sont rendus avec réalisme. Cette statuaire ancienne, d'une grande variété de styles, témoigne de la créativité de ses auteurs et possède une force d'expression remarquable.

Objets rituels

Citons à titre d'exemple des objets attachés à la fonction du Hogon : coupes cérémonielles surmontées d'un cavalier, tabourets dont les pieds sont des figures d'ancêtres. Dans leginna (maison de famille où le patriarche célèbre le culte des ancêtres), le bac sculpté en ronde bosse (ancêtres et crocodile) qui reçoit la viande sacrificielle figure l'arche du monde (aduno koro).

L'art du métal

Les anciens forgerons exécutaient pour les dignitaires des bijoux à la cire perdue en cuivre ou en laiton (bagues ornées de seins ou de cavaliers, pendentifs, bracelets). Des colliers de femme en perles de verre bleues supportant une petite clochette de cuivre évoquaient Nommo, l'eau et la parole. Au fronton des sanctuaires totémiques figuraient des crochets de fer représentant Nommo sacrifié, bras étendus pour attirer les nuages de pluie.

  La peinture

Les peintures rupestres à destination religieuse (bami), associées aux masques et à la mort, sont exécutées par les vieillards dans les grottes réservées aux activités des masques. Elles sont généralement de couleur rouge, symbole du feu, du sang et de la mort. On y trouve de nombreuses représentations de masques, montrés seuls ou avec leurs porteurs, mais aussi d'objets rituels comme la sacoche des danseurs du sigi. D'autres peintures, profanes, noires ou blanches ou tracées à la terre, s'observent dans les abris de circoncis, de chevriers ou les lieux de repos des hommes. On les appelle du terme général tongu, qui signifie « dessin » ou « schéma ». Ils s'apparentent plutôt à des « graffes » et leurs sujets sont très variés : masques, animaux, personnages divers.
Toutes ces réalisations témoignent souvent d'un sens étonnant de la schématisation des formes et de l'évocation du mouvement (danse des masques).
Chaque année, au moment de la fête des semailles, les façades des sanctuaires totémiques de binu, où est célébré le culte de Nommo, se couvrent de peintures. Parmi les motifs fréquents, citons les damiers (la couverture des morts à carreaux noirs et blancs, image des champs cultivés), les lignes de chevrons (l'eau et la parole), les serpents verticaux ou horizontaux (l'eau tombant du ciel ou ruisselant sur la terre). Exécutées à la bouillie de mil blanche, ces peintures sont censées favoriser la vie, la pluie, la fécondité et la fertilité. Comme disait Ogotemmêli à Marcel Griaule, « elles aident le monde à continuer ». Mais elles sont vivantes, donc éphémères, fragiles comme tout ce qui vit. D'où la nécessité de les renouveler souvent.

  Les objets fonctionnels

Une simple épingle à cheveux de type ancien, taillée en pointe dans un bois dur et noir, est l'image du cosmos. Les quatre biseaux arrondis de l'extrémité supérieure sont les « clavicules » d'Amma fermées (« œuf du monde »). Les quatre faces portent trois enroulements de fils d'aluminium (le serpent de l'eau qui entoure la terre), séparés par des signes gravés en forme de M (ouverture des clavicules et expansion de la création). L'ensemble évoque la superposition de la terre et des « ciels » (les couches de l'atmosphère). Cet objet glorifie la femme, par qui se perpétue l'humanité, et aussi la coiffure, marque de la socialisation.
Chacun peut de nos jours encore mettre sur son grenier une serrure de son choix, achetée au marché ou commandée à un forgeron. Des serrures de facture beaucoup plus élaborée, faisant souvent partie d'un volet également sculpté, étaient autrefois réservées aux dignitaires (patriarches, Hogons, prêtres, hommes riches) auxquels les forgerons les offraient pour obtenir en échange cadeaux et protection. Tout en remplissant leur fonction de fermeture, ces objets étaient donc admirés de tous.
La serrure (tan koguru, « qui adhère à la porte ») est anthropomorphe ; ses parties s'appellent tête, cou, ventre, dos, pieds. Le mouvement qui fait manœuvrer le pêne, mâle, dans le creux du coffre, le « ventre », est l'acte sexuel ; la clef est « l'enfant de la porte ». Le grenier fermé, rempli de céréales, est une femme enceinte. Ouvrir la porte pour faire sortir ces richesses évoque un accouchement.
Pour décorer une serrure, le forgeron avait à sa disposition un corpus de motifs et de thèmes qu'il choisissait en fonction de la destination de l'objet. Le respect des règles de choix et de disposition des motifs ne l'empêchait pas de faire appel à son imagination créatrice et à son talent personnel pour l'interprétation de la norme. On est frappé de constater à quel point ces artistes ont su jouer des variations sur un thème et renouveler les possibilités d'association des éléments d'un corpus rigoureux.
La tête de la serrure porte un motif figuratif sculpté : personnages humains (jumeaux, personnage seul, cavalier), animaux (antilope, oiseau, tortue, crocodile). Le coffre associe motifs figuratifs en champlevé (animaux, masques) et motifs géométriques : lignes de chevrons horizontales ou verticales (l'eau) ; lignes droites incisées ou en relief (la terre) ; grilles plus ou moins fines (le tissage, la pluie, les champs ou les semences). La décoration du coffre est commandée par la sculpture de tête, choisie en fonction du destinataire et du grenier où sera placé l'objet. L'ensemble forme un message en rapport avec le rôle qui lui est attribué : favoriser la fécondité, agir sur l'arrivée de la pluie essentielle pour l'agriculture...
Les serrures de jumeaux, très répandues, rappellent que dans les desseins du créateur toutes les naissances devaient être gémellaires et qu'ils sont associés à Nommo. On trouve donc sur les coffres des lignes de chevrons, des motifs en X, placés dans des rectangles ou formant grille (le tissage et la parole), ou encore des carrés concentriques (la maison de famille ginna). Ces serrures, gage de fécondité, étaient offertes aux chefs de famille ou aux prêtres totémiques.
Sur les portes des ginna figurent des rangées de statuettes identiques en ronde bosse, en relation avec la fécondité et la succession des générations, de même que les seins, également fréquents. Les poulies du métier à tisser sont surmontées d'un personnage unique ou de jumeaux, parfois accolés dos à dos. Ces figures évoquent Nommo, car le grincement de la poulie (so keru, « parole secrète ») rappelle qu'il a révélé la parole aux hommes au moyen du tissage.
فدوى
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L'architecture

La devise poétique des ancêtres fondateurs les appelle « Équilibreurs de degrés », en hommage à leur travail titanesque d'aménagement de ces chaos de rochers. Les grandioses constructions des Tellem, greniers en forme d'obus ou maisons flanquées de petites tours carrées, protégées par les auvents de la falaise, ont subsisté jusqu'à nos jours et sont réutilisées par les Dogon. Quant aux villages actuels de la falaise et du plateau, ils accrochent aux rochers leurs maisons à terrasses et leurs greniers carrés coiffés d'un chapeau de paille conique. Le plan de la maison est l'image du corps humain, comme l'attestent les cuisines rondes figurant la tête qui s'observent encore. La « grande maison » de famille est remarquable par sa façade ornée de niches dites « trous d'hirondelles », représentation des huit ancêtres et de leurs descendants. Les greniers sont souvent décorés de motifs en relief dans l'argile. Autre édifice important de chaque quartier, le togu na, lieu de réunion des hommes et maison de la parole, est un abri formé d'un toit de plusieurs épaisseurs de bottes de tiges de mil reposant, dans la falaise, sur des piliers de pierre et, dans la plaine, sur des poteaux de bois richement sculptés de motifs en ronde bosse, relatifs à la fécondité, à la succession des générations, à la création du monde (couples, seins, rangées de points ou de traits, masques, astres).
Dans l'art dogon traditionnel, le respect des règles coexiste avec la recherche esthétique, même si les critères d'appréciation ne sont pas forcément les mêmes que ceux des collectionneurs occidentaux et s'ils ne font pas toujours l'objet d'un discours explicite.
À date ancienne, il y avait déjà des transgressions, par exemple dans l'agencement des motifs des serrures. Dans certains domaines, la création était licite. De tous temps, des masques nouveaux ont été introduits, de manière temporaire ou définitive, en fonction des circonstances (masque « Madam » créé après l'arrivée de la première femme ethnologue, masque « Policier » à date beaucoup plus récente). Un des exemples les plus connus de l'évolution des formes est le togu na du village de Banani, en pleine zone touristique, où depuis 1975 on a substitué aux anciens piliers de pierre une décoration surabondante de figures de masques, d'animaux et de personnages mythologiques modelés en relief dans le banco et peints de couleurs vives.
Les Dogon concevaient leur art comme une sorte de thérapeutique, un moyen de lutter contre l'impureté et la mort. « Il est une aide mise à la disposition de la vie, il est une lutte contre la pourriture des formes » (M. Griaule, Dieu d'eau). Il est donc une forme de résurrection et il contribue à la marche du monde.
Geneviève CALAME-GRIAULE

4.  Arts de l'Afrique centrale

Les peuples iconophiles de l'Afrique équatoriale possèdent tous un même héritage, dont les expressions les plus anciennes, toujours conservées, se sont transformées et adaptées selon le contexte géographique, historique et humain.
Les recherches actuelles confirment que le noyau bantou originel se situe dans la moyenne Benue, au Nigeria, 3000 ans avant J.-C. L'afflux des populations, à la suite de l'assèchement de la zone sahélienne, les conduisit à se diriger vers le sud. Les unes sont entrées en Afrique équatoriale par les voies fluviales de la Sanaga et de l'Oubangui pour former le noyau bantou occidental dans l'ouest du Congo-Kinshasa, le nord de l'Angola et le Congo-Brazzaville. Une autre partie, progressant par voie terrestre, aurait infléchi son trajet vers l'est, longeant la chaîne des Grands Lacs et aurait formé le noyau bantou oriental localisé d'après les linguistes dans la région des lacs Kisale-Upemba le long du Lualaba, le cours supérieur du fleuve Congo. Les signes culturels s'inscrivent dans les institutions qui se répartissent différemment dans les deux grands biotopes, forêt et savane. Les références restent celles des ethnies, tout en sachant que leurs limites sont traversées par nombre d'institutions.

  Les traditions culturelles dans les zones forestières

Le village constituait l'unité dominante dans le bassin intérieur de la grande boucle du moyen Congo. Sur une vaste région allant du Haut-Ogooué au Maniema du Nord, la famille avait accru son importance au détriment du village, mettant en valeur les biens acquis, des objets en métal, et un système de successions favorisant le développement des lignages. L'organisation sociale était variée et complexe, et les lignages se lièrent aussi dans des ensembles plus vastes. Sur le plan artistique, ces ensembles se subdivisent en trois zones.

La zone occidentale du fleuve Congo

Les Kwele
Liés aux populations de l'Ogooué qui vivaient au nord-est du Gabon sur les terres irriguées par l'Ivindo, les Kwele font partie d'un sous-groupe d'origine Maka-Djem du Sud-Cameroun. Poussés par les Fang dans les régions de la grande forêt équatoriale, ils s'établirent les uns au Gabon, les autres au Congo-Brazzaville. Ces derniers ont conservé les traditions anciennes et l'art de sculpter les masques. Comme les Kota et les Mahongwe de Mékambo, ils recueillaient les crânes des défunts dans des paniers, et sculptaient des têtes funéraires. Ils sont surtout connus par des masques faciaux pipibudzè parfois bifaces, des masques à cornes enveloppantes, des masques à trompe, et des masquesgong à l'apparence de gorille mâle. Ils sculptaient aussi, pour lutter contre la sorcellerie, des masques-heaumes à plusieurs visages, les ngontangang. Leurs forgerons façonnaient des armes de guerre et de chasse.
Les Mbede-Obamba
À l'est des Shake, les Mbede-Obamba occupent les terres proches des populations de la Likouala et de l'Alima. Ils pratiquent le culte des ancêtres, sculptant de rares effigies en bois, d'allure hiératique. Des scarifications peuvent ponctuer la sculpture. Plusieurs figures, peu nombreuses, ont été attribuées au même sculpteur « le maître d'Abolo ».
Les Mbede façonnent aussi des figures en terre cuite qui ont les mêmes caractéristiques. Des coffres et des boîtes servaient également de reliquaires. L'archétype des effigies mbede se reconnaît sur les plus anciennes statues teke, et même sur des œuvres yansi du Congo-Kinshasa.
Les Kota Ndasa et Wumbu
Seuls deux groupes des Kota méridionaux, les Ndasa et les Wumbu, résident au Congo. Là encore, le culte des ancêtres reste florissant. Des reliques des personnes importantes, tels les chefs de lignage et les prêtres devins, les nganga, étaient conservées dans des paniers de vannerie, dans lesquels des figurines en bois étaient recouvertes de plaques et de lamelles de cuivre ou de laiton.
Les Babangi-Yansi
Quelques rares masques faciaux concaves, taillés en réserve, et qui se caractérisent par des yeux ajourés composés de petits cylindres, un plan nasal étiré aux ailes rectilignes, une petite bouche cylindrique et prognathe, ont été attribués aux Babangi, appelés aussi les Yansi. Ces masques ont été rapprochés par la danse des Babangi, qui résident à la confluence des rivières Alima et Likouala.
Les Kuyu
Au centre-est du Congo, sur la rivière du même nom, les Kuyu se répartissent en deux clans totémiques : celui de la panthère à l'ouest, et celui du serpent à l'est. Au cours des fêtes kebe-kebe, ils promenaient des marottes en bois polychrome, à la frontière du masque et de la marionnette. De grandes statues ancestrales polychromes font également partie de leur patrimoine.

La zone de l'Oubangui-Congo

Dans la zone de confluence de l'Uele et du Bomu, les Ngbandi fondèrent de petits royaumes. Ceux-ci, ainsi que ceux de leurs voisins, possèdent des statues d'ancêtres, honorant les fondateurs des lignées dominantes. Se sentant menacés, les Ngombe se renforcèrent en s'unissant sous un ancêtre commun, représenté aussi dans des effigies en bois. Militarisés comme les Ngbandi, ils utilisèrent des épées, des couteaux de jets et de lances. Ils furent forcés de se replier vers le sud et l'ouest. Sur le plan artistique, les Ngbaka, dont les langues se rattachent aux parlers camerounais, sculptaient des masques taillés en réserve en forme de cœur. Des incisions ou scarifications apparaissent sur la crête nasale, le front et les tempes.

La zone de la cuvette congolaise et du Maniema

Des Mbole aux Metoko
Les Mbole et les Yela appartiennent au peuple mongo par la langue et la culture. Ils résident sur les rives de la Tshuapa et de la moyenne Lomami. L'institution dirigeante était celle du Lilwa, qui règlait les relations entre les lignages majeurs (okenge). Leur production artistique, connue par des statues aux bras ballants le long d'un corps étroit, évoque de façon symbolique des hommes pendus rappelant l'importance des règles institutionnelles du Lilwa. De rares masques ovales ou rectangulaires sont taillés en deux plans recouverts des couleurs rituelles.
Les Lengola, qui recouvrent aussi des populations metoko et komo habitant près du Lualaba, représentaient leur ancêtre fondateur par une figure cultuelle démesurée, Ubanga Nyama, dressée au milieu du village à la mort d'un chef. Ce type de figure se rencontre aussi au Gabon, chez les Tsogho. D'autres statues, au visage toujours façonné selon une technique de taille en réserve, apparaissaient dans l'association du Bukota. Les similarités structurelles entre les institutions du Bwami chez les Lega, et du Bukota chez les Metoko et les Lengola, mettent en évidence des origines communes. Quant aux Jonga, ils sculptaient des statuettes schématiques polychromes au visage taillé en méplat.
Les Lega et les Bembe
Les forêts tropicales du sud-est du Congo-Kinshasa constituent un continuum culturel, qui relie les traditions des populations entre elles. Le foyer artistique le plus important des Lega se situe dans les groupements méridionaux. L'association sociopolitique hiérarchisée du Bwami donne la clé d'interprétation des figurines, pour les masques et des objets rituels utilisés dans les différents degrés de l'association. Il en va de même des masques, grands ou petits, façonnés dans le bois, l'ivoire ou l'os, et souvent teintés d'un enduit blanc. Cet art grandiose était vu uniquement des membres éminents de la société lega.
Guerriers et chasseurs, les Bembe, patrilinéaires, ont une structure semblable au Bwami des Lega, mais plus simplifiée. Des masques janiformes de taille exceptionnelle (ibulu iya alunga) ont l'aspect d'immenses cavités oculaires, qui soulignent l'importance de discerner les redoutables esprits de la nature.
فدوى
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 Les anciens royaumes de la savane

Les savanes subéquatoriales furent le lieu privilégié de l'émergence de royaumes. À travers de lentes germinations, des périodes de maturité, de déclin et de reprise, des sociétés iconophiles furent en contact avec d'autres peuples, iconophiles ou non. Vainqueurs, ils imposèrent leur culture ; vaincus, ils purent transmettre leurs techniques et influencer par leurs institutions la vie des groupes dominants.

Les royaumes kongo, loango et tio

Les premiers royaumes se rattachant au noyau bantou occidental émergèrent au milieu de multiples principautés reliant la famille à l'État. Le royaume kongo se développa sur la rive orientale du bas Congo et celui du Loango sur la côte au nord-ouest ; tous deux sont marqués par une centralisation de la justice et du pouvoir militaire. Quant au royaume tio, il s'établit sur les plateaux occidentaux dominants le Pool Malebo et s'étendit progressivement à l'est, sur les deux rives du fleuve Congo, à l'ouest vers la haute Ogooué. Ces trois royaumes seraient nés au début du XIVe siècle. Malgré nombre d'institutions communes, ils témoignent, dans leurs traditions culturelles, de grandes différences. L'idéologie royale au Loango et au Kongo est centrée sur l'homme fort, le justicier et l'ancêtre. Celle des Teke, moins forte, repose sur les forces ancestrales liées aux esprits de la nature.
Le royaume kongo est le mieux connu grâce à ses relations avec le Padroado portugais, qui permettait au roi de se substituer au pape pour l'administration des territoires colonisés. La cohésion et l'expansion du royaume kongo s'appuyèrent sur le rassemblement des principautés environnantes, et sur la supériorité de l'armement en métal. Son art s'est diversifié selon la production des Vili, des Woyo, des Yombe, des Sundi et des Manianga. Dans le culte phemba, c'est la femme ou la mère qui est sculptée de façon réaliste, couverte de scarifications. À côté de statues funéraires, les statuettes magiques nkisiincarnent les esprits de la nature, tandis que les grandes statues à clous, ou Nkonde, jouent un rôle judiciaire. Des sculptures lithiques anthropomorphes ou non sont placées sur les tombes. Les Kongo connaissaient l'art du métal présentant des crucifix, souvent conservés dans les trésors des chefferies. De beaux masques faciaux, rehaussés d'argile blanche, étaient utilisés par les devins ; les Woyo possèdent des masques polychromes et des disques à proverbe, signes idéographiques taillés en ronde bosse.
L'existence du royaume tio, reliant les sous-groupes teke, est mentionnée par divers chroniqueurs du début du XVIe à la fin du XVIIe siècle. Parmi les emblèmes d'autorité du roi et de ses délégués, la corbeille sacrée (nkobi a mpieme) en écorce cousue revêtait une grande importance, car elle contenait l'argile blanche et des reliques prélevées sur le cadavre des chefs décédés. Outre la coiffure et le pagne rouge, les signes portés étaient le grand collier en laiton et les bracelets d'investiture, les peaux de félins, le chasse-mouche et la hache cérémonielle céphalomorphe. Des lingots de fer natif roulés dans des nattes, les enclumes sacrées, les statuettes cultuelles et les masques appartiennent également à leurs traditions. La femme occupait dans les rituels, les danses et les sociétés de masque une place souvent sous-estimée. L'association du nkhita était importante, et revêtait une signification thérapeutique s'opposant aux esprits mangeurs de l'âme des sorciers.
Seuls les Teke Tsaayi, qui occupent les terres du centre-est du Congo-Brazzaville, possédaient des masques. Ceux-ci se présentent sous la forme d'un disque plat dont la moitié supérieure est en léger surplomb. Les couleurs sont vives. Les symboles renvoient à une connaissance ésotérique des forces de l'Univers.

Les Bembe et les Bwende

Des figurines représentent les ancêtres idéalisés, chasseurs ou prêtres devins de ces populations villageoises. Des ingrédients magiques consacrent ces objets, comme c'est le cas chez les Kongo. Ils possédaient de grandes figures anthropomorphes en étoffe de teinture rouge. Chez les Bwende, proches des Bembe et des Teke, le culte des ancêtres, original, consistait à revêtir le défunt (niombo) de fibres végétales ou d'étoffes.

Les peuples du Kwango-Kwilu

Les Holo, les Yaka et les Suku
Le Kwango, la Wamba, le Kwilu et leurs multiples affluents coulent dans des vallées forestières denses et humides, orientées du sud au nord, découpant le relief en plateaux composés de savanes herbeuses. Les Nkanu, Yaka, Suku, Mbala, Holo et Hungana, matrilinéaires, suivaient forcément ces axes migratoires. Les confréries fondant les rituels de passage (la circoncision notamment), de divination et de guérison dominaient leurs institutions.
La symbolique de la statuaire, des charmes d'une étonnante variété et des masques yaka était liée à des forces supranaturelles vénérées dans les rites des confréries. Dans la partie méridionale des Yaka, les masques étaient ornés de figurines de quadrupèdes, d'antilopes et de buffles ainsi que de scènes villageoises, érotiques et légendaires. Des masques géants en bois, plus fréquents chez les Suku, portent le nom de kakungu et dekazeba. Quant à la statuaire, naturaliste, elle présente les traits suivants : des yeux ouverts en amande dans de larges orbites concaves, le nez retroussé, des oreilles saillantes. Le thème de la femme agenouillée est aussi connu des Kongo.

Le royaume kuba

Établi dans le centre du Congo-Kinshasa, au milieu d'un réseau de rivières courant du sud vers le nord-ouest, le royaume kuba se développa à partir d'une concentration inégale de ressources entre les groupes environnants. L'exaltation de l'homme fort, qui devint un roi sacré, et des conquêtes fit le reste. Outre les chefs bushoong de rang royal, le souverain, le Nyim, d'origine divine, dirigeait une organisation extrêmement complexe d'une centaine de hauts dignitaires. La statue royale, le ndop, représente le souverain. Sculptée du vivant du roi, elle était utilisée lors de l'intronisation de son successeur. Trois masques royauxmosh'ambooybwoom et ngady a mwaash évoquaient le mythe de la fondation du royaume.
Les Kuba (« le peuple de l'éclair ») ont un sens décoratif très développé. Leurs tissus kuba sont célèbres et d'une variété extrême. Les boîtes à fard, les coupes, les gobelets des dignitaires, les pipes, les peignes, les instruments de musique, tout est décoré par des artisans spécialisés. Cette production revêt un aspect aristocratique, distinguant les couches de la population. D'autres groupes voisins, les Leele, les Wongo, les Kete et les Ndengese ont développé un art original en relation avec celui des Kuba.

Les Pende et les Cokwe

Matrilinéaires, les Pende remontèrent de l'Angola par la Lukala, affluent de la Cuanza, et serépartirent en deux groupes. Les Pende occidentaux s'établirent sur les deux rives du Kwilu, dans le territoire de Gungu. Les Pende orientaux habitent les rives du Kasaï en aval de Tshikapa. Leur art s'est épanoui à partir de la décoration de cases cheffales et de nombreux objets : statuettes, cannes de palabre aux motifs zoomorphes et anthropomorphes, pieux sculptés évoquant des ancêtres, têtes d'oracle, chaises et tabourets, herminettes et haches d'apparat, sifflets et masques-amulettes – les ikhoko –, coupes, hanaps, mortiers, masques mbuya multiformes et masques minganji. Les influences sont diverses, et témoignent de leurs relations avec leurs voisins : les Mbala, les Suku, les Wongo et les Leele, les Kuba et les Salampasu... les Pende orientaux avaient un art original entre les Kwilu et le Kasaï, tels les masques faciaux des Akwa Pinda de Tshikapa et les masques cloches kipoko.
Les Cokwe, matrilinéaires, habitant le long de la Lulua, du Kasaï et du Kwilu, constituent l'extrémité d'un rameau de populations occupant l'est de l'Angola. Leur héros culturel, le chasseur errant Tshibinda Ilunga, est représenté avec un raffinement inégalé dans un art de cour, à côté d'autres représentations : sièges, tabatières, sifflets, et de trois grandes catégories de masques, les masques sacrés (cikungu) les masques utilisés dans les rites d'initiation (mukanda) et les masques de danse (pwo) où la jeune femme, idéal de beauté, danse avec le sage, l'ancien (cihongo).
La statuaire luluwa conserve la trace des vagues successives d'apports sociaux qui ont marqué la région de Kananga, celle des Kete, des Luba, des Kuba, des Cokwe, des Pende et des Songye. Leur statuaire originale, empreinte de scarifications, célèbre les chefs locaux, les figures féminines et les maternités. D'autres groupes voisins taillent des masques, tels le masque ngongo munene en cuivre martelé des Dinga, le masquemvondo des Lwalu, des masques polychromes en bois et en raphia, parfois couverts de cuivre, des Salampasu, ou encore ceux des Bindji et des Kanyok.

Le royaume luba

Les tombes de Sanga près du lac Kisale et de Katoto sur le Lualaba supérieur précèdent de mille ans l'émergence du royaume luba au XVIe siècle, donnant à la culture luba une grande profondeur historique. Les arts luba illustrent à profusion le corps féminin debout, assis jambes tendues ou accroupies. La présence et l'action de la femme étaient liées au sacré, au politique et à la vie de tous les jours. Les porteuses de coupe la montrent comme support et vecteur de forces mystiques venues d'ailleurs. D'autres instruments sont utilisés lors des pratiques de voyance : des statuettes, des coupes, des calebasses, des pots en terre, des cadres divinatoires, des mortiers céphalomorphes. Dans l'univers politique, la femme gardait un rôle éminemment confidentiel, tout en demeurant omniprésente sur les sceptres, les porte-flèches de prestige, les haches d'apparat, les sièges à cariatide. Elle apparut enfin dans celui du jour et de la nuit, du retour de la nouvelle lune et des saisons, dans le cycle de la vie et de la mort. Sur les appuie-tête, les amulettes, les masques, sa présence s'affirme toujours comme un secret initiatique.

Les Songye

Les groupes songye se développèrent dans les savanes boisées bordant les rives de la Lomami. Leurs traditions culturelles et linguistiques ont de nombreux points communs avec celles des Luba, tel l'usage de calebasses divinatoires, de sièges à cariatide et de porteuses de coupe. Avec les effigies d'ancêtres qui servaient souvent de gardiens de village et de clans, les masques kifwebeFRIQUE NOIRE (Arts) Td_photo accompagnaient le Bukishi wa ntoshi, la magieblanche, et le Bukishi wa nkula, la sorcellerie rouge. À travers le magicien-guérisseur, lenganga et le sorcier ndoki, les mêmes signes pouvaient acquérir des significations opposées selon les desseins recherchés, les lieux et les temps. Les traditions sculptées se diversifient dans les styles occidentaux des Milembwe, Belande, Eki, et dans les centres stylistiques des Kalebwe et des Songye orientaux. Un groupe dissidant des Eki, les Nsapo-Nsapo quittèrent leur territoire d'origine pour s'exiler vers l'est dans la région de Demba, près de Kananga. D'une grande homogénéité, leurs traditions sculptées, remontant au début du XXe siècle, sont héritières des ateliers eki.
FRIQUE NOIRE (Arts) Pa081925Photographie
[size=13]Masque kifwebeMasque kifwebe. Bois. Luba, Congo. Collection particulière. 

Crédits: The Bridgeman Art Library/ Getty[/size]
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Les Kusu, les Hemba, les Boyo, les Tumbwe et les Tabwa
Les familles nobles des savanes orientales du Congo adoptèrent l'usage de sculpter leurs ancêtres, ce qui leur permettait d'en garder la mémoire et d'établir un arbre généalogique. À travers le culte qui leur était rendu, elles renforçaient l'autorité de leur lignage et affirmaient leur propriété du sol. Les Tabwa du lac Tanganyika, les Tumbwe, les Hemba entre la Lukuga et la Luika, les Kusu vers Kibombo, certains Tetela et les Songye développèrent une statuaire masculine, debout, les mains posées sur le ventre, signe de leur famille, les yeux mi-clos, ouverts sur un autre monde, veillant sur les leurs. Dans ces ateliers, les Hemba se forgèrent une grande réputation, en particulier par le style Buli, si caractéristique. La statuaire produite par les Boyo, des clans Basikasingo, aux sources de la Luama, constituent incontestablement des archétypes de cette production.
فدوى
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Les Mangbetu, les Azande et les Nzakara

Ces peuples d'origine soudanaise, au sud de l'Uele et de son affluent le Bomokandi, ouvrirent les arts de l'Afrique centrale à d'autres horizons. Leur sens esthétique exceptionnel, en comparaison des sociétés voisines, s'exprima par le décor, la couleur, le rythme, la musique, le dessin, tant au niveau des peintures corporelles que dans les grandioses palais princiers repris par les Azande. Ces derniers produisaient également des figurines de divination aux structures schématiques, d'une beauté archaïque. Les Mangbetu ont créé des harpes à cinq cordes au chevillier anthropomorphe, de grands tambours zoomorphes, des trompes royales et des xylophones. De même que des boîtes à miel, des armes, des vases en terre cuite, des cuillères, des appuie-tête, des pipes anthropomorphes, de grandes statues en bois clair de kapokier ou de parasolier portaient une coiffure en chignon à large bord. Ce type de coiffure était en usage dans le clan Vurungura des Azande.
Venant du Nigeria, les groupes constituant le noyau bantou occidental ont traversé la forêt équatoriale par la côte et la Sanaga-Ntem pour atteindre le royaume kongo. Les groupes se rattachant au bantou oriental ont contourné la forêt, non loin des Grands Lacs jusqu'à la dépression de l'Upemba, aux sources du fleuve Congo, pour s'orienter ensuite vers l'ouest, le bas Kasaï et renouer avec les royaumes tio et congo. Ce double courant enserre la forêt équatoriale dans un ensemble unique partageant les mêmes systèmes de production alimentaire, un même mode d'habitat, des formes d'institutions décentralisées, des signes culturels étonnamment proches. Cet héritage commun s'est forgé dans le secret des galeries forestières et des clairières, au contact de la nature souvent hostile et dangereuse, bénéficiant de l'expérience des pygmées, se nourrissant de sons, d'images, d'aphorismes, de couleurs et de formes semblables. Les grandes savanes subéquatoriales ont modifié profondément ces structures, tout en sauvegardant l'essentiel de ce qui a fait leur imaginaire et leur identité.
François NEYT
 

FRIQUE NOIRE (Arts)

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